Interview de Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à l'enseignement scolaire, à France 2 le 6 septembre 1999, sur la rentrée scolaire, notamment les mesures envisagées dans le cadre de la réforme du collège, l'heure de vie de classe et la volonté de faire émerger une "élite scolaire" au sein des lycées ou des quartiers.

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Média : France 2 - Télévision

Texte intégral

Q - Est-ce que le ministre de l'enseignement scolaire fait aussi sa rentrée puisque, en dehors des 12 5000 000 élèves, il y a aussi 1 300 000 adultes professeurs ou personnels de l'éducation ? C'est aussi votre rentrée scolaire.

- « Bien sûr, et puis vous auriez pu ajouter aussi a peu près 24 millions de parents d'élèves. Donc, ça fait beaucoup de gens, à la fois heureux, parce qu'il y a beaucoup d'élèves qui sont contents de rentrer ; beaucoup d'enseignants qui, sont aussi contents de reprendre la classe ; beaucoup de parents qui sont contents de voir leur enfant rentrer à l'école ; et puis aussi un certain nombre qui sont inquiets et qui ont un petit pincement au coeur, qui se demandent si tout va bien. Donc le message que je voudrais leur dire, c'est qu'on a essayé de faire en sorte que tout aille bien et que cette rentrée se présente sous le signe de la sérénité. D'abord parce que, surtout à l'école primaire, il y a beaucoup moins d'élèves mais que le nombre d'enseignants a été maintenu, donc on va pouvoir encore améliorer l'efficacité de l'école primaire, avec moins d'élèves par classes en moyenne. Et au collège, il y a un certain nombre d'actions qui entrent en application à cette rentrée et qui toutes ont pour objectif de mieux aider les élèves et de donner plus aux élèves les plus fragiles ou les plus en difficultés. »

Q - Alors justement la grande nouveauté cette année, c'est la réforme des collèges. Dans cette réforme, qu'est-ce que vous mettriez en avant de plus important et pour les élèves, et pour les parents, et pour les enseignants ?

- « Ce que j'ai voulu faire dans cette réforme c'est tirer les leçons de ce que j'ai vu bien fonctionner sur le terrain. Parce qu'en deux ans, je suis allée dans 150 établissements scolaires pour voir là où ça marchait bien pour comprendre pourquoi ça marchait bien, et pour en tirer un certain nombre de conclusions et les généraliser. C'est comme cela que j'ai décidé en effet de mettre en place en sixième et en cinquième, des heures de soutien scolaire parce que je crois qu'il faut, en sixième, partir du bon pied et que la suite de la réussite au collège, souvent, se joue en classe de sixième. Donc beaucoup de mesures concernent les élèves de sixième, d'abord un petit guide pratique… »

Q - Effectivement un guide des parents d'élèves pour la sixième qui est-une nouveauté de cette année, et il y a aussi « Mon journal de sixième » qui est le guide à l'usage des collégiens.

- « Voilà parce que souvent les parents ne savent pas ce qu'est le collège qui est attendu de leur enfant, les collégiens comprennent mal ou souvent un peu tard. On passe d'un univers très protégé, l'école primaire avec un seul enseignant ou quelques personnes adultes référence, à une classe ou l'on a 8 ou 9 enseignants, où il y a beaucoup plus d'élèves, où on est confronté aux grands de troisième, où l'on ne comprend pas toujours le sens de l'effort scolaire qui est demandé le contenu des matières et des disciplines. Il m'a semblé important, comme cela se fait déjà dans certains collèges, de bien expliquer aux élèves où ils se trouvent en classe de sixième, ce qu'ils vont faire. II y a aussi un guide à destination des parents pour qu'ils aident le mieux possible leur enfant à réussir. Il faut bien cadrer les élèves dès le départ, il faut les aider, il faut les épauler, ils en ont besoin. »

Q - Parmi les réformes, il y a le bulletin scolaire, l'heure de vie de classe. Ça consiste en quoi ?

- «  Là aussi ce sont des actions très concrètes qui ont été repérées sur le terrain et que je généralise. D'abord, améliorer le bulletin scolaire ça veut dire donner plus de place aux enseignants pour écrire ce qu'ils pensent de chaque élève et surtout positiver les élèves, c'est-à-dire leur dire quels sont leurs points forts, les encourager. Je ne veux plus voir sur des bulletins scolaires des mots secs tels que "médiocre" ou "peut mieux faire", sans qu'on explique comment mieux faire. Donc désormais, il y aura une colonne sur le bulletin scolaire qui dira quels sont les points positifs de l'élève, et puis une colonne pour dire comment il peut concrètement continuer à progresser même s'il ne s'agit pas d'être complaisant avec les élèves. On peut être sévère avec un élève à condition de lui dire ce qu'il a de positif pour qu'il puisse s'appuyer, pour lui donner l'envie de continuer à progresser, l'appétit d'apprendre et en même temps lui dire comment il peut continuer à progresser. Autrement dit, c'est une évolution qualitative et puis, ça va permettre aussi aux parents de comprendre le regard qui est porté par les enseignants sur leur enfant et là aussi, de les encourager à la maison. »

Q - Et l'heure de vie de classe, c'est quoi ? Un cours d'éducation civique, un apprentissage en commun ?

- « L'heure de vie de classe, c'est l'inscription dans l'emploi du temps de l'apprentissage du respect mutuel. Je crois que l'école a déjà beaucoup progressé dans ce domaine. Au moment de l'adolescence et de la préadolescence, c'est souvent au collège que tout se joue. Il faut se parler, se respecter mutuellement, apprendre que le collège est une petite société avec ses règles ; apprendre faire reculer les incivilités, la violence ; apprendre aussi le sens peut-être global de cette vie collégienne. Autrement dit, c'est en plus de l'éducation civique, c'est au fond, la parole donnée à l'ensemble des enseignants ou des adultes de la communauté éducative. Ça peut être une infirmière scolaire par exemple qui vient expliquer un certain nombre de choses pour que les élèves apprennent à devenir citoyen, responsables d'eux même et respectueux des autres. »

Q - Vous avez aussi mis en avant la nécessité pour l'école de la République de soutenir ou de faire émerger une sorte d'élite scolaire, de faire en sorte que les jeunes adolescents qui réussissent le mieux dans leur lycée ou leur quartier puissent effectivement après, choisir l'établissement et détourner les règles habituelles de la géographie scolaire ?

- « Oui, ce sera aussi une priorité de cette rentrée. À cette rentrée déjà, je le rappelle, il y a plus de 1 600 écoles et collèges qui font leur rentrée en ZEP, en zone d'éducation prioritaire, et autant d'enseignants qui y travaillent. Je voudrais vraiment que l'on fasse quelque chose de significatif pour aider les bons élèves issus des quartiers populaires. Donc, ça veut dire des bourses supplémentaires pour ces bons élèves, ça veut dire des places en internat. Il y a un programme de création d'internats, en particulier dans les collèges ruraux, où les élèves qui veulent trouver de bonnes conditions paisibles de travail pourront aller s'ils le souhaitent, et toute une série d'actions qui permettront à ces élèves de les pousser en avant, de leur faire croire à la réussite scolaire et de combler ainsi une des inégalités sociales les plus criantes, celle qui sépare les élèves qui peuvent être aidés à la maison de ceux qui n'ont pas cette chance. Il faut que l'école donne cette chance à tous les élèves. ».