Texte intégral
Michèle COTTA :
Bonjour. La paix ou presque au Kosovo. Le président serbe a accepté toutes les conditions des alliés. Cette crise a-t-elle conforté l'Europe ou au contraire a-t-elle révélé ses faiblesses notamment en matière de défense ? Les européennes dans une semaine, au soir du scrutin, on va bien sur analyser les retombées du vote sur la vie politique française et alors, dans cette dernière ligne droite, nous retrouvons aujourd'hui François HOLLANDE, tête de liste socialiste et Alain MADELIN, numéro 2 de la liste RPR-DL. Nous allons les interroger d'abord séparément avec Paul GUILBERT du FIGARO, l'un après l'autre donc, et puis ensemble pour un débat final. Alain LAMASSOURE depuis Bayonne est là, est présent. Je vais lui demander de me faire connaître sa réaction après vous avoir entendu l'un et l'autre et nous avons procédé juste avant l'émission au tirage au sort et c'est vous, Alain MADELIN, qui commencez.
Alors, bonjour d'abord.
Alain MADELIN (Président de démocratie Libérale) :
Michèle COTTA bonjour. Bonjour.
Michèle COTTA :
Vous êtes le numéro 2 RPR-DL après, je vous le rappelle, une rupture avec le centre démocrate François BAYROU avec lequel vous cohabitiez au sein de l'UDF. Vous avez créé votre propre parti, Démocratie libérale, qui a fait l'unité avec le RPR pour cette élection. Vous allez nous dire si vous y avez gagné ou perdu mais pendant peut-être une minute, votre portrait...
Alain MADELIN :
Je vais peut-être vous parler de l'Europe aussi ? Je vais peut-être vous parler de l'Europe ?
Michèle COTTA :
Absolument. Votre portrait par Jean-Michel MERCUROL. Donc, Alain MADELIN en campagne.
Jean-Michel MERCUROL :
SEGUIN/MADELIN, c'était le ticket de départ pour les européennes. Deux pôles bien séparés dans le tandem, le courant gaulliste pur et dur d'un côté et de l'autre l'allié libéral. Bref, deux courants politiques autonomes mais partenaires. Philippe SEGUIN parti, disparaît le subtil équilibre et l'originalité d'Alain MADELIN qui se retrouve numéro 2 d'un attelage banalisé avec un autre libéral, Nicolas SARKOZY. Plutôt que de jouer les doublons ou les variantes, Alain MADELIN a choisi de cultiver sa différence. Apparitions publiques des deux hommes réduites au minimum, Alain MADELIN préfère se produire seul. A SARKOZY les armes de la politique intérieure, a lui la célébration d'une Europe libérale pleine et entière. Agitateur d'idées, il se fait pédagogue et multiplie les shows pour donner du fond, dit-il, à cette campagne si ennuyeuse. Là où les autres fustigent leurs concurrents, BAYROU ou PASQUA, lui parle du XXIe siècle, des enjeux d'Internet ou de la dignité humaine. Bref, Alain MADELIN ne se sent pas si à l'aise dans cette campagne européenne surtout quand elle se résume aux grands-messes électorales unitaires traditionnelles.
Michèle COTTA :
Alain MADELIN, il y a du vrai dans cette description ?
Alain MADELIN :
Non, non je ne crois pas. Je me sens parfaitement à l'aise dans cette campagne électorale. J'ai souhaité l'union. Alors, c'était avec Philippe SEGUIN, aujourd'hui, c'est avec Nicolas SARKOZY. Je m'entends bien avec l'un et l'autre. J'ai souhaité que face à la liste de monsieur HOLLANDE, il puisse y avoir une grande liste d'union de l'opposition. J'aurais souhaité qu'elle soit un peu plus large mais en tout cas, je pratique cette union. Et j'essaie de parler, puisque nous sommes dans une campagne européenne, j'essaie de parler de l'Europe et j'ai même en début de campagne écrit un livre. Cela demande du temps quand même, il faut le faire, j'ai même écrit un livre sur l'Europe à l'épreuve du Kosovo pour essayer de montrer...
Michèle COTTA :
Qui s'appelle « Le droit du plus faible »...
Alain MADELIN :
« Le droit du plus faible », oui, pour essayer de montrer quel était l'enjeu aujourd'hui de l'Europe puisque c'est l'espace naturel de notre avenir, celui de nos enfants, comment nous pouvions dessiner cette Europe du XXIe siècle.
Michèle COTTA :
Pour rester 30 secondes dans la campagne, vous avez imaginé un nouveau genre de meeting politique. Est-ce que c'est parce que vous trouvez que le genre traditionnel est ennuyeux maintenant ?
Alain MADELIN :
Non, pas du tout. Non. J'ai fait un essai, vous y faites allusion et on a vu quelques images, j'ai fait un essai l'autre jour à Paris dans une salle pour essayer d'aller un peu plus loin, pour prendre un peu plus de temps, si vous parlez d'un chiffre, eh bien, vous le mettez sur un tableau, vous mettez des images pour essayer d'avoir une communication un peu plus performante. Cela a l'air de marcher. Tant mieux ! Cela m'encourage à poursuivre. Vous savez, c'est difficile de communiquer et les gens ne s'intéressent pas particulièrement aux sujets européens qui sont des sujets complexes donc il faut essayer de se donner toutes les armes de la bonne communication.
Paul GUILBERT (LE FIGARO) :
Mais l'alliance SARKOZY/MADELIN était une chose dont on parlait beaucoup avant que vous ne fassiez liste commune et, depuis que vous êtes tous les deux têtes de liste, vous vous ingéniez, dirait-on, à faire campagne...séparés, pourquoi ?
Alain MADELIN :
Mais non parce que...
Paul GUILBERT :
Mais si !
Alain MADELIN :
...Nous nous retrouvons dans des meetings communs, prochainement, la semaine prochaine, ce sera d'ailleurs au Palais des sports à Paris. Mais pour le reste, nous n'avons pas intérêt à faire campagne ensemble. Nous faisons campagne séparément, cela nous permet de couvrir...
Paul GUILBERT :
Pour vos clientèles...
Alain MADELIN :
Non parce que ce sont les mêmes réunions...cela nous permet de couvrir la France entière, j'en suis à mon 45e meeting. Ce n'est pas mal. Donc, on se dédouble.
Michèle COTTA :
Si on parle justement de votre binôme avec Nicolas SARKOZY, vous semblez être plus proche en matière d'Europe, de la conception de Nicolas SARKOZY que vous ne l'étiez de celle de Philippe SEGUIN. Alors, comment est-ce que vous définiriez l'Europe que vous défendez en deux propositions rapides, le plus rapidement possible ? Les Français s'y perdent de temps en temps donc...
Alain MADELIN :
Oui, je pense que...
Paul GUILBERT :
C'est laquelle votre Europe ?
Alain MADELIN.
Je pense que l'Europe économique, elle est faite aujourd'hui pour l'essentiel. Il faut aller un peu plus loin mais elle est faite. Je pense que maintenant, il nous faut construire l'Europe politique. Exemple, la grande Europe, celle de tous les Européens, celle que l'on aurait dû construire au lendemain de la chute du Mur de Berlin, on est passé à côté du rendez-vous de l'Histoire. On a été trop frileux, on n'a pas été assez vite pour faire ce grand espace de paix, de démocratie et de sécurité. Je pense qu'il y a besoin aujourd'hui de construire une Europe de la défense. Ça fait longtemps que je dis cela mais j'ai regretté qu'au lendemain de la chute du Mur de Berlin, grande Europe, Europe de la défense, on passe à côté de l'histoire. Une Europe de la défense depuis le Sommet de Cologne et notamment sous l'impulsion du Président de la République, voici que celle-ci est engagée dans la bonne direction. Et pour le reste, eh bien, il y a une Europe que je combats, vous en parlerez peut-être tout à l'heure avec Monsieur HOLLANDE, c'est toutes les dérives vers une sorte d'Europe technocratique, bureaucratique, une sorte d'État fédéral européen…
Michèle COTTA :
Personne n'est pour mais tout le monde la construit !
Alain MADELIN :
Oui, eh bien justement, c'est intéressant donc, il faut avoir des freins et il faut qu'il y ait des hommes et des femmes qui aient bien la volonté de contrôler toute cette dérive bureaucratique de l'Europe. Tenez, juste un exemple, lorsqu'il y a eu cette dérive des commissaires de Bruxelles, qui a censuré au Parlement européen la Commission de Bruxelles ? Les députés du RPR et les députés de Démocratie libérale. Pas les autres. Donc, je veux dire, il faut envoyer des gens qui ont envie de contrôler la dérive de la construction européenne mais, le problème est ailleurs si vous voulez. Vous m'avez demandé... une Europe politique, première proposition, défense, Europe de tous les Européens. Et deuxièmement, puisque maintenant l'Europe, ce sont non seulement des produits, des services, en concurrence, tout ceci c'est évident dans un marché unique, c'est fait, mais ce sont aussi des États en concurrence. Or, tous les États européens sont aujourd'hui confrontés à peu près aux mêmes défis, la démographie, la santé, le problème du vieillissement et des retraites, le problème des impôts... chacun apporte sa solution. Alors moi, ce que j'essaie de faire dans cette campagne, c'est d'avoir une pédagogie de la campagne et de regarder « mais comment font les autres ? » pour essayer de tirer le meilleur de l'Europe pour la France. Le meilleur de l'Europe. Alors, il y a des pays qui réforment leur éducation mieux que nous, plus que nous, qu'est-ce qu'on peut en tirer comme leçon ? La fiscalité, la santé » etc. le meilleur !
Paul GUILBERT :
Mais en voulant agréger tous les autres pays que... vous venez de le dire, qui ne sont pas entrés au moment de la chute du Mur, est-ce que ce n'est pas une Europe à deux vitesses vers laquelle vous vous précipitez ?
Alain MADELIN :
II y a deux choses, Paul. Il y a d'une part la nécessité d'avoir un grand espace de paix, de démocratie et de sécurité. Cela ne veut pas dire forcément que ces pays-là, je les aurais tout de suite intégrés à l'intérieur de l'Union européenne. Peut-être qu'il y avait une structure intermédiaire. Et puis, il y a la nécessité, progressivement ensuite, d'élargir l'Union européenne mais, en tout état de cause, je crois vraiment que l'on est passé à côté du rendez-vous que nous donnait l'Histoire et que François MITTERRAND d'ailleurs porte une responsabilité personnelle dans cette affaire puisque François MITTERRAND a dit « non » à la grande Europe. Il n'y croyait pas. Il pensait que ces pays de l'Europe de l'Est adhéreraient à l'Europe dans des dizaines et des dizaines d'années, vous vous souvenez ? Et puis, d'un autre côté, lorsqu'il s'est agi de...et que nous avions la possibilité de construire une défense européenne en 1991, qui a dit « non » à la force de réaction rapide ? C'est encore François MITTERRAND. On est passé à côté de l'histoire. Donc, il s'agit de rattraper le temps perdu.
Michèle COTTA :
Dans votre livre dont on parlait tout à l'heure, « Le droit du plus faible », vous dites qu'un nouveau monde est en train de se construire et que le droit est au-dessus des États. C'est très bien mais, qui définit le droit ? Si c'est l'Amérique qui définit le droit, cela donne une conception particulière de l'Europe non ?
Alain MADELIN :
C'est plus compliqué. Qu'est-ce qui fait que l'on est européen ? On est un marché unique. Oui, c'est formidable d'être un marché unique. Moi, je souhaite aussi échanger avec les Américains, avec les Canadiens. On est une addition de puissance ? Oui bien sûr, on a une monnaie, c'est formidable mais, qu'est-ce qui fait que l'on est européen ? C'est parce que l'on a le sentiment qu'il y a une civilisation européenne, qu'il y a quelque chose qui nous unit. C'est l'idée que l'on y a forgé de l'homme, de sa liberté et de sa dignité. Voilà pourquoi si nous avions laisse faire le retour de la barbarie au Kosovo, vous savez, le siècle, il a commencé par une guerre dans les Balkans. Si cela s'était terminé par le retour de la barbarie dans les Balkans, et l'Europe les bras croisés, je crois que l'Europe aurait perdu... aurait perdu son âme. Nous avons dit, nous avons dit dans les Balkans qu'il existait un droit supérieur aux États et ça, c'est l'âme même de l'Europe. C'est l'idée même de l'Europe, c'est que les États n'ont pas tous les pouvoirs. Et cela a une conséquence. C'est-à-dire que très souvent, lorsqu'on imagine l'Europe, on imagine l'Europe à partir des idées politiques du XXe siècle. Qu'est-ce que l'Europe ? La France en plus grand. Le Parlement ? Ce serait le Parlement français en plus grand. Le gouvernement ? C'est un gouvernement en plus grand. Un super Président, une super commission... c'est une erreur profonde. L'Europe, c'est une construction politique d'une autre nature. Par exemple, ce n'est pas le Parlement européen qui fait directement la loi. Il participe à la loi mais c'est le Conseil européen, les gens ne le savent pas. Et tout cela, ça s'explique dans une campagne.
Paul GUILBERT :
Alors justement, revenons à votre liste européenne. Voilà que ceux que l'on appelle les « souverainistes » c'est-à-dire Charles PASQUA essentiellement, talonnent votre liste. Alors, qui redoutez-vous le plus pour l'instant ? PASQUA ou BAYROU ?
Alain MADELIN :
Ni l'un, ni l'autre, je regarde en avant...
Paul GUILBERT :
Ni l'un, ni l'autre ?
Alain MADELIN :
Je combats Monsieur HOLLANDE ! Je combats Monsieur HOLLANDE et j'essaie de terminer la course en tête. Je ne crois pas à un repli frileux de la France sur elle-même. Je ne crois pas ce que dit Charles PASQUA. Franchement, on essaie de faire peur...
Paul GUILBERT :
Il a l'air d'avoir des clients quand même !
Alain MADELIN :
Mais oui mais… donc il faut que j'explique. On essaie ce faire peur avec l'Europe. On essaie d'expliquer... par exemple tenez, l'Europe, pas de frontières intérieures. Donc, liberté d'échange. Eh bien, les libertés d'échange, c'est dangereux en matière d'immigration, dira Monsieur PASQUA, parce que – il a tort d'ailleurs – parce que ceci nous impose de contrôler en commun nos frontières extérieures. Et, si nous contrôlons en commun les frontières extérieures de l'Europe, comme la France est sans doute le pays qui a les lois les plus laxistes en matière d'immigration, on a tout à y gagner de ce contrôle en commun ! Vous savez, un autre exemple qui me vient à l'esprit, c'est l'actualité qui me le fournit, le poulet à la dioxine, la liberté de circulation, c'est formidable la liberté de circulation mais ce n'est pas la liberté de contamination et toute liberté, eh bien, elle s'accompagne d'un certain nombre de règles. Et là, puisque les États sont défaillants, la Belgique est défaillante, la France... il faudra voir, la France est quand même un peu montrée du doigt dans cette affaire...on verra plus tard. En tout état de cause, moi, j'en conclus quoi ? Qu'il faut plus d'Europe, qu'il faut une agence européenne de sécurité sanitaire et alimentaire indépendante des gouvernements et indépendantes des lobbies et des groupes de pression.
Michèle COTTA :
Un petit point aussi politique et de politique intérieure mais vous allez parler d'Europe là, François BAYROU a fait sa liste tout seul. Cela lui a conféré une émergence médiatique. Est-ce que vous regrettez de ne pas avoir fait la même chose ou est-ce que vous trouvez...
Alain MADELIN :
Mais non parce que, en politique, ce n'est pas se faire plaisir ! On a tous des ambitions personnelles ou des ambitions partisanes mais il y a un intérêt général. Moi, je pense que l'intérêt général, c'est l'union. D'ailleurs, quand on est européen, franchement européen, on cherche toujours à unir, on cherche à rassembler, on ne cherche pas à diviser...
Paul GUILBERT :
Oui mais cela ne s'est pas fait !
Alain MADELIN :
Eh bien, je le regrette ! Eh bien, je le regrette. En tout état de cause, moi, je ne regrette pas, mais vraiment pas du tout, d'avoir fait le choix de l'union parce que cela donne une grande liste d'union. Parce que l'immense majorité des électeurs de l'opposition souhaitait cette liste d'union parce que des personnalités éminentes, Edouard BALLADUR, Valéry GISCARD d'ESTAING et d'autres avaient dit « il faut une liste d'union ». Eh bien, de temps en temps, eh bien, on met sa personnalité un peu au vestiaire et puis on essaie de travailler une liste d'union. C'est ce que j'ai fait.
Paul GUILBERT :
Le soir du 13…
Alain MADELIN :
Et j'espère que le soir du 13 juin, cette attitude sera récompensée.
Paul GUILBERT :
Vous allez additionner qui le soir du 13 juin ?
Alain MADELIN :
Eh bien, le soir du 13 juin, j'additionnerai les voix qui se seront portées sur la liste SARKOZY/MADELIN !
Paul GUILBERT :
Pas BAYROU ? Pas PASQUA parce que...
Michèle COTTA :
Tout le reste...
Alain MADELIN :
Vous ferez vos additions comme vous voulez, mais vous ferez vos additions comme vous voulez ! Moi, je regarderai l'écart avec Monsieur HOLLANDE. Ou on sera devant ou on sera derrière ou on sera côte à côte, nous verrons bien.
Paul GUILBERT :
Une petite question, vos élus Démocratie libérale sur la liste commune avec SARKOZY, vous les inscrivez où ? Et vous-même d'ailleurs, au PPE...à Strasbourg ou...
Alain MADELIN :
Mais ils sont déjà... nous sommes déjà au Parti populaire européen ! Nous sommes déjà au Parti populaire européen et s'il s'agit de se retrouver tous ensemble au Parti populaire européen, au lendemain des élections, cela prouve bien que l'union était souhaitable et que l'union était possible.
Michèle COTTA :
Alain MADELIN, vous avez dit et ce sera la dernière question, vous avez dit : « nous sommes la seule liste d'opposition de soutien au Président de la République ». Mais en même temps, vous avez dit que 95/97, c'était un beau gâchis, est-ce qu'il n'y a pas une contradiction dans votre...
Alain MADELIN :
Non... c'est un rappel...
Michèle COTTA :
Rappel objectif ?
Alain MADELIN :
Non... en 95, c'est vrai que l'on avait des chances formidables pour essayer de faire bouger ce pays et maintenant, on est dans l'opposition. Donc, on sait bien que c'est raté donc j'essaie d'en tirer des... d'être positif, d'en tirer des leçons pour l'avenir et notamment avec cette liste en faisant le choix de l'union qui est le, choix qui s'imposera également pour les prochaines élections et puis en essayant avec Nicolas SARKOZY de faire une liste profondément jeune, profondément renouvelée, profondément féminisée, 48 femmes, 39 hommes, de lui donner un allant tonique qui donne envie de voter pour l'union de l'opposition et qui donne envie peut-être de poursuivre au-delà de cette élection et de préparer l'avenir avec nous.
Michèle COTTA :
Alain MADELIN, merci. Vous restez avec nous pour la deuxième partie, pour la troisième partie du débat. François HOLLANDE bonjour, vous allez nous rejoindre pendant que Jean-Michel MERCUROL dresse un portrait rapide de vous, également en campagne.
Jean-Michel MERCUROL :
François HOLLANDE, tête de liste aux européennes, ce n'était sûrement pas pour sa notoriété. Un désavantage qu'il a fallu combler, même si dans un scrutin liste, on peut penser que le profil compte moins que l'étiquette politique. Mais, François HOLLANDE a fait du chemin pendant cette campagne. Sa liste reste en tête dans les sondages et si l'essai est transformé le soir du scrutin, il aura gagné en crédit personnel. Jovial et modeste, ironique et persévérant, François HOLLANDE creuse son sillon à l'abri de la popularité gouvernementale. Un credo, l'Europe, qu'il veut populariser. Un objectif, mobiliser et faire reculer l'abstention l'occasion pour lui de se faire connaître partout dans le pays mais aussi de figurer sur la photo aux côtés des gouvernants européens. Bref, une campagne propre à imposer François HOLLANDE sur la scène politique. Une bonne raison en tout cas de ne pas ménager sa peine.
Michèle COTTA :
Paul GUILBERT, la première question ?
Paul GUILBERT :
Alors, la solution qui intervient au Kosovo, essentiellement une solution diplomatique qui, avec l'intégration des Russes dans le jeu – c'était je crois la stratégie du Président de la République – est-ce que vous pensez que c'est une victoire pour lui principalement et est-ce que le Premier ministre y a sa part ? Laquelle ?
François HOLLANDE (Premier secrétaire du PS) :
C'est d'abord une victoire pour l'Europe. C'est aussi une victoire pour la France, pour le Président de la République, pour le Premier ministre qui ont choisi la stratégie qui s'est révélée la bonne. Qu'est-ce qu'il y avait comme alternative ? On nous disait « ne faisons rien, surtout discutons, prolongeons les conversations avec MILOSEVIC... »
Michèle. COTTA :
Quand vous dites, « on », ce sont une partie de vos alliés c'est-à-dire les communistes et les chevènementistes...
François HOLLANDE :
Oui, pas seulement ! Aussi à droite, on s'interrogeait mais, je ne veux pas ici faire de polémique – pardon pour l'émission – mais certains nous disaient « ne faisons rien » et aussi certaines personnes avec une forte conscience qui disaient « ça va être affreux ! » et cela a été cruel. Et puis d'autres nous disaient « il ne faut surtout pas utiliser cette stratégie, il faut aller tout de suite aller faire une guerre au sol ». Quelle a été la position de la France et de l'Europe pour une fois unies ? Cela a été de dire « il faut continuer à faire la pression sur MILOSEVIC et en même temps, il faut trouver une issue diplomatique ». Et c'est un Européen, le Président finlandais qui a trouvé avec le r6gime serbe, l'accord qui était nécessaire. Et maintenant, nous allons avoir le recours aux Nations unies, ce qu'avait toujours demandé le Premier ministre.
Michèle COTTA :
La réintégration des Russes dans le processus diplomatique, celle que voulait CHIRAC depuis le début...
François HOLLANDE :
Celle que voulaient tous ceux qui souhaitaient une issue politique parce qu'on savait très bien que les Russes étaient un intermédiaire, même un passage obligé. Ils ont été là et tant mieux ! Mais l'Europe l'a été aussi et il faut peut-être insister là-dessus. On nous dit souvent « cela a été une guerre faite sous le contrôle des Américains ». À l'évidence, et cela renvoie aux questions liées à l'Europe de la défense mais, sur le choix politique, sur l'issue politique, ce sont les Européens qui sont passés les premiers après les Américains.
Michèle COTTA :
Alors l'Europe, pour rester en Europe, l'Europe rose est tout à fait... s'entend très bien sur les estrades mais elle n'est pas arrivée à formuler exactement les propositions d'un contrat social pour l'Europe, elle n'y est pas arrivée à Cologne récemment. Est-ce que vous êtes un peu déçu que tous vos partenaires socialistes, sociaux-démocrates européens ne soient pas arrivés à définir l'Europe sociale que vous prônez ?
François HOLLANDE :
D'abord, il y a eu des étapes. C'est la première fois que l'on a parlé de l'emploi au niveau européen. Jusqu'à présent, on ne parlait que de monnaie, que de grand marché, que des décisions favorisant la concurrence, les acteurs économiques. Pour la première fois, on a placé l'Europe devant sa seule responsabilité, l'emploi, la lutte contre le chômage. Il y a quand même 16 millions de chômeurs en Europe. Alors, Lionel JOSPIN a obtenu qu'il y ait ce Pacte européen pour l'emploi et la croissance. Une méthode aussi c'est-à-dire qu'il y aura deux fois par an une discussion avec la Banque centrale européenne avec les gouvernements et les partenaires sociaux.
Paul GUILBERT :
Il y a un programme…
François HOLLANDE :
Et puis troisièmement, des mesures. Des mesures qui sont encore insuffisantes à nos yeux, essentiellement des mesures sur la formation professionnelle, sur l'emploi des jeunes, c'est important mais ce n'est pas ce que nous avions demandé.
Paul GUILBERT :
Mais comment se fait-il que l'on n'y arrive pas ? Enfin, il y a 13 gouvernements « rose » en Europe. Faudrait-il qu'il n'y en ait qu'un ou deux pour qu'une politique commune de l'emploi progresse ? Il y a une contradiction, vous ne trouvez pas ?
François HOLLANDE :
Je pourrais vous dire qu'il en faudrait 15 mais vous ne me suivriez pas forcément, Donc, il faut qu'il y ait une volonté politique. C'est vrai que sur l'emploi, c'est plutôt la France qui s'exprime et tant mieux parce que c'est peut-être aussi là qu'il y a les problèmes les plus importants. En Italie aussi, il y a une sensibilité particulière, en Espagne, au. Portugal. Mais, nous avons aussi des pays qui ont un taux de croissance plus faible que le nôtre, les Allemands, les Anglais, et qui n'ont pas forcément la volonté de porter plus haut leur conjoncture parce qu'ils ne le peuvent pas. Alors, oui... à quoi ça sert des élections européennes ? C'est quand même le sujet du jour. Ça sert à porter des idées. Ça sert à affirmer une volonté et la volonté, la nôtre, des socialistes français, c'est de dire qu'aujourd'hui, la question majeure pour l'Europe au-delà de sa défense et de sa sécurité, c'est l'emploi et la croissance et que… il y a 11 gouvernements – il y en a 11 hein ! – gouvernements socialistes en Europe mais ce n'est pas en soi suffisant. Il faut aussi un Parlement européen qui partage cette volonté. C'est le sens même de notre engagement aujourd'hui.
Paul GUILBERT :
Dans cette... comment se fait-il que, alors que les enjeux sont si présents, que la campagne est quand même – excusez-moi, vous êtes tête de liste – assez morose ? Enfin, qu'est-ce que... c'est l'abstention votre adversaire principal ?
François HOLLANDE :
On passe de l'Europe « rose » à l'Europe morose, c'est ça votre question...vous n'osiez pas le dire...
Paul GUILBERT :
Je vous laisse faire le jeu de mots !
François HOLLANDE :
Qu'est-ce qui s'est passé quand même pendant cette campagne ? Elle s'est ouverte avec la guerre au Kosovo. Elle va, je l'espère s'achever, cette campagne électorale avec la paix au Kosovo. Et moi, je crois que c'est le propos de chaque Français, de chaque Européen, quand il y a une question aussi angoissante que la paix et la guerre, c'est quand même plus important, il faut en tirer la conclusion que de savoir qui va gagner les élections européennes. Et pourtant, le rôle des candidats, c'est de dire « qu'est-ce qui s'est passé au Kosovo ? C'est à la fois l'affirmation de l'Europe, c'est aussi son insuffisance, l'Europe de la défense ». Qu'est-ce qui doit se passer après les élections européennes ? C'est une Europe plus sûre d'elle-même, plus forte, qui donne plus de sécurité. Sécurité au plan militaire sans doute, sécurité économique, sécurité sociale aussi, sécurité alimentaire enfin.
Michèle COTTA :
Un récent sondage qui est paru la semaine dernière atteste que les Français sont favorables à l'idée européenne mais qu'ils n'aiment pas l'Europe qu'on leur construit. Ils n'aiment pas ces institutions. Ils ne s'y intéressent pas. Quels enseignements vous tirez de ce sondage qui a été très important et qui a l'air d'être très important dans cette campagne parce que les Français dans leur majorité déclarent leurs désirs qui ne sont pas retenus ?
François HOLLANDE :
L'Europe, elle existe, on l'a bien vu, elle existe au plan économique, au plan monétaire, pas suffisamment et les Français ne la rencontrent pas, cette Europe, parce que le Parlement européen…
Michèle COTTA :
La faute à qui ?
François HOLLANDE :
La faute d'abord aux institutions européennes. Le Parlement européen jusqu'à récemment n'avait pas véritablement de pouvoir législatif. Il est maintenant colégislateur donc premier responsable. Deuxièmement – on l'a vu – le Parlement européen peut renverser une commission. Bon, même si c'était indirect...
Michèle COTTA :
C'est plutôt bien ça ? Vous trouvez que c'est démocratique quand même ?
François HOLLANDE :
C'est plutôt l'affirmation d'un pouvoir politique. Troisièmement, on voit bien qu'il y a un Conseil des ministres qui statue le plus souvent non pas à la majorité qualifiée mais à l'unanimité. Cela rend plus difficile la prise de décision. Et puis, il y a une Commission européenne qui s'est attribuée non pas des compétences mais qui a des façons de faire, des méthodes qui ne sont pas les bonnes. Mais la responsabilité, elle est d'abord au cours de cette élection. Si les Européens veulent changer l'Europe, il faut qu'ils le disent et donc, il faut aussi qu'on leur propose une réforme des institutions, nous le faisons mais, surtout une Europe plus efficace dans la vie quotidienne. Moi, je ne crois pas – j'en suis sûr – que les institutions aujourd'hui... les Européens nous interrogent. Ils nous disent « faites-nous une Europe qui nous donne plus d'avenir au plan économique et au plan social ». Ils ne .peuvent pas se satisfaire d'une Europe simplement monétaire. Ils nous disent... « regardez ce qui se passe sur l'alimentation, vous allez sans doute m'interroger... il y a des risques sanitaires qui sont pris, protégez-nous ». Ils nous disent aussi, il y a une Europe qui doit s'affirmer politiquement notamment par rapport aux États-Unis, faites-là. Donc, c'est un appel – je crois – à la construction européenne qui nous est lancé. Et nous, nous devons avoir des institutions qui correspondent à ces choix-là.
Paul GUILBERT :
Entre les listes là… est-ce que vous n'êtes pas inquiet de la montée présumée de l'extrême gauche qui risque de faire aussi bien que le Parti communiste ou même les Verts ? Autrement dit, pour l'avenir de la majorité plurielle, est-ce que vous n'êtes pas inquiet Ce serait un déséquilibre.
François HOLLANDE :
Je pense qu'il faut qu'une élection serve à quelque chose. Il faut faire une campagne utile. J'essaie depuis des mois, des semaines en tout cas, de faire une campagne utile. Pourquoi ? Parce qu'il faut que l'Europe change et donc, il faut qu'il y ait une majorité. Au Parlement de Strasbourg, il y aura une opposition, et ce n'est pas fait, le choix entre la gauche et la droite n'est pas fait à l'échelle de l'Europe. Pour la première fois, on va avoir une élection bipolaire. Alors, à quoi ça sert... je pose cette question, à quoi ça sert de voter simplement pour des slogans, pour des facilités de langage ? À quoi ça sert simplement de marquer une protestation que l'on sait sans lendemain ? Cela s'est déjà, produit au moment des élections régionales. Avec quel résultat dans les assemblés ? Qu'est-ce que l'on a vu pour ces comportements des listes extrêmes ou des listes secondaires ? Rien, aucune prise de responsabilité. La noblesse de la politique, c'est de faire des choix, c'est de prendre des décisions. C'est d'affirmer une volonté, ce n'est pas simplement de faire de la protestation et donc je crois qu'il y a une nécessité, si l'on veut changer l'Europe d'être utile et être utile, c'est faire des propositions et ensuite de les tenir.
Michèle COTTA :
À propos de la gauche et pour rester sur un de vos partenaires dans la majorité, plurielle, lorsque Daniel COHN-BENDIT dit que sans lui, la gauche serait de la naphtaline, quelle est votre réaction ?
François HOLLANDE :
À chacun sa conception de la teinturerie ! Il faut de tout et il faut aussi des chemises si l'on veut des teinturiers. Je veux dire par là, la gauche plurielle, elle est diverse et on a besoin de tout le monde et en tout cas moi, je ne fais pas ma campagne sur le thème « ne votez que pour nous ! ». Je souhaiterais que tout le monde vote pour nous mais il y a aussi des listes de la gauche plurielle et je souhaite que l'ensemble de la gauche plurielle progresse dans cette élection. Les Verts n'avaient pas de député jusqu'à présent, européen, je souhaite qu'ils en aient. Les communistes avaient fait un résultat qui était médiocre la dernière fois, je souhaite qu'ils progressent. Et, je souhaite enfin que nous fassions nous-mêmes un bon résultat parce que ce qui va compter…
Paul GUILBERT :
Pardon, quel souvenir gardez-vous de votre face-à-face avec Nicolas SARKOZY ? Finalement, votre adversaire, c'est SARKOZY ou PASQUA ?
François HOLLANDE :
Mon adversaire, c'est l'abstention parce que ce qui m'a frappé chez SARKOZY, c'est qu'il n'a pas parlé une seule fois d'Europe. Ce qui l'intéressait, c'était de faire un débat sur la politique intérieure. C'est légitime, je ne récuse pas...
Michèle COTTA :
Alain MADELIN était là pour ça, alors...
François HOLLANDE :
Visiblement, ils se sont partagés les rôles mais on en parlera tout à l'heure. Mais je crois qu'une campagne, elle doit répondre à la question qui est posée. La question qui est posée, c'est, quelle Europe voulons-nous ? On peut vouloir une Europe libérale, on peut vouloir une Europe plus sociale, plus économique, favorable à l'emploi et à la croissance. C'est notre conception. Mais moi, je ne comprends pas que Nicolas SARKOZY soit simplement dans la répétition des élections législatives, qu'il a perdues, enfin, je ne sais pas quel rôle il y avait joué, ou de l'élection présidentielle mais là, je sais le rôle qu'il y avait joué.
Michèle COTTA :
Alors, le Premier ministre est en quelque sorte le moteur de votre campagne. Finalement, est-ce que cela vous aide ou est-ce que c'est un handicap parce que cela vous permet peut-être d'exister moins ?
François HOLLANDE :
Mais moi, je ne suis pas dans une campagne narcissique. Je ne fais pas campagne pour moi. Je fais campagne pour les idées que je porte. Je fais campagne aussi pour que le gouvernement sorte renforcé des élections européennes. Je fais une campagne collective au nom d'une liste, au nom même des socialistes européens puisque nous avons fait le même programme entre tous les partis socialistes européens. Donc, la question de savoir ce que je vais être ou devenir après les élections européennes est sans doute secondaire même si je vous... qu'elle préoccupe beaucoup les listes à droite mais pour moi en tout cas, c'est secondaire. Si cela peut renforcer Lionel JOSPIN, j'en serai même le premier heureux.
Paul GUILBERT :
Vous irez siéger à Strasbourg ?
François HOLLANDE :
J'irai siéger à Strasbourg.
Paul GUILBERT :
Tout le temps ? Vous n'allez pas... vous ne projetez pas une démission dans 6 mois...
François HOLLANDE :
Non.
Michèle COTTA :
Nous nous retrouvons dans quelques instants, je voudrais demander à Monsieur LAMASSOURE, Alain LAMASSOURE qui, depuis Bayonne, vous a écouté, quelle est votre réaction sur l'Europe et sur la politique intérieure monsieur LAMASSOURE ?
Alain LAMASSOURE (ancien ministre, liste UDF) :
Ce qui me frappe dans ce que nous venons d'entendre, c'est qu'il y a deux visions différentes du contenu de la politique européenne, Europe libérale et Europe sociale. Et nous nous situons bien entendu avec François BAYROU dans l'Europe libérale. Mais il y a un point commun aux deux intervenants, c'est qu'ils sont satisfaits de l'Europe telle qu'elle est aujourd'hui. Et, s'ils proposent des réformes, c'est plutôt de manière un peu déclamatoire mais rien de très concret. Or, le débat d'aujourd'hui, il ne porte plus sur l'Europe économique, il porte sur « quel type d'Europe politique nous voulons faire ? ». Et si les Français laissent l'impression qu'ils ne vont pas aller voter en masse, c'est parce qu'ils ne savent pas du tout aujourd'hui quelles seront les conséquences de leur vote sur la politique européenne: Il faut mettre l'Europe à portée de bulletin de vote. Et ce que nous nous proposons concrètement, c'est de créer une Europe politique aussi simple à comprendre, aussi proche des citoyens que l'organisation municipale : on élit un conseil municipal et un maire – l'organisation nationale – on élit un Parlement et un gouvernement. Et donc, au niveau européen, il faut un législateur européen et il faut un pouvoir exécutif européen, un « Monsieur Europe », et c'est ce point sur lequel nous insistons.
Michèle COTTA :
Et est-ce que franchement ça répond aux désirs des Français tels qu'ils l'expriment à travers les différents sondages qui ont été déjà recensés ? On a l'impression que les Français ne veulent pas d'institution, c'est un état d'esprit mais est-ce...
Alain LAMASSOURE :
Non, tout à fait. Michèle COTTA, vous citiez tout à l'heure le sondage qui, je crois, était le sondage du MONDE de la semaine dernière. 7 Français sur 10 veulent une Europe de la défense, une Europe diplomatique et militaire. On ne la fait pas. Et 6 Français sur 10 sont prêts à accepter un président élu pour l'Europe. À l'heure actuelle, qui dirige l'Europe ? L'Europe est dirigée à temps partiel par des gouvernants qui sont élus pour gouverner leur pays et qui, une fois tous les trois mois, se rencontrent pour fixer les grandes orientations européennes. Quel serait l'état de la France si elle était gouvernée par un Conseil des ministres qui se réunit une fois tous les trois mois ? Nous proposons un Président élu pour l'Europe et qui dirigerait l'Europe à temps plein, élu par l'ensemble des parlements européens, en matière de défense, Monsieur MADELIN...
Michèle COTTA :
Si ça ne vous embête pas, on parlera après, parler de la défense avec nos deux interlocuteurs et vous pourrez naturellement intervenir. Mais je voudrais vous poser une question de politique tout court. Le RPR de Nicolas SARKOZY et M. Alain MADELIN sont européens. Au fond, est-ce que ça valait la peine de faire une liste séparée alors que les principes que vous annoncez ne sont pas tout à fait dans leur ensemble acceptés par les Français, est-ce que – vraiment – vous n'auriez pas pu faire comme a dit Alain MADELIN tout à l'heure ?
Alain LAMASSOURE :
Alain MADELIN disait « dans le débat européen, je choisis l'union » et nous disons « dans le débat européen, nous choisissons l'Europe » parce que s'il n'y a pas à l'occasion cette élection européenne une forte expression des Français de faire avancer l'Europe, elle n'avancera pas. L'Europe de la défense, parlons-en de manière concrète. On nous dit « il faut être réaliste, on ne peut pas aller plus vite que la musique ». Ça fait huit ans qu'il y a la guerre dans les Balkans. À combien de milliers de morts estimerons-nous qu'il est réaliste de faire l'Europe de la défense ? Si l'on veut sortir en ce domaine du déclamatoire, il faut faire pour la défense et la politique étrangère ce qu'on a fait réussir pour le commerce et la monnaie c'est-à-dire un traité particulier désignant un organe compétent, un « Monsieur Europe » dans ce domaine expliquant, précisant la responsabilité vis-à-vis des citoyens européens et fixant un calendrier parce que certains pays seront prêts avant d'autres. Faisons-le, c'est ce que nous proposons. Nous sommes les seuls à le proposer.
Face-à-face François Hollande/Alain Madelin
Michèle COTTA :
Alain LAMASSOURE, vous restez avec nous. François HOLLANDE, Alain MADELIN, prenons deux exemples concrets. Poulets et oeufs contaminés par la dioxine ont été retirés du marché. L'Europe de la défense, la crise au Kosovo a bien montré qu'elle était nécessaire. Elle a peut-être accéléré la solution. On a envie de vous demander, quand pensez-vous que l'Europe sera majeure ?
Alain MADELIN :
Ecoutez, moi, je me suis prononcé tout à l'heure clairement et depuis longtemps d'ailleurs pour une Europe de la défense. Il ne s'agit pas seulement d'ailleurs de dire qu'on est pour une Europe de la défense. Il s'agit de préciser comment, comment on va la financer, comment ça va fonctionner. Ce n'est peut-être pas le lieu d'en parler. Je me suis prononcé pour, accompagnant la libre circulation des produits, un certain nombre de règles de précaution et pour une agence européenne sanitaire, de sécurité sanitaire et alimentaire. Donc, ce sont des exemples ou dans lesquels on montre que nous avons besoin de plus d'Europe. Mais il ne suffit pas de dire qu'on veut plus d'Europe. Je laisse de côté ceux qui ne veulent plus d'Europe du tout. Mais à partir du moment où on est décidé à construire plus d'Europe, le débat, il passe bien partout en Europe entre ceux qui veulent une Europe libérale et sociale et ceux qui veulent une Europe socialiste ou sociale-démocrate. Et je crois que c'est là le véritable enjeu de la campagne représenté partout en Europe et représenté aujourd'hui par Monsieur HOLLANDE et moi-même.
François HOLLANDE :
Oui, sur cette méthode, je suis d'accord. C'est vrai qu'il y a deux conceptions de l'Europe une fois qu'on a dit qu'il fallait plus d'Europe. Il y avait un besoin d'Europe et on le voit bien pour la défense, pour la protection sanitaire. À partir de là, on peut se dire il faut une Europe du grand marché, libérale, ou on assure la libre circulation avec un minimum de règles et au contraire une Europe qui correspond à un modèle de développement. Et je vais prendre un exemple qui est l'affaire justement des poulets contaminés à la dioxine. Dans une certaine mesure, c'est le produit d'une insuffisance d'Europe dans sa capacité à contrôler et aussi la dérive d'un certain nombre de productions. On l'a bien vu, une entreprise qui se livrait en Belgique à des fraudes et un pays, le gouvernement belge qui n'a pas eu suffisamment de rigueur pour faire passer l'information. Et donc, nous, nous devons dire, oui, il faut plus de règles, plus de contrôle et notamment par rapport à ces produits qui sont véritablement dangereux pas simplement pour la santé des animaux, pour notre propre consommation. Et à partir de là, on peut se dire, qu'est-ce que l'on fait ? On fait une Europe des règles ? Moi, je crois qu'il faut plus de règles, pas forcément plus de bureaucratie, plus de règles.
Michèle COTTA :
Des règles, on a l'impression quand même qu'il y en a des tas y compris sur des problèmes de détail.
François HOLLANDE :
Et quelquefois, plus d'interdictions quand il s'agit de la santé des Européens. Et puis, il y a ceux, et je peux très bien l'admettre, qui disent « mais non, le principe, c'est la concurrence, c'est l'ouverture, c'est la libre circulation, laissons faire ».
Alain MADELIN :
J'ai entendu Monsieur HOLLANDE – il ne l'a pas dit là en cet instant – mais prendre l'exemple du poulet à la dioxine et dire « voilà bien un dysfonctionnement du marché. Mais ça, c'est le libre-échange, c'est le libéralisme » Non, le libéralisme, enfin pour moi, Monsieur HOLLANDE, c'est la responsabilité, ce sont des règles de responsabilité. Par exemple, lorsqu'il y a quelques années, vous avez eu du PERRIER avec, il y avait eu un peu de benzine dedans, tout le monde s'est senti responsable et on a aussitôt retiré le PERRIER contaminé de l'ensemble du marché mondial. Je ne crois pas forcément que la multiplication des interventions publiques soit toujours une meilleure garantie. Vous avez vécu si j'ose dire, enfin le gouvernement que vous souteniez, l'affaire du sang contaminé qui était la plus horrible affaire qui puisse survenir et qui était une affaire... tous les pouvoirs publics étaient en première ligne. Et pourtant, on avait, pour des fins mercantiles, laissé écouler du sang qui était contaminé. Donc, il n'y a pas de lien entre les deux, entre le fait d'avoir la libre circulation, la libre circulation des produits. Ce n'est pas la libre contamination. Eh bien, évidemment, il faut des règles de la même façon que, si je fais la libre circulation des voitures, eh bien, il faut un code de la route pour que tout le monde ne roule pas au centre.
François HOLLANDE :
Oui, sauf qu'il y a un modèle de productivisme. On le voit bien dans l'agriculture où on a – et d'ailleurs, les États comme l'Europe en portent une responsabilité – on a laissé faire des grandes exploitations sur des modèles industriels qui ne devaient pas avoir cours en matière agricole de productions correspondant à notre propre consommation et donc à notre propre sécurité. Alors, c'est bien la dérive d'un système économique qui est celui de la concentration, celui de la recherche du profit maximum parce que c'est comme ça qui est en jeu dans cette affaire des poulets industriels.
Alain MADELIN :
Et le sang contaminé ?
François HOLLANDE :
C'était aussi une affaire de profit puisque vous savez bien qu'il y avait eu – et on pouvait le déplorer – ça a été d'abord jugé pénalement, justement la recherche du profit. Donc, c'est bien un système économique. Alors, il ne s'agit pas de le changer. Il s'agit de le contrôler, il s'agit de le réguler. Et c'est tout le rôle de l'Europe. Est-ce que l'Europe n'est qu'un espace économique sans règle ou est-ce que l'Europe donne ce qu'on peut appeler être un modèle de civilisation ? Et c'est vrai que nous, les sociaux-démocrates, les socialistes, on essaie de forger ce modèle de développement et que ce sera difficile. Mais j'admets bien qu'il y a...
Michèle COTTA :
Ça sera difficile entre vous parce qu'entre les socialistes anglais et les socialistes allemands...
François HOLLANDE :
Mais bien sûr que ça sera difficile parce qu'il y a toujours des confrontations nationales, parce que les nations ne disparaissent pas dans l'Europe. Mais c'est vrai que, pour le Parlement européen, il y aura un groupe socialiste qui, je l'espère, sera majoritaire, le plus fort et il y aura un groupe que Monsieur MADELIN a appelé le PPE d'ailleurs dans lequel Monsieur LAMASSOURE figurera ce qui prouve bien que dans une certaine mesure, on est dans un débat – mais c'est légitime – entre la gauche et la droite l'échelle de l'Europe.
Paul GUILBERT :
Alors, vous vous êtes engagé, vous François HOLLANDE, a une diminution du chômage de moitié en Europe pendant la législature c'est-à-dire pendant cinq ans, est-ce que c'est bien raisonnable, ça ?
François HOLLANDE :
Je le crois d'abord, parce qu'il y a des pays en Europe qui ont des taux de chômage beaucoup plus faibles que les nôtres et deuxièmement parce que, si on ne met pas dans l'Europe la même volonté à réduire le chômage qu'on en a mis dans une certaine mesure à faire la monnaie unique – ça n'allait pas de soi, la monnaie unique. Il a fallu quand même la force de conviction de beaucoup et notamment de François MITTERRAND et d'Helmut KOHL – donc, il faut mettre la même responsabilité, le même engagement, la même volonté à faire diminuer le chômage et demander aux nations et aux États qui constituent l'Europe de le faire avec leurs moyens propres même si on peut avoir des principes communs.
Paul GUILBERT :
Vous croyez que c'est possible ?
Michèle COTTA :
Alain MADELIN, c'est possible ?
Alain MADELIN :
D'abord, l'Europe, c'est une construction libérale et sociale. Et même avec 13 gouvernements socialistes, 13 participations socialistes sur 15, on a nommé récemment Monsieur PRODI qui a fait un très beau discours. Qui a protesté ? Le porte-parole du groupe socialiste qui a dit « mais c'est beaucoup trop libéral pour nous ! ». Donc, je veux dire, je crois, c'est assez révélateur du sens de la construction européenne et les socialistes français un peu isolés en Europe voudraient essayer de revenir en arrière. Et ils nous ont sorti un programme, c'est plus de dépenses publiques, plus d'endettement public européen, moins de concurrence, un impôt européen, et sur l'emploi...
Michèle COTTA :
Et plus de privatisations aussi d'ailleurs.
Alain MADELIN :
Et sur l'emploi, on dirait du TAPIE. C'est beau comme du TAPIE. Vous savez, TAPIE, il avait dit « il faut interdire le chômage. Il faut mettre un critère maximum au chômage ». On n'y avait pas pensé ! Il suffit qu'un gouvernement donne un critère maximum...
François HOLLANDE :
Vous ne l'avez pas fait c'est-à-dire que quand vous étiez vous-même...
Alain MADELIN :
Vous m'avez interrompu.
François HOLLANDE :
Allez-y !
Alain MADELIN :
Je termine d'un mot. Ils nous prennent comme exemple le programme de réduction des déficits publics. Mais on pourrait faire une sorte de calendrier, la même chose que pour le programme des déficits qui est le calendrier de Maastricht. Mais réduire les déficits publics, ça, c'est de la responsabilité des États, ça, on peut dire aux États « vous devez réduire vos déficits publics dans tel ou tel calendrier ». La croissance et l'emploi, ça ne se gouverne pas comme ça. Il y a des réformes qui vont dans le bon sens et d'autres qui vont dans le mauvais sens. Notez que ça ne me dérange pas parce que, si par hasard – mais ça n'arrivera pas – si par hasard, Monsieur HOLLANDE réussissait à faire passer son projet à ses partenaires européens et qu'on nous dise « tenez, l'an prochain, on doit faire 3 % ou 4 % de chômage en moins », ceci nous forcerait bien à prendre les solutions libérales qui marchent ailleurs et qui ailleurs ont permis la création d'emplois et même souvent d'arriver presque au plein-emploi en Europe.
François HOLLANDE :
C'est extrêmement intéressant puisque le projet européen que vous avez développé là à l'instant ne comporte aucun engagement, aucune obligation en matière de lutte contre le chômage. Donc, les Français pourront juger. Qui veut faire bouger l'Europe, avancer l'Europe dans des politiques de lutte contre le chômage ? Comment peut-on faire à l'échelle de l'Europe ? On peut d'abord favoriser une meilleure formation et qualification partout en Europe, c'est sa mission. Deuxièmement, on peut aussi avoir un programme de grands travaux à l'échelle de l'Europe. Ça a commencé puisque la Banque européenne d'investissement va lever un emprunt pour financer les nouvelles technologies, bonne nouvelle. Troisièmement, il peut y avoir une harmonisation fiscale à l'échelle de l'Europe pour baisser les impôts de consommation, ceux-là même que Monsieur MADELIN avait augmentés lorsqu'il était aux responsabilités gouvernementales.
Paul GUILBERT :
Ce que Monsieur SARKOZY appelle le sixième critère.
François HOLLANDE :
Non, non. Le sixième critère, c'est pour les salaires de seize fois le SMIC. Donc, ça, ça correspond...
Paul GUILBERT :
Non.
François HOLLANDE :
Si. Le sixième critère, c'est d'empêcher la baisse de l'impôt sur le revenu. Mais là-dessus, Monsieur MADELIN est un spécialiste. Donc, il y a eu – nous, on l'a condamnée – une augmentation de TVA quand Monsieur MADELIN était aux responsabilités. Nous demandons, nous à l'échelle de l'Europe, de baisser cette fiscalité de la consommation, et c'est vrai, de mieux harmoniser les impôts du capital à l'échelle de l'Europe. Voilà ce que peut faire l'Europe. Et par rapport à des objectifs, je pense qu'on est vraiment un continent et une union que lorsqu'on se donne un idéal, quelque chose qui nous dépasse tous. Et aujourd'hui, quand il y a 16 millions de chômeurs, Monsieur MADELIN, le seul idéal qui se pose aujourd'hui, c'est de savoir si l'Europe est capable d'aller jusqu'à s'occuper d'eux-mêmes et pas de dire ça sera les marchés, ça sera peut-être les gouvernements et en tout cas, les libéraux sûrement pas.
Alain MADELIN :
L'Europe pour moi, l'idéal de l'Europe, et je suis persuadé qu'on est capable d'y arriver dans les quelques années qui viennent, c'est le retour au plein-emploi en Europe. Et le retour au plein-emploi, c'est l'Europe la plus sociale qui existe et sortir les gens qui sont aujourd'hui enfermés dans des systèmes d'assistance et de dépendance pour leur permettre de retrouver un travail et la dignité d'un travail.
François HOLLANDE :
Qu'est-ce que vous avez fait ?
Alain MADELIN :
Seulement, ensuite, il s'agit de regarder comment on fait, comment font les autres et comment on peut avancer. Il se trouve que, partout en Europe, on suit plutôt ma démarche et pas la vôtre. Personne ne croit aux vôtres.
François HOLLANDE :
II y a 11 gouvernements socialistes mais ils font la politique de Monsieur MADELIN. Vous aurez du mal quand même à le faire comprendre.
Alain MADELIN :
Personne ne propose en Europe heureusement les solutions de Monsieur HOLLANDE, les 35 heures, qui le propose ?
François HOLLANDE
Parce qu'en Allemagne, c'est mieux.
Alain MADELIN :
Les emplois du type AUBRY ?
François HOLLANDE :
En Angleterre, ils le font.
Alain MADELIN :
Non L'harmonisation fiscale que vous proposez, c'est Monsieur Robin COOK qui a dit « de mon vivant, jamais il n'y aura d'harmonisation fiscale ». Pourquoi ? Parce que cette Europe-là, c'est l'Europe qui multiplie les règlements, c'est l'Europe de la fiscalité unique. Et elle nous conduit justement à ce que je condamnais dans ma première intervention ici, l'idée d'un super État fédéral au-dessus des Nations. Vous avez une sorte d'Europe moyenne, une sorte d'Europe qui nivelle, une sorte d'Europe de la toise. Là où je veux prendre le meilleur...
François HOLLANDE :
Tous ceux qui, en Europe, ont été battus aux élections par les socialistes et les sociaux-démocrates, c'est bien la sanction d'une politique qui n'avait pas marché en France comme partout ailleurs.
Alain MADELIN :
À ceci près, c'est que, vraisemblablement, si on regardait de près la politique de Tony BLAIR, donnez-moi la moitié en France, ça me suffira comme politique libérale. Ça me suffira.
François HOLLANDE :
Donc, vous êtes avec les conservateurs britanniques ou avec Tony BLAIR ? Dans le Parlement européen, vous serez avec qui ? Avec les conservateurs britanniques.
Alain MADELIN :
Oh, écoutez. Sur l'emploi, on va prendre cet exemple parce qu'il est – trente secondes, Michèle COTTA – sur l'emploi, sur le thème de l'emploi, vous avez un axe qui s'est fait entre Monsieur AZNAR, libéral espagnol et Monsieur Tony BLAIR. Tony BLAIR/AZNAR, c'est ça, la politique de l'emploi en Europe.
François HOLLANDE :
Sauf que Monsieur Tony BLAIR, il vient faire campagne pour nous. Et Monsieur AZNAR, il ne vient même pas faire campagne pour vous. C'est quand même une différence qui est assez majeure.
Alain MADELIN :
Oui. Il fait campagne peut-être avec vous mais en matière de politique de l'emploi, Monsieur Tony BLAIR n'est sans doute pas avec vous.
François HOLLANDE :
Et nous, nous avons créé 600 000 emplois quand vous, vous en avez supprimé. C'est aussi une différence.
Michèle COTTA :
Alain LAMASSOURE, l'Europe fédérale, vous, à votre avis...
Alain MADELIN :
... De politique étrangère.
François HOLLANDE :
Non, écoutez, vous m'amenez sur le terrain... le seul qui vaille, c'est celui de l'emploi.
Michèle COTTA :
Justement, parlons de l'Europe fédérale pour remonter à l'Europe tout court. Alain LAMASSOURE, au fond, il n'y a pas tellement de différence entre ce que dit Alain MADELIN et ce que vous dites. Il y a juste quelque gadgets du genre Monsieur Europe « ou un président commun ».
Alain LAMASSOURE :
Vous appelez ça un gadget, Michèle COTTA ? Le Président de la République française dans la Constitution française, c'est un gadget ?
Michèle COTTA :
Non, bien sûr que non.
Alain LAMASSOURE :
Il y a un accord profond entre Alain MADELIN et nous sur le contenu de la politique économique européenne et française. Et je dois dire que les efforts de François HOLLANDE pour expliquer et justifier la politique socialiste française sont un peu pathétiques quand on constate que les autres gouvernements sociaux-démocrates européens sont plutôt dans la ligne libérale et sociale qui est la nôtre. Mais la différence entre les deux intervenants et nous, c'est que, nous sommes en faveur d'une véritable Europe politique proche des citoyens, une Europe populaire dans laquelle ce sont les élus qui décident, qui votent la loi, le Parlement européen qui vote la loi. Il faudra d'ailleurs changer le mode de scrutin. À l'heure actuelle, nous votons pour une liste de 87 noms. Les Français ne connaissent pas les députés européens. Il faut qu'ils les connaissent. Il faut découper des euro-circonscriptions au niveau régional et puis avoir un « Monsieur Europe » ou une « Madame Europe » comme nous avons un « Monsieur Anglet » – je suis maire d'Anglet – un « Monsieur France » – il y en a même deux, Monsieur CHIRAC et monsieur JOSPIN – et donc un « Monsieur Europe ».
Michèle COTTA :
François HOLLANDE, vous êtes un peu en retard dans les temps de parole qu'on me communique. Est-ce que vous vous êtes affronté au fond à l'Europe fédérale façon BAYROU/LAMASSOURE et puis l'Europe libérale et sociale, on peut dire ça, d'Alain MADELIN ?
François HOLLANDE :
Non. Moi, je pense que Monsieur MADELIN comme Monsieur LAMASSOURE et même Monsieur PASQUA ont participé au même gouvernement, ont été avec les mêmes équipes. Donc, ils défendent le même projet qui est celui de l'Europe libérale et c'est légitime. Bon, à part quelques propositions institutionnelles, rien ne les distingue. Et donc, ce qu'il faut faire, c'est une Europe avec d'autres. Ce qui est invraisemblable dans la situation qui est la nôtre, c'est que non seulement la droite est divisée au niveau français mais elle l'est aussi au niveau européen. Nous, nous avons fait notre union et nous avons fait une union avec tous les socialistes européens ce qu'a dit tout à l'heure Monsieur MADELIN. Et ces socialistes européens ont pris les mêmes engagements parce que, au Parlement européen, il va bien falloir prendre des décisions notamment sur l'emploi, sur le social, sur la croissance. Et c'est ça un Parlement européen. Ça doit être une majorité et une opposition. Et je me bats aujourd'hui pour que, non seulement j'arrive en tête, donc devant Messieurs SARKOZY et MADELIN et d'autres parce que ça sera un beau résultat de politique intérieure mais surtout, je me bats pour qu'il y ait une majorité socialiste et sociale-démocrate à l'échelle de l'Europe, cohérente avec les gouvernements, cohérente même avec Monsieur PRODI qui est un homme qui a été un Premier ministre de centre-gauche avec des communistes en Italie et qui doit être capable ensemble de changer l'orientation actuelle de l'Europe vers le social et vers l'emploi.
Alain MADELIN :
Oui, je rappelle, il y a un instant puisque vous y faisiez allusion, c'est que le porte-parole du groupe socialiste avait protesté contre l'orientation trop libérale de Monsieur PRODI.
François HOLLANDE :
Oui, mais il voulait une majorité large, Monsieur PRODI. D'ailleurs, il l'a obtenue.
Alain MADELIN :
Oui, oui, d'accord. Je ne doute pas que vous saurez trouver une bonne réponse. Mais ce que j'observe, c'est qu'en Europe, heureusement, heureusement, le programme socialiste français est isolé. Vous m'avez fait grâce du reste de votre programme. Mais le salaire minimum européen...
François HOLLANDE :
Oui, eh bien, parlons-en. C'est une grande idée, ça, le salaire minimum européen.
Alain MADELIN :
Moi, je n'ai rien contre.
François HOLLANDE :
Si vous n'avez rien contre, pourquoi vous le critiquez ? Il faut que vous soyez pire à ce moment-là. Quelle est l'idée du salaire minimum européen ? C'est de dire, on a un grand marché sur lequel circulent des capitaux, circulent des marchandises. On doit avoir des normes. Et l'idée de faire converger les salaires minima à l'échelle de l'Europe est une idée qui devrait rassurer tous ceux qui sont conscients de la concurrence qui existe. Parce que vous parliez d'élargissement, si on faisait rentrer des pays – on les fera rentrer puisque c'est la logique même de la construction européenne – qui ont des très faibles niveaux de salaire et qui ont les mêmes règles que pour nous en matière de concurrence, alors ça sera une compétition extrêmement dure à l'égard de nos entreprises. Et nous, nous avons envie de garder nos entreprises. Donc, il faut qu'il y ait des salaires minima à l'échelle de l'Europe bien sûr.
Alain MADELIN :
Alors d'abord, premièrement, c'est assez intéressant, je ne sais pas si tout le monde a suivi mais ce que dit...
Michèle COTTA :
Vous êtes à deux minutes de la fin.
Alain MADELIN :
Mais ce qu'on nous explique à cet instant, c'est que le salaire minimum, il n'est pas fait pour les gens, il est fait pour se protéger nous contre la concurrence de pays à bas salaires. Ce n'est pas un progrès social. Vous savez quel est le salaire minimum au Portugal ? Il est de 300 euros. Si vous voulez le porter à 1 000 euros, est-ce que vous voulez le multiplier par trois, est-ce que vous pensez que c'est possible ?
François HOLLANDE :
Ça prendra du temps mais c'est nécessaire.
Michèle COTTA :
300 euros, ça fait combien ?
François HOLLANDE :
2 000 francs.
Alain MADELIN :
Juste un mot pour expliquer que, pourquoi utiliser l'Europe pour ça ? Vous avez des gouvernements socialistes partout. Pourquoi ne pas demander aux gouvernements socialistes par exemple d'augmenter ses salaires minimum ? Pourquoi utiliser à chaque instant l'Europe pour normer, pour contraindre, pour obliger ? Cette Europe-là, moi, je n'en veux pas. Je veux plus de liberté. Et puisque l'Europe peut nous apporter de bonnes leçons – vous avez parlé tout à l'heure de l'éducation, on pourrait parler également de la santé, des retraites – dans beaucoup de domaines, d'autres pays européens nous apportent des leçons de ce qui marche. Eh bien, moi, je voudrais me servir du meilleur de l'Europe pour faire bouger la France dans le bon sens.
François HOLLANDE :
Je veux me servir de l'Europe au plan social pour prendre ce qu'il y a de meilleur. Et la liberté que vous proclamez est celle des grandes entreprises, elle est celle des opérateurs économiques, elle est celle des marchés financiers. C'est une liberté qui mérite d'être respectée, ce n'est pas la nôtre. La liberté, c'est de pouvoir accéder à un travail et d'avoir effectivement des niveaux de salaire qui correspondent à des niveaux d'existence.
Michèle COTTA :
Merci beaucoup. Pas d'émission la semaine prochaine pour cause d'élections européennes. Dans quinze jours, vous retrouverez « Argent public ». C'était aujourd'hui la dernière émission « Polémiques » de la saison. Et donc, je voulais remercier toutes celles et tous ceux qui nous ont aidés, qui réalisent cette émission, qui participent à la préparation et depuis bientôt quatre ans c'est-à-dire les personnels techniques, administratifs et naturellement journalistiques de FRANCE 2. Au revoir. Au revoir Monsieur LAMASSOURE. L'éloignement ne m'a pas permis de vous faire participer tout à fait au débat. Mais dans ce cas-là vous auriez été deux contre un. Donc, c'était difficile. Donc, au revoir et à bientôt pour d'autres aventures.