Interview de M. François Hollande, président du groupe parlementaire socialiste à l'Assemblée nationale, dans "Paris-Match" du 17 juin 1999, sur les enjeux de l'élection européenne, ses répercussions sur l'équilibre des forces au sein de la majorité plurielle, les ambitions du PS pour l'Europe.

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Intervenant(s) : 
  • François Hollande - président du groupe parlementaire socialiste à l'Assemblée nationale

Circonstance : Elections européennes du 13 juin 1999

Média : Paris Match

Texte intégral

Q - Quand vous voyez que votre liste arrive en tête de tous les sondages, vous vous dites : « qu'est-ce que je suis bon ! ou Merci Jospin ! »

- Je me dis surtout : « Pourvu que cela dure ! », car le seul résultat qui compte c'est celui du 13 juin. Rien n'est acquis. Les électeurs sont loin d'être tous décidés. Nous bénéficions, c'est vrai, de la bonne popularité de Lionel Jospin. Cependant, personne ne vient voter pour remercier, mais pour obtenir des changements.

Q - Comment est-elle l'Europe de vos rêves ?

- C'est une Europe qui répond à un besoin de sécurité. Sociale d'abord. L'Europe inquiète, car elle pourrait être l'occasion pour les libéraux de remettre en cause les acquis sociaux. Elle ne doit pas être un facteur de dislocation de ce qui existe déjà. L'Europe que je souhaite doit encore être celle de la sécurité alimentaire. On voit qu'entre la vache folle et la dioxine dans le poulet il s'agit d'un problème spécifiquement européen. Les contrôles doivent être renforcés. Enfin, je crois à la nécessité de l'Europe de la Défense. Si l'Europe accepte de s'unir pour donner ce qu'elle a de meilleur, cela vaut la peine d'aller voter.

Q - Mais vous avez bien vu, à Cologne, que l'Europe sociale, malgré la présence de onze leaders socialistes ou sociaux-démocrates, n'est qu'une douche illusion…

- Il y a tout de même eu quelques avancées. Mais l'Europe, c'est un combat, un compromis, des négociations. Nous allons continuer à nous battre pour faire avancer ce dossier de l'Europe sociale. C'est pour cette raison que les socialistes doivent arriver en position de force au Parlement européen. Je rappelle que le pacte européen pour l'emploi est un acquis, des socialistes.

Q - … Chirac s'en attribue la paternité !

- Chacun verra qui a réellement fait quoi dans cette affaire. Moi, je sais en tout cas qui en a la paternité !

Q - On a l'impression que l'Europe n'est capable d'avancer qu'en traversant des crises : l'Europe de la Défense a fait un pas de géant avec la guerre du Kosovo, et des règles drastiques en matière de  sécurité alimentaire devront être prises avec la dioxine dans le poulet. Qu'est-ce que cela vous inspire ?

- Je trouve dommage qu'il faille attendre des crises pour trouver des solutions. Cela vaut pour le chômage, essayons de trouver des solutions avant les véritables crises.

Q - Vous êtes allié avec les chevènementistes alors que sur l'Europe vous êtes plus proche de Bayrou et de Cohn-Bendit. Qui s'est renié dans l'histoire, Chevènement ou vous ?

- Avec Bayrou, nous nous retrouvons sur les institutions européennes, mais nous nous séparons sur le social. Avec Cohen-Bendit, nos différences partent moins sur les institutions que sur la dissolution des nations, nous pensons que l'Europe doit être fédérale mais sans aller jusque-là. Si Cohen-Bendit avait voulu faire liste commune, nous l'aurions accueilli avec plaisir… Quand à Chevènement, il a préféré regarder vers l'avenir. Dans la mesure où la monnaie unique est derrière nous, il n'y avait plus de grande, divergence entre nous.

Q - L'après 13 juin est dans toutes les têtes. Que se passera-t-il dans la majorité plurielle si, par exemple, les Verts devançaient largement les communistes ?

- Moi, je pense surtout au 13 juin ! Mais n'oublions pas que cette élection concerne l'Europe, il ne doit donc pas y avoir de répercussions nationales.

Q - Comment vivez-vous ces derniers jours de campagnes ?

- Avec la conviction que les Français doivent se mobiliser. Cette élection est la plus importante depuis 1979, notamment parce que les pouvoirs du Parlement n'ont jamais été aussi forts à cause du Kosovo, ou encore pour les 18 millions de chômeurs. C'est pour cette raison que je me bats pour une Europe plus forte, plus proche. Seulement, si elle commence à être acceptée, elle n'est pas encore aimée.

Q - Il y a, à chaque scrutin, des surprises. Où les voyez-vous cette fois-ci ?

- La première surprise, elle a eu lieu avant le scrutin avec la démission de Séguin ! Le reste en découle, Le RPR risque de diviser en deux parts égales et ce sera un événement majeur !