Interview de M. Jean-Louis Debré, président du groupe parlementaire RPR à l'Assemblée nationale et ancien ministre de l'intérieur, dans "Le Parisien" du 6 octobre 1999, sur les propos d'Alain Juppé relatifs à l'immigration et à la nécessité pour la France d'accueillir de nouveaux immigrés.

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Circonstance : Interview de M. Alain Juppé dans "Le Monde" du 1er octobre 1999

Média : Le Parisien

Texte intégral

Q - Alain Juppé vous avait-il prévenu de ce qu'il allait dire ?

Jean-Louis Debré. - Non.

Q - Quelles ont été vos premières réactions ?

Mitigées. Je ne suis pas certain que le moment ait été bien choisi pour rouvrir un tel dossier.
Ensuite,. j'ai été très surpris à la lecture du titre choisi par« le Monde » (NDLR :« Il faut accueillir de nouveaux immigrés »), même si, après coup, je me suis aperçu que les propos tenus étaient heureusement plus nuancés...

Q - Avez-vous le sentiment que votre action au ministère de l'intérieur est désavouée ?

Non. J'ai bien lu. Alain Juppé ne renie pas la politique que j'ai initiée sous sa responsabilité.

Q - Mais il semble désormais vouloir amender cette politique...

Les principes demeurent. lis ont toujours été clairs. La France est, historiquement, un pays d'immigration. C'est sa tradition. En ce sens, elle fait figure d'exception en Europe : c'est son honneur. Simplement, ce serait une hypocrisie de nier que, depuis environ vingt ans, l'immigration a, chez nous, profondément changé et de nature et de dimension. La pression migratoire s'est accrue, et diversifiée. On est passé, globalement, d'une immigration européenne à une immigration africaine, puis asiatique. Bien souvent, on est passé d'une immigration de travailleurs à une immigration d'ayants droit (via, par exemple, le regroupement familial). On est passé d'une immigration économique à une immigration démographique. Tout cela s'opère au détriment de l'intégration de ceux que la France accueille. Or nous ne pouvons tolérer ni la xénophobie, ni le racisme, ni l'existence de ghettos, ni la montée du communautarisme...

Q - Alain Juppé affirme que le slogan « immigration zéro » n'a pas de sens…

Je l'ai toujours dit : un tel slogan, c'est une utopie. L'objectif, c'est : immigration illégale zéro.

Q - Vous n'êtes pas si loin de la politique Jospin-Chevènement !

Pas du tout ! Ce gouvernement, au-delà du brouillard des mots, revient aux errements anciens de la gauche. La règle, c'est à nouveau le laxisme.

Q - Alain Juppé affirme que l'Europe pourrait à nouveau avoir besoin d'immigrés...

N'allons pas plus vite  que la  musique !... Mais si, effectivement, le retour à la croissance se confirme, une inflexion sera possible, à condition qu'elle soit conforme à la tradition française : oui à l'immigration illégale ; oui à l'intégration des étrangers en situation régulière ; pas de faiblesse vis-à-vis des étrangers en situation irrégulière. Moi, j'assume la politique que j'ai conduite. Les autres, ils font ce qu'ils veulent.

Q - Alain Juppé confie avoir fait preuve de « maladresse » dans la gestion du dossier Saint-Bernard. Vous dîtes la même chose ?

Je n'ai jamais été, moi, un adepte de la fausse repentance ou de l'autoflagellation.

Q - Qu'avez-vous envie de dire aux électeurs de droite un peu perdus au milieu de toutes ces querelles ?

Une chose : je n'ai pas changé, pas modifié mon cap et, selon le célèbre refrain d'Edith Piaf, « non, rien de rien, je ne regrette rien ».