Texte intégral
Q - Vous avez proposé jeudi plusieurs mesures (échéances bancaires différées, report des cotisations sociales) en faveur des producteurs de fruits et légumes. Est-ce suffisant pour désamorcer leur colère ?
On le saura dans quelques semaines, lorsque nous serons en mesure d'établir un bilan de la saison car la campagne n'est pas achevée et on ne peut en tirer un bilan prématurément. Au vu de ce bilan, j'ai pris l'engagement de traiter, au cas par cas, la situation des petits producteurs les plus touchés. Mais il faut aussi progresser dans l'organisation collective de la profession. Il faut enfin des mesures européennes, et j'ai fait des propositions, soutenues par mes homologues espagnols et italiens, pour réformer l'organisation commune du marché des fruits et légumes.
Q - Considérez-vous vraiment l'opération de double étiquetage, mesure souhaitée par les agriculteurs, comme une réussite ?
Comment juger de la réussite ou de l'échec d'un dispositif qui vient à peine de se mettre en place et qui tranche avec de si longues habitudes ? Conclure déjà à l'échec, c'est prendre le double étiquetage pour ce qu'il n'est pas ! Il n'est pas fait pour relever, comme par un coup de baguette magique, le cours des fruits et légumes. Mais cet outil conjoncturel, prévu par la loi d'orientation agricole et souhaité par les producteurs, a le mérite d'informer les consommateurs et de responsabiliser les distributeurs. Tout ce qui contribue à la transparence est une bonne chose pour l'économie comme pour la démocratie.
Q - Est-ce pour ne pas indisposer les producteurs que vous n'évoquez pas une crise de surproduction ?
Le mot surproduction ne suffit pas à caractériser cette crise ; c'est une situation complexe qui allie à la fois des problèmes de rapports commerciaux au sein des filières, des problèmes d'organisation collective des producteurs, de concurrence très rude à l'intérieur de l'Europe, et, dans certains cas, de surproduction conjoncturelle.
Q - Un ouvrier espagnol est payé 23 francs de l'heure contre 56 francs de l'heure en France.
Comment rechercher une « meilleure maîtrise de la production » sans que règne au niveau européen un minimum d'égalité des conditions sociales de production ?
Pour éviter que se reproduise chaque été cette situation, il faut en effet parvenir à une meilleure maîtrise de la production, mais aussi miser sur la qualité et parvenir à une meilleure organisation collective de la filière fruits et légumes. Quant à l'harmonisation des conditions salariales et sociales au niveau européen, c'est en effet la principale ambition que l'Union européenne doit avoir, comme elle l'a eue pour parvenir à la monnaie unique. Souvenez-vous des dégâts provoqués, il y a quelques années, par les dévaluations sauvages de la lire ou de la peseta ! Tout cela est derrière nous.
Q - La production avicole bretonne, en état de surproduction, est traumatisée. Un rapport estime à plus de 600 le nombre d'exploitations qui devraient à terme disparaître. Que faire pour que la Bretagne, qui produit 66 % des « volailles de chair, ne devienne pas une zone sinistrée ?
On a ici le résultat regrettable d'une politique agricole qui a été dans le passé trop tournée vers le productivisme, sans se soucier de l'évolution du marché. Comme pour la filière porcine, on a laissé, on les a même encouragés, trop d'agriculteurs développer des productions très rentables à court terme, investir, se concurrencer, et s'endetter. La politique agricole que je mets en place est justement faite pour passer d'une logique de course folle à la production à une logique de qualité, de territoire, d'emploi, d'environnement et de marché. C'est un changement radical, qui fait plus appel à la responsabilité qu'à la subvention.
Q - Le monde paysan prépare pour mardi une grande manifestation. Quel message d'espoir pouvez-vous lui délivrer ?
Les agriculteurs français, par leur travail et leur savoir-faire, ont fait de notre agriculture la première d'Europe et la deuxième du monde, ils peuvent en être fiers et compter sur moi pour les aider à valoriser leur situation, malgré les difficultés qu'ils rencontrent et dont je suis bien conscient.
Q - Avez-vous déjà mangé dans un McDo ?
Non, c'est presque une affaire de principe pour moi. C'est d'ailleurs la seule divergence de fond qui m'oppose à mes enfants…
Q - Avez-vous déjà rencontré José Bové ?
Oui.