Texte intégral
Q - Combien le projet de loi relatif à la « réduction négociée du temps de travail » peut-il créer ou sauver d'emplois dans l'industrie ?
Créer des emplois, c'est l'objectif premier de cet aménagement-réduction du temps de travail (ARTT). Il y a trois moteurs à la création d'emplois : la croissance (300 000 emplois créés l'an dernier), les emplois-jeunes (150 000) et l'ARTT (101 000). Si on arrive à bien faire fonctionner tous ces moteurs ensemble, on doit pouvoir créer en fin de système en 2002 entre 300 et 500 000 emplois avec l'ARTT. La croissance doit rester le moteur principal et on a aujourd'hui la volonté politique de lui adjoindre ce moteur auxiliaire de l'ARTT pour sauver et créer davantage d'emplois y compris dans l'industrie manufacturière où les phénomènes de productivité sont pourtant très forts. Le gouvernement veut inverser la fatalité de la hausse du nombre des postes de travail qu'on connaît dans l'industrie depuis 10 ans : 10 000 créés l'an dernier, un renversement de tendance.
Pour que le processus marche, nous avons voulu réunir trois conditions. D'abord que ce soit un aménagement-réduction du temps de travail qui mette à plat par la négociation l'organisation du travail, de façon proche des réalités, branche par branche, entreprise par entreprise.
Deuxième condition, expérimenter les formules. La première loi, depuis un peu plus d'un an, encourage les entreprises à mener des expériences et des négociations parce qu'on n'applique pas les mêmes formules selon qu'on fabrique une chemise ou des turbines à gaz…
Troisième règle absolue : ne pas compromettre la compétitivité des entreprises. D'où les allégements de charges allant de 21 500 F par emploi et par an pour le salarié payé au SMIC jusqu'à 4.000 F pour 1,8 fois le SMIC, afin d'encourager les industries de main d'oeuvre à garder leurs emplois et à en créer.
Q - Mais n'instituez-vous pas une réduction de travail en trompe l'oeil : travailler moins longtemps dans l'année, alors qu'il faudra travailler plus d'années avant la retraite ?
La question des retraites ne se pose pas encore. Mais c'est maintenant qu'il faut y réfléchir pour le moment où les enfants du baby-boom arriveront en 2005-2010 à la retraite. Ce n'est pas du trompe l'oeil que de créer aujourd'hui les conditions d'un meilleur emploi. Mieux vaut des salariés en activité qui financent le système de retraite, que des chômeurs qui ne cotisent pas. Le système de retraite par répartition nous oblige à lutter en faveur de l'emploi pour avoir un nombre d'actifs suffisant. Et encore faudra-t-il sans doute lui trouver un adjuvant avec des fonds de retraites, compléments acceptables s'ils constituent, une antithèse absolue aux fonds de pension à l'anglo-saxonne dont nous ne voulons pas. D'autant qu'il faudra bien imaginer une réponse adaptée à ces fonds qui détiennent à plus de 50 % les grandes entreprises du CAC 40.
Q - N'y-a-t-il pas contradiction avec les nouvelles préretraites dont vont bénéficier les plus de 55 ans de l'automobile ?
Les partenaires sociaux viennent de s'entendre sur un système de départs anticipés qui repose essentiellement sur les entreprises. Et non pas sur des aides d'Etat. C'est radicalement différent de ce qui avait été demandé par le secteur automobile au gouvernement précédent.
Il s'agit d'une incitation à la personne qui tient compte de l'usure et de la fatigue de salariés. Elle a été négociée sous la responsabilité des entreprises avec leurs salariés pour répondre à des situations humaines. Si les patronats et les syndicats d'autres secteur que l'automobile le veulent, ils peuvent faire de même. Il n'y a rien là de catégoriel.