Texte intégral
Comment interpréter le désintérêt grandissant des Français pour la vie politique, cette distance avec les affaires publiques qu'a révélée une fois de plus le taux d'abstention spectaculaire lors des élections européennes récentes sinon par le fait qu'ils ont l'impression qu'il n'y a plus de choix fondamentaux à effectuer, que les différences entre les courants s'estompent, que les antagonismes s'atténuent, que les clivages s'effacent.
Le renoncement au débat et cette recherche constante d'un consensus expliquent sans doute cet ennui que traduit le comportement de nos concitoyens face aux évènements. Certains jugent cette évolution positive en soulignant que « enfin » le débat politique se « civilise », or c'est l'inverse qui risque de se produire, car alors qu'il est possible et même souhaitable que l'on ait respect et considération pour son adversaire, tout en faisant valoir les différences et en alimentant un débat fracassant dans le domaine des « idées », il est à craindre que le renoncement au débat amène le combat politique à se situer sur le seul terrain des personnes et provoque des conflits d'intérêts.
Les conséquences de cette dérive sont préoccupantes :
C'est la perte du sens du « bien commun » et la montée des corporatismes, car du fait que l'on ne propose plus à nos concitoyens » un choix de société, un projet politique, ils se consacrent à leurs intérêts particuliers et à leur satisfaction individuelle. C'est la montée de l'utilitarisme, de l'individualisme, du matérialisme de l'argent roi.
C'est du fait de l'absence de débat contradictoire, l'émergence d'une pensée unique sur bien des questions de société.
C'est l'affadissement de la démocratie renforcée, par ailleurs, par la pratique prolongée d'une cohabitation de complaisance.
Si l'on veut porter remède à cette situation, il convient d'en connaître les causes. Certes il y a le contexte historique :
- l'absence d'évènements extraordinaires tels que la décolonisation ou la crise économique, qui obligent chacun à se positionner.
- l'absence de chef charismatique tel que De Gaulle qui, au-delà même des structures politiques traditionnelles parvient à fédérer et à entraîner autour d'un projet des hommes de tous milieux sociaux, aux tempéraments variés et aux sensibilités différentes.
- c'est la perte des repères qui résulte de la mondialisation, des progrès scientifiques et techniques.
Mais au-delà de ces causes de fond, il y a, de la part d'un certain nombre de responsables, l'absence de volonté politique. Car s'il n'y a pas de débat fracassant, c'est parce qu'il n'y a pas de choix de société offert à nos concitoyens.
S'il n'y a pas de choix de société offert, c'est parce qu'il y a, depuis trop longtemps, démission des responsables de la droite face à une gauche qui à su se rénover.
Ceci se justifierait Si la droite était dans notre pays ultra-minoritaire.
Ceci s'expliquerait si l'on pouvait observer la même évolution dans les pays étrangers. Mais le paradoxe, c'est qu'une fois encore on est en face d'une « exception française ». En effet, quand on interroge les Français, soit au travers d'études d'opinion ou lors de consultations électorales, on constate que la gauche n'est pas majoritaire et que les thèmes qui caractérisent la droite sont approuvés par une majorité de citoyens.
- C'est la demande d'autorité de l'Etat et le souhait d'une plus grande sécurité,
- C'est l'aspiration à plus de liberté et d'autonomie,
- C'est une redéfinition du rôle du système éducatif,
- C'est la recherche de nouvelles formes d'enracinement – d'un lien social renforcé et d'une identité nationale reconnue.
Alors, la question qui vient à l'esprit comment refonder la droite pour qu'elle puisse exercer ses responsabilités politiques au plus grand bénéfice d'une démocratie revivifiée.
Ne faut-il pas s'inspirer des expériences étrangères et en particulier dans les pays européens ou l'on ne constate pas la même évolution ?
Les élections européennes ont, à cet égard, été éclairantes.
- Ce n'est sans doute pas un hasard si le CDU/CSU a frôlé les 50 % des voix.
- Si le Parti conservateur anglais, en face d'un Premier ministre aussi charismatique que Tony Blair, a remporté cette compétition.
- Si le Parti Populaire espagnol, bien qu'assumant les responsabilités gouvernementales depuis quelques années, a vu son influence électorale augmenter.
Il n'est pas saugrenu de s'interroger sur la corrélation pouvant exister entre l'organisation de leurs formations politiques et leur succès électoral ; car il convient de constater :
- Que pour des raisons différentes et sans doute spécifiques à chacun – dans ces trois pays il y a la présence à droite sur l'échiquier politique d'une grande formation d'alternance et de gouvernement.
- Que ces formations ont intégré le pluralisme et la culture de débat (le tait qu'il y ait dans les formations des souverainistes et des fédéralistes n'a échappé à aucun observateur). Ces formations, par leur organisation parviennent à faire cohabiter ensemble des sensibilités très différentes qui se retrouvent sur l'essentiel au terme de débat interne.
Ces formations, grâce aux procédures qu'elles ont adoptées, parviennent à canaliser les ambitions légitimes des responsables politiques au service des convictions.
Cette analyse, nous la faisons depuis des années :
- La démocratie exige que les citoyens aient le choix entre différents projets de société, l'efficacité politique et les aspirations démocratiques exigent l'alternance entre deux grandes formations « porteuses d'un projet ».
- En face du Parti socialiste, qui a su mener sa rénovation dès 1971, la droite a l'impérieuse obligation d'engager la sienne.
Nous nous réjouissons qu'aujourd'hui des personnalités aussi diverses que les députés refondateurs, Edouard Balladur, Valéry Giscard d'Estaing, Jean-Louis Bourlanges… fassent des analyses similaires.
Faut-il rappeler la déclaration que Valéry Giscard d'Estaing avait faite dès 1989 : « un grand parti moderne doit accepter sans drame, sans confusion, les différences intérieures, les sensibilités diverses, les courants, les trans-courants, le passage de l'un à l'autre et l'existence de la démocratie interne, fondée sur le principe simple : un homme = une voie » (Express du 13/10/89).
Mais étant donné les échecs répétés (élections législatives, régionales, européennes…) il est temps d'aller au-delà des déclarations d'intention pour passer à l'acte.
L'objection – souvent faite – comme quoi il existe dans la droite française des familles politiques tellement différentes qu'elles ne peuvent se retrouver dans une grande formation pluraliste ne résiste pas à l'analyse.
Comment expliquer à nos concitoyens que des personnalités aux caractères affirmés, comme Charles PASQUA, François BAYROU, Alain MADELIN, Nicolas SARKOZY aient pu hier siéger dans le même gouvernement et mettre en oeuvre les mêmes politiques gouvernementales et soient aujourd'hui obligées d'avoir chacune leur chapelle.
Comment justifier que la droite par son organisation éclatée, s'interdise toute confrontation idéologique sérieuse, sur les grands choix de société, tout débat organisé et se contente d'une vague plate-forme politique lorsqu'elle est destinée à assurer les responsabilités gouvernementales.
La droite vit un paradoxe :
Elle devrait privilégier le débat interne, puis l'unité de candidatures aux législatives et aux présidentielles.
Au lieu de cela elle s'enlise dans le consensus, puis se disperse en candidatures multiples au moment des grands choix politiques.
C'est pourquoi nous proposons que les responsables politiques conjuguent leurs efforts pour organiser le pluralisme idéologique et l'unité d'action dans le cadre d'une grande formation de gouvernement et d'alternance.
- Il ne doit pas s'agir d'un énième arrangement d'appareil, ni d'une fédération de partis politiques, ni d'un cartel électoral. Les échecs de l'UPF ou de l'Alliance ont été là pour démontrer le caractère irréaliste de cette approche.
- Il ne doit pas s'agir d'une union de circonstances sans référence commune – c'est pourquoi le premier acte à poser est l'adoption d'une charte où seront exposés les principes et les références qui justifient l'engagement politique commun tel que :
- le respect en chaque homme de l'éminente et égale dignité de la personne humaine,
- le principe de l'autorité de l'Etat, garant des droits de chacun,
- la référence à une communauté de destin,
- la notion de bien commun,
- le principe de subsidiarité.
L'adoption de cette Charte devrait être l'acte fondateur.
Car de ce fait :
- serait connu le tronc commun de cette formation pluraliste,
- serait connu le terme du contrat d'adhésion de tous ceux qui s'inscrivent dans cette formation.
Cette Charte devra être suffisamment claire pour éviter que la formation puisse être noyautée par une minorité agissante qui ne partage pas les mêmes références et la détourne de son objectif.
Elle devra être suffisamment fondamentale pour garantir le pluralisme des sensibilités et des expressions.
Car il faudra que dans les statuts de cette formation soient garantis par des règles de procédure très strictes, l'organisation du débat et le respect des différents tempéraments et des expressions
- C'est par des règles de procédure que l'on évitera les magouilles, les tripatouillages, les querelles intestines, que l'on instaurera la transparence dans le choix des orientations politiques et dans la désignation des responsables.
- Pour compenser la tentation de détournement des procédures il sera judicieux d'instaurer une instance indépendante dont la seule mission sera de veiller au respect des procédures et de garantir la transparence – c'est ce qu'il est convenu d'appeler « la Gouvernance ».
Cette démarche amène à substituer à la coalition d'intérêts politiques la Fédération des volontés autour d'un projet.
En effet, le choix des responsables se fera en fonction des conclusions du débat sur les orientations politiques.
De ce fait les candidats à des postes de responsables sont obligés de se positionner idéologiquement, de dire ce qu'ils veulent faire et, s'ils veulent rester crédibles, de faire ce qu'ils disent.
L'intérêt de cette démarche est triple :
1°) Elle favorise le renouvellement des dirigeants et permet de fixer des règles favorisant l'accès des femmes ou des jeunes à des postes de responsabilité.
2°) Elle lie la définition des orientations et les choix des acteurs politiques – ceux seront ces derniers qui seront amenés à concilier en permanence l'éthique de la responsabilité (la gestion des contraintes) et l'éthique de conviction (la fidélité aux valeurs).
3°) Elle instaure la culture du débat et amène la droite à renouer avec la réflexion et les références intellectuelles.
La dernière série de questions que nous devons nous poser :
Est-ce nécessaire ?
Est-ce possible ?
1) Est-ce nécessaire ?
Bien sûr, car l'organisation actuelle de la droite l'amène à enregistrer échec sur échec :
- Echec des législatives de 1997, car les Français n'ont pas compris que le gouvernement n'ait pas fait ce que le candidat Chirac avait promis.
- Echec des régionales de 1998, car la droite n'a pas eu le courage de s'affirmer autour de son seul projet et s'est laissé dicter sa conduite par la gauche.
- Echec des Européennes de 1999, car la droite ne s'est pas donnée les moyens d'engager un grand débat interne sur l'Europe afin de dégager une approche commune.
Oui, c'est nécessaire, car toutes les autres approches ont jusqu'à ce jour échoué. La droite n'a eu la charge des affaires que lorsqu'elle était organisée autour d'un parti dominant, inspiré au départ par un chef charismatique. Dès que ce parti n'a plus présidé à l'organisation de la droite, celle-ci a vu son influence décliner et s'est révélée incapable d'assumer ses responsabilités – l'histoire politique de 1981 à aujourd'hui le démontre à l'évidence.
Oui c'est nécessaire, car l'absence d'opposition crédible participe à l'affadissement de notre démocratie et au retard des réformes. Comment expliquer que sur des sujets aussi graves que le système éducatif, l'organisation du temps de travail, les retraites où le financement des entreprises, il n'y ait pas de grand débat impliquant les citoyens, il n'y ait pas eu de vraies interpellations du gouvernement.
Ceci conduit d'ailleurs le gouvernement et sa majorité de gauche à confisquer toute la vie politique aux dépens d'un vrai débat démocratique. N'est-il pas frappant que sur des sujets aussi graves que la sécurité ou la politique énergétique, la confrontation ait eu lieu non pas entre majorité et opposition, mais à l'intérieur de la majorité entre Madame Guigou et Monsieur Chevènement et entre Madame Voynet et Monsieur Chevènement.
Oui, c'est nécessaire, car les Français sont en train de perdre totalement confiance dans l'opposition actuelle et se réfugient dans l'abstention, le vote protestataire ou l'expression catégorielle. Il est à craindre que la droite enregistre des échecs retentissants lors des prochaines élections municipales. Si elle n'est pas en mesure de présenter des listes renouvelées et d'organiser l'unité d'action : la préparation des élections municipales à Paris et à Lyon est édifiante à cet égard.
Il est donc urgent de cesser cette spirale de l'échec entretenue par le régime des partis et la cohabitation et d‘engager la dynamique de la refondation, enracinée dans le pluralisme organisé. Mais est-ce possible ?
2) Est-ce possible ?
- Oui, puisque depuis des années, 80 % des électeurs de l'opposition le souhaitent.
- Certains soutiennent que cette dynamique de la refondation ne peut-être engagée que par, ou autour, du Président de la République – je ne le crois pas.
D'abord, parce que ceci exigerait qu'il troque ses habits de Président au profit de ceux de chef de l'opposition – ce qui n'est pas conforme à l'esprit de nos institutions.
Ensuite parce que, si même cette thèse était retenue, ceci imposerait de rompre avec une cohabitation paralysante.
C'est pourquoi, les dirigeants de l'opposition doivent prendre leurs responsabilités.
Car dès que deux ou plusieurs familles de l'opposition actuelle accepteront cette logique, dès que dans une formation quelle qu'elle soit, sera institué et garanti le pluralisme organisé, l'embryon de la grande force d'alternance et de gouvernement sera là et la dynamique aura été lancée.
Si certains sceptiques, invétérés en doutent, je les invite à relire l'histoire du Parti Socialiste pour mesurer l'effet qu'a provoqué le congrès d'Epinay ce que MAUROY, POPEREN, CHEVENEMENT, SAVARY et MITTERRAND ont fait, pourquoi les responsables de l'opposition ne seraient-ils pas capables de le faire ?
En toute hypothèse le mouvement La Droite est décidé à participer à l'émergence de cette force de gouvernement et d'alternance. Le mouvement prendra les devants nouera contact avec tous ceux qui partagent le même objectif et prendra, tant au niveau national qu'au niveau local, toutes les initiatives qui s'imposent.