Texte intégral
RMC : mardi 20 avril 1999
Q - Est-ce que le départ de P. Séguin de la tête du RPR ouvre la voie à un accord pour une liste unique de l'opposition ? Ca ne semble pas aussi évident que ça ce matin.
- « D'abord, je voudrais dire que personnellement, je regrette le départ de P. Séguin qui était une tête de liste formidable et un homme de grande envergure, qui avait su évoluer sur les problèmes européens. Cela étant, l'UDF faisait de la présence de P. Séguin une condition sine qua none de sa participation ou non à l'union. P. Séguin étant parti, on aurait pu penser que les conditions étaient remplies. »
Q - On aurait pu ?
- « On a donné, au fond, involontairement, une deuxième chance à l'union de l'opposition, ce qui aurait pu être positif. Je dois dire que le silence et l'attitude d'un certain nombre de responsables UDF, depuis hier, me laissent désormais sceptique sur la possibilité de réaliser cette union. Et je le regrette personnellement car je crois vraiment que les conditions sont réunies pour l'union, y compris les conditions posées d'ailleurs par F. Bayrou. »
Q - Les trois conditions de F. Bayrou ne vous semblent pas insurmontables ?
- « Non, elles ne me semblent pas insurmontables. D'ailleurs, est-ce que ces conditions sont vraiment essentielles, je n'en suis pas sûr. L'armée européenne, c'est évident, c'est dans le programme. Quelle est la formation politique, qui est contre ? Il y en a très peu. La Constitution, ça ne pose pas de problème. L'élection au suffrage universel du président européen, je note que c'est une position d'ultra-européen, que le parti même de F. Bayrou, le PPE – ce parti européen qui est un grand parti démocrate chrétien dont nous faisons partie, d'ailleurs, au niveau de l'Europe – ne reconnaît pas comme une idée bien sérieuse cette idée de l'élection. Cela étant, moi, je veux bien discuter, même des positions ultra-européennes, ça ne me choque pas. C'est en tout cas un pas décisif pour empêcher l'union. »
Q - Les principaux amis de F. Bayrou ont largement laissé entendre qu'ils conseillaient à F. Bayrou de ne pas accepter une liste d'union avec vous.
- « « J'ai entendu comme vous les propos, notamment de G. de Robien, qui s'est livré à un exercice tout à fait spectaculaire de volonté de rupture. J'espère que la raison triomphera au bureau de l'UDF. Cela étant, nous n'allons pas passer la semaine à jouer de la mandoline sous des fenêtres fermées. Vous savez, dans la vie politique, quand on veut faire une liste, on fait une liste. Nous avons des militants qui nous réclament constamment d'y aller. Les électeurs, les militants nous disent qu'il faut faire l'union. Pour le moment, nous tenons sur la position de l'union et je pense que c'est la solution la plus raisonnable. Cela étant, si l'UDF ne veut pas faire l'union, eh bien, on en tirera les conséquences. Au fond, je crois que nous avons, depuis hier, ouvert la réflexion sur la possibilité de rendre ce handicap du départ de P. Séguin positif pour l'ensemble de l'opposition. Au fond, s'il n'y a pas d'union, il faut que nous réfléchissions, avec nos amis du RPR, qui évoluent considérablement sur les questions européennes et sur d'autres. Il faut que nous réfléchissions à la possibilité d'un partenariat entre Démocratie libérale et le RPR… »
Q - Ce n'est pas le cas en ce moment ?
- « Une rénovation, une reconstruction à partir d'un bloc moderne, central, au sein de l'opposition. »
Q - Ca veut dire mettre fin aux appareils existants à terme ?
- « Non, parce que la question des appareils sera secondaire. Mais je crois qu'il faut approfondir les relations dans un partenariat moderne, avec des gens nouveaux et faire cette dynamique de la rénovation sur la liste européenne. »
Q - Sans l'UDF ?
- « Je préférerais, je le dis très nettement, que nous fassions une liste d'union. Je crois que c'est la solution la plus raisonnable. Cela étant, quand vous avez des gens qui ne veulent pas faire l'union et qui se couvrent derrière des arguments qui, de toute évidence – quelquefois dit d'ailleurs d'une manière désagréable -, sont des arguments un peu fallacieux, je me dis : il faut prendre des dispositions pour redonner confiance à nos électeurs qui sont complètement désemparés et montrer que la droite est capable du sursaut. »
Q - Quand F. Bayrou parle d'un champ de ruines de la droite, vous pensez que c'est le bon constat ?
- « Je ne suis pas pessimiste. Je crois que dans la politique, il y a des moments difficiles. Celui-là en est un. La droite n'a pas été particulièrement servie depuis quelques mois, j'en conviens. Mais nos électeurs, nos militants restent fidèles. Ils attendent, de la part de leurs dirigeants, la rénovation. Eh bien cette rénovation, il va falloir la leur donner, avec l'UDF si possible, et sans si l'UDF ne le souhaite pas. »
Q - Pour en revenir aux délais, c'est très important puisqu'en attendant la réponse de l'UDF, vous êtes peut-être un peu bloqué dans votre campagne électorale, est-ce que le délai accordé par M. Sarkozy vous paraît un délai rigide ? Ne donnez-vous pas plus d'une semaine à l'UDF pour répondre ?
- « Moi, je trouve que ce délai est extrêmement long. Si vraiment mon avis est entendu, je crois qu'il faut continuer la campagne européenne, ne surtout pas s'arrêter parce que le capitaine est parti. Il faut que la campagne RPR-DL continue. Il faut, d'autre part, absolument penser à l'avenir. Il faut que nous soyons d'accord entre nous d'ici 24 heures, 48 heures. La vie ne va pas s'arrêter parce que l'UDF réfléchit sur la possibilité de continuer ou non la campagne européenne. C'est un événement mais la terre ne s'arrête pas de tourner. »
Q - Est-ce que la campagne changera de ton si l'UDF, pour la deuxième fois je dirais, refuse les propositions d'union qui sont les vôtres ?
- « C'est évident que ça changera un peu la nature de cette campagne. »
Q - Est-ce que ça change le rapport politique ?
- « Oui, c'est évident. Parce que, au fond, on aura deux listes ultra : une liste ultra-européenne, celle de M. Bayrou dans ce cas-là, puisque la liste européenne centrale restera la liste RPR-DL qui suit la politique du Président de la République ; et puis d'un autre côté, on aura une liste ultra anti-européenne, celle de C. Pasqua qui, je le constate d'ailleurs, tire tous les bénéfices des remarques et des désagréments des listes de droite. »
Q - Vous acceptez que le RPR veuille, comme l'a dit M. Sarkozy, remplacer M. Séguin par un autre RPR ?
- « Je n'ai pas, comme d'autre, d'a priori personnel. Je crois qu'il faut que nous mettions d'accord – avec l'UDF, sinon sans l'UDF – sur la meilleure tête de liste, celle qui est capable de montrer à l'opinion que nous sommes derrière le Président de la République sur sa politique européenne ; que nous sommes favorables à l'union ; que nous voulons la rénover, la reconstruire et que nous voulons créer cette grande formation d'alternance moderne dont la droite a besoin. »
Q - C'est le portrait de M. Sarkozy que vous dressez là ?
- « Non, je crois que ça peut être le portrait de M. Madelin aussi. Mais je crois qu'il y a là, quand même, dans nos équipes dirigeantes, un réservoir d'hommes politiques d'avenir, jeunes, dynamiques, qui peuvent parfaitement porter le flambeau. »
Q - Est-ce qu'il faut que M. Madelin reste sur la liste européenne ?
- « C'est une question que l'on verra. Tout ça, ce sont des questions secondaires. »
Q - Une question importante : faut-il conserver le raisonnement de M. Pons, c'est-à-dire que le 14 juin, on fait la somme, quelle que soit la liste de départ, de tous ceux qui sont de la majorité présidentielle ?
- « Moi, ça n'a jamais été mon avis. On ne commence pas une campagne électorale en disant : de toute façon, attendons le 14 juin pour voir ce qui va se passer ultérieurement. Quand on fait une campagne électorale, c'est pour convaincre, pour faire des électeurs. Nous souhaitons tout simplement que la liste d'union si possible, sinon la liste RPR-DL, fasse le maximum de voix derrière le Président de la République. C'est l'intérêt même du Président de la République d'ailleurs. »
France 2 : mercredi 21 avril 1999
Q - Vous êtes député de Démocratie Libérale, non plus UDF. Ca fait quelques mois qu'effectivement, la famille de l'UDF s'est un peu séparée. Une nouvelle étape a-t-elle été franchie, hier soir ? Le bureau politique de l'UDF s'est visiblement prononcé pour une liste indépendante. Est-ce le vin de la désunion qui est tiré ? Comment allez-vous le boire ce vin de la désunion ?
- « Au moins depuis quelques jours on se posait des questions, et maintenant on ne s'en pose plus. Mais ça a été important quand même ces derniers jours, parce que l'UDF centriste nous avait dit, au départ, pour ne faire l'union, que c'était la personnalité de P. Séguin… »
Q - C'était un prétexte ?
- « …et P. Séguin s'en va. Bien. Donc on aurait pu, nous, continuer à mener notre liste, qui marchait bien ; d'ailleurs nos militaires ont souhaité le faire. Les électeurs nous ont fait un signe, nous ont dit : il faut faire l'union. On a remis donc le thème de l'union, et donc là, l'UDF centriste nous a invoqué trois questions préalables. C'était la deuxième étape. On a répondu favorablement à la discussion des trois questions préalables. »
Q - Sauf sur l'Europe fédérale, on ne peut pas dire quand même que le RPR et les centristes partagent les…
- « On pouvait discuter et on a répondu sans ambiguïtés. Et puis on a eu la troisième étape, celle d'hier, qui montre de toute évidence, que l'UDF centriste a choisi la division. Ils ont choisi la division ; c'était pas la peine de nous faire tout ce numéro ; il fallait mieux nous dire, dès le départ, au lieu de nous dire qu'on ne pouvait pas jouer à la belote, c'était pas la peine de nous faire jouer au poker-menteur. Car on a perdu quatre jours. Cela étant, je crois qu'à toute chose malheur est bon. Maintenant, on est dans une situation claire ; N. Sarkozy sera vraisemblablement, je le souhaite, avec A. Madelin, investi. »
Q - A. Madelin, c'est sûr ? Car on a des rumeurs selon lesquelles…
- « C'est le voeu politique du RPR et de Démocratie Libérale qui le fera. Mais nous ne sommes jamais dérobés à l'union. C'est une question que l'on débattra entre nous. Mais je crois qu'il faut maintenant profiter de cette mésaventure de la division des centristes pour créer les bases de ce grand parti de droite libéral que tous les électeurs appellent. Vous savez, au fond, cette clarification elle est était souhaitable. Les centristes ont décidé de tenter une aventure, un positionnement politique un peu trouble. Je note d'ailleurs qu'ils ne parlent jamais… »
Q - Ce n'est pas la première fois…
- « …qu'ils ne parlent jamais autant de la droite plurielle que lorsqu'ils la quittent. Mais on verra. Nous, nous allons créer une véritable formation de droite, et je souhaite qu'il y ait un partenariat durable entre le RPR et Démocratie Libérale. »
Q - Ca veut dire que l'Alliance, qui est née mais qui n'a pas beaucoup vécu, est définitivement enterrée, et qu'une nouvelle « Alliance » entre guillemets, pourrait se créer entre le RPR et Démocratie libérale ? Avec vraiment, pas un carcan, mais une maison commune, des règles communes ?
- « Un bon partenariat durable, qui crée les conditions d'une vraie formation politique de droite, renouvelée. Je crois que les électeurs ont besoin de changement. Ils veulent ce parti de droite ; il s'incarnera dans N. Sarkozy, A. Madelin, s'ils le souhaitent. Dans d'autres, car nous avons une équipe quand même d'hommes politiques nouveaux qui arrivent, et qui, je crois, sont susceptibles, en soutenant le Président de la République, de donner aux électeurs, cette idée que l'opposition est unie, qu'elle est renouvelée, qu'elle est dynamique. Et puis les centristes feront ce qu'ils souhaitent. Après tout, chacun dans cette démocratie est libre de ses actes en prenant ses responsabilités. »
Q - Quand vous parlez de « partenariat durable avec le RPR », ça pourrait aller jusqu'à la fusion ?
- « Non, je ne crois pas. Il faut laisser les choses évoluer. Déjà « partenariat durable », ça signifie que, nous donnons aux électeurs… »
Q - Listes communes aux municipales, des accords aux législatives…
- « On verra, on verra, on en discutera. Mais ce signe fort que, désormais, nous sommes en position et en condition de monter ce grand parti de droite libéral, auquel, je le sens bien sur le terrain et dans les réunions, aspirent depuis deux ans nos électeurs. Nous le faisons sans ambiguïté derrière le Président de la République, qui souhaite l'union, qui a souhaité l'union, qui renouvellera, je crois son appel à l'union. Donc, c'est, au fond : à toute chose malheur est bon. La clarification en politique, de temps en temps, est nécessaire, sur les idées et sur les hommes. »
Q - Avez-vous le sentiment que le RPR et Démocratie Libérale, cette liste-là, va perdre des plumes, si j'ose dire, par rapport à la liste centriste ? Est-ce qu'effectivement deux listes séparées vont faire finalement plus que n'aurait fait une liste unique, ou moins ? Les premiers sondages qui tombent, vous créditent de 20 % - 10 % pour les centristes, mais du coup, la liste PS-MDC-PRG passe directement en tête, frise les 25 %.
- « Vous avez l'explication mathématique du désir d'union. Si nous avions fait l'union, je crois que nous serions largement devant les socialistes ; c'était un moment politique fort ; montrer aux socialistes qu'ils se trompaient ; les Français étaient prêts à le faire, et les centristes ont préféré faire autre chose. Mais en encore une fois… Je ne fais pas de procès d'intention ; les partis politiques sont libres ; ils ont choisi cette manière de faire de la politique, c'est la leur. On fait 20 %, je pense que dans une campagne qui sera certainement une campagne dynamique, car elle a désormais le thème de la rénovation et le renouvellement, nous allons monter. Et je ne crois pas que nous soyons forcément les seconds. Nous aspirons tout naturellement, à redevenir les premiers. »
Q - Concrètement, dans la campagne pour aller rejeter les centristes dans le camp des autres – du PS, etc - comment est-ce que ça peut s'organiser alors que vous faites théoriquement partie de la même opposition ? Vous avez noté souvent ensemble à l'Assemblée nationale, au Sénat, contre les textes proposés par le Gouvernement. Comment allez-vous organiser tout ça ?
- « On va organiser. Je pense que l'UDF centriste fera sa campagne, on fera la nôtre. On ne pas se crêper le chignon. Mais pour autant, on va bien marquer qu'il s'agit de deux listes différentes. »