Texte intégral
Richard Arzt : En attendant d’avoir les chiffres, quelles sont les tendances prévisibles du tourisme cet été ?
Michelle Demessine : La saison se passe extrêmement bien. Après une bonne saison 1997, une bonne saison 1998, celle de 1999 sera, je pense, encore un meilleur cru. Je suis en train de faire un tour de la France touristique et, un peu partout, il y a un taux de satisfaction, il y a du monde. L’ensemble des professionnels du tourisme travaille beaucoup en ce moment, à l’exception, peut-être un peu, des restaurants qui voient les établissements un peu moins fréquentés. Les gens mangent moins au restaurant. Ils font d’autres activités et, pour certains, parce qu’ils partent, ils ont un peu moins d’argent.
Richard Arzt : L’an dernier, il y avait eu l’effet « coupe du monde [de football] ». Est-ce que, cette année, on connaît encore des répercussions ?
Michelle Demessine : Oui, l’excellente image que la France a donnée lors de la coupe du monde est en train d’être capitalisée touristiquement. Il y a une augmentation de la fréquentation étrangère. Les pays du nord de l’Europe viennent encore de plus en plus nombreux et d’autres pays, qui ont connu certaines régions françaises – je pense en particulier à Marseille qui devient une véritable destination touristique –, viennent en France. Je pense à l’Amérique du Sud et à d’autres pays du monde.
Richard Arzt : Considérez-vous que l’éclipse a été, en termes d’organisation, bien gérée en France ?
Michelle Demessine : Je pense que c’est un succès. D’abord parce que l’on a bien informé : on a réussi la campagne d’information – grâce aux médias d’ailleurs – pour que l’événement se passe dans un bonheur qui dure sans dommage. Pour certaines régions dans lesquelles il y a eu l’éclipse totale, cela a été l’occasion de se faire connaître et aussi de faire un événement touristique puisque ce n’étaient pas des régions de grande attractivité. C’est un événement scientifique, culturel et touristique réussi.
Richard Arzt : On est prêt pour la prochaine en 2080 ?
Michelle Demessine : Oui, on transmettra les dossiers !
Richard Arzt : Votre secrétariat d’État publie un guide pratique pour les emplois saisonniers. Il s’agit d’indiquer leurs droits à ceux qui travaillent de façon saisonnière.
Michelle Demessine : Améliorer l’emploi dans le tourisme, c’est une nécessité sociale, mais c’est aussi une nécessité économique parce que, de plus en plus, les touristes veulent de la qualité : qualité de l’accueil, de la prestation. Il y a un enjeu à améliorer la qualité du travail et les conditions de vie du travail des salariés saisonniers. Ce guide est un premier étage de l’action, ce sont leurs droits. Souvent, ce sont des salariés isolés qui travaillent beaucoup, qui n’ont pas beaucoup le temps d’aller s’informer. Cela va leur permettre de pouvoir discuter avec leur employeur à égalité. Pour les employeurs, cela peut aussi être très utile. Mais, cela ne s’arrête pas là, bien sûr. Il faudra améliorer les conditions de logement qui sont souvent précaires. Donc, il y a un certain nombre de mesures qui sont à l’étude. Les conditions de santé aussi. Des rapports montrent que, chez les seuls saisonniers de tourisme, on a les conditions les plus précaires de santé. Ensuite, également les conditions de contrats de travail pour que ce travail ne soit plus un travail aléatoire, qu’il devienne durable, moins incertain et plus qualifié. Ce qui serait vraiment important, c’est que, quand on entre dans le tourisme, on ne vient pas faire un petit boulot. On vient faire sa carrière dans laquelle on pourra faire une progression de carrière. C’est socialement utile et économiquement indispensable.
Richard Arzt : Cela s’adresse au moniteur de planche à voile comme à celui qui travaille dans un magasin d’alimentation.
Michelle Demessine : Partout, bien sûr !
Richard Arzt : Quand ce guide pratique sortira-t-il ?
Michelle Demessine : Il est déjà partout, sur tous les lieux, chez les professionnels du tourisme, dans les agences de l’emploi. Il y en a plus de 20 000 actuellement en circulation.
Richard Arzt : Juste avant l’été, une loi a étendu le chèque-vacances aux entreprises de moins de 50 personnes. Un bilan ?
Michelle Demessine : Enfin, on va pouvoir offrir cette aide au départ aux salariés des petites et moyennes entreprises qui, jusqu’à présent, ne pouvaient en bénéficier. Le chèque-vacances est une aide très précieuse qui permet à un grand nombre de nos concitoyens de pouvoir s’offrir des vacances de qualité. On va encore augmenter le potentiel de ceux qui pourront en bénéficier. À partir de maintenant, on peut discuter avec son employeur pour pouvoir instaurer le chèque-vacances dans ces petites et moyennes entreprises. Les professionnels – je pense en particulier à l’artisanat – sont complètement intéressés. Nous commençons à travailler avec eux pour l’année prochaine.
Richard Arzt : Les bourses solidarité-vacances.
Michelle Demessine : C’est une action importante parce qu’on ne saurait se réjouir d’accueillir 70 millions de touristes étrangers en France – nous sommes la première destination touristique – si un trop grand nombre de nos concitoyens n’en profitaient pas. Donc, les salariés, c’est le chèque-vacances, et puis il y avait tous ceux qui, n’ayant pas droit au travail, n’ont droit à rien, sont exclus de tout. Et donc, j’ai initié cette structure qui est une structure de solidarité entre les professionnels du tourisme et tous ceux qui – associations de chômeurs, associations caritatives – font déjà du départ en vacances.
Richard Arzt : Qu’est-ce que cela donne pour cet été ?
Michelle Demessine : Nous avons juste démarré au mois de mai. On a pu faire partir plus de mille personnes dans des structures de vacances où il y a tout le monde, tous les citoyens et sur tous les lieux de vacances. Ce ne sont pas des vacances au rabais, ce sont des vacances comme tout le monde dans un brassage social. Sur les lieux de vacances, il y a un échange qui se fait entre ces personnes qui sont complètement isolées, qui se trouvent rejetées du monde, avec les autres. C’est extrêmement positif pour la solidarité.
Richard Arzt : C’est dans la droite ligne de la logique des congés payés de 1936 ?
Michelle Demessine : Tout à fait !
Richard Arzt : C’est une politique de gauche en matière de tourisme ?
Michelle Demessine : Oui !
Richard Arzt : Vous êtes attentive aux Français qui peuvent être en Turquie. Quel commentaire faites-vous sur les dysfonctionnements visibles des secours sur place ?
Michelle Demessine : C’est difficile, aujourd’hui, de donner des leçons après ce qui vient de se passer. C’est vraiment effroyable. Le nombre de victimes augmente tous les jours. Dans ces cas-là, les secours sont toujours difficiles. Je crois beaucoup à la solidarité au niveau européen et je crois qu’il faut, comme vient de le faire le Gouvernement français, être attentif et apporter sa solidarité, mais aussi faire en sorte que l’on puisse encore aller aider toutes les villes. Il y a encore des vies humaines à sauver. L’essentiel, c’est cela.