Texte intégral
Date : jeudi 1er mai 1997
Source : France 2
France 2 : On retrouve D. Voynet, au lendemain de l’accord électoral signé avec le PS et le PC...
D. Voynet : Non, pas avec le PC, je vous arrête. Nous avons passé un accord programmatique et électoral avec le Parti socialiste qui concerne une trentaine de circonscriptions sur l’ensemble de la France où les candidats verts seront candidats à la fois du Parti socialiste et des verts, bien sûr. En revanche, nous n’avons pas d’accord électoral avec le Parti communiste, si on excepte les rares circonscriptions où nous considérons comme absolument nécessaire de présenter des candidats communs face au risque de victoire de l’extrême droite.
France 2 : La négociation semble assez compliquée. Qu’est-ce que vous répondez à vos amis, comme A. Waechter, qui disent que désormais vous êtes beaucoup plus rose que verte ?
D. Voynet : Je n’ai rien à répondre à ce genre d’argument. Je préfère défendre le programme des verts si vous le souhaitez. Je pense qu’il est absolument indispensable que dans cette campagne puissent s’exprimer des voix un petit peu différentes de celles des grands partis. Cette campagne expresse est propice à la bipolarisation, à l’affrontement bloc à bloc, et je pense qu’il est indispensable d’avoir un petit peu d’air pour dire, par exemple, en ce jour du 1er mai combien il est vital, combien il est urgent de diminuer de façon massive le temps de travail pour créer des emplois ; combien il est urgent de refaire un bilan complet de l’énergie nucléaire qui sévit dans ce pays depuis trente ans, qui coûte très cher à la collectivité et qui handicape noire avenir, notamment si on prend en compte les problèmes de déchets, qui ne sont pas résolus. Je crois indispensable aussi de dire que les Français sont inquiets en ce qui concerne la qualité de leur eau, la qualité de leur air, la qualité de leur alimentation et qu’ils ont bien peu de réponse de la part des grands partis à ce jour.
France 2 : Une double question : est-ce que vous, personnellement, vous avez envie d’entrer au gouvernement en cas de victoire de la gauche ? Quelle serait très concrètement la première mesure que vous serez amenée à prendre dans un gouvernement de gauche en matière écologiste ?
D. Voynet : Je pense que l’indispensable serait d’arrêter déjà de nuire en matière d’écologie, en arrêtant Superphénix de façon définitive puisque cette machine à déjà coûté 50 milliards de francs à notre pays, qu’elle ne fonctionne pas et ne fonctionnera sans doute jamais. Je crois aussi indispensable de renoncer au canal Rhin-Rhône à grand gabarit. C’est un dossier évidemment qui concerne au premier plan la région dans laquelle je vis, la Franche-Comté et le département dans lequel je vis, le Jura. Mais c’est aussi un dossier qui est tout à fait exemplaire d’une certaine façon de gouverner, qui n’est plus acceptable à une époque où on décidait sur la foi d’affirmations non vérifiées de technocrates et où on engageait des dizaines de milliards de francs en pure perte sans que cela puisse servir en quoi que ce soit à améliorer la vie quotidienne des gens.
France 2 : Mais est-ce que vous, personnellement, vous souhaitez entrer dans un éventuel gouvernement ?
D. Voynet : Disons que je suis superstitieuse et que je trouve tout à fait prématuré de parler de gouvernement avant d’avoir fait campagne. Je crois que sur le terrain, jour après jour, on doit convaincre non seulement les gens qui, aujourd’hui, continuent à croire aux contes et aux mythes du Président de la République mais surtout ceux qui, aujourd’hui, ne sont pas sûrs d’aller voter. Nous avons besoin de rénover la démocratie aujourd’hui, nous avons besoin de leur dire qu’une majorité nouvelle, une majorité pluraliste, alternative, au gouvernement Juppé serait capable de s’en prendre à certains privilèges des hommes politiques en renonçant au cumul des mandats, en mettant en place la parité pour que les femmes puissent participer davantage, en introduisant de la proportionnelle dans les modes de scrutin. C’est cela que les Français ont envie d’entendre. Ils veulent des hommes et des femmes politiques propres qui fassent campagne en les prenant au sérieux et en prenant leurs problèmes au sérieux. Je pense qu’ils s’en fichent finalement de savoir qui va siéger au Gouvernement. L’essentiel c’est le programme, le projet sur lequel ces personnes vont se présenter.
France 2 : Combien espérez-vous avoir d’élus au soir du 1er juin et est-ce que ce sera suffisant pour peser sur une politique gouvernementale ?
D. Voynet : Quelques élus ce serait déjà formidable puisque ce serait la première fois dans l’histoire de la France que des écologistes siégeraient au Parlement J’y crois très fort. Je pense que l’on peut rentrer au Parlement avec trois, quatre, ou cinq députés. Cela paraît peu mais en même temps c’est beaucoup, compte tenu du mode de scrutin majoritaire à deux tour qui élimine impitoyablement les petites formations et qui est très peu propice aux femmes, aux jeunes et au renouvellement de la classe politique dans son ensemble. Je voudrais bien savoir, par exemple, combien d’ouvriers, combien d’étudiants, combien de jeunes salariés ont pu se présenter à ces élections précipitées. C’est une élection qui est confisquée d’une certaine façon par les professionnels de la politique. J’en fais d’une certaine façon partie parce que je suis porte-parole des Verts. Mais je suis une exception dans ce parti qui présente quand même beaucoup de jeunes, beaucoup de gens qui rénovent la vie publique. Donc si on est quatre ou cinq élus l’Assemblée du 1er juin, je crois qu’on sera tout à fait content de nous.
Date : 5 mai 1997
Source : Le Parisien
Le Parisien : Jacques Chirac va s’adresser à nouveaux aux Français…
Dominique Voynet, porte-parole des Verts : Je ne suis pas pétrifiée de frousse à l’idée qu’il puisse parler. A chaque fois qu’il l’a fait, je constate qu’il n’a guère convaincu. Quand il s’est adressé aux jeunes en leur parlant d’informatique, j’ai vu ma fille de vingt ans sourire, elle qui n’est guère politisée… Cette élection a essentiellement pour but de laisser les mains libres qui président. Mais nous pouvons déjouer cette manœuvre : cela peut donner l’occasion d’un rééquilibrage.
Le Parisien : En sommes, vous ne redoutez donc pas ce rituel ?
Dominique Voynet : Qui est encore dupe des rituels ? Ce n’est pas le problème des citoyens de savoir comment on va les manipuler. La seule petite curiosité que l’on peut avoir, c’est que Chirac nous dise enfin ce qu’il veut. Sous prétexte de réduire la fracture sociale, on le voit aujourd’hui flirter avec le libéralisme le plus échevelé. Est-ce qu’il espère durer des promesses clientélistes ? Que veut-il vraiment ? On aimerait le savoir ! Les gens sentent que Chirac n’a pas d’armature idéologique solide.
Le Parisien : Les Verts sont-ils heureux en campagne ?
Dominique Voynet : Nous, les petits, on ne nous demande, dans les médias, que de ramasser es miettes, et de mettre en valeur les gros. Mais le débat démocratique ne se décrète pas d’en haut. Cette campagne n’est pas propice à faire émerger des idées nouvelles. Il n’est pas normal non plus qu’on ne puisse sérieusement traiter, en si peu de temps, des thèmes qui touchent pourtant au quotidien des gens : la pollution de l’air, l’eau du robinet qu’on en peut plus boire dans certaines régions, le travail, l’aménagement du territoire (qui vient un vrai déménagement du territoire). Cette campagne est réservée aux professionnels de la politique qui, du jour au lendemain, étaient prêts. On risque d’avoir, parmi les futurs élus, moins de femmes, moins de jeunes et moins de salariés modestes. Cela va finir par se voir.
Date : mardi 6 mai 1997
Source : France Inter
A. Ardisson : Il y a une multiplication des listes électorales, lors de cette élection législative – plus de 20 % – et cette multiplication se constate surtout chez les écologistes. Il y en a au moins trois par circonscription. Alors, il est difficile de s’y retrouver. Est-ce que c’est congénital, chez vous, cette division des écologistes ?
D. Voynet : Au cours de l’année passée, nous avons, au contraire, rassemblé beaucoup de petites forces éparses au sein des Verts. Alors, pour faire clair et rapide pour les électeurs, je crois qu’il y a d’une part les Verts, qui sont un mouvement organisé, qui a prouvé sa capacité à intervenir dans la vie publique, notamment lors de la campagne présidentielle l’année dernière, et puis il y a tout un tas de candidats épars qui ont avant tout, me semble-t-il, et malheureusement, pour première préoccupation la volonté de se servir au maximum des dispositions sur le financement de la vie publique.
A. Ardisson : Ce n’est pas la conséquence de votre accord électoral avec le Parti socialiste ?
D. Voynet : L’accord électoral avec le Parti socialiste est un accord tout à fait noble à la fois dans ses intentions et dans sa déclinaison pratique. Il comporte un volet programmatique qui constitue une sérieuse avancée par rapport aux politiques qui ont été menées par les différents gouvernements qui se sont succédés depuis 30 ans, et circonscription par circonscription, je crois que nos candidats ont tout à fait l’occasion de le présenter aux électeurs, de le défendre et de montrer que c’est aussi comme cela que l’on peut influencer le contenu d’une majorité alternative au gouvernement Juppé.
A. Ardisson : Mais qu’est-ce qu’il vous apporte finalement ? Parce que quand on regarde le résultat des courses, on s’aperçoit qu’il y a peu de circonscriptions qu’ils vous ont laissé et qui sont gagnables.
D. Voynet : Dans 29 circonscriptions, les candidats Verts seront aussi les candidats du Parti socialiste et du Parti radical socialiste. C’est un premier point. Cela devrait nous permettre de rentrer à l’Assemblée, peut-être pas avec un groupe parlementaire – on en est bien conscients – mais au moires, pour la première fois de notre histoire, des Verts vont siéger à l’Assemblée. Ce n’est pas le plus important, paradoxalement, de cet accord. Ce qui compte, c’est que cet accord programmatique constitue un très net infléchissement de ce que le Parti socialiste a porté par le passe. Nous jouons ainsi notre rôle d’aiguillon des forces traditionnelles de la gauche pour permettre, si elles devaient retrouver la majorité, qu’il ne s’agisse pas seulement d’un retour en arrière. Je crois que c’est en pesant sur ces grands partis, en les empêchant de retomber dans l’ornière facile et confortable de la gestion qu’ils connaissent, que l’on sera aujourd’hui le plus efficace.
A. Ardisson : Vous êtes sûre que vous ne faites pas des illusions de jeunesse ?
D. Voynet : Un accord n’est plus qu’un chiffon de papier, s’il n’est pas soutenu par une mobilisation des citoyens au-delà de l’élection. Je crois que c’est une des leçons de 1981. En 1981, on a considéré finalement qu’une majorité progressiste à l’Assemblée et au gouvernement devait suffire. Aujourd’hui, on sait que s’il n’y a pas des contre-pouvoirs puissants, des citoyens debout, des salariés et des syndicalistes exigeants, les accords ne valent pas grand-chose. Donc, je crois que notre accord est une sorte de base qui devrait permettre à beaucoup de personnes de se mobiliser au-delà de l’élection pour garantir le respect des engagements prix.
A. Ardisson : Il devait y avoir un certain nombre de circonscriptions où il n’y avait qu’un seul et unique candidat de prévu pour affronter le Front national, pour éviter justement la division. Finalement, il n’y en a que cinq. Là, est-ce qu’il y a respect de l’accord ? Sur les cinq, vous en avez ?
D. Voynet : Une seule. Soyons clairs, l’idée d’une candidature unique des progressistes face à un risque d’élection d’un candidat Front national, ce n’est pas une petite magouille électorale. C’est avant tout un geste de citoyen digne qui considère que ce risque ne peut pas être pris. Donc, nous les Verts, quand on a constaté que le Parti communiste notamment, répugnait à élargir le nombre de circonscriptions concernées par cette disposition, on a pris unilatéralement la décision de ne présenter aucun candidat dans les circonscriptions où il existait un risque sérieux, en appelant les autres partis à faire de même. Donc, au-delà des cinq circonscriptions qui sont vraiment les circonscriptions où le risque est majeur, nous serons absents d’une dizaine d’autres circonscriptions pour ne pas prendre ce risque et pour ne pas porter cette lourde responsabilité.
A. Ardisson : Alors, vous nous avez dit quel rôle vous conceviez avoir au Parlement, si quelques-uns d’entre vous y entraient, celui d’aiguillon, de surveillance en quelque sorte. Mais reste entier le problème de la participation au gouvernement, à un éventuel gouvernement si, évidemment, une majorité se dessine dans ce camp à gauche.
D. Voynet : Je ne veux évidemment pas fuir cette discussion mais je la considère comme assez largement prématurée. Si une question de participation m’intéresse aujourd’hui, c’est celle de la participation des citoyens. Moi, je considère, à travers les rencontres que je fais tous les jours sur le terrain, qu’il y a aujourd’hui beaucoup de gens qui ne sont pas certains d’avoir envie d’aller voter et que c’est peut-être à ces gens-là que l’on doit s’adresser en priorité : les femmes, les jeunes qui ne sont pas inscrits sur les listes électorales.
A. Ardisson : On vit dans un pays extraordinaire : on a un Premier ministre qui est chef de la majorité et qui dit : je ne suis pas sûr que je sois Premier ministre la prochaine fois et puis je ne le vous dirai pas, ce n’est pas moi qui décide ; vous, vous participez à une coalition mais vous dites : ce n’est pas sûr que nous entrions au gouvernement ; les communistes sont prêts à rentrer au gouvernement mais disent que c’est pas sûr qu’ils fassent un accord de gouvernement. Tout cela est cocasse et n’incite pas tellement les gens à aller voter ?
D. Voynet : Moi, je n’ai pas envie que l’on passe d’emblée au deuxième tour des élections, je crois qu’au premier tour, on a les uns et les autres à défendre nos projets politiques, nos programmes pour la durée d’une législature. L’idée d’avoir une sorte de rangement des différentes forces derrière un chef de file dans chaque camp, avant le premier tour, n’est pas quelque chose qui est propice au débat. Moi, je constate qu’en quelques semaines, on a peu d’occasions de débattre du fond et que l’on doit saisir chaque occasion de le faire. Moi, je préférerais que L. Jospin d’une part, et qu’A. Juppé de l’autre, mettent en valeur la diversité de la mosaïque que constituent leurs corps respectifs plutôt que, pour le Premier ministre, d’exiger que chacun soit le petit doigt sur la couture du pantalon, sans trop savoir d’ailleurs ce qu’il convient de défendre – est-ce qu’il s’agit de réduire la fracture sociale ou de prôner l’adaptation au libéralisme économique ? J’attends aussi de L. Jospin qu’il mette en valeur les points sur lesquels l’accord Verts-PS est réellement novateur parce que c’est vraiment susceptible de convaincre les gens de faire à nouveau confiance aux forces de gauche.
A. Ardisson : A vous aussi peut-être de le mettre en valeur ! Êtes-Vous satisfaits, par exemple, que ce qu’ils disent sur l’Europe ? Sur l’environnement ? Ce sont quand même deux points sur lesquels vous avez eu des affrontements ou en tout cas des frottements très durs ?
D. Voynet : En ce qui concerne les projets d’une gauche rénovée et écologisée sur l’environnement, je crois qu’on est tout à fait d’accord pour dire, d’une part, qu’il faut un moratoire sur la construction de nouvelles centrales nucléaires jusqu’en 2010, pour nous permettre d’avoir enfin une possibilité d’alternative. Nous devons développer les économies d’énergie, développer le recours aux énergies renouvelables et arrêter les gaspillages éhontés que constitue la fuite en avant dans le tout nucléaire et dans le tout électrique. Nous sommes aussi d’accord pour revoir à la baisse le programme autoroutier, pour investir davantage dans les transports collectifs en ville et sur le rail pour les longues distances, à la fois pour les marchandises et pour les personnes. Nous sommes d’accord pour reprendre et pour valider le programme Natura 2000. Nous sommes évidemment aussi d’accord pour un grand programme de reconquête de la qualité de l’eau. Ce sont des évidences qui ont aussi le mérite d’être plus proches des préoccupations réelles des gens au quotidien que les critères de convergences de Maastricht.
A. Ardisson : Parlons-en des critères de Maastricht.
D. Voynet : Les écologistes, les Verts étaient très critiques quant à ces critères de convergence tout en étant résolument favorables à la poursuite de la construction européenne et au concept même de monnaie unique. Dépasser le franc, ne nous inquiète pas.
A. Ardisson : Dans votre programme, vous parlez de monnaie commune et non de monnaie unique.
D. Voynet : En revanche, nous sommes très exigeants quant aux conditions de passage à la monnaie unique puisque nous souffrons aujourd’hui, comme au moment de l’adoption de l’acte unique, d’une absence d’Europe sociale qui risque de rendre ces critères de convergence extrêmement dangereux. Si c’est la rigueur ad vitam aeternam pour les plus modestes, c’est non ! Si c’est une opportunité pour dépasser les lacunes du traité de Maastricht et mettre en place, enfin, l’Europe sociale, c’est oui.
A. Ardisson : Contente ou pas contente des modifications, des ajustements auxquels s’est livré L. Jospin et le Parti socialiste ?
D. Voynet : Je suis assez peu sensible aux subtilités de l’évolution, jour après jour, des positions des grands leaders par tribunes de presse interposées ou par micros interposés. Je pense que la clarté des positions est quelque chose d’essentiel pour que les Français s’y retrouvent. L’évolution subtile des positions jour après jour n’est pas propice à cette clarification. Oui à l’Europe. Oui à l’euro. Oui à une Europe sociale, environnementale et démocratisée. Je crois que, là-dessus, les forces de gauche et écologistes sont complètement d’accord. Les modalités, ce sera ensuite à négocier au Parlement et devant les Français.
Date : jeudi 8 mai
Source : France 2
G. Leclerc : Que pensez-vous de la tribune de J. Chirac ? Faut-il parler de relance de la campagne, comme le fait la droite, ou d’un non-événement, comme le disent certains leaders socialistes ?
D. Voynet : Je pense que l’événement n’est pas majeur en tout cas. Pour l’essentiel, ce discours est une sorte de compilation d’opus antérieurs de J. Chirac. Je n’y vois rien de très nouveau. J’y vois l’occasion pour le Président de la République de jouer un rôle qui n’est pas le sien en critiquant le programme de l’opposition qu’il n’a pas dû lire de très près. Je ne pense pas que cela puisse peser d’une quelconque façon dans le cours de la campagne. D’une certaine façon, le Président de la République vient de montrer qu’il était un peu out et un peu décalé par rapport aux préoccupations réelles des Français.
G. Leclerc : Certains sondages indiquent un resserrement de l’écart et une remontée de la gauche. La victoire est-elle possible ?
D. Voynet : La victoire est à portée de la main. II reste bien peu de temps pour débattre et aller au fond des choses avec les Français qui sont loin d’être aussi indifférents à l’égard de la campagne, comme on a bien voulu le dire. Les gens sont très demandeurs de réponses très concrètes à leurs problèmes quotidiens, notamment en ce qui concerne le chômage, sur lequel ils ne se contenteront plus de réponses toutes faites et de promesses démagogiques.
G. Leclerc : Dans la troisième circonscription du Jura, la vôtre, selon un sondage BVA-France 2, au premier tour, vous êtes en seconde position avec 27 %, mais au deuxième tour, vous êtes battue sur le fil, 51 contre 49.
D. Voynet : D’une part, il faut rappeler que je ne suis pas la député sortante de la circonscription et que ce sondage a été effectué le jour même du lancement de la campagne, à un moment où peu de temps a été donné pour convaincre et rencontrer les électeurs. Donc c’est pour moi un chiffre quasiment inespéré qui me donne les plus grands espoirs de réussite le soir du second tour.
G. Leclerc : Il y a quand même une multiplicité de candidatures écologistes : il y en a une dans votre circonscription, mais il y a aussi des écologistes indépendants, Génération Écologie, etc. Qu’en pensez-vous ?
D. Voynet : Il y a des écologistes de nulle part, des écologistes du financement public des partis. Tout le monde a bien noté que l’écologie étant à la mode, certains étaient tentés de bénéficier au mieux des dispositions prévues par les lois de financement des partis politiques. C’est quelque chose qui constitue une dérive de l’utilisation de ces lois sur lesquelles il faudra probablement revenir pour éviter à l’avenir de telles manipulations de l’opinion. Pour tout le monde, c’est clair : les écologistes, ce sont les Verts qui présentent plus de 420 candidats à travers la France, qui seront présents au second tour dans bon nombre de circonscriptions et qui devraient, au soir du second tour, rentrer à l’Assemblée.
G. Leclerc : Vous espérez quatre ou cinq élus. Pour quoi faire ?
D. Voynet : Quatre ou cinq élus, c’est à la fois historique – ce n’est jamais arrivé dans l’histoire du pays – et en même temps insuffisant pour faire ou défaire des majorités, ce qui n’est pas notre objectif. Nous souhaitons être présents à l’Assemblée en étant porteurs de préoccupations du quotidien qui ne sont quasiment jamais abordées par personne dans cette honorable Assemblée composée de gens qui représentent assez mal la population française : il n’y a pas de femmes, il n’y a pas de jeunes, il n’y a pas de salariés modestes à l’Assemblée. Nous souhaitons aussi aiguillonner les grands partis de gauche sans lesquels il est assez dérisoire d’espérer construire une majorité. Le Parti socialiste et le Parti communiste ont certes beaucoup évolué depuis leurs expériences gouvernementales. Il leur reste à faire la preuve de leurs capacités à gérer autrement la France. Les Verts vont pouvoir y contribuer de façon très forte.
G. Leclerc : Votre programme n’est-il pas largement irréaliste ? Le gel des centrales nucléaires et la réduction du temps de travail sans diminution de salaire, est-ce réaliste ?
D. Voynet : Malgré les milliards de francs consacrés à convaincre les Français de l’innocuité et de l’efficacité absolue du programme nucléaire, je crois qu’une majorité d’entre eux restent réticents. Pourquoi ? Parce qu’ils savent très bien que la France est en situation de surproduction importante d’électricité et qu’elle entretient un parc surdimensionné qui génère de l’énergie, certes, mais aussi beaucoup de déchets dont on ne sait que faire et dont le coût de traitement à long terme sera très élevé, en tout cas très supérieur à ce qui a été annoncé, ce que la direction de l’EDF admet volontiers aujourd’hui et ce qui fait débat au sein du ministère de l’Industrie qui s’interroge sur l’efficacité économique du nucléaire. Donc, dire : nous allons mettre en place un moratoire sur la mise en service de nouvelles centrales, c’est simplement être raisonnable, arrêter le gaspillage et se donner le temps de développer ce qui devrait être en place depuis longtemps dans le pays : un programme ambitieux d’économies d’énergie, de diversification des sources d’énergie, d’utilisation de moyens modernes de production combines de chaleur et d’électricité, comme on le fait en Allemagne et dans les pays scandinaves. En ce qui concerne le temps de travail, le processus de réduction du temps de travail depuis les débuts de la Révolution industrielle a été quasiment continu et il s’est, arrêté en 1982 en France. Résultat : des millions de personnes qui perdent leur vie à la gagner et des millions de personnes qui ne disposent pas du nécessaire. Que ce soit des hommes ou des machines qui produisent des richesses, il faut les redistribuer de façon plus juste, ne serait-ce qu’en utilisant de façon plus efficace, plus active les centaines de milliards qui sont utilisées pour indemniser les gens au chômage, humiliés de l’être et qui intériorisent l’idée de leur inutilité sociale.
G. Leclerc : Pour réaliser ce programme, il faudra des ministres écologistes ?
D. Voynet : II faudra une majorité progressiste et il faudra des Verts puissants pour aiguillonner le gouvernement, pour aiguillonner la majorité.
G. Leclerc : Pas forcément au sein du gouvernement ?
D. Voynet : Le débat est prématuré. Ce serait vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Ce n’est pas du tout mon propos.