Déclaration de M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur la carrière de la photographe Anita Conti et sur la place du Centre international de la mer pour la diffusion de l'art et de la culture maritime, Rochefort le 13 février 1998.

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Circonstance : Visite à la corderie royale de Rochefort, inauguration de l'exposition des oeuvres de la photographe Anita Conti, le 13 février 1998

Texte intégral

Monsieur le Maire
Monsieur le président

Je ne vous cacherai pas le plaisir que j'ai à me retrouver parmi vous et en ce lieu aujourd'hui. Cette conclusion d'une journée très active se voit ainsi placée sous le signe de l’amitié et de la mer, deux notions qui vont d'ailleurs souvent ensemble, tant il est vrai que l’univers maritime est créateur de complicités. C'est donc avec bonheur que je reviens dans celle fameuse Corderie Royale de Rochefort, que je n'ai pas vu naître - heureusement pour moi - mais que je suis fier d'avoir contribué à faire renaître au travers du Centre international de la Mer.

Depuis que nous avons posé, avec quelques amis ici présents, ce premier jalon des retrouvailles des Français avec leur milieu maritime, le littoral a été le cadre d'un vaste mouvement qui a rencontré l'adhésion de la majorité de nos concitoyens, faisant de la mer un lieu de culture vivante. L'impulsion première est pour une part venue de ce lieu qui continue, avec tous les passionnés qui le font vivre, à pérenniser ce que nous avons lancé ensemble au début des années 80.

Ma visite d'aujourd'hui s'inscrit parfaitement dans cette continuité et j'y vois comme un clin d’œil du destin. Séduit par le projet de l'association des amis d'Anita Conti, j’ai souhaité que mon ministère contribue à la réalisation de cette exposition et l'édition du livre qui en est tiré. Je ne savais pas alors que ce coup de pouce donné à une belle entreprise me donnerait l'occasion de revenir à Rochefort et d'y constater le dynamisme dont font preuve ceux qui animent ce centre avec l'appui d'un maire très ouvert et soucieux du patrimoine de sa cité. Mon passage, malheureusement trop bref, sur le chantier de l'Hermione me fait mesurer l'ampleur des projets que peut générer un tel Centre. Je ne m'en étonne d'ailleurs pas, connaissant bien la qualité des hommes qui se sont attachés à ce lieu. La Corderie Royale semble attirer irrésistiblement les talents les plus affirmés. On ne peut parler autrement de son président, Erik Orsenna, et de tous ceux qui l'entourent.

Il en est de même des hôtes de ce monument dédié aux espaces maritimes et à ceux qui leur ont consacré leur existence. C'est le cas d'Anita Conti à laquelle, nous rendons hommage aujourd'hui.

Notre grande dame de la mer nous a quittés à Douarnenez un soir de tempête. Je n'oublierai pas qu'en mer d'Irlande, cette même tempête emportait les cinq marins du Toul An Trez de Camaret

Anita Conti a consacré l'essentiel de sa vie, de son énergie - et elle n'en manquait pas - au monde de la pêche. Elle avait su, dès le milieu de ce siècle qui s'achève, s'imposer dans un univers où les femmes restaient à quai. Pour elle, il n'en était pas question.

Elle s’est ainsi imposée à bord des pirogues africaines comme au sein du carré des chalutiers terre-neuvas. Elle le devait sans doute à une force de caractère peu commune, mais surtout au fait qu'elle était constamment en mission. Scientifique avant tout, elle l'ut une des premières à prendre en compte la véritable dimension des pêches maritimes.

Visionnaire, elle a perçu les dangers d'une exploitation irraisonnée de la ressource à une époque où celle-ci semblait inépuisable. Des décennies plus tard, ses écrits semblent prémonitoires et demeurent d'une étonnante actualité. Car elle fut aussi femme de témoignage, accumulant à force de notes ou gravant sur la pellicule l'étonnant écume de ses voyages.

C'est une petite partie de celui-ci que cette exposition nous permet de découvrir. Anita Conti a eu la chance, au soir de sa vie, de pouvoir compter sur l'amical soutien d'admirateurs sincères de sa vie et de son œuvre. C'est à eux que cet ouvrage doit d'avoir vu le jour. Il leur a fallu pour cela mener un travail obstiné, convaincre des partenaires, chercher des soutiens. La tâche fut ardue. Et pourtant, il suffit d'un simple regard sur les photographies d'Anita Conti pour comprendre que notre dame de la mer était une véritable artiste. Je suis heureux aujourd'hui d'avoir dû contribuer à la réalisation de cette exposition. Il me semble en effet indispensable de faire connaître - et reconnaître - son œuvre, mais plus largement d'inscrire dans les mémoires, le travail d'hommes et de femmes qui depuis toujours se consacrent à cette impérieuse nécessité d'aller en mer, souvent au risque de leur existence, quérir de quoi assurer celle de leurs semblables restés à terre. Anita Conti avait compris à la fois le sens de ce labeur et la nécessité d'en conserver le témoignage. Je n'ai fait que m'inscrire dans cette démarche.

Je n'ai qu'un regret, celui de ne pas voir Anita Conti parmi nous aujourd'hui. Même si elle est très présente par ses œuvres, elle semble, une fois de plus, avoir voulu échapper aux hommages que le monde maritime s'apprêtait à lui rendre. Elle a laissé à d'autres le soin de faire connaître les trésors accumulés au cours d'un destin exemplaire et passionné.

C'est ce que le Centre international de la Mer de Rochefort s'emploie à faire aujourd'hui avec cette exposition qui s'inscrit dans le cadre d'une activité foisonnante, soutenue par la volonté de ses membres d'être les diffuseurs de la culture maritime. Grâce à eux, le Centre est devenu avec plusieurs centaines de milliers de visiteurs par an un haut lieu du tourisme de Charente Maritime, département qui n'en manque pourtant pas.

Cette réussite est due pour une bonne part à la mobilisation de bénévoles qui se sont mis au service de ce bâtiment de pierre. Je voudrais profiter de mon passage aujourd'hui parmi vous pour honorer l'un d'entre eux. Le connaissant, Il ne m'en voudra pas si j’affirme qu'à travers lui, ce sont aussi tous ses amis fondateurs de ce centre que je tiens ainsi à remercier pour l'œuvre accomplie.

Henri Bourdereau, puisque c'est de lui qu'il s'agit, est aujourd'hui trésorier du Centre international de la mer, et je ne doute pas que celle lourde tâche lui donne parfois quelques préoccupations. Mais un homme de mer comme lui sait serrer la voile dans le gros temps, profiler de l'embellie et donc amener avec assurance le bateau à bon port. La Corderie Royale n'est d'ailleurs pas la seule institution ayant placé sa confiance en cet ancien capitaine au long cours qui après avoir sillonné le Pacifique et remonté les fleuves d'Amérique du Sud a déposé son sac Place Fontenoy pour prendre en charge le tout nouveau bureau de la plaisance. Il a malheureusement quitté ce mouillage parisien avant que je n'y arrive moi-même en tant que ministre de la Mer. Il s'est alors installé sur une péniche, celle de la Fédération des Industries nautiques dont il fut de longues années le secrétaire général. Depuis qu'il a quitté ce poste pour une retraite méritée, Henri Bourdereau n’a cessé de mettre ses compétences, sa rigueur au service d'associations qui comme il l'a toujours fait portent « l'idée maritime ». Je suis particulièrement attaché à l'une d'entre elles dont il assume la présidence. Je veux parler ici de l'Association pour la Promotion des Classes de Mer qui a permis de mieux faire connaître l'intérêt de ces classes permettant aux jeunes citadins de découvrir au cours de leur scolarité toute la richesse du milieu maritime et du littoral. Vous ne m'en voudrez pas de vous rappeler à cette occasion que ces classes ont vu le jour dans le Finistère grâce à Jacques Kerhoas. En élevant aujourd'hui Henri Bourdereau au grade d'Officier du Mérite Maritime, c'est la démarche d'un homme de mer ouvert aux autres, et plus particulièrement aux jeunes, que je tiens à honorer.