Texte intégral
La Lettre de la Nation Magazine : 16 janvier 1998
La rénovation de notre mouvement s’achève. L’année 1998 sera celle de notre remontée en puissance.
Il est de notre devoir de reprendre notre place, toute notre place, dans la vie politique de notre pays.
Car, personne ne croît plus que la politique mise en œuvre par le Gouvernement socialiste ait la moindre chance de réussite.
Qui croit encore sérieusement que le carcan des trente-cinq heures sera en mesure de créer plus d’emplois qu’il n’en détruira ?
Le premier fruit de cette théorie, avant même sa mise en pratique, c’est un délabrement de notre dialogue social à un degré rarement atteint sous la Ve République.
Qui peut croire encore que la vingt-septième modification de la loi sur la nationalité apportera autre chose au pays qu’un peu d’eau au moulin du Front national ?
Qui peut croire encore que le chômage des jeunes sera résolu à coups d’emplois créés sur fonds publics ?
Ces échecs programmés n’ont qu’un effet. Ils incitent nos compatriotes à s’éloigner de la vie politique, à ne plus croire en rien ou en personne.
C’est dire combien il est important de présenter aux Français, au plus tôt, dès nos assises, une alternative solide à la politique du gouvernement de Lionel Jospin.
C’est dire combien il est important d’offrir, au mois de mars, à chaque Français qui ira voter aux élections régionales et cantonales, un tout autre projet, une tout autre ardeur.
Un projet qui soit d’abord fondé sur des valeurs, celles du gaullisme, celles de la République.
Un projet qui soit fondé sur des choix politiques clairs, pour notre société. Un projet qui nous permettre de nous battre sous nos couleurs, qui sont celles de la France.
Autrement dit, un projet qui est à des années-lumière de la politique confuse que l’on nous propose.
Pour atteindre cet objectif, il fallait nous doter d’une nouvelle organisation, plus moderne et plus efficace, et qui tienne compte de notre diversité.
C’est pourquoi, nous soumettrons à vos suffrages, dès la fin du mois de janvier, lors de nos assises, la réforme de nos statuts.
Elle prévoit une plus grande démocratisation de notre organisation, davantage de formation pour les militants, une meilleure communication entre les différents degrés de notre appareil politique. Elle répond donc à vos souhaits.
La nouvelle formule de La Lettre de la Nation Magazine, accessible maintenant à tous nos adhérents, doit être le symbole de ces changements.
Je vous adresse, enfin, à chacune et à chacun, l’expression de mes vœux les plus cordiaux pour cette année 1998, l’année de notre rénovation, et grâce à vous, je n’en doute, des débuts de la reconquête.
France 2 : Jeudi 22 janvier 1998
France 2 : Finalement, L. Jospin, hier soir, n’a pas cédé aux revendications essentielles du mouvement des chômeurs. Il a été assez courageux ?
P. Séguin : Oui, certainement. 70 milliards, à l’évidence, le budget de l’État est dans l’incapacité de faire face à une dépense de ce type. Mais ce n’est pas parce que l’on appartient à l’opposition que l’on raconte n’importe quoi. Pour ma part, je me refuse à céder aux réflexes pavloviens et à la caricature, et je reconnais bien volontiers ici que ce n’est pas M. Jospin – contrairement à ce que j’entends parfois – qui est le seul responsable du niveau du chômage en France. Le chômage, il existait avant M. Jospin. Cela étant dit, le pronostic que je formule sur les effets à venir de sa politique – parce que sa politique, elle n’a pas encore produit ses effets, là aussi, il faut être équitable – est un pronostic malheureusement défavorable.
France 2 : Le Premier ministre a pris cinq engagements. On voit bien que le coup de pouce sera donné à l’allocation spécifique de solidarité. Est-ce que vous pensez vous aussi qu’il faut revoir les minima sociaux, qu’il faut augmenter aussi cette allocation, et jusqu’où pour ne pas être trop proche du Smic ?
P. Séguin : En vérité, le Premier ministre a tourné autour sans vraiment s’engager. Il faut remettre tout le système à plat. Nous sommes dans un système – certains chômeurs l’ont dit, d’ailleurs, sur votre antenne, de manière très spontanée et très vraie – qui a été prévu pour 200 000 chômeurs. Nous en avons 15, 16 ou 17 fois plus. C’est un système qui est bâti sur le modèle de l’assurance automobile. On assure son emploi comme on assure son automobile. Le seul problème, c’est qu’il y a 12,5 % de la population active au chômage, ce qui veut dire que – si l’on revient à l’automobile – que cela correspond à une chance sur 8 d’avoir un accident quand on prend le volant le matin. L’assurance automobile n’y résisterait pas. Eh bien, l’assurance chômage n’y résiste pas non plus. Tout le monde intervient : vous avez le système d’assurance chômage, l’Unedic, vous avez l’État, avec l’ASS, vous avez les collectivités locales, vous avez les associations caritatives. Il faut tout remettre à plat parce que le système actuel est un système qui est à la fois inefficace et extrêmement coûteux.
France 2 : On remet à plat, mais on relève les minima ? Parce qu’il y a la conjonction avec le RMI, les minima sociaux et le RMI.
P. Séguin : Le Premier ministre a répondu – je reconnais bien volontiers qu’il est dans une contradiction entre les espoirs les plus réalistes qu’il a suscités au cours de sa campagne électorale, pas toujours à son corps défendant, et d’autre part, les contraintes qu’il est bien obligé de prendre en considération. C’est son problème, je ne peux rien pour lui.
France 2 : Que feriez-vous ? Donner un petit coup de pouce ? Vous vous imaginez déjà au pouvoir ?
P. Séguin : Je vous dis que pour ce qui me concerne, nous pensons qu’il faut procéder à une réforme structurelle. Et, à titre principal – et sur ce point, je le rejoins bien volontiers – il faut, plutôt que de se résigner à une société d’assistanat, faire en sorte que les gens soient susceptibles d’avoir une activité.
France 2 : Et les 35 heures ? Pourquoi ne pas essayer après tout ?
P. Séguin : C’est pourquoi je disais tout à l’heure que mon pronostic était défavorable. Le Premier ministre fonde toute sa politique sur deux éléments : le premier élément, ce sont les emplois Aubry ; si j’ai bien entendu, le deuxième élément, ce sont les 35 heures. Premier élément : on peut prendre les emplois Aubry par le bout que l’on veut, il n’en demeure pas moins que ce sont des emplois de fonctionnaires, des emplois de fonctionnaires au rabais, sans doute, mais des emplois de fonctionnaires quand même. Tout le monde comprend bien que cela n’est pas en augmentant le nombre des fonctionnaires que l’on peut régler le problème du chômage. Maintenant, nous en sommes aux 35 heures. Moi, je ne suis pas opposé – le mouvement que je préside n’est pas opposé – à la diminution du temps de travail, qui est une tendance générale. Nous sommes opposés à une réduction uniforme et autoritaire du temps de travail, parce que nous pensons que cela risque d’être contre-productif. Il faut négocier au cas par cas, entreprise par entreprise, sans imposer…
France 2 : Et sur les chiffres : 600 000 emplois, 700 000 emplois, vous y croyez, vous ?
P. Séguin : Alors, écoutez. Je voudrais dire deux choses à ce sujet. La première, c’est qu’on nous parle toujours de création d’emplois, on ne nous parle jamais de diminution du nombre de chômeurs. Il faut savoir que chaque année, on crée 2 millions d’emplois dans ce pays – plus ou moins – et on en détruit 2 millions. Ce qui est important, c’est le solde. On ne parle jamais de cela. Or, lorsque les gens parlent comme le Premier ministre de créations d’emplois, les gens interprètent « diminution du chômage ». Ce sont des choses radicalement différentes. La deuxième chose – j’ai lu les fameuses études, j’ai l’impression que je suis un des rares : certains d’entre elles émettent un pronostic pessimiste et prévoient une baisse de l’emploi du fait de l’application des 35 heures. Ça, on n’en entend pas parler.
France 2 : Surtout s’il n’y a pas diminution de salaires…
P. Séguin : En tout cas, on n’en a pas entendu parler par le Premier ministre. Et puis surtout, celles qui sont favorables mettent deux préalables : le premier préalable, c’est l’introduction de la flexibilité dans l’entreprise ; le deuxième préalable, c’est la baisse des salaires. En aucun cas, il n’est question, comme le laisse pourtant entendre le Premier ministre – en tout cas, il ne le dément pas – de travailler 35 heures payées 39. Or, je le répète, sur ces deux préalables, hier, en tout cas, le Premier ministre était d’une discrétion absolue, pour ne pas dire d’un mutisme total.
France 2 : Quand le Premier ministre dit que les chefs d’entreprise ont une responsabilité, c’est faux ?
P. Séguin : C’est faux.
France 2 : Pourtant vous disiez autrefois que les chefs d’entreprises doivent créer plus, être plus dynamiques…
P. Séguin : Les entreprises ne sont pas comptables vis-à-vis de la collectivité nationale en termes d’emplois. Elles sont comptables en termes d’accroissement de la richesse nationale. C’est le Gouvernement, ce sont les pouvoirs publics qui sont responsables en terme d’activité. Lorsqu’une entreprise pour survivre, doit se moderniser, doit robotiser ses installations, doit en conséquences supprimer des emplois, elle a le devoir de le faire ; faute de quoi, elle aura des difficultés, parfois même, elle disparaîtra, et du coup, elle ne remplira plus son devoir vis-à-vis de la collectivité nationale. Toutes ces histoires d’entreprises citoyennes, c’est de la rigolade.
France 2 : Un vrai discours pur et dur libéral ?
P. Séguin : Pas du tout. C’est un discours extraordinairement réaliste. Nous autres, au RPR – parce qu’il s’appelle toujours ainsi #, depuis sept mois – j’entends dire que l’on me reproche de ne pas assez parler, et c’est pour une raison très simple : nous nous sommes mis à travailler, à réfléchir humblement et sérieusement aux solutions à apporter à ce problème sur lequel nous avons tous échoué. Eh bien, nous avons deux réponses. Première réponse : c’est la baisse des charges et la baisse de la fiscalité, quitte à revoir le périmètre d’intervention de l’État. Et la deuxième série de réponse – parce que cela ne suffira pas à assurer la pleine activité –, c’est la transformation du RMI en revenu minimum d’activité…
France 2 : Qu’est-ce que cela veut dire ?
P. Séguin : C’est tout simplement de reconnaître que lorsqu’on apporte à quelqu’un qui est en situation de chômage ou d’exclusion, un revenu, cela n’est pas suffisant. Parce que la dignité sociale, la capacité d’insertion, elle dépend aussi de la possibilité d’exercer une activité. Alors, nous ne concevons pas l’activité comme une contrepartie, mais comme une prestation supplémentaire.
France 2 : Deux questions très rapides pour terminer. Vous avez beaucoup moqué la majorité plurielle, mais finalement, elle reste unie derrière le Premier ministre.
P. Séguin : Le Premier ministre, il s’est exprimé hier. C’était pour parler à qui ? Était-ce pour parler aux chômeurs ? Un petit peu. Était-ce pour parler à l’opinion publique ? Beaucoup. Était-ce pour parler à sa propre majorité ? Énormément. En vérité, c’est pour cela qu’il a parlé. Qu’est-ce qu’il a dit, hier, à titre principal, le Premier ministre, à sa majorité ? Il lui a dit : « Arrêtez de m’embêter, arrêter de vous diviser, parce qu’il va y avoir des élections cantonales et régionales, et nous risquons ainsi d’avoir un très mauvais résultat. » Il est inquiet. Moi aussi, je suis inquiet, parce que comme il l’a dit, il est à la tête du gouvernement de la France. Il doit tenir ferme la barre. Or, actuellement, que constatons-nous ? C’est qu’ils sont plusieurs à se disputer pour tenir la barre, et ils ne veulent pas tous aller dans la même direction.
France 2 : Si vous aviez à dire quelque chose dans l’immédiat aux chômeurs, que diriez-vous de plus que L. Jospin ?
P. Séguin : Nous leur dirions que ce qui se passe nous interpelle tous, que ce qui se passe est probablement positif, que l’importance est probablement moins les manifestations – parce que quantitativement, cela ne représente pas grande chose, l’événement #, c’est l’écho que cela suscite chez les gens. J’espère que les gens se souviendront de la réaction qui a été la leur, parce qu’il y aura un certain nombre de décisions à prendre qui seront des décisions difficiles, qu’il faudra assumer. Il faudra qu’ils se rappellent après quelle a été leur réaction devant ces situations de détresse. C’est cela que je leur dirais.
TF1 : Jeudi 29 janvier 1998
TF1 : Pensez-vous que R. Dumas peut rester président du Conseil constitutionnel aussi longtemps qu’il n’y a pas un acte judiciaire fort ?
P. Séguin : Oui, bien sûr. Monsieur Dumas, comme tout un chacun, aussi longtemps qu’une culpabilité n’est pas démontrée, bénéficie de la présomption d’innocence. Cela dit, c’est une affaire grave quelle que soit l’hypothèse qui se vérifiera. Si les faits dont on entend parler ici où là étaient avérés, ce serait très grave pour la République. Et si les faits n’étaient pas démontrés, s’il apparaissait que c’est à tort qu’un des plus hauts personnages de l’État a été ainsi jeté aux chiens, c’est également gravissime. Ce que j’espère pour ma part, c’est que chacun saura, dans ses circonstances, rester serein et garder le sens de la dignité. J’ai néanmoins une crainte, c’est que des formations extrémistes, le Front national, pour ne pas la désigner, utilisent cette affaire pour essayer de donner quelque consistance à son slogan : Tous pourris. J’espère que les Français sauront garder confiance dans leurs institutions.
TF1 : Vous pensez que l’autorité du Conseil constitutionnel n’est pas affectée pour l’instant ?
P. Séguin : Il est incontestable que le soupçon va également peser sur ses décisions aux yeux de certains. Au Conseil constitutionnel de faire en sorte de ne pas prêter le flanc.
TF1 : Les 35 heures, vous n’arrivez pas à vous y faire ?
P. Séguin : Je m’y ferai encore moins ce soir parce que je suis absolument sidéré par les images que je viens de voir (images du déplacement de L. Jospin dans une usine de l’Oise qui va appliquer la réduction du temps de travail dans le cadre de la loi Robien, Ndlr). Le Premier ministre cherche à promouvoir une loi en s’appuyant sur une autre loi. La loi Robien, c’est nous qui l’avons votée. Il peut aller dans les entreprises qui l’applique, elle donne de bons résultats. Mais il s’apprête à faire exactement le contraire. Alors je suis vraiment très étonné par sa démarche. Pourquoi remet-il en cause ce que nous avons fait ? – c’est-à-dire une loi qui s’appuie sur le volontariat des entreprises, qui s’appuie sur la négociation d’entreprise – et se tourne-t-il vers un système qui est un système obligatoire et un système uniformisé ? Vraiment, je me perds en conjectures.
TF1 : Vous ne croyez pas aux estimations sur lesquelles il s’appuie qui prévoiraient la création de centaines de milliers d’emplois ?
P. Séguin : Depuis 24 ou 48 heures, on est en train de nous monter une usine à gaz dans laquelle on a de la peine à se reconnaître. Vous avez entendu comme moi, on parle maintenant de la coexistence d’un vrai Smic, d’un vrai-faux Smic, sans compter qu’ils n’évolueront pas de la même manière, sans compter le Smic horaire, etc. Il faut revenir à quelques idées simples. Il est impossible – ça tout le monde le comprend, tout le monde sait – de travailler moins, de gagner autant, et en même temps de créer des emplois supplémentaires. C’est hors de question. D’ailleurs, s’il existait une recette miracle, un élixir, une potion magique, ça se saurait.
TF1 : Mais, dans la mesure où vous avez tous échoué, vous ne voulez pas lui donner sa chance ?
P. Séguin : Mais pourquoi reprendre quelque chose qui a déjà échoué en 1982-1983, quelque chose qui risque de donner des résultats inverses à ceux qui sont escomptés ? C’est une vraie question. Sur les 35 heures, je vais vous donner le fond de ma pensée : je crois que tout ça va se terminer en eau de boudin. On va faire les 35 heures, on va afficher les 35 heures – et Monsieur Jospin pourra nous dire qu’il est un nouveau L. Blum – et puis on va dire, on va expliquer, on commence déjà, qu’on a le droit de faire des heures supplémentaires. Et les heures supplémentaires pour lesquelles la différence de salaire ne sera pas très forte, il y aura une petite majoration de 25 %. Faites le compte : 35 heures plus 4 avec 25 % de majoration, ça fait comme si on payait une heure de plus. Alors qu’on avait déjà eu en 1982 les 39 heures payées 40, là, on va passer aux 39 heures payées 41. Est-ce que ça va faire des emplois de plus ? Je ne le crois pas, je crains que ça fasse des emplois en moins.
TF1 : 1 000 milliards de francs dépensés pour l’emploi, on ne peut pas tout remettre à plat ?
P. Séguin : Absolument, il faut tout remettre à plat. D’abord, il faut sortir d’une spirale infernale, c’est ce que nous essayons de faire au RPR avec tous nos projets. Notre spirale infernale est très simple, et cela aussi tout le monde peut le comprendre : plus de taxes, d’impôts, plus de charges, ça fait plus de chômage par définition ; plus de chômage, parce qu’il faut le réparer, ça fait plus de charges, d’impôts et de taxes ; et puis ça fait encore plus de chômage, etc. Il faut en sortir. Il faut moins d’impôts, moins de charges et moins de taxes. J’ai entendu le Premier ministre vous dire, en réponse à cette question, que c’était la position de la droite conservatrice – j’imagine bien que c’était de nous qu’il s’agissait –, et que ça ne marchait pas. Et que, d’autre part, il ne fallait pas croire que, par exemple, l’Angleterre, c’était aussi bien que ce que l’on croyait. Moi, j’observe deux choses. D’abord c’est que simultanément, je passe sur ce détail, M. Aubry proposait un plan de baisse des charges. Donc, il faudrait savoir : si c’est inefficace, pourquoi le faire ? Et puis surtout, s’agissant de l’Angleterre, dont je reconnais tous les défauts, toutes les imperfections du système, il y a quand même un constat incontournable : ce sont les jeunes Français qui partent en Angleterre pour aller travailler. Ce ne sont pas les jeunes Anglais qui viennent en France.
TF1 : Vous parliez du RPR, il s’appellera toujours RPR dimanche prochain ?
P. Séguin : Ça dépendra de nos sympathisants. Ça sera vraiment un vote ouvert. Nous pratiquons le changement dans la continuité. J’entends que nous voulons changer nos méthodes, changer notre projet, tout en étant fidèles à un certain nombre de principes. Alors certains sont surtout sensibles à l’aspect fidélité et pensent qu’il faut exprimer en conservant le nom qui est le nôtre aujourd’hui ; d’autres pensent qu’il faut un signal vis-à-vis de l’opinion publique pour bien concrétiser ce changement et veulent donc en changement d’appellation.
TF1 : Et votre cœur penche pour ?
P. Séguin : Si je m’exprimais, je remettrais en cause la liberté que je leur reconnais.
TF1 : Les régionales : à combien de régions perdues, vous estimerez que vous avez subi un revers, un désastre ou que vous avez limité la casse ?
P. Séguin : Il est difficile de me lancer dans ce genre d’arithmétique. Cela dit, je peux dire deux choses. La première, c’est qu’en 1992, nous avons eu un résultat exceptionnel puisque nous avons vingt régions sur vingt-deux, dont un grand nombre à la majorité relative.
TF1 : Vous ne pourrez jamais retrouver cela ?
P. Séguin : De toute façon, même si nous avions gagné les dernières élections législatives, nous n’aurions pas refait le même résultat. Et puis, la deuxième chose que je souhaite dire, c’est qu’évidemment, ces élections viennent un peu tôt pour nous parce que notre effort de rénovation est à peine accompli, et parce que les gens sont nombreux à estimer qu’ils ne sont pas encore en mesure d’apprécier les résultats de la politique du gouvernement. Ils n’ont pas tout à fait tort d’ailleurs.
TF1 : Il est en encore populaire, L. Jospin.
P. Séguin : Ils n’ont pas tout à fait tort sur ce point, d’autant que lorsque les résultats seront perceptibles, la situation sera pire que ce qu’elle est aujourd’hui. Mais surtout, et c’est tout le sens de la rénovation du RPR, nous entendons fonder notre retour au pouvoir non point par le passé – comme les socialistes à notre égard – sur le simple rejet de ceux qui sont en place aujourd’hui, mais sur une adhésion réelle à ce que nous proposerons.
TF1 : L’inauguration hier soir, du Stade de France : une soirée réussie, sur tous les tableaux d’ailleurs, puisque l’embouteillage prévu n’a pas eu lieu. Jugement du spécialiste sue le match d’hier soir ? Cette équipe n’était pas mal ?
P. Séguin : Très, très bon résultat parce que l’Espagne est un adversaire de très grande qualité. J’aurais préféré d’ailleurs à tout prendre, quitte à les battre une seule fois dans l’année, qu’on les batte pendant le Coupe du monde. Parce qu’on risque de les retrouver et ils risquent d’être redoutables. Moi, je me réjouis beaucoup de ce que l’on voie enfin que le tandem Zidane-Djorkaeff peut fonctionner.
TF1 : Vous l’avez toujours demandé.
P. Séguin : Je l'ai toujours dit. Je vous remercie de le rappeler P. Poivre d'Arvor. C'est vrai qu'ils ne sont pas spontanément complémentaires. Eh bien, il faut les faire travailler pour les rendre complémentaires. Quand on a deux joueurs de cette qualité qui, à l'évidence, tous les deux, figurent parmi les dix meilleurs joueurs du monde, on n’a pas le droit de s'en priver.
TF1 : Vous allez faire la même chose au RPR avec les balladuriens, les chiraquiens ?
P. Séguin : Absolument, tous les bons seront dans l’équipe première.
L’Express : 29 janvier 1998
L’Express : On vous a peu vu depuis six mois. Pourquoi ?
Philippe Séguin : Il y a des gens qui se sont montrés plus que moi, je vous en donne acte. Mais pour dire quoi ? La présence médiatique constante pour le plaisir, ce n’est pas ma tasse de thé. J’essaie de faire en sorte que mes interventions correspondent à une démarche politique.
L’Express : Vous nous avez habitués à des prises de position fortes qui font basculer l’opinion.
Philippe Séguin : Dès le 19 juin 1997, après le discours de politique générale de Lionel Jospin, je me suis exprimé fortement. Ainsi qu’après chacune de ses causeries télévisées. Ou encore sur les dérives liées au procès Papon. Sur l’immigration. J’ai l’impression d’avoir pris ma part des messages délivrés depuis six mois par l’opposition.
L’Express : N’avez-vous pas été surtout accaparé par une plongée à l’intérieur du RPR ?
Philippe Séguin : Pas seulement. J’ai fait en sorte que ce mouvement tienne aussi sa place dans le débat démocratique. Cela dit, il fallait que le RPR tire les leçons de ce qui s’est passé le 24 mai et le 1er juin 1997, et se donne un autre projet, ainsi qu’une nouvelle organisation. Sans compter les élections à préparer. Tout cela a été fait. Remarquez, mieux vaut que les gens disent qu’ils ne me voient pas assez que l’inverse…
L’Express : Quelle analyse faites-vous de l’échec de la droite aux législatives ?
Philippe Séguin : C’est d’abord une nouvelle illustration de l’instabilité chronique que nous vivons depuis une vingtaine d’années, qui tient au scepticisme des Français quant à la capacité des responsables publics à influer sur le cours des choses. C’est toute notre démocratie qui est en crise. En nous réformant, en explorant d’autres chemins, nous ne cherchons pas seulement à « nous refaire ». Nous entendons apporter notre contribution à la solution de cette crise.
L’Express : Crise du politique ou de la société ? Ce pays est-il ingouvernable ?
Philippe Séguin : Il faut s’évader des clichés. Tout ingouvernable et conservateur qu’on le prétende, notre pays a considérablement progressé. Le vrai problème, c’est ce divorce entre la chose publique et le peuple.
L’Express : N’est-ce pas un mode de « gouvernance » qui a été sanctionné ?
Philippe Séguin : Cela n’est pas contradictoire. C’est pourquoi, il faut se donner les moyens d’un vrai dialogue avec les Français. L’affrontement avec l’adversaire n’a de sens que dans la mesure où il éclaire ce dialogue. À nous de définir les enjeux. Je suis sûr que les Français seront prêts à en assumer les conséquences.
L’Express : Ce pays n’avance-t-il pas par ruptures et non par réformes ?
Philippe Séguin : On peut ainsi lire l’histoire, 1789 à l’appui. Mais il y a d’autres périodes où la France a changé en restant à peu près paisible : la Restauration, la monarchie de juillet, le second Empire, la IIIe République…
L’Express : N’empêche, la France semble accumuler les poches de grisou.
Philippe Séguin : Oui, mais je crois à sa capacité à changer. Elle a besoin de formules chocs, pas forcément de révolutions. Regardons ses performances : avec moins de 60 millions d’habitants – qu’on dit incapables de se projeter vers l’extérieur – nous sommes le quatrième exportateur mondial. Nos ressources humaines sont extraordinaires. Nous sommes un grand pays, qui doit seulement prendre conscience qu’il n’utilise pas totalement son potentiel.
L’Express : Vous sentez-vous bien dans le costume de chef de parti ?
Philippe Séguin : D’abord, nous ne sommes pas un parti. Nous refusons le prêt-à-penser, l’a priori idéologique. Rien n’est écrit, il n’y a pas de mode d’emploi. Il faut rechercher par le dialogue où est l’intérêt général. C’est pourquoi nous sommes un « rassemblement ».
L’Express : Et quel est le rôle du chef de file ?
Philippe Séguin : Pas le même qu’avant 1995, où il était d’abord le candidat à la présidence de la République. D’ailleurs, jusqu’au milieu des années 70, aussi longtemps que l’un des nôtres a occupé l’Élysée, nous n’avions qu’un secrétaire général.
L’Express : Avez-vous songé à rétablir cet usage ?
Philippe Séguin : Oui. Mais entre-temps nous avions fait école, et ce retour en arrière eût été mal compris. Il demeure cette différence : le président du RPR n’est plus le candidat désigné à l’Élysée. Il est un catalyseur, un révélateur, un animateur. Notre référence, notre inspiration sont à l’Élysée.
L’Express : La réconciliation au RPR semble achevée, mais au prix d’un certain flou dans son projet…
Philippe Séguin : Je ne suis pas d’accord. Nous avons des approches claires et radicalement différentes de celles de la gauche sur nombre de sujets. Sur le travail, par exemple, même si M. Jospin, après nous avoir lu, semble s’être ravisé… Pour la gauche, le travail est source d’aliénation et d’oppression ; pour nous, il est un facteur d’épanouissement et l’élément essentiel de la structuration de la vie sociale. Une société où l’on travaillerait 35, 32, ou 25 heures, est-ce vraiment ce qu’on veut ? De même, s’agissant de la solidarité, nous nous refusons pour notre part à la réduire à l’assistance, démarche nocive, car elle installe la personne dans la dépendance et l’exclusion, au lieu de la réinsérer…
L’Express : Tony Blair n’incarne-t-il pas cette société de responsabilité ?
Philippe Séguin : Si Tony Blair était socialiste, cela se saurait. Il n’y a que M. Jospin pour affecter de le croire et prétendre que M. Blair va remettre en question ce qu’ont fait Margaret Thatcher et John Major, alors qu’il va au-delà. Trop, sans doute…
L’Express : On parle beaucoup de votre récent tourment libéral, vous, défenseur de l’État…
Philippe Séguin : Qu’est-ce que le libéralisme ? Interrogez les gens ; vous en aurez cent définitions différentes… Aujourd’hui, tout le monde est libéral, même Castro ! C’est dire l’intérêt de cette querelle. Être attaché aux principes du service public, par exemple, cela ne signifie pas s’opposer à l’évolution de son mode de fonctionnement. Je suis pour qu’un timbre collé n’importe où en France ait partout le même prix. Je ne suis pas contre une autre organisation de La Poste. Comme je n’ai jamais dit que l’État devait fabriquer des casseroles ou des téléviseurs, surtout pour y perdre des milliards.
L’Express : Vous n’êtes plus centralisateur ?
Philippe Séguin : Ce que je crois, c’est que la décentralisation ne doit ni bafouer le principe d’égalité en allant à l’encontre de l’aménagement du territoire, ni conduire au gonflement des effectifs de l’administration publique. Il faut corriger ses dérives, c’est tout.
L’Express : Faut-il supprimer le département ou la région ?
Philippe Séguin : Ou inventer un troisième niveau… Qui sait ? Recherchons le meilleur rapport coût-efficacité. Et le meilleur équilibre entre le public et le privé. Si vous mettez les trois quarts des forces d’une armée dans l’intendance et non dans les unités combattantes, vous aurez un problème le jour du conflit.
L’Express : Vous refusez les 35 heures : vous êtes contre l’évolution de la durée du travail ?
Philippe Séguin : Non, mais ce n’est pas sur le plan national, par la loi, qu’on va régler ce problème. Surtout si on prétend en attendre des créations d’emplois. Au demeurant, ce n’est pas en culpabilisant les entreprises qu’on y parviendra.
L’Express : Jacques Chirac a parlé d’entreprise citoyenne en 1995…
Philippe Séguin : Je ne crois pas que c’est ce qu’il entendait. En vérité, les entreprises ne sont comptables vis-à-vis de la collectivité qu’en termes d’accroissement de la richesse nationale. Cela dit, il demeure que la traduction en emplois de notre potentiel économique n’est pas satisfaisante. Il y a ici une exception française, née d’une contradiction : plus de prélèvements, cela fait plus de chômage : plus de chômage, cela donne plus de prélèvements. Il faut sortir de ce cercle vicieux, mais sans jeter le bébé avec l’eau du bain. Il faut trouver le compromis entre la contrainte de… l’entreprise et le souci des salariés de préserver leurs statuts. On a trop été, jusqu’ici, du second côté de la ligne.
L’Express : Jusqu’où iriez-vous dans les assouplissements ?
Philippe Séguin : Jusqu’à ce que notre taux de chômage soit comparable à celui des autres grandes démocraties. Il y a une voie toute tracée : l’augmentation du champ de la négociation au niveau de l’entreprise, au plus près du terrain.
L’Express : Quelle évolution souhaitez-vous pour l’Europe ?
Philippe Séguin : Nous voulons trois choses. D’abord, que, le plus rapidement possible, les limites de l’euro coïncident avec celles du marché unique, sinon les risques de désordre perdureront. Ensuite, que la gestion de l’euro prenne en compte les objectifs de croissance et d’emploi, à l’image de la banque centrale américaine. Enfin, un véritable gouvernement économique qui soit le pendant de l’Europe bancaire.
L’Express : Ne faut-il pas un grand débat européen, comme en 1992 ?
Philippe Séguin : Ce grand débat n’a été qu’esquissé en 1992, c’est vrai. Mais ce n’est pas seulement entre Français qu’il doit avoir lieu.
L’Express : Alors, un référendum pour Amsterdam ?
Philippe Séguin : Il ne faut pas tout mélanger. Il y a deux problèmes successifs à aborder : la réforme constitutionnelle préalable, puis le traité lui-même. Le traité – qu’il faudra un jour compléter – ne paraît pas justifier un tel déploiement. Avant de se prononcer sur le changement constitutionnel, il faut savoir sur quoi il porte. Beau sujet. De quoi s’agit-il ? Abandon ? Transfert ? Délégation ? Il faudra bien un jour s’accorder sur le sens constitutionnel, philosophique, de notre participation à la construction européenne.
L’Express : Seul le peuple peut décider ?
Philippe Séguin : Attendons de voir… Il s’agit de poser un principe général mieux que cela n’a été fait avec Maastricht, qui parlait de transfert de compétences. Les compétences, je ne sais pas ce que c’est. Lorsque je cherche « compétence » dans la Constitution, je ne trouve pas, je trouve « souveraineté ».
L’Express : À quand ce grand débat ?
Philippe Séguin : On trouvera forcément l’occasion. Car il faudra bien remettre la politique en tête du processus et se demander où l’on va.
L’Express : Contre le chômage, vous prônez une baisse de la fiscalité, donc des dépenses publiques et des prestations. Cela ne se fera pas douleur…
Philippe Séguin : Aujourd’hui, gros chômage, donc grosses prestations. Demain, prestations réduite, qui correspondront à un chômage réduit. Il faut passer de l’un à l’autre progressivement. Et l’on a assez de réserves, avec tous nos gaspillages, pour amorcer le mouvement.
L’Express : Sans recourir aux armes budgétaire et monétaire ?
Philippe Séguin : Nous ne les avons plus. Raison de plus pour que l’euro soit utilisé dans le sens de cet effort. D’où mes trois conditions.
L’Express : Le passage d’une situation à l’autre sera dur ?
Philippe Séguin : C’est pourquoi j’ai dit que l’important, dans le mouvement des chômeurs, c’est son écho dans l’opinion. Les Français devront s’en souvenir le jour où des décisions importantes auront à être prises. Il faudra que les résultats soient rapides. C’est possible. Il faut un an environ. C’est ce qui avait été nécessaire avant de faire baisser de 140 000 le nombre de chômeurs en 1987-1988. Et c’est aussi pourquoi j’ai dit que si M. Jospin n’est pas fautif du chômage actuel, il va bientôt devenir responsable de son maintien.
L’Express : Les 3 % de croissance seront-ils atteints en 1998 ?
Philippe Séguin : Je ne veux pas me lancer dans des approximations. Un matin on apprend que la crise en Asie va nous coûter 0,5 point, le soir on nous dit qu’on va les récupérer ailleurs. Je veux bien que le rôle du ministre des finances soit de répéter : « Tout va bien, dormez, bonnes gens. » Mais là, c’est la politique du doigt mouillé… De toute façon, la croissance ne suffira pas. Il faudra l’accompagnement de la puissance publique.
L’Express : Pour aider les emplois semi-marchands ?
Philippe Séguin : Pas seulement. Pour réorganiser le RMI, aussi. Cela dit, notre démarche n’a rien à voir avec celle de Mme Aubry. Elle, fixe un objectif chiffré et se demande ensuite à quoi occuper les gens. Nous, nous voulons identifier, pour les aider, des besoins partiellement solvables.
L’Express : Aux États-Unis, ces besoins sont totalement solvables…
Philippe Séguin : Car ce n’est pas le même système. Offre et demande peuvent se rencontrer, y compris à des niveaux très inférieurs à notre Smic. Nous, nous ne souhaitons pas toucher au Smic, mais imaginer un système où la puissance publique apporterait la différence entre le salaire convenu et le Smic : c’est l’impôt négatif.
L’Express : Vous croyez toujours à la baisse des charges ?
Philippe Séguin : Oui. Et j’ai été stupéfait d’entendre M. Jospin dire que l’opposition avait tort de s’accrocher à cette idée : trois heures avant, Mme Aubry avait annoncé des mesures de ce type – certes insuffisantes – en substitution du plan textile !
L’Express : Vous préconisez une révision de la procédure budgétaire séparant investissement et fonctionnement. Cela peut-il se faire vite ?
Philippe Séguin : Oui. Il est ahurissant que la moindre collectivité locale utilise ce procédé efficace et que l’État se comporte encore comme simple ménagère.
L’Express : il y a chez vous une ambiguïté : vous admettez la mondialisation et vous dénoncez le capitalisme totalitaire…
Philippe Séguin : Je le redirai aux assises ; il ne faut pas que les efforts d’adaptation soient des alibis pour la régression. La mondialisation doit être organisée et maîtrisée pour ne pas déboucher sur le world company.
L’Express : Comment ?
Philippe Séguin : En mettant en place un vrai système monétaire international, en taxant les mouvements de capitaux… Ce que Jospin proposait en 1995. Je ne l’avais pas entendu…
L’Express : En mettant en avant la nécessité de s’adapter à la mondialisation, vous avez effectué un virage par rapport à la campagne de 1995 ?
Philippe Séguin : Pas du tout. Nous sommes, au RPR, responsables et coupables de ne pas avoir traduit concrètement les orientations définies alors par Jacques Chirac. 1997 n’a effacé 1995 pour personne !
L’Express : Peut-on rattraper le coche en cours de septennat ?
Philippe Séguin : Bien sûr. Jacques Chirac continue de marteler ces idées. Et le Gouvernement ne peut pas rester sourd…
L’Express : Quand vous regardez la France aujourd’hui, vous êtes optimiste ?
Philippe Séguin : Les atouts de ce pays sont extraordinaires. Mais les Français ne savent pas où on les conduit. La route paraît pourtant moins longue quand on connaît le chemin.
L’Express : Comment lutter contre le Front national ?
Philippe Séguin : Je ne connais pas d’autres moyens que de convaincre ses électeurs de voter autrement.
L’Express : Ils écoutent encore ?
Philippe Séguin : Oui. Ils émettent une protestation. Mais il n’y a pas 15 % des électeurs qui considèrent que le FN a les réponses aux problèmes de ce pays.
L’Express : La rumeur court, notamment à gauche, que c’est vous qui ferez l’alliance avec le FN…
Philippe Séguin : Cela me paraîtrait ahurissant de bêtise si je n’étais définitivement vacciné.
L’Express : Alain Minc vous dit rousseausiste et clémenciste. Cette définition vous convient-elle ?
Philippe Séguin : J’en ai entendu de pires.
L’Express : Alain Madelin déclare que la véritable alternance, ce sera beaucoup de libéralisme avec un zeste de gaullisme. Êtes-vous d’accord ?
Philippe Séguin : S’il le pense, il a raison de le dire. Mais, compte tenu de notre passé, je continue de croire que les gaullistes ont vocation à être le môle de l’opposition.
L’Express : Les régionales, c’est un rendez-vous important ?
Philippe Séguin : Si l’on m’avait demandé d’établir moi-même le calendrier électoral, je ne les aurais sans doute pas placées le 15 mars. Ce ne sera facile pour personne, avec ce mode de scrutin et de décalage entre l’enjeu réel et l’enjeu politique.
L’Express : Les Français vont-ils sanctionner le Gouvernement ?
Philippe Séguin : Ce n’est pas sur la déconfiture du gouvernement que nous fonderons notre capacité à exercer les responsabilités, c’est sur notre effort de renouveau et de conviction. Je ne me fais aucun souci : les choses sont ainsi faites que, la prochaine fois, ce sera notre tour ! Mais, si c’est pour monter dans un manège fou, cela ne sert à rien. L’alternance pérenne dépend de nous, pas de l’échec du gouvernement.
L’Express : Vous avez toujours la Constitution près de vous ?
Philippe Séguin : Toujours.
L’Express : Vous aimez toujours la Ve République ?
Philippe Séguin : Toujours. D’autant qu’elle arrive au bon âge. Même si la cohabitation n’est pas ce qui était prévu au départ, en dépit des charmes que certains lui trouvent.
L’Express : Vous souhaitez qu’elle s’abrège ?
Philippe Séguin : Cela dépend du Président de la République et de lui seul.
L’Express : La dissolution est-elle encore une arme crédible ?
Philippe Séguin : L’avenir le dira. Tout est affaire de circonstances politiques. Et les plus belles constructions théoriques ne résistent pas aux circonstances politiques. C’est la politique qui compte. CSFD.