Texte intégral
Date : 13 mai 1997
Source : centre de documentation du Parti socialiste
Dole, le 13 mai 1997
Nous avons signé un accord avec les Verts qui est une première. La présence de Dominique Voynet ainsi que celle des autres Verts à l’Assemblée nationale apporterait quelque chose car je pense que cette sensibilité doit être représentée à l’Assemblée nationale. Elle nous a nous-mêmes fait évoluer sur certains dossiers, sur le plan économique notamment.
Clermont-Ferrand, le 13 mai 1997
Avez-vous vu, aperçu quelque part le programme RPR-UDF ? Ce n’est donc pas une campagne programme contre programme. Nous avons diffusé neuf millions d’exemplaires de nos propositions qui sont à la disposition des Français et ils peuvent en juger. Avez-vous vu quelque part, dans les mains des citoyens ou des citoyennes, un document qui ressemble à un programme RPR-UDF ? Il ne s’agit pas des cinq feuilles rédigées en vrac non pas sur la table d’un bistrot, ça fait popu, mais dans l’arrière-bureau d’un cabinet ministériel, c’est plus techno. En dehors de ces cinq pages, où est le programme comme on le demande à l’ouvreuse ? S’il existe, si ces cinq pages sont présentables au peuple, alors on le diffuse largement. Ils ont déjà dissous l’Assemblée nationale avant qu’il soit prévu, ils ont ensuite fait une campagne courte pour empêcher qu’on réfléchisse mais ils ne sont même pas capables de diffuser leur programme à des millions d’exemplaires pour que les Français lisent le leur, lisent le nôtre et puissent les comparer au-delà de ce qu’en disent les gazettes. Elles sont utiles mais ne remplacent pas le jugement porté par l’homme ou par la femme face aux documents des partis. J’attends que soit diffusé le programme RPR-UDF pour qu’ils se permettent de critiquer le nôtre.
Alors j’entends bien, chaque jour, M. Juppé ajoute un détail qu’il improvise, dont on ne sait pas où il le tire, avec l’accord de qui et au nom de quoi. Hier, aux côtés de Valéry Giscard d’Estaing qui lui aussi emprunte des formules non pas au programme socialiste de cette année mais au programme de Pierre Mauroy quand il était Premier ministre en 1981-1982 et qui avait développé l’idée de « gouverner autrement ». Giscard d’Estaing demandait qu’on gouvernât autrement, M. Juppé s’était exécuté et hier il a improvisé quelques suggestions sur la décentralisation, quelques réformes hâtives de l’Ena. Je vais vous faire une proposition très nette. Ça ne paraît pas être le problème de l’Ena qui est posé en ce qui concerne la haute administration publique en France. Si on veut apporter une réforme utile et celle-là moi je la propose. Il faudrait tout simplement qu’on interdise aux hauts-fonctionnaires qui ont eu sous leur tutelle des entreprises privées d’aller pantoufler dans ces entreprises privées. C’est une vraie idée républicaine.
M. Juppé a hier improvisé à Beaumont des transferts de compétence et tout à coup sans avoir référé à quiconque, il décide de passer la culture aux régions puis pour faire bon poids la formation professionnelle. Voilà comment travaille ce gouvernement. Et on se demande à quelles grandes orientations que les Français pourraient comprendre, pourraient juger, accepter peut-être ou condamner se rattachent les improvisations que chaque jour opère M. Juppé. Aujourd’hui, c’était un projet de réforme de la taxe professionnelle, le transfert de deux points nouveaux de cotisations maladies des salariés sur la CSG après avoir critiqué le fait que nous-mêmes on proposait dans notre programme ce transfert. Mais tout à coup, on dit deux points, pourquoi deux points ? Pourquoi pas trois ? Ou bien encore un certain nombre d’allègements de l’impôt sur la transmission des entreprises. M. Juppé a résumé dans une intervention ce que serait sa politique en cas de victoire. Il a dit ce sera ni la rupture, ni la continuité, autant dire en somme le vide.
Il me semble indispensable dans le climat qui règne dans ce pays, il me semble nécessaire de retrouver une façon harmonieuse de vivre ensemble. En visitant la maison de Rouget de Lisle, à Lons-le-Saunier, je pensais à la République mais aussi à cette devise républicaine : liberté, égalité, fraternité. Je crois qu’autour de cette devise républicaine, il y a effectivement un débat. La droite a de cette devise républicaine une vision réductrice. Elle veut la tirer en arrière. Elle veut hypertrophier le mot liberté. Mais pour elle la liberté, c’est essentiellement la liberté du marché, pour elle, cette liberté, ça devient la licence, la licence de licencier, c’est-à-dire le droit d’agir sans frein dans la vie économique et sociale, sans être contrainte par des règles. Elle veut réduire au maximum le mot égalité et dans un tel processus, c’est la fraternité dans notre pays qui disparaîtra. Nous, au contraire, nous voulons épanouir la devise républicaine. Même si nous sommes très attachés à cette liberté (nous avons mené de nombreux combats en Amérique latine, contre l’Apartheid) nous n’avons pas de leçons à recevoir de ceux qui confondent liberté et libéralisme économique. Mais nous pensons que le mot égalité, le développement de l’égalité en France est un des moyens d’épanouir le mot liberté. Car si l’égalité n’existe pas, la liberté est seulement réservée à quelques-uns.
Date : 14 mai 1997
Source : centre de documentation du Parti socialiste
Commentaires sur trois sondages
Le premier concerne les thèmes économiques développés par le programme socialiste. 85% des Français sont pour la relance de la consommation par une augmentation des salaires. 63% des Français sont favorables à la semaine de 35 heures sans diminution de salaire. 52% sont hostiles à une plus grande flexibilité du travail. 52% sont hostiles à une plus grande privatisation des services publics. Vous voyez que sur un certain nombre de thèmes économiques qui sont les nôtres, l’orientation va dans le sens de ce qui est l’aspiration des Français.
Deuxième sondage
Question : est-ce que les partis politiques proposent des solutions pour améliorer la situation économique de la France ? FN : 21% oui ; RPR : 41% oui ; UDF : 42% oui ; Parti socialiste : 45% oui, 45% non. Même si le scepticisme continue à habiter les esprits sur une question aussi centrale alors que traditionnellement dans les sondages la gauche et les socialistes sont forts sur les questions sociales et considérés comme moins crédibles sur les questions économiques, vous voyez que sur cette question essentielle la position du Parti socialiste est la meilleure.
Troisième sondage
Question sur l’Europe. Quel est le parti politique dont la position sur l’Europe est la plus proche de la vôtre ? Pour l’UDF : 13% ; pour le RPR : 17% ; pour le PS : 30 %. C’est-à-dire que sur l’Europe, la position que nous défendons est une position qui est comprise.
Séguin
À cet égard et puisqu’il est intervenu tout récemment dans le débat, je voudrais revenir sur ce qu’a dit M. Séguin qui rentre tardivement dans cette bataille. M. Séguin s’est permis de me traiter de girouette. Il me semble que M. Séguin est d’autant moins fondé à formuler ces critiques sur ma position depuis le traité de Maastricht, la position qui est la mienne a été constamment plus cohérente que la position qui est la sienne. Je voulais rappeler qu’il disait non à Maastricht et que maintenant il dit oui à Maastricht. Je voudrais rappeler que je disais « oui mais » à Maastricht et que je dis « oui si » aux conditions sur la monnaie unique. Nous sommes nombreux à nous souvenir qu’au moment du débat sur Maastricht, à la télévision, le tonnant M. Séguin avait la voix fluette face à François Mitterrand. Alors je constate que comme souvent, le président de l’Assemblée nationale fait de grands discours mais qu’en définitive quand le moment de la décision politique vient, il s’aligne sur les positions de M. Juppé.
Santé et services publics
Nous poursuivrons la maîtrise des dépenses de santé mais d’une autre façon que celle qui est conduite de manière autoritaire, collective, bureaucratique sous l’égide du plan Juppé, qui est pourtant inefficace. Au cœur des services publics, il y a l’hôpital public. Qu’est-ce que c’est si ce n’est l’égalité de traitement entre citoyens dans un domaine, la santé, où les inégalités se payent au prix fort ? L’hôpital public, c’est la prise en charge des maladies les plus graves. L’hôpital public, c’est un personnel compétent. Le service public de l’hôpital conjugue ces deux exigences : de la médecine la plus performante qui peut exister et du service le plus égal qui peut être donné. Or depuis quatre ans, encore plus depuis deux ans, l’hôpital public est gravement menacé en France, il est financièrement étranglé. Et le taux directeur fixé pour l’hôpital public – 1,3% en 1997 – est littéralement dramatique. Il contraint à rogner sur la qualité des soins. L’hôpital public fait ainsi les frais de l’absence de la volonté politique de la droite en matière de maîtrise des dépenses de santé. Et nous devons réaffirmer le respect que nous voulons pour les malades, pour les personnels qui y travaillent et pour sa mission de service public.
Date : 15 mai 1997
Source : centre de documentation du Parti socialiste
Je voudrais vous dire ce que j’ai sur le cœur. Et d’abord, je voudrais vous dire quel est le contrat moral que j’entends passer avec la jeunesse. Le contrat moral que nous voulons passer avec la jeunesse sur la base d’une démarche loyale tient en trois mots : respect, reconnaissance, réconciliation.
Respect, tout d’abord. Parce que la droite a trompé les jeunes, qu’elle ne les a pas respectés. Elle avait dit qu’elle voulait rompre avec le conservatisme et nous avons eu droit seulement à un passage de témoin entre Édouard Balladur et Alain Juppé pour mener exactement la même politique. Ils parlaient du statut social des jeunes. Oublié. Ils parlaient d’un plan Marshall pour les banlieues. À la trappe. Ils parlaient d’une priorité à l’emploi des jeunes. Laissée de côté. C’est pourquoi les jeunes ont été nombreux à manifester lors du mouvement de décembre 1995.
La droite a interdit à 800 000 jeunes de voter, en brusquant les élections législatives et en ne prenant pas les dispositions qui auraient pu être prises pour que puissent s’inscrire ceux qui avaient dix-huit ans dans l’année. Sans doute parce qu’elle n’avait pas confiance dans le vote qu’auraient exprimé ces 800 000 jeunes, et qu’elle craignait que cela fasse basculer les choses du mauvais côté, c’est-à-dire du bon. Je voudrais dire que nous instituerons l’inscription automatique sur les listes électorales des jeunes dans leur dix-huitième année.
Le deuxième terme de ce contrat moral avec la jeunesse, c’est celui de reconnaissance. Cette reconnaissance doit aller à tous les jeunes. Je voudrais parler particulièrement des humiliations qui sont trop souvent infligées à un certain nombre de jeunes, citoyens et citoyennes de la France, nés sur notre territoire de parents étrangers et qui subissent dans leur vie quotidienne trop de choses qui rappellent à ceux qui souhaitent s’intégrer dans la communauté nationale que certains les voient comme différents. Nous lutterons contre les discriminations à l’embauche, nous abrogerons les lois Pasqua et Debré remplacées par une nouvelle législation respectueuse du droit des gens. Je sais aussi que les lieux de vie dans les quartiers sont dégradés. Notre ambition doit être grande : renforcement de la présence des services publics dans les quartiers, politique de reconstruction des banlieues, attribution de moyens réels aux mouvements associatifs qui travaillent dans les quartiers.
Et puis réconciliation. Réconciliation des jeunes avec la société et avec la politique. Alors il faut leur rendre le goût de l’engagement et pour cela veiller à ce que ceux qui prétendent parler au nom du peuple soient issus du peuple qu’ils veulent représenter. Paris est devenu le symbole d’une conception de la politique que tous les Français, et vous les jeunes en particulier, rejettent massivement : corruption, affaires, réseaux de financements occultes, cynisme à l’égard des pauvres et des jeunes.
Il faut servir partout l’éducation, la recherche et la culture. La droite a abandonné la priorité que nous avions donnée à la recherche, publique et privée, surtout publique. Elle ne croit pas à la recherche. Elle croit parfois dans la technique, dans les procédés, elle ne croit pas dans la recherche et particulièrement dans la recherche fondamentale. Comme s’il y avait dans celle-ci quelque chose de désintéressé, quelque chose de gratuit qui était étranger à sa culture. Comme si elle ne croyait pas que non seulement la recherche fondamentale est nécessaire au progrès de l’aventure humaine. Sous l’angle de la technique, sous l’angle du progrès technologique, c’est souvent grâce au hasard fécond de la découverte d’un chercheur que des bons formidables sont faits dans la production et dans la technique.
Priorité à l’éducation. L’indulgence dont a bénéficié M. Bayrou, qui n’a pris aucune décision importante en quatre ans, s’explique uniquement pour une raison, c’est qu’il est apparu comme un rempart immobile contre les projets de démantèlement de l’enseignement que la droite avait prévus sous l’impulsion du RPR avant 1993. Certains à droite disent que nous avons trop d’étudiants parce que 45% d’une classe d’âge va désormais à l’université et dans l’enseignement supérieur. Je ne pense pas, moi, que nous avons trop d’étudiants et il faut poursuivre cet investissement. Parce que la droite n’ose pas introduire ce qui serait sa vraie vision politique, c’est-à-dire la sélection, elle essaie d’arriver au même résultat en rognant les moyens budgétaires. Nous redonnerons la priorité à l’enseignement dans le cadre d’un service public unifié. Nous le ferons en améliorant partout où c’est nécessaire la professionnalisation de l’enseignement. Nous relancerons les zones d’enseignement prioritaire et concentrerons les moyens sur les quartiers qui en ont le plus besoin.
La culture. Nous sommes décidés à tout faire pour baisser la TVA sur les disques.
La droite cherche un nouveau thème de campagne. Elle voudrait nous interpeller sur le vote du Front national. Si elle cherche un thème de campagne, elle serait bien avisée de ne pas choisir celui-ci. Car après tout, quand il y a porosité dans les idées, c’est parfois entre les idées de l’extrême droite et les idées de la droite et jamais avec les idées de la gauche.
Nous voulons une Europe ouverte vers les autres peuples et notamment vers les peuples du tiers-monde. Ce qui se passe aujourd’hui au Zaïre, c’est la faillite de la politique africaine de Chirac qui a remis en scène Mobutu, que nous avions commencé à lâcher. Avec Mobutu, c’est un dictateur qui s’en va mais nous ne voulons pas d’un autre dictateur pour le Zaïre. Il y a comme une vision d’obscénité quand on voit ces hommes d’affaires qui se pressent, chéquiers en main, auprès du nouveau conquérant pour signer les futurs contrats pour dépouiller les Zaïrois de leurs ressources naturelles. En Afrique, comme ailleurs, ce sont les peuples qui doivent désormais décider. C’est la démocratie qui doit s’imposer. Contrairement à ce que disait Jacques Chirac lorsqu’il déclarait que la démocratie était un luxe pour pays développés, la démocratie doit faire son chemin en Afrique comme elle l’a fait en Amérique latine et comme elle commence à le faire en Asie. Je prends un engagement solennel, si le peuple nous fait confiance, nous changerons profondément la politique africaine de la France.