Article de M. Jacques Godfrain, ministre délégué à la coopération, dans "La Lettre de la Nation Magazine" du 9 mai 1997, sur la politique de coopération avec l'Afrique, intitulé "Le véritable enjeu de la coopération".

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Média : La Lettre de la Nation Magazine

Texte intégral

Au moment où le président de la République a décidé de donner la parole aux français pour qu’ils puissent clairement exprimer leur choix sur l’avenir de leur pays, je voudrais une fois encore rappeler la nécessité d’une coopération forte, principalement avec l’Afrique. Le débat autour de cette question cruciale pour les rapports Nord-Sud et la construction européenne est trop souvent accaparé par des professeurs Diafoirus au développement.

Nous ne vivons pas dans un monde isolé. Du fait de sa proximité géographique avec l’Europe, une Afrique malade ou déstabilisée pèsera sur notre propre bien-être.

L’idée que la France perd la main en Afrique est infondée mais il faut, pour s’en rendre compte, lire la presse internationale, anglo-saxonne pour tout dire. Notre rôle y est souvent reconnu parfois même salué.

Par ailleurs, se pose-t-on parfois la question de savoir ce qui pousse de grandes puissances à manifester un tel intérêt pour l’Afrique ? Le seul sens de l’humanitaire les y pousse-t-il ? Je ne le crois pas. L’Afrique est en effet un continent riche de promesses dont certaines, nombreuses, sont déjà tenues.

* Un rôle économique

Au-delà des liens historiques et culturels, l’Afrique est un marché significatif pour les entreprises françaises (90 milliards de francs d’exportations, un solde commercial des échanges de près de 24 milliards de francs en 1995 largement excédentaire). L’Afrique subsaharienne, marché d’exportation de plus de 30 milliards de francs, dépassant celui de l’Amérique latine, est important pour nos entreprises (1 360 filiales d’entreprises employant 253 000 salariés). Enfin, l’Afrique francophone accueille la plus grande communauté française à l’étranger : environ 120 000 personnes.

Les évolutions récentes, sur le plan économique, sont favorables, puisque le FMI prévoit, pour la période 1996-97, une croissance moyenne de 5 % pour l’ensemble des pays subsahariens. Au total, plus de 60 % de la population du continent bénéficient d’une croissance économique positive. L’Afrique de l’Est, l’Afrique australe et la zone franc sont les pôles de cette croissance.

* Projets de proximité

L’autre volet fondamental de notre aide à l’Afrique est la lutte contre l’immigration clandestine. Lors des récentes manifestations contre la loi Debré, le mot « développement » était absent. Pourquoi ? Parce qu’il est le début et la fin de tout raisonnement sur le sujet. Ce que la France et l’Afrique engagent ensemble en matière de coopération est la véritable réponse à ce lancinant problème. Cette aide au développement doit désormais soutenir des projets de proximité, qui améliorent la vie des populations sur place. Nous intervenons principalement dans les domaines de la production agricole, de l’éducation et de la santé, pour que nos amis africains n’éprouvent plus le besoin de quitter leur pays.

Si le président de la République n’avait pas fortement mobilisé nos partenaires européens lors du dernier G7 en leur rappelant l’engagement moral que nous avions de soutenir, très activement, les pays les plus défavorisés, l’aide publique au développement aurait chuté de 15 à 20 % en Afrique et nous serions actuellement dans une situation migratoire intenable.

C’est la raison pour laquelle la coopération me paraît être plus que jamais au cœur de l’actualité.