Article de M. Jacques Godfrain, ministre délégué à la coopération, dans "Le Figaro" du 6 mai 1997, sur la politique de coopération, intitulé "A ceux qui dénigrent l'action de la France en Afrique".

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Il est des mensonges qui, à force d’être répétés, ressemblent à des vérités. C’est ce que tentent de faire ceux qui, depuis longtemps n’admettent pas les liens exceptionnels que les Africains entretiennent avec la France, et réciproquement.

Depuis quelques mois, il n’est pas une conversation mondaine, un bel esprit, un article « de fond qui ne déplorent le « dos tourné » des Africains à la France.

Au passage, ce sont souvent les mêmes qui viennent quémander, pour leurs recherches universitaires diverses, les subsides de l’État, auprès du ministère de la coopération ou du Quai d’Orsay. Ce sont aussi les mêmes qui ont fait naguère le coup de poing pour les « libérateurs » et autres « décolonisateurs violents », oubliant que le général de Gaulle avait permis l’émancipation en douceur.

La volonté de paix du président Jacques Chirac, son engagement en faveur des négociations et des élections au Zaïre ne peuvent être réduits au seul soutien de Mobutu, n’en déplaise à ceux qui qualifient la rébellion actuelle de « libératrice ». Soyons prudents et modestes, il y a vingt ans, la « libération » de Pnom-Penh par les Khmers rouges, dont on a pu apprécier depuis l’humanisme, était saluée dans les mêmes termes !

La France, à leurs yeux, serait condamnable car elle n’aurait pas modernisé son aide au développement… Elle ne l’aurait pas suffisamment banalisée en la fondant dans un monde anonymement égalitariste, sans aucune spécificité régionale. Suivre cette voie aurait pourtant favorisé la disparition progressive de la présence de la France en Afrique, sans pour autant favoriser notre implantation dans les autres régions du monde.

Imaginons un instant que les pays francophones soient la proie de guerres civiles aux violences atroces, qu’ils soient soumis à des régimes dictatoriaux ou fondamentalistes, et que le monopartisme gouverne sans partage, les armées et les finances étant mises au services des guerres extérieures de conquête ethnique : que ne dirait-on !

Bien des peuples de l’autre Afrique, non francophone, envient souvent le niveau de revenu et de PIB, la pratique démocratique, le réalignement du CFA, l’état sanitaire et la paix civile qui caractérisent les pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre

Perspectives communes

Certes, des visas difficiles à obtenir, des difficultés administratives paralysantes ou des bourses distribuées avec plus d’acuité font dire à certains relais d’opinion que nous ne sommes plus au bon vieux temps.

Mais quel progrès depuis le Carrefour du développement ! Désormais, chaque franc dépensé par la coopération française peut être justifié. Quel progrès depuis quelques années ! La quasi-totalité des pays francophones ont fait l’expérience de la démocratie, du pluralisme et même déjà, pour certains, de l’alternance et de la cohabitation.

Si d’aucuns n’étaient pas convaincus que la France et l’Afrique partagent les mêmes perspectives de solidarité au nom du développement, qu’ils étudient les montants des crédits d’aide publique au développement des pays du G 7, qu’ils examinent la position française sur l’OMC ? ou sur le renouvellement de la convention de Lomé. Qu’ils devinent, à travers la détermination du président Chirac, que l’idée de l’homme l’emporte sur celle du business, et que l’aide au non-départ par les projets de proximité prime sur l’expulsion.

Il y aurait beaucoup à dire sur les véritables intentions des champions d’un prétendu désengagement, qui paraissent soudain bien nostalgiques d’une époque si souvent condamnée, sans nuance, par les mêmes, cela s’appelait le colonialisme.