Texte intégral
Date : Lundi 21 avril 1997
Source : RTL
O. Mazerolle : Vous êtes UDF giscardien, mais chiraquien du premier jour de la présidentielle. Les Français disent oui à la dissolution dans différents sondages mais beaucoup le disent avec l’idée de se débarrasser du pouvoir actuel. L’impopularité du Président de la République et du Premier ministre sont de nouveau très fortes.
J.-P. Raffarin : Vous savez, les sondages disent aussi que la majorité a de fortes chances de gagner, donc si ce n’était qu’une question de sondages, je crois que la décision serait bonne à prendre. Mais cette décision, tout le monde en parle. Je suis assez étonné d’ailleurs que même le leader socialiste ait lancé la campagne avec précipitation alors que le Président de la République ne s’est pas exprimé. Dans la Ve République, c’est une prérogative du président, que le président parle et ensuite que s’organise le débat politique.
O. Mazerolle : Mais, c’est peut-être une perte d’autorité. On préfère parler avant lui.
J.-P. Raffarin : Je crois plutôt que c’est une preuve de nervosité et d’embarras. L. Jospin, hier, on le sentait complètement embarrassé. À la fois, il voulait partir en campagne, mais comme il n’avait pas de projet par ailleurs, il nous a ressorti ses vieilles lunes. Comme si l’horizon politique de L. Jospin, c’était le Mitterrand de 1981 ou le Thatcher de 1979. L’Union de la gauche ou l’ultralibéralisme, ce n’est plus ça aujourd’hui le débat. Cela fait quinze ans que ça a changé. L. Jospin n’a pas de projet et il se fait récidiviste. Je trouve que c’est intéressant. Si je n’avais pas été pour la dissolution, en écoutant L. Jospin, j’aurais vraiment envie qu’il y ait, aujourd’hui, un débat pour que l’on arbitre ce grand choix politique. Il faut le faire maintenant.
O. Mazerolle : Tout de même, dans le sondage Sofres-Le Figaro de ce matin, quatre électeurs sur dix, et parmi eux, certains sont de la majorité, se disent encore indécis. Est-ce que ce n’est pas un risque énorme pour le Président de la République que de prendre cette décision ? Il risque de perdre les élections qu’il aura provoquées.
J.-P. Raffarin : Je crois qu’on ne prend jamais de risque quand on fait appel à la démocratie, quand on a confiance en l’opinion de ce pays. J. Chirac a toujours fait preuve d’une grande confiance dans la sagesse de ce peuple même quand les sondages essayaient de le décourager, de le dissuader. Je crois que l’on a des choses importantes à dire aux Français aujourd’hui. Si nous avons eu des difficultés, c’est parce qu’il y avait des déficits. Et au fond, les déficits socialistes généraient la rigueur. Les réformes d’A. Juppé ne génèrent pas, elles, la rigueur. Regardez, hier, on a vu la baisse des tarifs EDF, on voit la réforme des télécoms qui génère des allégements de tarifs. On voit 25 milliards d’allégement fiscal. La réforme génère de l’allégement. Le déficit socialiste et les déficits de la cohabitation ont généré de la rigueur. La réforme, elle, génère des allégements…
O. Mazerolle : Et le chômage qui monte aussi…
J.-P. Raffarin : … Le chômage, hélas, reste le cancer numéro un de la société, mais aussi pour des raisons internationales, pour des raisons structurelles, et cela impose en effet d’avoir un grand débat dans ce pays. Vous savez, le ministre des PME que je suis serait bien content d’avoir un grand débat dans ce pays pour, par exemple, mobiliser tout le monde sur la simplification administrative. Quand je vois qu’on nous propose à nouveau la bureaucratie des autorisations administratives de licenciement ! Alors, on veut de la simplification, oui ; on veut de l’énergie libérée, oui ! Alors, que le pays se mobilise sur ce sujet cela me paraît important.
O. Mazerolle : L. Jospin propose comme alternative une relance de la consommation pour sortir du marasme, dit-il et il a même ajouté : « si, pour atteindre les critères de Maastricht de 3 % du déficit par rapport au produit intérieur brut, il faut une nouvelle cure d’austérité, je ne le ferai pas. »
J.-P. Raffarin : L. Jospin est, de toute évidence l’otage des courants les plus archaïques du PS. Il jette l’Europe par-dessus bord, ce qui est quand même une grande première. J’ai été suffoqué de voir cela. Il jette l’Europe par-dessus bord pour se rapprocher des communistes. Tactique politique s’impose. Il ressort la recette-Mitterrand des créations d’emplois publics. On connaît les résultats : désillusion et déficit. Il propose la bureaucratie sur l’autorisation administrative de licenciement. Il a semblé adhérer quand A. Sinclair lui a demandé : « alors, 35 heures payées 42 ? ». Il reste sur ces promesses-là. C’est le socialisme de l’Union de la gauche, c’est, je crois, vraiment un retour au passé. C’est, je crois, pour nous, l’occasion d’affirmer la logique de la réforme. La réforme pour une société telle que J. Chirac l’a proposée dans son septennat, parce que c’est de cela dont il s’agit. C’est la perspective du septennat, société de convivialité…
O. Mazerolle : Très bien mais expliquez-nous tout de même pourquoi, après l’élection présidentielle qui donnait un nouvel élan à cette majorité, qui disposait déjà du pouvoir à l’Assemblée nationale, au Sénat, dans la plupart des régions et le Président de la République, alors pourquoi les réformes n’ont-elles pas eu lieu depuis deux ans ?
J.-P. Raffarin : Comment peut-on dire, cher O. Mazerolle, qu’il n’y a pas eu de réformes aujourd’hui… ?
O. Mazerolle : C’est vous qui, à l’instant, disiez : « j’en veux encore plus ». Pourquoi ?
J.-P. Raffarin : Parce qu’il faut plus d’allégements. La réforme du service national et ses 20 milliards d’économie, la réforme de la Sécurité sociale pour mieux maîtriser nos déficits sociaux, le plan de relance de l’action des PME, toutes ces réformes ont été engagées et ce sont des réformes qui ont généré des allégements. Voilà la route à suivre, c’est celle de la réforme. Le septennat, J. Chirac l’a engagé en 1995 sur une perspective : une société de convivialité qui conjugue modernité et humanisme. On sent bien le président passionné par cette question : comment adapter le pays ? Comment faire face à la modernité sans casser notre tissu social, sans maîtriser, vraiment, la cohésion économique et sociale qui est l’objectif numéro un ? Pour cela, nous avons besoin de réformes. Donc, il faut continuer. C’est vrai qu’en 1998, il y a un télescopage des échéances, c’est vrai que, sur le plan économique, l’attentisme serait vraiment un problème pour les entreprises, on le voit aujourd’hui pour l’investissement. Quand je vois que l’on a perdu l’année 1992-1993 pour des élections législatives, qu’on a perdu l’année 1994-1995 pour une élection présidentielle, que l’on risque de perdre l’année 1997-1998 ! Trois années perdues en cinq ans alors qu’il faut rassembler nos forces pour faire l’Europe. Je crois vraiment que plus vite on arbitrera le débat politique – surtout si le débat est aussi archaïque que L. Jospin le souhaite… Visiblement, il faut arbitrer vite ce type de débat.
O. Mazerolle : Quelles différences y aurait-il dans la politique menée après de nouvelles élections qui auraient lieu dans les trois ou quatre semaines qui viennent, par rapport à celle qui est menée actuellement ?
J.-P. Raffarin : Il faut encore plus de liberté dans l’action d’entreprendre, il faut encore plus de libération de toutes les énergies, il faut un consensus social encore plus fort pour qu’on réforme la société française, pour qu’on puisse libérer toutes ces énergies pour gagner la bataille de l’emploi. Regardez sur l’emploi des jeunes combien, au fond, il y a une sorte de consensus dans la société française pour qu’une seule génération soit au travail en même temps : on pousse la génération d’avant vers la préretraite, on empêche la génération d’après d’entrer. Il faut que le pays prenne conscience des grands enjeux et un débat, de ce point de vue-là, peut être très utile.
O. Mazerolle : Cela veut dire qu’A. Madelin, lorsqu’il a été licencié par A. Juppé en août-septembre 1995 alors qu’il réclamait plus d’audace, avait raison ?
J.-P. Raffarin : A. Madelin a dit des choses qui sont justes. Je crois qu’on a toujours tort d’être en désaccord avec son Premier ministre quand on fait partie d’une équipe ministérielle. Ce qui est très important, aujourd’hui, c’est de donner au septennat de J. Chirac toutes les chances de réussite. On a cette perspective de société à la fois moderne et humaniste et donc, il faut mobiliser toute les énergies, et la majorité a besoin de toutes ses composantes pour convaincre les Français de cette perspective de réussite de ce septennat.
O. Mazerolle : Quand L. Jospin dit : « la droite, ce ne sont plus des conservateurs mais des destructeurs ». Pouvez-vous nous dire où est le projet social dans la politique de la majorité ?
J.-P. Raffarin : Je trouve que M. Jospin exagère quelque peu. Qu’est-ce que l’on voit en permanence ? Moi, je ne vois que des séquelles du pouvoir socialiste. Je suis un acteur de l’après-socialisme : tous les jours, on découvre un déficit d’une grande banque, un déficit d’une grande structure d’assurance, on y trouve des écoutes. Dans chaque tiroir, on voit des séquelles. Le Parti socialiste est le parti des séquelles. Tous les jours, aujourd’hui, on a des difficultés, parce que le Parti socialiste nous a laissé un certain nombre de bombes à retardement. Le socialisme – on l’a vu – a généré un grand nombre de déficits. Nous, nous avons une autre logique : ce n’est pas le déficit pour la rigueur, c’est la réforme pour l’allégement. Nous avons un projet social qui est le projet de cohésion économique et sociale. Le Président de la République l’a dit à plusieurs reprises, même si cela est menacé de l’intérieur par cette fracture sociale qu’il nous faut résoudre. Comment la résoudre ? Par une mobilisation de toutes les énergies.
O. Mazerolle : Est-ce que la protection sociale est menacée par une nouvelle politique encore plus libérale ?
J.-P. Raffarin : Bien sûr que non. Il s’agit justement d’éviter ce débat des années 1980. Mitterrand-1981 et Thatcher-1979 : ce débat est complètement dépassé. Nous avons un projet social français, nous avons une identité économique en France aujourd’hui. Alors, bien sûr qu’il faut libérer tout s les énergies, mais il faut éviter tous les blocages, toutes les ruptures dans la société française, qui nous conduiraient à la paralysie parce que c’est un projet de rupture. Aujourd’hui, il faut rassembler contre la fracture sociale, pour la croissance.
O. Mazerolle : Vous êtes au moins d’accord avec L. Jospin quand il dit : « cette fois-ci, cela va être une confrontation droite-gauche » ?
J.-P. Raffarin : Moi, je ne suis pas d’accord avec cette logique-là. Je pense que c’est une mobilisation pour la croissance et pour la cohésion économique et sociale. C’est une voie d’équilibre, ce n’est pas du tout l’opposition des extrêmes.
Date : Mardi 29 avril 1997
Source : RMC
P. Lapousterle : Un ministre, c’est encore au ministère ou c’est en campagne électorale, Monsieur Raffarin ?
J.-P. Raffarin : C’est en campagne électorale vendredi, samedi, dimanche, lundi – je suis rentré cette nuit, à une heure et demie du matin – mais mardi, mercredi, jeudi : ministère.
P. Lapousterle : Bon pied, bon œil au ministère. Le Premier ministre a donc promis qu’on allait voir ce qu’on allait voir pendant les quarante premiers jours du nouveau gouvernement et de la nouvelle majorité, si cette majorité était RPR-UDF. Alors, je vais vous poser la question toute simple : pourquoi ne l’avoir pas fait si on pouvait le faire et, en plus, si vite ? C’est dommage.
J.-P. Raffarin : Il y a, dans ces réactions, beaucoup de caricature. Le Premier ministre est, selon nos règles de la Ve République, le patron de la majorité. Il mène campagne et le soir du deuxième tour, le Président de la république prendra ses responsabilités et choisira un nouveau Premier ministre. Nous avons un programme de la majorité, débattu, concerté entre le RPR et l’UDF, il faut bien l’appliquer et dire par quoi on va commencer. Donc, les quarante jours, c’est simplement l’introduction du programme de la majorité. C’est le prologue, les premières mesures de l’urgence. Donc, il ne faut pas faire de ces quarante jours l’ensemble de l’enjeu de cette campagne électorale.
P. Lapousterle : C’est à se demander pourquoi cela n’a pas été fait. Voilà, c’est tout. Vous aviez la majorité ?
J.-P. Raffarin : Pourquoi se demander pourquoi il faut ce nouvel élan ? Je vais vous le dire : parce qu’il faut un soutien populaire pour des mesures fortes qui soient des mesures positives, non pas des mesures de rigueur mais des mesures de liberté pour le développement économique. Par exemple, prenons le concret, sur les PME, tous les matins, il faut se battre contre les bureaucraties, les technocraties des très grandes structures, tous ceux qui voudraient nous empêcher d’avancer.
P. Lapousterle : Elles vont disparaître ?
J.-P. Raffarin : Eh bien, je souhaite que, grâce à un élan fort, populaire où l’on va entendre les créateurs, les entrepreneurs dire que oui, il faut baisser les charges sociales sur les bas salaires, il faut aller plus loin, c’est bon pour l’emploi, c’est bon pour l’entreprise ; oui, il faut ce chèque premier service ; oui, il faut mobiliser l’épargne de proximité pour soutenir la création d’entreprise ; je souhaite que, dans cette campagne, apparaissent une, deux, trois ou quatre grandes idées économiques, par exemple, en ce qui concerne mon secteur, qui aient un large soutien populaire et qu’ainsi, on puisse vaincre toutes les résistances pour les faire appliquer rapidement et, si possible, pour les meilleures d’entre elles, en effet, dans les quarante jours.
P. Lapousterle : Quand on interroge actuellement les électeurs, à un mois des élections, un électeur sur trois déclare n’avoir pas fait encore son choix. Est-ce que vous pensez que c’est parce que votre bilan est mitigé ou bien est-ce que les gens sont fatigués des promesses, ils attendent ?
J.-P. Raffarin : Il y a une autre explication. D’abord moi, je suis giscardien. Deux Français sur trois, cela vous dit quelque chose. Deux Français sur trois, ce n’est pas mal. Aujourd’hui, en début de campagne, deux Français sur trois sont prêts à aller voter. C’est un bon score. C’est vrai qu’il faut convaincre le dernier tiers, nous allons le convaincre. Mais c’est vrai qu’il y a, dans tous les camps, des sceptiques à convaincre. Vous savez, il y a beaucoup de socialistes qui se disent que quatorze ns de Mitterrand… tous ceux qui avaient voté pour la morale contre les écoutes, pour l’emploi contre le chômage sont quelque peu déçus. Par exemple, quelque chose qui me paraît très important, c’est de voir comment les jeunes sont surpris, sont choqués par le volte-face européen de L. Jospin, lui qui maintenant affirme la préférence communiste mieux que la préférence communautaire. Quand je vois des mouvements comme cela, il y a des catégories de l’électorat qui peuvent encore douter. Mais moi, je vais vous dire : je commence cette campagne électorale, j’ai fait ce week-end quatre réunions pour quatre candidats différents. Eh bien, premièrement, les Français sont d’accord avec le Président de la République : il fallait la dissolution, éviter à ce pays encore un an de campagne électorale, d’attentisme économique. Et deuxièmement, beaucoup des électeurs de la majorité aujourd’hui sentent qu’il est important de se mobiliser et de faire en sorte que les efforts des Français pour redresser les finances de la France ne soient ni gâchés, ni gaspillés à nouveau par les socialistes.
P. Lapousterle : Vous parlez des déçus, notamment les jeunes, de la part de la gauche. N’y a-t-il pas quelques déçus légitimes à droite, parmi ceux qui avaient cru à toutes les promesses de J. Chirac ?
J.-P. Raffarin : Vous savez, les promesses de J. Chirac étaient mesurées, nuancées…
P. Lapousterle : Ce n’est pas ce qu’ils avaient compris.
J.-P. Raffarin : N’oublions pas que J. Chirac a fait un peu plus de 20 % au premier tour quand même. Il n’y avait pas 100 % des Français derrière lui à ce moment-là, donc on caricature un peu les choses. Le débat était très ouvert, très partagé dans cette campagne présidentielle de 1995. Alors, c’est vrai, je le reconnais, qu’il peut y avoir ici ou là des gens qui trouvent que cela ne va pas assez vite. Eh bien, à nous de les convaincre, à nous d’aller en campagne électorale et montrer que nous avons besoin de cet élan populaire. L’appel au peuple, le retour au peuple, l’appel à la démocratie, le retour à la démocratie vivante pour faire bouger les choses encore plus rapidement.
P. Lapousterle : Vous avez parlé de nouvel élan. Est-ce que, pour appliquer ce nouvel élan, il faut le même Premier ministre que de 1995 à 1997, ou bien est-ce qu’il faudrait logiquement un nouvel homme pour un nouvel élan ?
J.-P. Raffarin : Il faut de toute évidence un nouveau gouvernement et c’est le Président de la République qui, le soir du premier tour, puis le soir du deuxième tour va écouter les Français, va écouter leur message et choisira celui qui doit conduire la politique de ce nouveau gouvernement. Donc, aujourd’hui, nous ne sommes pas dans une élection présidentielle où il faut choisir un homme. Il faut choisir une majorité. Il est normal que le chef de la majorité conduise la campagne électorale, naturellement, en partenariat avec l’UDF. Je suis très heureux de voir qu’A. Juppé et F. Léotard labourent ensemble. C’est, je crois, très utile.
P. Lapousterle : Vous n’êtes pas très bien traité dans ce partenariat, l’UDF ?
J.-P. Raffarin : Écoutez, dans notre programme, que nous sortons aujourd’hui, je vois des propositions typiquement UDF pour le développement de la régionalisation, pour l’allégement des charges sur les bas salaires – idée proposée par V. Giscard d’Estaing en 1995, réussie par A. Juppé pour le textile. Et maintenant, nous voulons l’élargir. Donc, on a des idées qui passent aujourd’hui, et je crois que l’union UDF-RPR est très importante pour gagner. Et puis, le soir du deuxième tour, eh bien J. Chirac analysera la situation, prendra sa responsabilité qui est celle du Président de la République. Selon le général de Gaulle, le Président de la République est l’homme en charge de l’essentiel, il choisit le Premier ministre et la politique de la France peut trouver ce nouvel élan.
P. Lapousterle : On peut imaginer, au soir du deuxième tour, si la majorité l’emportait, le même Président de la République, le même chef du gouvernement et la mime majorité à l’assemblée, cela vous paraîtrait logique ?
J.-P. Raffarin : De toute façon, ce ne sera pas la même majorité puisqu’il y aura des proportions qui auront changé, il y aura des gens qui auront été écoutés sur le terrain, on aura entendu ce que les Français nous disent. Ils nous disent qu’il y a un certain nombre de choses qu’il faut faire. C’est vrai que, dans mon domaine, j’entends partout un thème clair qui s’impose, c’est : faites des économies pour faire des allégements. Arrêtez de distribuer les subventions pour l’emploi, arrêtez de distribuer l’argent public. Tout ce que vous avez en réserve, mettez-le en allégements, voilà ce que les gens nous disent. Des économies pour des allégements. Maîtrisez les subventions qui sont souvent injustes pour plutôt promouvoir les allégements de charges sociales et fiscales. Voilà un message très important qui nous revient du terrain. Et donc, il va falloir tenir compte de tout ce que nous dit le terrain, de tout ce que nous disent nos électrices et nos électeurs. Donc, je ne pense pas qu’une campagne électorale soit un acte gratuit. C’est un acte fondateur d’une politique.
Date : 29 avril 1997
Source : La Tribune
La Tribune : La majorité sortante en appelle à un « nouvel élan » pour une « nouvelle politique ». En quoi cette nouvelle politique concerne-t-elle les PME ?
Jean-Pierre Raffarin : Alain Juppé tire la bonne leçon des événements en affirmant que le nouvel élan doit reposer sur la dynamique des PME. Ce nouvel élan doit constituer un élan supplémentaire dans la mobilisation nationale en en faveur des PME. Le Gouvernement d’Alain Juppé a ouvert la voie avec le « Plan PME pour la France ». Le programme de la majorité vise à franchir cette deuxième étape pour affirmer une « priorité-PME ».
La Tribune : Le Premier ministre a esquissé quelques pistes comme la détaxation de l’épargne investie dans la création et le développement des petites entreprises. Mais, n’était-ce pas le cas ? Quelles mesures le programme RPR-UDF envisage-t-il au profit des PME ?
Jean-Pierre Raffarin : Nous ouvrons sept grands chantiers. D’abord, la mobilisation de l’épargne pour les entreprises. La loi Madelin avait créé certains avantages, mais ces derniers étaient plafonnés à 75 000 francs. Il convient d’élargir massivement les conditions d’accès à l’épargne de proximité. Il y a des propositions fortes dans le rapport Jacob, il faut aller dans son sens. Deuxièmement, celui du statut des TPE. Il faut sortir les entreprises qui ont quelques salariés des contraintes fiscales et sociales. Il y a, par exemple, une réflexion sur l’évolution de la taxe professionnelle. Pourquoi ne pas exclure les tout premiers salariés du calcul de la masse salariale ? Ce serait là une mesure tout à fait stimulante. Il faut d’ailleurs distinguer l’entreprise individuelle, qui concerne les personnes qui s’efforcent de créer leur propre emploi, de la TPE qui, elle, entend créer plusieurs emplois, avec un plafond d’une dizaine. Pour ces TPE, nous envisageons de reporter, sur le plan fiscal et social un certain nombre de seuils et de plafonds pour faciliter leur développement.
Nous entendons par ailleurs, à l’image du textile, élargir l’allégement des charges sur les bas salaires. Il convient de regarder quels sont les secteurs à forte main-d’œuvre – à l’image de la restauration ou du bâtiment – susceptibles de bénéficier d’un allégement d’un peu plus de 1 800 francs sur un Smic, ce qui va au-delà des 1 100 francs déjà initiés. S’agissant de la création d’un chèque emploi-charges sociales pour le TPE, l’extension du chèque service aux TPE impose une définition précise des procédures pour respecter les conventions.
Nous souhaitons également lancer un vaste programme de promotion des jeunes entreprises de technologie, à l’image de ce qui se fait dans ce domaine aux États-Unis. Nous avons, en France, un déficit d’entreprises liées aux sciences de l’information, aux sciences médicales et aux technologies. Il nous faut permettre une plus grande mobilisation des moyens financiers. Cela passe notamment par une révision des dispositions liées aux stock-options, afin de permettre aux jeunes dirigeants qui en disposent de pouvoir les utiliser, sans être pénalisés, pour investir dans ce type d’entreprises.
Enfin, les deux derniers chantiers portent sur la régionalisation du soutien aux PME exportatrices, et l’accélération de la simplification administrative. Nous allons, par exemple, créer un « label des usagers », destiné à tester auprès d’usagers tout nouveau formulaire, avant de le mettre en service.
La Tribune : Alain Juppé a évoqué un programme pour les 40 premiers jours. Or, ces sept chantiers concernent la législature…
Jean-Pierre Raffarin : Les toutes premières mesures concerneront l’allégement des charges sociales. La priorité, c’est la transformation des subventions à l’emploi en allégement de charges. Les conditions sont réunies pour baisser les aides à l’emploi et accroître les allégements sur le coût du travail. La mobilisation de l’épargne de proximité et le statut spécifique des TPE sont également deux dossiers urgents. Ce qui est très important, c’est que sortent, du débat démocratique qui s’ouvre, des idées fortes ayant un large soutien populaire pour vaincre les résistances bureaucratiques de ce pays. Il faut que ces idées fortes soient soutenues pour se concrétiser.