Article de M. Thierry Cornillet, président du Parti radical, dans "Le Figaro" du 2 décembre 1997, sur la sécurité comme priorité du Gouvernement et la démarche républicaine plutôt que socialiste dans les choix actuels du Gouvernement, intitulé :"Ne jouez pas avec la République".

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Nous avons depuis six mois un gouvernement socialiste qui évite soigneusement de parler de socialisme.

La gauche préfère, en effet, substituer au mot de socialiste celui de République. Un exemple récent, le colloque de Villepinte. Comment ne pas être d'accord avec Lionel Jospin lorsqu'il place la sécurité comme priorité pour son gouvernement ? Tout comme la gauche avait évolué avec Charles Hernu sur la dissuasion nucléaire, elle vient aujourd'hui de rejoindre les partis de la droite républicaine sur le terrain de la sécurité. Si le discours est bon, seule la mise en œuvre, sur le terrain de ces louables intentions permettra réellement d'assurer la sécurité des biens et des personnes sur tout le territoire national. C'est bien que la gauche ait fait son aggiornamento, mais précisons que la sûreté n'est pas une valeur de gauche, ni de droite d'ailleurs, c'est une valeur républicaine, un bien indivis.

Ne jouons pas avec la République ! La République est l'équilibre des pouvoirs et la primauté de la loi comme expression de la volonté générale. Or, la politique des socialistes, sous couvert de pragmatisme, se manifeste par pointillisme, fragmentation des mesures et dérives corporatistes.

Cela se traduit par des reculs devant l'application de la loi, par primauté du court terme, et le renvoi à certaine décision administrative. Aussi il n'est pas possible que le principe de laïcité varie selon les établissements scolaires, au gré des circulaires et des règlements, des décisions des chefs d'établissement et des jugements administratifs. Son application doit être générale. Voilà pourquoi la proposition du Parti radical de créer une laïcité parallèle de l'usager reste d'actualité.

Enfin, la sécurité à l'école. La République qui commence à l'école, c'est un équilibre et un art de vivre ensemble qui suppose codes et règles, ainsi que les moyens de les faire appliquer. L'allocation de ces moyens ne saurait se ramener au bricolage des emplois jeunes. Utiliser ces emplois pour lutter contre la violence scolaire est au pire une erreur, au mieux un pis-aller. La vraie priorité passe notamment par l'augmentation des conseillers d'éducation, mais aussi par la revalorisation des chefs d'établissement. Chacun sait aussi que l'insécurité résulte de l'impossibilité pour les personnels et encadrement de maîtriser la gestion d'effectifs trop nombreux. Il faut en effet arrêter de construire dans les zones sensibles des établissements de forte capacité, et morceler ceux existants. La trop grande concentration d'élèves a toujours été un facteur de perturbation.

Donner un contenu

La République, c'est le sens de la prévision et de l'équilibre humain. Les choix actuels du gouvernement consistent moins à choisir entre des mesures qu'entre des publics, sacrifiant délibérément les classes moyennes, gouvernant pour certaines catégories seulement de la population et, de ce fait, s'adressant à des consommateurs de politique plus qu'à des citoyens. Expression d'une crise de la citoyenneté, nous sommes loin de la cohérence nationale et de l'intégrité que symbolise la République.

Ne jouez pas avec la République ! Il ne suffit pas d'invoquer ses valeurs, encore faut-il leur donner un contenu. Seule la mise en œuvre concrète sur le terrain accréditera la démarche républicaine. Utiliser la République sans la respecter conduirait à nouveau des électeurs à rejoindre le camp des extrêmes. Face à cette dérive, nous devons être vigilants.