Déclaration et interview à la télévision polonaise de M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères, sur le renforcement des liens entre les pays du Triangle de Weimar et sur le rôle de la culture européenne pour la construction de l'Europe, Paris le 25 mars 1997.

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Circonstance : Concert donné à Paris le 25 mars 1997 à l'occasion d'une réunion du "Triangle de Weimar"

Média : Presse étrangère - Télévision

Texte intégral

Allocution prononcée en présentation du concert donné à l’occasion du « Triangle de Weimar », à Paris - 25 mars 1997

Monsieur le ministre des affaires étrangères de Pologne et Mme Rosati,
Mon cher collègue et Mme Perben,
Mesdames et Messieurs les ministres, Messieurs les ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,

Plus que toute autre ville sans doute, Weimar symbolise ce que l'expression « culture européenne » veut dire. Au début du XIXe siècle, Weimar était la ville de Goethe. Artiste de la langue allemande mais aussi de la langue française, il y vécut plus de cinquante ans et y repose, aux cotes de Schiller. Ce fut la ville de Liszt, et de Nietzsche, qui y mourut.

Au début du XXe siècle, ce fut la cité des artistes et des peintres Gropius, Van de Velde. Gustave Klimt, Paul Klee, Vassily Kandinsky... qui marquèrent si fortement le mouvement artistique de l'Europe centrale et, bientôt, du monde entier.

Aujourd'hui, je vous propose qu'à Paris, mais avec Weimar pour emblème, ce soit la musique qui nous unisse et contribue à la construction de notre Europe. Une musique et une Europe qui s'appuient sur des traditions profondément enracinées mais s'inscrivent délibérément dans la modernité.

Or, le renforcement des liens entre la France, l'Allemagne et la Pologne constitue, dans l'Europe qui s'édifie, l'un des principaux objectifs de la politique étrangère de la France. Cette coopération inaugurée à Weimar dès 1991, n'a cessé, depuis, de se développer. Elle est à la fois un instrument puissant d'approfondissement de l'amitié germano-polonaise et un outil pour les relations de la France avec l'Europe que nous imaginons ensemble. Bref, ce « Triangle de Weimar » s'inscrit aujourd'hui clairement dans le cadre de l’intégration européenne. Vous avez bien voulu dire. Monsieur le ministre, qu'il s'agit du « Pilier de l'intégration de la Pologne » à l'Union européenne. Je sais que vous en êtes un infatigable militant.

Je crois que, depuis la première réunion trilatérale, beaucoup de chemin a été parcouru. A Varsovie en décembre dernier, nous avons approfondi notre collaboration sur tous les sujets en particulier à propos des pays tiers comme l'Ukraine, les Pays baltes et le Belarus. Nous avons pu également avoir des échanges de vues très utiles sur l'élargissement de l'Union ou sur l'architecture européenne de sécurité. Le mois dernier, les ministres de la Défense de nos trois pays sont convenus. À Varsovie, de développer notre coopération dans le domaine militaire.

Je crois que nous sommes sur le bon chemin et je forme des vœux pour que le Sommet des chefs d’États ait lieu cette année et donne une impulsion nouvelle à notre coopération et dans tous les domaines. Je pense notamment à la formation, aux échanges de fonctionnaires.

Mais, il n'est de plus sûr ciment à ces liens que nos relations culturelles qui, dans les conflits comme dans les alliances, ont toujours été au cours de l’identité européenne. Nous devons les entretenir et les développer sans relâche, en faisant en particulier passer ces relations du niveau gouvernemental à celui de la société civile, qui exprime une grande attente.

Le concert que nous vous proposons ce soir illustre de façon éclatante et symbolique cette ambition. Conçu et organisé par l'Association « Triangle de Weimar », que je remercie pour cette initiative, il fait se répondre des œuvres de diverses époques, d'inspirations variées et croisées qui, du XVIIIe siècle à nos jours, évoquent puissamment et subtilement les courants musicaux européens. Il montre les apports des trois nations au patrimoine musical de notre continent et symbolise notre union autour d'un noyau culturel commun.

Les œuvres qui sont proposées sont de Krzystof Penderecki, Ludwig Van Beethoven et Jean Françaix. Jean Françaix nous fait l'honneur d'être présent. Je souhaite que nous lui rendions ce soir un hommage tout particulier pour son 85e anniversaire. Ces œuvres donnent, ensemble, du « Triangle de Weimar » l'image sonore la plus pure, la plus tendre et divertissante aussi. Elles mêlent, avec les inspirations de Mozart et Chopin, des expressions traditionnelles mais aussi modernes des musiques allemande, polonaise et française.

Je n'en dirai pas plus pour laisser la place à la musique, et plus précisément aux musiciens de l'Octuor de France réunis autour de Jean-Louis Sajot. Je les remercie pour le plaisir qu'ils vont nous donner.
     
Que ces instants de bonheur partagé soient une raison supplémentaire d'aller plus loin et plus vite dans l'édification de notre commune destinée.

 

Entretien avec la télévision polonaise, à Paris, le 25 mars 1997

Q. : Sur les cartons d'invitation, j'ai lu que l'on va rendre hommage au Triangle de Weimar. Normalement, l'on rend hommage à quelqu'un ou à quelque chose qui est déjà mort ?

R. : Je ne crois pas. Le Triangle de Weimar, c'est-à-dire l'association de la Pologne, de l'Allemagne et de la France, est une organisation extrêmement vivante qui est sous la responsabilité des dirigeants de nos trois pays, mais qui s'adresse aussi à la population de nos trois pays avec l'objectif de faire en sorte que la Pologne, l’Allemagne et la France soient, pour l'avenir, trois peuples extrêmement soudés et destinés à vivre et être heureux ensemble.

Q. : Les « morceaux » de compositeurs de nos trois nations respectives ont été choisis ensemble, je présume ?

R. : C'est un beau symbole. Avoir trois artistes qui avaient composé ces œuvres et Jean Francet qui a contribué avec l'orchestre de chambre de Sajo à donner à ces musiques toute sa vie, toute sa chaleur, à l'image de cette diversité qui est le propre de la culture européenne.

Q. : Vous êtes parfaitement conscient, Monsieur le ministre, que les Polonais sont friands de nouvelles politiques plutôt que culturelles ?

R. : Je crois qu'il faut savoir que ce qui fonde l'Europe d'aujourd'hui, est le fait d'avoir ensemble un patrimoine commun, une culture commune, des arts et des artistes que nous partageons. Et je dirais le goût d'aimer ensemble ce qui est beau. La musique, c'est beau. Naturellement, ce n'est pas seulement la culture du passé, c'est aussi l'organisation et la préparation de l'avenir. C'est ce à quoi nous travaillons.

Q. : Nous avons gardé dans notre mémoire ce que le Président Chirac a dit, en septembre dernier, à Varsovie. Il a suggéré, je crois que mon interprétation est assez correcte, que le Triangle de Weimar puisse servir de sorte de base pour la prochaine Europe élargie.

R. : Je crois que nos trois pays, l’un à l'ouest, l'autre au centre, l'autre à l'est de l'Europe, sont appelés à être trois pays leader. Et nous avons un immense travail à faire ensemble : construire l'Europe de demain, qu'elle soit à la fois prospère et sûre, apportant à chacun de nos pays la sécurité dont il a besoin. Faire en sorte que les guerres d'hier n'aient plus jamais lieu Je crois que c'est vraiment un formidable défi, un très grand enjeu.

Q. : Avec le ministre des affaires étrangères, M. Rosati, vous avez, tout à l'heure, un entretien. Peut-on savoir ce qui va sortir de ce salon ?

R. : D'abord, nous avons parlé de nos relations bilatérales. Il sort beaucoup de choses. Nos échanges économiques sont en plein développement. Nos échanges politiques aussi. Nous avons parlé des deux sujets qui intéressent particulièrement la Pologne, c'est-à-dire, son entrée dans l'Union européenne et, très bientôt, son entrée dans l'Alliance atlantique.

Q. : C'était plus dans un constat d'accord ou de désaccord ?

R. : Nous sommes en plein accord. Entre la France et la Pologne. Il n'y a pas l'ombre d'un nuage. C'est comme le ciel d'été, à Varsovie.