Interview de M. Jean Gandois, président du CNPF, dans "Libération" du 18 avril 1997, sur le statut de l'assurance chômage des travailleurs intermittents du spectacle.

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Circonstance : Accord du CNPF, à la suite d'une rencontre avec le ministre de la culture, sur le maintien du statut d'assurance chômage pour les travailleurs intermittents du spectacle jusqu'au 31 décembre 1998

Média : Emission Forum RMC Libération - Libération

Texte intégral

Libération : Êtes-vous prêt aujourd’hui à reconnaître le régime des intermittents ?

Jean Gandois : Cette activité du spectacle vivant et de l’audiovisuel est un des rares secteurs porteurs du pays. Elle a ses spécificités et il ne peut y avoir des types de contrats de travail comme dans l’automobile. De même qu’il n’est pas question d’étendre ce régime à d’autres secteurs. Cela étant, on était arrivé à une situation de désordre total, préjudiciable aux intermittents eux-mêmes. La responsabilité est un peu chez certains intermittents, chez pas mal d’employeurs, et beaucoup dans le laxisme de l’État

Libération : Qui représentez-vous dans cette négociation ? Vous avec habituellement plutôt vocation à recherche une baisse des cotisations patronales ?

Jean Gandois : Dans le cas des intermittents du spectacle, le problème est plutôt de faire rentrer les cotisations des employeurs ! Il faut que ceux qui doivent payer payent !

Libération : Vous en voulez plus aux employeurs qu’aux intermittents ?

Jean Gandois : Ils se doivent d’être vertueux. Aujourd’hui, l’Unedic, en plus d’indemniser le chômage, se substitue à certains employeurs pour payer le travail ; or, ce n’est pas sa fonction. Je ne crie pourtant pas contre le système des intermittents du spectacle, parce que les cotisations des employeurs sont inférieures aux allocations chômage, contrairement à ce qui a été dit. Je n’ai pas une vue thatchérienne de l’assurance chômage. Recevoir autant qu’on donne, ce n’est pas ça le problème. Recevoir autant qu’on donne, ce n’est pas ça le problème. Mais pour qu’il y ait solidarité, il faut qu’il y ait responsabilité, et donc un cadre défini de réglementation.

Libération : Les plus gros abus sont dans l’audiovisuel ?

Jean Gandois : Il y a dans ce secteur un besoin évident d’intermittence dû à la variabilité des projets, des émissions, mais il ne fut pas tomber dans l’excès. Mon sentiment personnel, c’est que de grosses sociétés audiovisuelles stables et solides, y compris des chaînes de télévision, emploient beaucoup trop d’intermittents par rapport à leurs besoins réels. Un certain nombre d’emplois précaires empêchent actuellement la création d’emplois permanents. C’est également vrai pour les collectivités locales qui préfèrent, elles aussi, payer parfois les gens au noir.

Libération : TF1, Canal+ ou AB productions sont-ils adhérents au CNPF ?

Jean Gandois : Non. Et d’ailleurs, l’un des problèmes dans cette affaire, c’est que je n’avais pas d’interlocuteur du côté employeur. Dans le spectacle vivant, comme dans l’audiovisuel. Les employeurs du spectacle commencent seulement à se rassembler.

Libération : Et la suite des négociations

Jean Gandois : J’ai demandé aux ministres de la culture et du travail qu’ils désignent, si possible avant le 15 mai, un président de la commission paritaire mixte qui devra se mettre en place incessamment. Laquelle commission travaillera jusqu’à fin septembre 1998 pour définir les contrats de travail et les garanties légales dans ce domaine. Mais, entre-temps, il faut que les dispositions concernant les subventions culturelles soient renforcées. Il faut, en outre, que l’État fasse une loi, en 1997, sur les conditions d’exercice des entreprises de spectacle vivant. Quelles obligations et quels droits cela donne.

Libération : Pour ce qui est des modifications des annexes VIII et X (1) ?

Jean Gandois : C’est un problème mineur. Mon ultimatum sur la transformation de ces annexes était destiné en premier lieu à l’État. Or, j’ai aujourd’hui une lettre d’engagement signée par Jacques Barrot et Philippe Douste-Blazy : « Dans l’hypothèse où les négociations n’aboutiraient pas avant le 1er octobre 1998, l’État assumerait alors ses responsabilités. »

Libération : Dix-huit mois pour négocier, n’est pas une façon de botter en touche ?

Jean Gandois : Non. Il y a des éléments qui doivent être mis en place cette année même. Mais nous avons deux problèmes. Celui d’une discussion pour arriver à une sorte de convention collective entre des gens qui, pour le moment, du côté employeurs, sont en train de constituer leur représentation. Il fallait donc leur laisser du temps. Et s’il y a des décisions importantes à prendre, il vaut mieux franchir l’échéance électorale de mars 1998.

Libération : Pour ne réclamez-vous pas que l’intermittence soir réservée au spectacle vivant ?

Jean Gandois : Je ne suis pas un chasseur d’intermittents. J’ai plutôt une certaine affection pour eux. Je sais très bien que, même s’il était justifié de mettre des sommes payées actuellement par l’Unedic sur le budget de la culture, le ministère n’en a pas les moyens. L’Unedic n’a pas à subventionner la culture, mais ce n’est pas un problème de subvention, c’est un problème de solidarité professionnelle. Je suis donc prêt à payer pendant un temps long à condition qu’on prenne des mesures pour remettre de l’ordre dans la baraque.

Libération : Êtes-vous une sorte de coproducteur culturel ?

Jean Gandois : Oui, tout comme les autres gestionnaires de l’Unedic.