Texte intégral
Le Point : La francophonie était au départ une idée culturelle. Elle évolue aujourd’hui vers un concept plus politique. Pouvez-vous définir le contenu de cette « nouvelle francophonie » ?
M. Sudre : Il est vrai qu’à l’origine la francophonie c’était avant tout la réunion de ceux qui avaient le français en partage. Mais après avoir simplement partagé une langue, une culture et prôné une certaine notion de l’État de droit et une bonne gestion démocratique des pays, nous avons pris en compte plusieurs réalités. D’abord, nous sommes de plus en plus nombreux : 49 pays représentant 450 millions de personnes (dont la moitié environ de francophones). Ensuite, ces pays localisés dans le monde entier peuvent être dans le voisinage immédiat de zones où la paix est menacée. La francophonie peut jouer un rôle dans la prévention des conflits. Être une sorte de gardien de la paix, conduire une diplomatie préventive. La situation dramatique actuelle dans l’Afrique des Grands Lacs est l’illustration de la nécessité d’une telle démarche : désamorcer les crises en amont, avant qu’elles dégénèrent. Nous ne pouvons-nous contenter d’être les observateurs de la politique mondiale.
Le Point : Vous voulez créer une sorte de Commonwealth à la française ?
M. Sudre : Le Commonwealth a essentiellement une vocation économique. Il donne parfois son opinion sur tel ou tel événement politique, mais ne se met pas en première ligne pour tenter de prévenir les conflits. La francophonie, pour sa part, prétend jouer ce rôle. C’est dans cette logique que nous avons décidé de créer un poste de secrétaire général qui, désigné lors du sommet de Hanoï en novembre prochain, sera, en quelque sorte, le visage et l’autorité de la francophonie.
Le Point : Vous voulez contrer l’influence américaine ?
M. Sudre : Il ne s’agit pas de contrer, mais de montrer que nous avons toute notre place aux côtés de cette puissance anglo-américaine. Nous n’avons pas une attitude hostile vis-à-vis de l’anglais. Nous savons que l’anglais est omniprésent. Mais nous pensons qu’à côté d’une forme d’uniformisation anglo-américaine existe une place pour les autres langues. Nous défendons la diversité linguistique et culturelle. L’idée de francophonie, c’est aussi l’ouverture aux autres, le pluralisme culturel. Le 19 mars, avec Éric Raoult, en Seine-Saint-Denis, j’aurai ainsi l’occasion d’expliquer cette chance d’enrichissement par la diversité.