Déclarations de Mme Margie Sudre, secrétaire d’État chargé de la francophonie, sur le développement de la langue française au Vietnam, la coopération culturelle, les échanges universitaires et la préparation du Sommet de la Francophonie, Hué le 7 avril 1997, Hanoï les 8 et 9 et articles dans "Hanoï Mo" et "Kuan Doi Nhan Dan" le 10.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Margie Sudre - secrétaire d’État chargé de la francophonie

Circonstance : Voyage de Mme Margie Sudre au Cambodge et au Vietnam du 3 au 10 avril 1997

Média : Hanoi Mo - Kuan Doi Nhan Dan - Presse étrangère

Texte intégral

Allocution lors de la réception des francophones de Hué (7 avril 1997)

Monsieur le président,
Monsieur le recteur,
Messieurs les directeurs,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis francophones,

Je voudrais tout d’abord vous remercier de tout cœur d’être avec nous ce soir. Votre chaleureuse présence me conforte dans ma conviction que le développement de la Francophonie et des relations d’amitié, mais aussi économiques, entre la France et le Vietnam, doivent s’appuyer aussi sur les provinces.

Hué constitue naturellement, à cet égard, un cas particulier, quasi mythique pour les Français. J’ai pu me rendre compte aujourd’hui, que ce mythe était vivant et qu’en parcourant les allées de la citadelle ou en essayant de déchiffrer l’architecture des tombeaux, on faisait un peu mieux connaissance avec ce Vietnam qui a été dirigé d’ici pendant un siècle et demi. J’ai ressenti une grande émotion en parcourant – trop rapidement c’est vrai – ces monuments qui expriment avec leur grave beauté, tout un pan de l’Histoire du Vietnam. Le Vietnam impérial, celui des lettrés, mais aussi celui des combats et des déchirures. Le somptueux cadre naturel offert par la Rivière des parfums et ses rivages complète ce tableau inoubliable.

Je voudrais également vous dire combien j’ai été émue de constater la vigueur de la Francophonie partout où je suis allée aujourd’hui.

Au-delà de l’émotion, j’ai bien compris le message fort et clair qui m’a été transmis par plusieurs de mes interlocuteurs aujourd’hui : tout en respectant le passé prestigieux de leur cité, les responsables et les habitants d’Hué et de sa province souhaitent participer pleinement au développement économique qui est en train de modifier très rapidement la physionomie de leur pays. Je veux vous dire, à mon tour, clairement, que nous sommes et resterons à vos côtés dans cet effort.

Le centre Vietnam, Danang, Hué et sa province, constitue une zone privilégiée des interventions françaises au Vietnam, même si, pour des raisons que nous connaissons tous, nos efforts restent concentrés sur Hanoï et Hô Chi Minh Ville. Aux efforts du gouvernement français, s’ajoutent ceux de collectivités territoriales, d’organisations francophones multilatérales et d’ONG particulièrement actives ici et auxquelles je veux rendre hommage.

Je ne vais pas ici, faire l’inventaire de tout ce que nous faisons déjà ensemble, dans des domaines aussi variés que l’enseignement du français, la médecine, l’aménagement du territoire, l’architecture ou la protection de l’environnement.

Je mentionnerai, parce qu’elle est symbolique, l’ouverture l’an prochain de sections bilingues au lycée d’excellence Qoc Huoc. Le grand lycée d’Hué, aux anciens si prestigieux, viendra ainsi rejoindre Chu Van An de Hanoï et Le Hong Phong de Hô Chi Minh Ville.

Le sommet de la Francophonie sera également l’occasion d’aider le département de français de l’université d’Hué à se doter des équipements et des locaux dont il a besoin pour faire face à l’augmentation de la demande. Le centre de français d’Hué, animé toute l’année par un attaché linguistique, pourra ainsi lui aussi mieux assumer son rôle grâce à la bienveillance des autorités politiques et universitaires.

Nous aiderons également le cercle francophone et toutes les associations qui le souhaitent à mieux partager leur amour et leur pratique de la langue française.

Mais la passion et l’amour du français ne sont pas suffisants. Les francophones doivent également trouver leur intérêt à l’usage de notre langue. Je voudrais leur dire à ce sujet, qu’ici, plus qu’ailleurs peut-être, l’usage du français est un atout important dans la lutte pour le développement parce que plus de la moitié des 170 000 touristes étrangers qui visitent Hué chaque année, sont français ou francophones.

À travers vous, je voudrais redire aux 20 000 francophones de la province de Thua Tien Hué toute mon amitié et toute mon admiration et leur redire aussi que pour la France, le Sommet de la Francophonie qui se déroulera à Hanoï, en novembre prochain, sera le sommet de tous les vietnamiens francophones et marquera le point de départ d’un nouvel élan.


Discours à l’ambassade de France à Hanoï (8 avril 1997)

Messieurs les vice-ministres,
Monsieur le vice-président et Monsieur le secrétaire général du Comité national d’organisation du VIIe sommet,
Madame et Messieurs les ambassadeurs,
Chers amis,

Je voudrais tout d’abord saluer les étudiants de l’École normale supérieure des langues étrangères de Hanoï, qui nous ont fait le très grand plaisir du spectacle que nous venons de voir.

Mon émotion, que partagent, je crois, tous ceux qui m’accompagnent dans ce court séjour à Hanoï, est de voir que la Francophonie n’est pas seulement affaire de politique, mais qu’elle est aussi une fête.

Vous venez, en effet, de célébrer le 20 mars, avec les 48 autres États membres de notre communauté, la journée internationale de la Francophonie. Je sais qu’elle a été particulièrement riche cette année au Vietnam, autant grâce à l’investissement personnel de certains responsables politiques vietnamiens qu’aux nombreuses initiatives de la coopération culturelle, bilatérale et multilatérale.

À quelques mois de la tenue du VIIe sommet des chefs d’État et de gouvernement ayant le français en partage, vous nous avez montré que votre engagement francophone constitue un axe privilégié de la politique étrangère de votre pays et un aspect très important de votre culture. J’ai vu aujourd’hui, les importants travaux de restauration de l’Opéra de Hanoï, et j’ai visité la librairie francophone : deux projets très différents, mais qui ont chacun l’ambition de pérenniser un lien fort et vivant avec la culture française au Vietnam.

J’ai également eu l’occasion de m’entretenir avec le vice-ministre de la Culture des actions envisagées par les autorités vietnamiennes dans le cadre de l’accompagnement culturel du Sommet. Ces activités commenceront dès ce mois d’avril avec un festival des Arts scéniques et un festival des Arts plastiques, tous deux soutenus par les ambassades francophones et l’Agence de la Francophonie. Je me réjouis de ces initiatives. J’espère qu’elles seront complétées à l’occasion du Sommet par d’autres manifestations, ce qui permettrait d’associer plus étroitement la population de Hanoï à la célébration de la Francophonie.

Ces actions s’enrichissent du soutien de la coopération bilatérale, bien sûr, mais aussi des coopérations multilatérale et décentralisée, des villes et des régions de France dont l’intérêt pour le Vietnam n’a fait que se confirmer ces derniers mois. J’étais hier à Hué, où la région Nord-Pas-de-Calais intervient et dispose d’un représentant permanent. Par ailleurs, j’ai tenu à être accompagnée d’une représentante de la Région Poitou-Charentes, dont le président, M. Jean-Pierre Raffarin, également membre du gouvernement, a consenti un effort tout particulier en faveur du Vietnam en cette année du sommet.

Je souhaiterais, enfin, saluer l’action de la région Île-de-France, présente dans la région de Hanoï depuis plusieurs années, et partenaire apprécié de celle-ci. J’ai d’ailleurs le plaisir d’annoncer ce soir que la région Île-de-France, et son président, M. Michel Giraud, décernera, après un concours, quarante bourses pour des étudiants travaillant dans des établissements qu’elle soutient : l’École supérieure des technologies informatiques de Hanoï, le Centre franco-vietnamien de formation à la gestion, l’Institut national polytechnique et l’Alliance française. Je suis convaincue qu’ils seront très nombreux à y participer, et je leur souhaite par avance beaucoup de succès.

Je tiens, enfin, à saluer et à remercier toutes celles et tous ceux, présents parmi nous ce soir, Vietnamiens, Français et francophones, des efforts déployés cette année pour la réussite du Sommet. Ces efforts préparent l’avenir d’une Francophonie moderne et vivante, riche de promesses pour le développement du Vietnam et pour toute la communauté des États membres.

 

Toast lors du dîner offert par la partie vietnamienne à Hanoï (9 avril 1997)

Monsieur le président,
Monsieur le secrétaire général,
Monsieur l’ambassadeur,

Permettez-moi tout d’abord de vous remercier pour l’accueil que vous nous avez réservé, à moi-même et à la délégation qui m’accompagne, à l’occasion de mon troisième séjour au Vietnam qui s’achève ce soir.

Je voudrais vous exprimer le plaisir que j’en retire. J’ai eu, vous le savez, l’occasion, avant de venir à Hanoï, de me rendre à Hô Chi Minh Ville et pour la première fois, à Hué. J’ai pu ainsi mieux me rendre compte de la vigueur de l’élan qui pousse les Vietnamiens à se tourner vers la Francophonie. J’ai été impressionnée et émue par ces francophones de tous les âges, de tous les milieux, de toutes les professions, qui, au sein de leur club, de leur école, de leur université ou de leur quartier, agissent pour diffuser l’enseignement et la pratique de la langue française. Partout, leur nombre augmente, quelquefois dans des proportions importantes, allant jusqu’à plus de cinquante pour cent dans une ville comme Nha Trang.

Cet élan montre que le choix fait par les autorités vietnamiennes correspondait à une réalité du pays. Bien entendu, nous ne devons pas nous contenter de cet élan et il nous appartient d’y répondre en développant et en améliorant la qualité de nos échanges politiques, culturels, mais aussi économiques. Nous devons faire en sorte que ceux qui ont choisi la Francophonie au Vietnam puissent y trouver un bénéfice intellectuel et culturel, mais aussi leur intérêt dans leur vie quotidienne et matérielle.

Le sommet de la Francophonie sera naturellement, dans les quelques mois, un point fort de ce développement. J’ai coprésidé ce matin la quatrième session du comité de pilotage franco-vietnamien et je voudrais, sur ce point également, vous dire ma satisfaction. J’ai pu constater que les moyens très importants que la France mettait à la disposition du Vietnam pour la bonne organisation de cet événement, étaient bien employés, dans le cadre d’une coordination de bonne qualité, même si certains points d’interrogation subsistent. Je voudrais, en particulier, vous dire mon admiration face à la rapidité de l’avancement des nombreux travaux nécessaires. Je voudrais également saluer l’effort de formation qui a déjà été fait par plus de 1 300 participants vietnamiens au Sommet de la Francophonie.

Je suis convaincue que ces efforts vous mèneront au plein succès de cet événement majeur qui verra, pendant trois jours, près d’un tiers des chefs d’État et de gouvernement de la planète séjourner à Hanoï. Un événement qui marquera un point de départ et une continuité :
    – le point de départ d’une Francophonie dont la nouvelle dimension politique sera illustrée par la nomination, du premier secrétaire général de la Francophonie qui donnera une voix et un visage au mouvement des pays ayant le français en partage et dont l’autorité permettra à la Francophonie d’occuper toute sa place sur la scène internationale ;
    – la continuité d’une Francophonie vivante qui continuera, j’en suis convaincue, de s’enrichir parce qu’elle correspond à une aspiration profonde du peuple vietnamien : celle de participer pleinement au mouvement du monde en préservant une identité et une originalité chèrement défendue à travers l’Histoire.

 

Article dans le « Hanoï Mo » et le « Kuan Doi Nhan Dan » à Hanoï (10 avril 1997)

Hanoï – Capitale de la Francophonie

J’aime revenir au Vietnam où j’ai vu le jour. J’aime retrouver et redécouvrir, à chacune de mes nouvelles visites, ce pays qui concilie si bien stabilité et mouvement. Dans le cadre des visites alternées entre les membres des gouvernements de la République socialiste du Vietnam et de la France, en vue du VIIe Sommet francophone, je me trouve à nouveau à Hanoï. Hanoï entrera dans l’histoire comme la capitale où s’est affirmée la dimension politique de la Francophonie. Les 49 chefs d’État et de gouvernement qui se réuniront en novembre prochain éliront en effet pour quatre ans, le premier secrétaire général de la Francophonie.

Le Vietnam, membre de l’Agence de la Francophonie depuis sa fondation en 1970, présent dès le premier Sommet à Paris en 1986, a participé activement à toutes les instances de la Francophonie et a accompagné l’évolution de cette communauté originale de langue et de culture. En matière de nouvelles technologies comme d’environnement, dans les domaines politiques comme économiques le Vietnam n’a jamais cessé d’être un partenaire entreprenant, présent chaque fois que la Francophonie progresse.

Nous savons, aujourd’hui, vivre du meilleur de nos vieilles relations et la volonté vietnamienne rejoint la volonté francophone sur chacune des multiples dimensions qui nous rassemblent. L’ancien Premier ministre M. Pham Van Dong le soulignait encore avec beaucoup de chaleur et d’amitié, en janvier 1996, lorsque je l’ai rencontré ici au Vietnam.

Les échanges culturels et universitaires sont au premier rang de ces préoccupations. Aussi, je me réjouis que nos deux pays les développent avec autant d’ardeur. Depuis quelques années, plusieurs milliers de boursiers sont accueillis en France dans les disciplines scientifiques et techniques telles que la médecine hospitalière, les sciences de l’ingénieur, l’agronomie tropicale ou les sciences économiques. Un grand nombre de formations en français sont également données au Vietnam dans les sciences vétérinaires, les finances publiques, le droit, les affaires ou l’informatique. À ce jour, de nombreuses filières francophones ont été ouvertes avec l’Ecole supérieure de commerce extérieur, l’Institut national polytechnique et l’université de Hanoï, mais aussi avec les universités de Hô Chi Minh Ville et de Cantho. Les classes bilingues, ouvertes dans l’ensemble des régions du pays, sont aujourd’hui au nombre de près de 500. Ces multiples programmes aideront également le Vietnam à mieux connaître ses autres partenaires francophones. Les jeunes vietnamiens vont non seulement à Paris, mais aussi en Belgique, en Suisse ou au Québec. Je souhaite que ces liens viennent encourager vos initiatives et renforcer vos projets mais aussi qu’ils vous permettent de faire mieux connaître le Vietnam à travers le monde.

Ces formations de très haut niveau en français offrent une ouverture sur de nouvelles formes de coopération économique entre le Vietnam et l’ensemble de la communauté francophone. Je pense, bien entendu, à l’Union européenne. La France peut être, pour le Vietnam, une voie d’accès privilégiée vers ce marché de 370 millions d’habitants. Je pense à l’Afrique avec qui le Vietnam peut, au sein de la communauté francophone, développer des échanges solides et durables. Le Vietnam, membre de l’ASEAN, consolide ses relations avec ses voisins immédiats. Membre de la communauté francophone, il construit ses relations avec près de 50 pays dans le monde entier.

Le Vietnam est une grande nation. Son ouverture est une politique économique de bon sens dans le monde moderne, mais il se doit d’être vigilant. L’idée de modèle dominant, aujourd’hui comme hier, est inacceptable. Pourtant, elle nous menace tous. Aussi est-il de l’intérêt des pays francophones, qui partagent ces valeurs essentielles que sont le respect de l’autre et le goût de la diversité, de consolider le système multilatéral d’échanges, de renforcer les coopérations interrégionales.

C’est cette volonté commune qui nous a conduit à rechercher ensemble à donner une nouvelle impulsion aux valeurs qui fondent la Francophonie. Enceinte de dialogue et de coopération aujourd’hui, la Francophonie sera demain un acteur à part entière sur la scène internationale.

Ensemble, nous cherchons à répondre au défi de la croissance dans l’équité. Pas à pas, nous parvenons à tisser des relations stables et équilibrées, chacun donnant à l’autre le meilleur de lui-même.

Jusqu’en novembre, le Vietnam va vivre au rythme de la Francophonie en accueillant de nombreux festivals, conférences et expositions. Hanoï sera, jusqu’à la fin de l’année, la capitale mondiale de la Francophonie. Le Sommet nous permettra d’affirmer notre approche commune de la culture, de la diplomatie, de l’économie du monde de demain. Aussi, je me félicite que le Vietnam ait choisi le portique de la première université vietnamienne, fondée à Hanoï, comme l’un des symboles de ce Sommet. Il représente aussi le portique de ce nouveau monde.