Interview de M. Daniel Cohn-Bendit, député (groupe des Verts) au Parlement européen, dans "Le Figaro" le 11 novembre 1999, sur la préparation des élections municipales de 2001 et l'appel à une "stratégie d'ouverture" des Verts pour une "troisième gauche".

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Le Figaro. — Vous allez soutenir Denis Baupin dans le XXe, est-ce à dire que cette législative partielle va donner un avant-goût de la campagne municipale des Verts à Paris ?

Daniel Cohn-Bendit. — Je ne le crois pas. Faire du terrain pendant un après-midi n'est pas une potion magique qui peut changer et motiver subitement l'électorat. Le nouvel électorat qu'a su faire jaillir la dynamique de ma campagne européenne ne se reporte pas du jour au lendemain sur un candidat Vert. Cette partielle va montrer aux Verts le marathon qu'il leur faut accomplir pour essayer de faire le plein des voix aux municipales.

Le Figaro — L'effacement de l'hypothèse Strauss-Kahn pour la bataille municipale de Paris vous incite-t-il à vous présenter dans la capitale ?

Daniel Cohn-Bendit — Non, cela ne change rien pour moi. Ma vie est fortement structurée par mon projet européen et je suis contre le cumul des mandats. Je ne possède pas l'âme d'un maire mais je peux imaginer une campagne électorale à Paris très jouissive, où j'expliquerais ce qu'est l'écologie urbaine, une nouvelle culture de la convivialité.

Le Figaro — Comment entendez-vous participer à la campagne municipale des Verts à Paris ?

Daniel Cohn-Bendit — Si les Verts veulent vraiment s'établir à Paris, ils devront se présenter avec une liste - et non pas une tête de liste - et un programme qui frappent les esprits pour incarner quelque chose de nouveau.

Aux européennes, c'était l'ouverture à une tête de liste. À Paris, ce doit être l'ouverture à une équipe intégrant toutes les facettes de l'électorat qui s'est exprimé aux européennes : c'est ce que moi j'appelle la troisième gauche, qui n'est pas forcément liée aux Verts mais qui occupe un espace politique très proche d'eux. Avec un programme très futuriste et concret. Ce mélange-là peut frapper les esprits.

Le Figaro — Vous envisagez d'être l'artisan de cette liste ?

Daniel Cohn-Bendit — Je veux bien être l'un de ses accoucheurs et faire en sorte que la mayonnaise prenne. Je le proposerai ce week-end à la convention sur les municipales. Mais les jeux ne sont pas faits. Les Verts de Paris acceptent cette stratégie d'ouverture. S'ils la rejettent, je ne serai ni leur faire-valoir ni leur cache-sexe et refuserai de participer activement à leur campagne.

Le Figaro — Qu'attendez-vous du Manifeste que vous préparez ?

Daniel Cohn-Bendit — Qu'il soit un moment structurant dans le nécessaire débat idéologique des Verts qui affichent un déficit idéologique, tant en Allemagne qu'en France. Il nous faut mener ce débat entre intellectuels et militants avec des Verts et des non-Verts. Les Verts pourront ainsi toucher du doigt ce nouvel espace politique qui engloberait la troisième gauche et serait capable de s'imposer comme une forte composante de la gauche plurielle.

Le Figaro — Quand et comment présenterez-vous votre projet ?

Daniel Cohn-Bendit — C'est un projet de longue haleine qui prendra du temps et nécessite une forte implication personnelle. Ce ne sera pas un manifeste, mais des propositions de débats regroupées en une quarantaine de pages, vraisemblablement signées du pseudonyme collectif Daniel Cohn-Bendit. Ce projet qui sera diffusé sur Internet, verra le jour à la fin de l'année. Je ferai alors une dizaine de débats en France, puis à la fin de l'été 2000, j'élargirai cette action à l'Europe. On verra alors comment des groupes Verts qui préparent les municipales — par exemple à Grenoble —, reprennent cette idée d'ouverture à une troisième gauche. Puis, une fois lancé, je n'exclus pas d'associer le PS à ce débat.

Le Figaro — Vous avez évoqué ce sujet lors de votre dîner avec Lionel Jospin ?

Daniel Cohn-Bendit — Bien sûr. Mais Lionel Jospin a repris des formulations très classiques de la social-démocratie. Dubitatif sur la capacité des Verts à perdurer, il sait aussi que le PCF n'offre plus de perspective politique. Sa réaction a été prudente mais nous avons décidé de nous revoir une fois le débat lancé.