Éditorial de M. François Hollande, secrétaire national porte-parole du PS, le 10 janvier 1997 et extraits de la déclaration de M. Lionel Jospin, premier secrétaire du PS, le 16 publiée le 24 dans "L'Hebdo des socialistes", sur la situation politique, le projet socialiste en vue des prochaines élections législatives et la stratégie d'alliance du PS.

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Circonstance : Voeux à la presse de M. Lionel Jospin à Paris le 16 janvier 1997

Média : L'Hebdo des socialistes

Texte intégral

Date : 10 janvier 1997
Source : L’hebdo des socialistes - François Hollande

Une année charnière

1996 s’est achevée tristement avec la publication d’un chiffre record du chômage. Les interventions télévisées de Jacques Chirac n’ont guère apaisé l’inquiétude des Français, traités à quinze jours d’intervalle d’incurables conservateurs puis de formidables innovateurs comme si les compliments d’aujourd’hui pouvaient effacer les semonces d’hier. Le pouvoir s’obstine, quoi qu’il en coûte au pays, à poursuivre une politique qui ne marche pas.

Il n’a pas hésité à ouvrir le dossier de la flexibilité répondant ainsi aux vœux répétés du patronat. Il poursuit malgré ses déboires une politique aventureuse de privatisations : après Thomson, c’est le groupe Aérospatiale qui est visé. Enfin, le gouvernement accentue sa politique de rigueur, notamment dans l’éducation et la santé, pour accorder de nouveaux avantages fiscaux aux plus favorisés.

Tout indique donc que l’année 97 prolongera, en les aggravant souvent, les tendances de 1996 avec les risques que chacun mesure, pour la cohésion sociale.

Dans ce contexte, la responsabilité des socialistes est d’abord de faire connaître largement leurs propositions économiques et de convaincre les Français qu’une autre politique est non seulement nécessaire mais possible.

L’année 1996 a été pour nous celle du débat et du rassemblement.

L’année 1996 sera celle de la confrontation majeure devant les Français et peut-être, si le succès va jusqu’à la victoire, celle des responsabilités majeures.

D’ici là, faisons de 1997 l’année de la cristallisation. L’élaboration de notre projet y contribuera puissamment, comme la qualité des hommes et des femmes que nous désignerons comme candidats lors des prochains scrutins.

Préparons donc les conditions de notre réussite collective. Il reste à peine quinze mois. C’est demain.

 

Date : 24 janvier 1997
Source : L’Hebdo des socialistes - voeux de Lionel Jospin

L’année 1997 sera une année de transition. Elle nous fera passer d’une situation post-électorale, qui suivait la présidentielle de 1995, à une situation pré-électorale qui précède les législatives de 1998. Le climat va changer. La droite va passer de la digestion d'un succès au risque d'un échec. 1997 sera également une année de mûrissement pendant laquelle les Français vont progressivement préparer leur choix de 1998.

Cette nouvelle année ne commence pas sous les meilleurs auspices. Le climat en France est plus désenchanté qu'ailleurs, notamment en Europe. Cette situation ne relève ni de la « théorie des climats » ni de la psychologie des peuples, mais trouve des causes précises : le non-respect des promesses faites, un taux de chômage plus élevé – on craint 13 % –, de mauvaises perspectives économiques et sociales, le progrès moyen de la croissance, le creusement des inégalités, les menaces pour les retraites, le désir de nouvelles déréglementations. S'il y a des réformes, elles sont négatives.

Un gouvernement à la remorque du patronat

Le président de la République n’a apporté, dans ces deux dernières interventions, ni clarté ni espérance. Il s’est borné à deux erreurs de communication successives et contradictoires. Si son image personnelle n'est pas mauvaise, sa stature politique est contestée. Quant au gouvernement, il reste à la remorque du patronat : fonds de pension, flexibilité, stages diplômants. On ne voit pas d'objectifs qui lui soient propres. Il n'a ni élan ni volonté, pas même celle du dialogue puisqu'il prétend « passer en force » sur les fonds de pension, alors que tous les syndicats sont résolument contre. Hors du gouvernement, il y a les « spécialistes du courage pour les autres » : M. Balladur ou M. Barre. Le thème du « courage » est d'ailleurs devenu une forme subtile de la démagogie qui résonne comme un sous-entendu : si nous sommes courageux, les autres ne le sont pas. Rien de ce que propose M. Balladur n'affecte les plus favorisés. « Son inflexion » n'est qu'une aggravation d'une politique inspirée de la sienne, et qui a échoué. Il y a également le spécialiste de la « politique virtuelle », le rhéteur d'Épinal, M. Séguin, qui tient parfois des discours qui font écho aux nôtres. Mais cela a de moins en moins à voir avec la politique réelle du gouvernement et du président de la République, et crée de la confusion sans offrir de perspective.

En somme, l'élection présidentielle n'a pas créé une nouvelle donne, un nouveau cours. Elle a été un intermède électoral dans une politique économique, sociale, culturelle qui se développe depuis près de 4 ans maintenant. C'est cette politique que les Français auront à juger, dans un an. Mais ils la jugeront bien sûr au regard de la nôtre. Il nous faut continuer à éclairer et combattre les aspects nocifs de la politique gouvernementale, l'orthodoxie résignée de la politique économique, la remise en cause systématique du « socle social » français comme la sécurité sociale, les retraites et le droit du travail. À ce propos, je voudrais m'arrêter quelques instants sur la question des retraites. Le problème n'est pas de savoir si ce débat est légitime ou pas. Il existe déjà, dans de nombreux secteurs, des pré-retraites à 55 ans, voire à 52. Le problème est de savoir si c'est ça la question centrale des retraites aujourd'hui. Il s'agit en fait d'un débat-écran pour masquer un vrai problème, celui des fonds de pension.

Ce qu’il faut combattre

Il nous faut combattre la manie des privatisations, les ambiguïtés de la politique judiciaire, notamment le décalage entre l'interventionnisme du parti politique et les affirmations sur l'indépendance du Parquet, entre l'indépendance du Parquet et la présomption d'innocence, entre l'annonce du Président et le silence de la Chancellerie. Il nous faut combattre les relents xénophobes de la politique de l'immigration, le suivisme de la politique européenne, le conformisme de la politique africaine, les maladroites contradictions de la politique étrangère – les heurts épidermiques avec les États-Unis, l'entrée sans contrepartie dans l'OTAN –, combattre une politique fade, timorée et réactionnaire, la plus à droite depuis longtemps.

Notre stratégie d’alliance

Cette année sera également celle de l'achèvement de notre programme et du bilan de nos trois conventions. C'est à la suite de ces conventions, complétées par une série de journées thématiques, notamment sur l'immigration, l'éducation, les services publics, que nous préciserons nos orientations économiques. Il nous faut bâtir une majorité politique d'alternance, par une recherche de convergences et une stratégie d'alliance qui semble aujourd'hui possible : les Verts sont sortis de la neutralité écologiste, le Parti radical socialiste est redevenu un partenaire conséquent, le Parti communiste est sorti de son congrès avec une direction ouverte au dialogue, le Mouvement des citoyens fait des avancées sur l'Europe comme lors de son congrès, même s'il recule ensuite. Cette stratégie d'alliance passe par la poursuite du dialogue avec le PC, des élaborations communes et des accords électoraux avec les Verts, le MDC et le PRS. Nous verrons un peu plus tard si nous pouvons aller plus loin et envisager un contrat d'orientation entre les partis de gauche et les écologistes. Mais attention, que ce soit sur l'euro, l'Europe ou autre chose, personne ne doit pouvoir disposer d'un droit de veto sur notre politique.
Pour cette nouvelle année, l'objectif de notre travail, la raison de mon action, est d'aider les Français à se situer dans le monde tel qu'il est, à leur redonner espoir et à leur proposer un projet collectif de lutte contre le chômage, de réduction des inégalités et de modernisation de notre démocratie.