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L’Hebdo des socialistes : Une large majorité des observateurs semble, aujourd’hui, surpris par la victoire du Front national à Vitrolles…
François Hollande : La victoire du Front national à Vitrolles n’est pas, hélas, une surprise. On sentait bien, au soir du premier tour, que les conditions d’une victoire du Front national étaient réunies et que le barrage devait être massif pour endiguer le flux du premier tour. Cela tient à l’enracinement de ce parti dans cette région depuis plus de dix ans. Cela tient aussi à la démagogie et aux mensonges proférés par ses candidats. La défaite, au-delà de ces deux facteurs, est le résultat d’une mobilisation insuffisante (due sans doute aux divisions des socialistes sur place) et d’un mauvais report de voix des électeurs de droite au second tour. Une partie de ces électeurs est allée directement sur la liste du couple Mégret, une autre s’est réfugiée dans le vote blanc ou nul.
L’Hebdo des socialistes : La mobilisation républicaine qui avait fait barrage au Front national à Dreux n’a pas fonctionné à Vitrolles ?
François Hollande : On observe en effet que, dans ce type de situation, la gauche, par exemple, à Dreux, sait faire barrage au Front national mais qu’en revanche, la droite n’en comprend pas toujours les enjeux.
L’Hebdo des socialistes : Quelles sont les responsabilités de la gauche dans cet échec ?
François Hollande : Quand on perd une élection, on en porte toujours une part de responsabilité. Or, dans les Bouches-du-Rhône, des comportements inadmissibles de la part des socialistes ont, à l’évidence, peser négativement dans la campagne.
Il y a eu des divisions, des déclarations plus ou moins intempestives, une certaine opacité dans les désignations de candidats. Il faut absolument que ces choses cessent. Le bureau national a donc pris la décision de convoquer toutes les autorités socialistes du département, afin que le secrétariat national puisse évoquer avec elles les moyens et les conditions d’un apaisement, d’une transparence, d’une unité… bref, d’une rénovation. Cette rénovation est souhaitée tout autant par Lionel Jospin que par l’ensemble des militants socialistes. Elle aura donc lieu partout, dans les Bouches-du-Rhône comme ailleurs. C’est un processus qui ne s’arrêtera pas.
Mais, nous devons dire aujourd’hui qu’à Vitrolles, comme partout, c’est aussi par un discours sur l’alternative à la politique actuelle que nous pourrons redonner une perspective crédible. Cela suppose aussi un travail de présence, de militantisme, de conviction fondé sur ce discours d’alternative, car on ne peut pas laisser une population (fut-elle en désarroi) être séduite – même de peu comme à Vitrolles – par des thèses d’exclusion, de haine et de discrimination qui aggravent encore les difficultés.
L’Hebdo des socialistes : Et les responsabilités de la droite ?
François Hollande : À écouter les déclarations de Messieurs Raoult, Mancel et Gaudin, la droite – au lendemain de Vitrolles – aurait mieux fait de se taire. Car, en définitive, le bilan de la droite à Vitrolles, c’est – quand on est le parti du gouvernement – être incapable de faire plus de 16 % des voix au premier tour. La responsabilité de la droite à Vitrolles, c’est aussi de s’en être remis à des consignes ambiguës. Autant la déclaration du Premier ministre avait pu être nette, autant les déclarations de certains membres du gouvernement, de dirigeants de la majorité et surtout au plan local, des représentants de la droite ont été tout sauf limpides. La responsabilité de la droite à Vitrolles, c’est aussi d’étranges comportements à travers des dissidences vers le Front national. Une partie de ceux qui étaient candidats sur la liste de M. Guichard ont appelé à voter pour la liste du FN. C’est aussi de constater que le directeur de cabinet du maire Front national de Marignane est l’ancien candidat RPR aux élections législatives de 1993 dans cette circonscription. Les comportements étranges, ce sont les appels indirects au vote blanc ou nul. La responsabilité de la droite, non seulement à Vitrolles mais dans toute la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, c’est de servir de « recyclage » aux dirigeants du FN. On a tous en tête d’ailleurs l’exemple de M. Peyrat, où le Parti républicain comme le RPR ouvrent grand la porte à tous ceux qui quittent le Front national pour être élus. La responsabilité de la droite dans cette région est de tenir un discours proche du Front national. C’est de souvent parler le « Le Pen sans peine ».