Texte intégral
Jean-Pierre Elkabbach : Il paraît que vous n’avez plus le moral ?
Jean-Paul Delevoye : C’est exactement le contraire. Arrêtons toute cette campagne d’intox, faisons preuve d’un peu de bon sens !
Jean-Pierre Elkabbach : Non mais, je parle des maires.
Jean-Paul Delevoye : Ah ! oui d’accord.
Jean-Pierre Elkabbach : Il paraît que, comme les prêtres, c’est la crise des vocations chez les maires.
Jean-Paul Delevoye : Il y a un vrai souci parce qu’ils ont de plus en plus de charges et de moins en moins de moyens, parce qu’il y a des problèmes de société qui sont de plus en plus difficiles à régler et parce que le il y a une avalanche de normes et de sécurité qui fait que le risque zéro c’est l’immobilisme et les maires effectivement sont aujourd’hui très fatigués.
Jean-Pierre Elkabbach : Victimes des juges ?
Jean-Paul Delevoye : Pas victimes des juges, victimes de la pénalisation. Tout le monde porte plainte sur tout le monde, tout le monde veut le risque zéro et tout le monde rend responsable le maire. Aujourd’hui le maire se sent au milieu d’un océan d’irresponsabilité.
Jean-Pierre Elkabbach : L’Association des maires de France que vous présidez depuis 7 ans tient un congrès à partir d’aujourd’hui et pour trois jours.
Jean-Paul Delevoye : Elle a commencé dès hier avec les DOM-TOM et elle démarre effectivement son congrès aujourd’hui pour 3 jours.
Jean-Pierre Elkabbach : La mission d’information du Sénat sur la décentralisation à laquelle vous participez va évoquer et évoque la responsabilité pénale des élus. Les maires ont le blues, beaucoup d’entre eux. Vous réclamez une nouvelle loi.
Jean-Paul Delevoye : Je réclame en tout cas que l’on règle deux ou trois problèmes. Aujourd’hui, il y a un vrai débat sur la condamnation médiatique, c’est-à-dire que dès que vous avez votre tête dans les journaux, avec la mise en examen, qui est le meilleur moyen d’assurer votre défense, vous êtes condamné dans l’opinion. C’est quelque chose de totalement insupportable d’autant plus que c’est quelquefois plus facile pour engager un combat politique de dénoncer, d’essayer de mettre en examen le maire plutôt que d’avoir un débat démocratique. Il y a un risque de déviation de la démocratie. Deuxièmement, des associations font des recours quelquefois excessifs et, troisièmement, des particuliers n’hésitent pas à chercher à bloquer toute une série d’opération. Il faut que nous arrivions donc à un peu de raison. Deuxièmement, le maire ne peut pas être responsable de tout, notamment à titre personnel, et lorsqu’il y a une indemnisation normale des victimes, il faut avant que l’on appelle la faute personnelle du maire, que l’on regarde qu’elle est la faute de la commune.
Jean-Pierre Elkabbach : Vous vous adressez à qui là, à madame Guigou ?
Jean-Paul Delevoye : Je fais partie d’un groupe de travail de madame Guigou. C’est un projet de loi que j’ai moi-même voté en 1996, qui a fait avancer les choses. Il faut qu’on aille un peu plus loin sans chercher en aucun cas une justice à part pour les élus, au contraire.
Jean-Pierre Elkabbach : La bataille pour la présidence du RPR, nous y voici, est entre madame Alliot-Marie et vous. C’est pour le duel le plus périlleux. Beaucoup vous donnent déjà perdant ; vous, vous croyez pouvoir gagner. C’est la foi des miracles ?
Jean-Paul Delevoye : Il faut faire preuve d’un peu de bon sens. Je trouve que la presse aujourd’hui devrait regarder les choses un peu objectivement à moins qu’elle s’en amuse. Un, je termine premier. Dans un premier tour, celui qui termine premier est pas battu.
Jean-Pierre Elkabbach : Oui, mais avec un score qui n’est pas génial surtout ayant bénéficié de tous les soutiens. Vous étiez peinard ; on est allé vous chercher. On dit que l’Élysée vous a invité, vous a soutenu jusqu’au bout, et le résultat c’est : premier score moyen.
Jean-Paul Delevoye : Attendez ! Vous être premier avec 35% parmi quatre candidats et vous estimez que c’est un score moyen. Moi je trouve que c’est un score tout à fait étonnant puisque vous-même, la presse m’indiquait il y a quelque temps l’inconnu des militants, et l’inconnu des militants arrive en tête. Donc c’est un premier pas et nous irons au succès, parce qu’à l’évidence, aujourd’hui, nous avons un projet de société qui est totalement correspondant aux thèses de F. Fillon et nous avons aussi une ouverture européenne qui correspond à celle de Devedjian.
Jean-Pierre Elkabbach : Vous voulez dire que la majorité des voix de F. Fillon et de P. Devedjian ne pas se déplacer automatiquement vers madame Alliot-Marie.
Jean-Paul Delevoye : La politique ce n’est pas de l’arithmétique et les militants qu’est-ce qu’ils ont prouvé au premier tour et moi je les félicité ? ils ont prouvé leur souci d’indépendance, ils n’ont pas accepté les consignes, ils veulent se responsabiliser parce qu’ils ont compris qu’en réalité l’élection-là c’est la fin ou le début du renouveau du RPR. Ou le RPR explose et une partie s’en va rejoindre C. Pasqua et l’autre s’en va et le RPR implose, c’est la fin d’un grand parti politique, ou au contraire il y a une capacité de rebondissement et de renouveau.
Jean-Pierre Elkabbach : Les deux candidats que vous voyez à tour de rôle F. Fillon, P. Devedjan, qu’est-ce que vous faites pour les séduire, qu’est-ce que vous leur dites pour essayer de récupérer leur soutien ?
Jean-Paul Delevoye : La première chose que j’ai faite, j’ai appelé les uns et les autres, les quatre candidats, y compris Michèle, pour les féliciter de la qualité de la campagne. Je trouve que cela le RPR s’en est sorti grandi alors que tout le monde croyait qu’il allait se déchirer. Deuxièmement, j’ai et vous-même vous m’aviez indiqué pendant quelques années que j’étais séguiniste, et qu’aujourd’hui candidat officiel…
Jean-Pierre Elkabbach : Vous-même, collectivement.
Jean-Paul Delevoye : Vous-même, collectivement, bien sûr. Je vais vois F. Fillon cet après-midi pour effectivement lui montrer le projet de société, le projet que j’ai pour le RPR. Il y a de grandes convergences. La seule divergence que j’avais avec lui c’était sur la relation par rapport au Président de la République.
Jean-Pierre Elkabbach : Donc aujourd’hui vous vous sentez plus près de Fillon-Séguin ?
Jean-Paul Delevoye : Moi, j’ai toujours eu le gaullisme social que je prônais c’est-à-dire l’homme au cœur de la société et de l’économie, avec à nouveau les valeurs de famille, de responsabilités, de nation. Mais en même temps l’ouverture européenne est nécessaire, la construction européenne est nécessaire pour l’indépendance de la France.
Jean-Pierre Elkabbach : Voter Delevoye, est-ce que c’est voter pour Chirac ?
Jean-Paul Delevoye : Pas du tout. Arrêtons ce genre de choses. D’abord, le débat aujourd’hui, il est clos puisque les deux candidats se prônent pour une fidélité à J. Chirac.
Jean-Pierre Elkabbach : Mais lequel des deux est le plus chiraquien parce que chacun dit : « je suis chiraquien » ?
Jean-Paul Delevoye : Si vous voulez regarder les parcours, c’est vrai que Michèle a soutenu monsieur Balladur et ensuite monsieur Chirac et moi j’ai soutenu monsieur Chirac. Mais ce débat est complètement dépassé.
Jean-Pierre Elkabbach : Vous, jamais Balladur.
Jean-Paul Delevoye : Jamais, mais avec beaucoup de respect pour lui. Donc arrêtons ; ne rouvrons pas la bataille balladuriens-chiraquiens. Au contraire, profitons de cette élection pour rassembler tout le monde.
Jean-Pierre Elkabbach : Qu’est-ce qui vous distingue d’elle ?
Jean-Paul Delevoye : Nous ne sommes pas d’accord sur tout. En réalité, sur mon projet de société – le gaullisme social – je l’incarne notamment par les discours que je prône à l’Association des maires de France depuis sept ans. Je suis pour un RPR ancré sur la réalité locale avec un enjeu de débat, une capacité de rassemblement, une équipe derrière moi et ce n’est pas…
Jean-Pierre Elkabbach : Oui allez-y.
Jean-Paul Delevoye : Non, non. Je veux dire que ce débat, c’est un débat de projets aujourd’hui.
Jean-Pierre Elkabbach : Vous voulez dire qu’elle a de l’énergie, une tête agréable mais pas de projet ?
Jean-Paul Delevoye : C’est le problème des militants de le dire. Moi j’ai un projet qui est clairement déterminé, j’ai aussi aujourd’hui un projet de société, et le second tour, après que le premier tour ait été un choix de personne ou un choix de sensibilité, le second tour sera un choix de projet de société et d’avenir pour le RPR.
Jean-Pierre Elkabbach : Vous passez, J.-P. Delevoye, pour l’envoyé spécial de l’Élysée et, si je peux me permettre, pour le chouchou, l’homme-même de Bernadette Chirac. Or elle critique même les conseillers de l’Élysée, ce que vous n’avez jamais fait. Est-ce que c’est de la démagogie de sa part ?
Jean-Paul Delevoye : Arrêtons ce jeu des étiquettes en permanence. Est-ce qu’un jour vous allez pouvoir déterminer les qualités de quelqu’un en fonction de ses propres convictions, de ses propres attitudes et des propres actions et d’arrêt de lui mettre en permanence des étiquettes sous prétexte que ça lui donne les qualités ou les défauts de la personne qui les porte ? L’élection du RPR n’est pas une élection de Chirac et quand je suis séguiniste, on me prête des qualités et des défauts. Est-ce qu’un jour vous pourriez regarder mon bilan, mes actions, mes convictions et aussi mes résultats ? je n’ai jamais demandé à être jugé sur mes discours mais sur mes actes.
Jean-Pierre Elkabbach : Vous condamner la mode qui gagne même le RPR et qui consiste à dire qu’un bon président du RPR doit être indépendant du Président de la République.
Jean-Paul Delevoye : Mais absolument. J’ai toujours clairement affirmé qu’il doit être fidèle à lui et je suis ravi qu’aujourd’hui les militants ont sanctionné positivement cette attitude mais en même temps indépendant pour pouvoir se réinvestir sur les enjeux de société.
Jean-Pierre Elkabbach : Je vous entends, là ; vous êtes en train de hausser le temps depuis tout à l’heure. On vous prête des colères homériques et mémorables. Vous ne voulez pas en piquer une comme ça sur qui, sur quoi ?
Jean-Paul Delevoye : Alors moi si j’en avais une à piquer, je vais vous dire, un c’est sur l’hypocrisie…
Jean-Pierre Elkabbach : De qui ?
Jean-Paul Delevoye : Quand je vois par exemple le Gouvernement qui prend des attitudes sur l’Europe, tant sur la TVA sur les restaurations que sur EDF, et qui en France donne des gages à sa majorité plurielle contraire aux directives qu’il entend, je veux dire cette hypocrisie, il faudra qu’un jour on arrête tout cela. De même que la baisse des impôts. On annonce la baisse des impôts, les gens n’ont jamais payé autant d’impôts. Arrêtons d’ériger en vérité absolue le mensonge de l’État.
Jean-Pierre Elkabbach : Le RPR et surtout le Président de la République doivent faire face en ce moment à deux sortes de campagne de flèches. D’abord de Pasqua et de de Villiers. Quand vous les entendez, qu’est-ce que vous en pensez ?
Jean-Paul Delevoye : Ils posent un vrai problème, ils s’engagent sur une mauvaise voie.
Jean-Pierre Elkabbach : Est-ce qu’ils sont eux l’avenir ?
Jean-Paul Delevoye : Pas du tout. On ne peut pas garantir l’avenir de la France contre la construction européenne, c’est même contraire au général de Gaulle. Le général de Gaulle lorsqu’il a voulu lancer la politique agricole commune, la politique énergétique et aujourd’hui l’Airbus et l’Ariane on l’a parce que ces politiques visionnaires ont mis en place un programme européen. Donc jouer contre l’Europe, c’est jouer contre la France.
Jean-Pierre Elkabbach : Les sarcasmes de F. Hollande ici même hier et du Parti socialiste, je vous les cite : « La fragmentation de la droite s’accélère. C’est la première fois que la famille politique d’un Président à l’Élysée éclate et se disperse, le président paraît de plus en plus isolé ».
Jean-Paul Delevoye : C’est vrai que monsieur Hollande a raison de rappeler l’extraordinaire amitié qui liait le clan mitterrandien et le respect qu’ils avaient pour lui.
Jean-Pierre Elkabbach : Facile ça, non ?
Jean-Paul Delevoye : Non, pas facile. Je veux dire arrêtons de donner des leçons. Ce Gouvernement prône la morale et la transparence en permanence et je vois ce qui est en train de se passer en Corse : on gomme d’un coup de balai une affaire qui est particulièrement grave. Nos concitoyens qui sont en train de travailler et qui, dès qu’ils ont un PV, se font interpeller par la justice, ils s’aperçoivent que les grands responsables, lorsqu’ils gaspillent des milliards et lorsqu’en plus ils ne transmettent pas les rapports, eh bien ces gens-là sont irresponsables.
Jean-Pierre Elkabbach : Ce n’est pas la gauche qui a inventé la Corse ?
Jean-Paul Delevoye : Non, mais attendez ! Que l’État arrête de donner des leçons et que la gauche arrête de donner des leçons, qu’elle se les applique à elle-même.
Jean-Pierre Elkabbach : Justement. Dans le journal Le Monde, J. Tiberi explique « pourquoi je reste ». Si vous êtes élu président, est-ce que vous dites : « Voilà pourquoi il reste ; ou voilà pourquoi il faut qu’il s’en aille » ?
Jean-Paul Delevoye : Le problème sera réglé très rapidement dans les quelques mois qui suivent.
Jean-Pierre Elkabbach : Langue de bois.
Jean-Paul Delevoye : Pas du tout. Attendez, si J. Tiberi n’est pas porteur de victoire il n’aura pas mon soutien, s’il est porteur de victoire, il aura mon soutien, les choses sont claires.
Jean-Pierre Elkabbach : Ça veut dire s’il a gagné, il a votre soutien.
Jean-Paul Delevoye : Pas du tout. C’est avant.
Jean-Pierre Elkabbach : Ça se joue sur les sondages.
Jean-Paul Delevoye : Dans les trois ou quatre mois qui viennent, il est évident que l’équipe gagnante du RPR pour la mairie de Paris sera désignée.
Jean-Pierre Elkabbach : Si vous perdez ?
Jean-Paul Delevoye : Je serai simple militant.
Jean-Pierre Elkabbach : Et vous restez président de l’Association des maires. Pendant vos querelles, le monde bouge et même très vite. Vous avez lu et compris dans mon bureau, c’est ma dernière question, la presse que monsieur Grossiord va passer en revue tout à l’heure. Quel titre vous retenez comme ça J.-P. Delevoye ?
Jean-Paul Delevoye : La nouvelle la plus grave pour moi, c’est l’assassinat du numéro 3 du FIS. Monsieur Bouteflika est en train d’entreprendre une opération très importante de stabilité de son pays et dans des conditions particulièrement difficiles et je crois qu’aujourd’hui il faut être vigilant à toutes celles et ceux qui mettent des bâtons dans les roues, c’est l’équilibre du Maghreb qui est en cause et donc c’est notre avenir et la stabilité de l’Europe.