Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Il y a un an je me suis présenté devant votre congrès pour la première fois. Vous fêtiez votre cinquantième anniversaire et le Président de la République a profité de cette occasion solennelle pour annoncer une grande loi d'orientation pour l'agriculture, l'alimentation et la pêche.
Depuis nous avons vécu beaucoup d'évènements. Et l'année qui vient de s'écouler a profondément marqué notre société.
Nous avons connu une année terrible, mais je crois que cette année a contribué à donner une place nouvelle à notre agriculture. La crise de l'ESB a été dramatique mais elle a aussi servi de révélateur à des valeurs nouvelles qui sont désormais clairement exprimées et auxquelles nous devons tous nous référer si nous voulons maintenir et renouveler le lien entre l'agriculture et notre société.
Il y a tout d'abord la sécurité alimentaire. C'est désormais la première attente du consommateur. On peut s'en étonner dans un pays comme le nôtre, pays de la gastronomie, pays du « bien manger », pays où l'alimentation est l'une des plus sûres du monde.
Mais, qu'on le veuille ou non, nos concitoyens sont plus que jamais attachés à l'absence de risque. Et même si le risque zéro, n'existe pas, et il appartient au politique de le rappeler, il faut réduire ce risque au minimum.
Il y a ensuite la qualité. Dans ce domaine on peut dire que les consommateurs ne font que cristalliser l'émergence d'une valeur défendue depuis longtemps par tous les professionnels de la production et de la transformation, qu'elle soit artisanale ou industrielle. Pour autant, là encore la demande se fait plus forte et plus précise. Le consommateur ne demande plus seulement qu'on lui garantisse la qualité de ce qu'il consomme mais il souhaite aussi être complètement informé sur la composition et sur l'origine de son alimentation.
La traçabilité est devenue l'expression à la mode. Le mot n'est pas très beau et on peut le regretter pour la langue française mais il est certain que le concept de traçabilité doit dorénavant être un des fondements de notre dispositif afin de permettre l'identification d'un produit en tout point de la chaîne alimentaire.
L'importance majeure que la sécurité et la qualité alimentaire ont prises aux yeux de nos concitoyens ne doit pas faire oublier, bien entendu, les enjeux économiques et sociaux qui sont, pour notre pays, liés à la production agricole et la transformation agro-alimentaire. Au contraire : la performance de la filière est désormais très étroitement dépendante de la défense de la sécurité et de la qualité alimentaires.
Que ce soit aux niveaux national, européen ou mondial, l'intérêt des consommateurs rejoint notre intérêt économique. L'alimentation se voit dotée d'une nouvelle dimension et c'est pourquoi, je veux – en tant que ministre chargé de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation –, que la France devienne une référence mondiale en la matière, et même je l'ai déjà dit devant vous, LA référence mondiale.
Vous savez que depuis le début de la crise de l'ESB, au-delà des mesures conjoncturelles prises pour éviter la contamination, et pour aider le secteur de la viande bovine, je me suis battu – et je me bats encore – pour faire évoluer les normes communautaires, qu'il s'agisse de la composition des farines d'origine animale, qu'il s'agisse du retrait d'un certain nombre d'abats à risques ou qu'il s'agisse encore de l'étiquetage. Pas plus tard qu'hier et avant-hier, nous avons passé de longues heures au conseil agricole pour faire avancer ce dossier, à propos duquel je m'étonne toujours de l'attentisme de certains de nos partenaires. Je vous rappelle aussi que très récemment, M. Galland et moi-même, nous avons généralisé et rendu obligatoire l'accord interprofessionnel sur l'étiquetage de la viande bovine qui est un bel exemple de consensus au profit d'une alimentation de qualité.
Plus généralement j'ai présenté au Parlement une loi relative à la qualité et au contrôle des denrées alimentaires. Avec cette loi, mon objectif est triple :
- il est d'abord de renforcer le contrôle et la réglementation en matière d'hygiène ;
- il est ensuite de renforcer le contrôle et la réglementation dans la partie amont de la chaîne alimentaire ;
- il est enfin de renforcer les contrôles aux frontières.
C'est une loi ambitieuse et concrète qui répond à une attente essentielle des consommateurs et je suis convaincu qu'elle tire pleinement les leçons du passé quant à l'évaluation et à la maîtrise des risques pouvant peser sur la chaîne alimentaire.
Monsieur le Président je vous ai longuement parlé de qualité car c'est devenu – pour reprendre une expression un peu galvaudée – un enjeu de société. Notre agriculture doit y répondre.
Mais ce n'est pas le seul enjeu et vous le savez bien. Depuis quelques années déjà, la dimension environnementale occupe les esprits et les attentes des citoyens. Je suis personnellement persuadé qu'il est parfaitement possible de concilier ou de réconcilier l'agriculture et l'environnement.
Là encore, il faut savoir anticiper et se dire qu'il y a peut-être là une chance pour notre filière agricole et agro-alimentaire. Parce que je crois profondément que cette agriculture ne sera conquérante que les marchés nationaux, communautaires et internationaux que si elle intègre le respect et la protection de l'environnement.
Dans ce domaine nous n'avons de leçons à recevoir de personne. L'agriculture a prouvé et peut toujours prouver sa capacité à mettre en valeur un territoire. Il n'y a pas d'opposition de principe entre cette activité et la préservation de l'environnement. Au contraire, l'agriculture peut remplir tout à la fois une fonction économique, sociale et environnementale, ce qui en fait, comme la production forestière, un élément fondamental de la gestion durable du territoire. Il n'y aura pas de développement durable sans activité et sans espace agricole et forestier.
Pour autant, il ne faut pas nier la réalité : il y a parfois des problèmes mais nous avons les moyens de les résoudre.
Les agriculteurs ont les atouts du savoir-faire.
Ils sont maintenant conscients, d'un bout à l'autre de la filière, de cette nécessité et les pouvoirs publics sont prêts à accompagner cette évolution.
J'en veux pour preuve notre volonté commune de régler la question du PMPOA, en l'étalant dans le temps sur une durée de 3 années supplémentaires et en doublant cette année les moyens financiers qui lui sont destinés. Ce plan ambitieux sera conduit à son terme et il sera étendu aux petits élevages, conformément aux dispositions arrêtées par la conférence de suivi du 12 mars.
Puisque je parle environnement, je tiens également à citer la valorisation des produits agricoles non alimentaires qui remplacent des produits chimiques ou pétroliers.
Les biocarburants sont bons pour notre environnement. Ceux qui prétendent le contraire feraient mieux de lire plus attentivement les études relatives à l'impact des biocarburants sur l'effet de serre et sur la réduction des émissions d'oxydes de soufre. En particulier, ils feraient mieux de prendre connaissance de l'excellent travail accompli par Jean-Pierre Bastiani, à la demande du Premier ministre, sur l'expérience américaine, travail qui a fourni une excellente contribution à ce dossier.
Heureusement, l'adoption de la loi sur l'air a marqué dans cette reconnaissance une avancée significative.
Je ne voudrais pas quitter ce thème sans vous dire quelques mots sur la recherche, et plus particulièrement les biotechnologies et le génie génétique. C'est une question essentielle pour l'avenir.
Les consommateurs semblent avoir désormais le plus grand mal à accorder leur confiance aux garanties scientifiques. Comment s'en étonner d'ailleurs lorsque chaque jour apporte une découverte supplémentaire dont les conséquences éthiques étaient jusqu'alors insoupçonnées. Et comme les amalgames sont monnaie courante, il devient extrêmement difficile de progresser de façon rationnelle.
Dans ce contexte, le gouvernement a décidé de prendre du temps et de chercher à convaincre plutôt que de vouloir forcer.
Nous devons non seulement nous entourer du maximum de garanties mais également organiser un débat aussi large que possible pour faire accepter par la majorité les évolutions technologiques qui méritent de l'être.
C'est pourquoi François d'Aubert et moi, nous avons proposé au Premier ministre d'interroger la communauté scientifique et en particulier l'académie des sciences et à nouveau la commission du génie biomoléculaire afin de dresser un bilan des connaissances des effets potentiels des cultures de plantes transgéniques sur le milieu naturel. Nous proposons que cette démarche s'accompagne d'un débat public largement ouvert à la société civile selon un mode comparable aux « conférences de consensus » déjà organisées dans plusieurs pays européens. Je souhaite que ce débat apporte les premières réponses avant la fin de cette année.
Monsieur le Président, la tradition du grand rendez-vous que nous avons aujourd'hui, c'est de faire un bilan de l'année écoulée et vous n'y avez pas manqué. Je ne vais pas y manquer non plus mais je vais m'efforcer d'être aussi synthétique que possible dans la mesure où j’ai eu l'occasion d'évoquer déjà un certain nombre d'actions au cours de mes interventions devant les fédérations sectorielles.
Je reviendrai d'abord sur le secteur de l'élevage.
Dans ce domaine, ces 12 derniers mois ont compté double, voire triple et même quadruple et il n'est pas nécessaire de vous rappeler pourquoi.
La crise bovine que nous avons connue a été d'une ampleur et d'une durée totalement inhabituelles et je crains que ceux qui pensent que nous sommes définitivement sortis de l'auberge se trompent lourdement.
Après un tel cataclysme rien ne sera plus comme avant et se sont les relations entre la France et ses agriculteurs qui vont s'en trouver modifiées.
Tout a déjà été dit ou presque sur cette crise. J'en revendique totalement le bilan, qu'il s'agisse des mesures sanitaires, des mesures de marché, des indemnisations qui ont été mises en place ou des modifications législatives, je pense évidemment à la réforme de l'équarrissage qui je le rappelle n'a fait supporter aucun poids supplémentaire aux éleveurs.
Tout au long de cette période, j'ai eu en face de moi et même quelquefois à mes côtés, une profession unie et responsable, cherchant en concertation à gérer une situation parfois difficilement saisissable. Cala n'a pas été simple ni pour vous, ni pour moi.
Notre souci commun a été doublé :
- d'une part, protéger la santé du consommateur ;
- et d'autre part, soutenir le revenu des éleveurs et le dynamisme de la filière bovine.
Je ne vais pas rappeler tout ce qui a été fait et tout ce qui a été obtenu. Mais, même si les éleveurs peuvent considérer que leurs pertes n'ont pas été totalement compensées, permettez-moi de dire que l'effort de solidarité a été particulièrement remarquable.
Mais si cette crise a tenu le devant de la scène, je n'ai jamais négligé les autres productions et bien entendu les autres productions animales.
Pour l'élevage porcin, les résultats ont montré la compétitivité de nos éleveurs et de l'ensemble de la filière.
Cela dit, nous partageons je crois une vision lucide de la situation, et nous devons probablement nous préparer à des moments plus difficiles.
Je n'évoquerai pas de nouveau la grave situation sanitaire qui affecte nos voisins des Pays-Bas et d'Allemagne, une situation face à laquelle nous avons pris de strictes mesures de protection.
Mais je rappellerai les efforts qui nous restent à faire pour assurer la relève et pour rechercher un équilibre entre les départs et les reprises ou les créations. Nous devrons proposer de nouvelles adaptations.
Pour l'élevage ovin, l'embellie dont a bénéficié ce secteur est due avant tout aux actions conduites par les professionnels en faveur de la qualité. L'année qui vient de s'écouler a été celle du plan de relance dont le premier bilan est tout à fait satisfaisant. Avec la restructuration des élevages, le renforcement des filières autour des bassins de production, les bonnes priorités ont été fixées.
Le renforcement de la filière passe aussi par le renforcement de l'organisation économique. C'est l'un des objectifs de la loi d'orientation sur laquelle je reviendrai tout à l'heure.
Le maintien de l'élevage ovin est vital pour certains territoires, dans les zones de montagne ou défavorisées, mais il est aussi indispensable à l'équilibre de certaines zones de plaine. Le rôle fondamental de l'élevage ovin dans la gestion de certains espaces ruraux doit donc être reconnu et rappelé.
Soyez assurés que comme l'année dernière je prendrai en 1997 les mesures nécessaires à cet égard.
S'agissant du lait, nous connaissons une situation très tendue, notamment en raison de l'excédent global de la production européenne au cours de la précédente campagne et aussi à cause de l'internationalisation accrue des marchés.
Sur les mesures prises et les actions à conduire au niveau national et communautaire je me suis longuement exprimé devant la FNPL.
Mais je voudrais aujourd'hui insister sur la filière du veau de boucherie qui participe d'ailleurs largement aux grands équilibres de la production laitière.
Comme je m'y étais engagé, j'ai soulevé cette question au conseil des ministres européens de l'agriculture avant-hier.
Dès demain, un comité de gestion exceptionnel se réunira à ma demande, pour trouver des solutions permettant de réduire au plus vite les distorsions de concurrence actuellement constatées sur le marché.
J'ai, par ailleurs, obtenu que la Commission remette son rapport sur le fonctionnement de la prime à l'abattage précoce avec deux mois d'avance sur le calendrier prévu afin de pouvoir discuter pour revoir l'ensemble du dispositif.
Et si l'Europe faisait preuve de trop d'attentisme sur ce dossier, soyez assurés que je n'hésiterais pas à trouver des solutions nationales.
Je voudrais vous dire maintenant un mot des productions fruitières et légumières sur lesquelles là encore j'ai eu l'occasion de m'exprimer très récemment. L'agriculture française n'a pas connu en 1996 que la crise bovine, il y a eu aussi la crise fruitière. Il a fallu déployer beaucoup d'efforts pour éviter un effondrement total du marché et tous les leviers possibles ont été actionnés : retraits, relance des exportations, partenariat renforcé entre production et distribution.
Toutes les mesures annoncées ont été mises en œuvre, que ce soit les aides financières ou les mesures sociales.
Le bilan de cette crise nous a fait réfléchir sur les perspectives inscrites dans le cadre de la nouvelle OCM dont l'objectif-clef est l'organisation et le regroupement de l'offre en vue du rééquilibrage de la filière au profit de l'amont. C'est aussi l'objectif du volet organisation économique de la loi d'orientation sur lequel Je m'expliquerai.
L'autre objectif-clef de l'OCM c'est d'adapter la production de fruits aux attentes des consommateurs, grâce aux programmes financés par les fonds opérationnels, qui constituent à mon sens la grande opportunité de cette réforme.
Bien entendu le nouveau cadre de l'OCM est fondamental : la préférence communautaire est préservée, les normes de commercialisation sont reconnues et les contrôles comme les sanctions seront harmonisés. Des dispositions ont été arrêtées également pour la transparence des marchés, national et communautaire.
Le secteur des légumes enfin, a lui aussi été en difficulté notamment à la fin de l'année. Là encore je crois avoir pris les mesures d'urgence que je pouvais prendre et engagements ont été tenus.
Mais cela c'est le passé. Et l'avenir, c'est désormais la réforme de l'OCM qui va intervenir très rapidement. Je crois fermement que nous disposons là d'un outil majeur de développement.
Et enfin, nous avons les réflexions et les propositions du rapport de M. Ferrand, député du Vaucluse. Ce rapport qui lui avait été confié en 1995 par le Premier ministre a largement inspiré la politique que j'ai conduite et j'ai repris à mon compte bon nombre de ses propositions, d'ailleurs ce n’est peut-être pas fini.
Monsieur le Président, je suis rentré de Bruxelles où s'est tenu le conseil des ministres européens de l'agriculture.
Monsieur Fischler nous a présenté les propositions de la commission sur les prix agricoles pour la prochaine campagne. Nous entamons ainsi la négociation qui va déterminer le cadre économique et technique dans lequel devront évoluer nos agriculteurs pendant la campagne de production 1997-1998.
La commission prétend inscrire ses propositions dans une double perspective : stabilité et simplicité. J'estime pour ma part que c'est insuffisant et que ce paquet-prix doit aussi tracer des perspectives pour les agriculteurs. Je regrette donc que les propositions qui nous sont faites aujourd'hui soient minimalisées et n'intègrent aucune mesure positive pour les agriculteurs européens.
La toute première priorité de la France concerne la fixation du taux de jachère. La proposition de la commission n'évoque même pas cette question.
J'estime qu'il est indispensable qu'une décision soit prise sur le gel des terres dans le cadre de ce paquet-prix et au plus tard au 30 juin 1997. Les agriculteurs doivent savoir à quoi s'en tenir en ce qui concerne leurs emblavements pour la prochaine campagne, surtout si le chiffre retenu n'est pas le même que celui qui est appliqué aujourd'hui (c'est-à-dire 5 %).
C'est pourquoi j'ai demandé avec insistance à la commission de nous faire des propositions sans tarder afin que le conseil soit en mesure de décider sur ce dossier en même temps que sur le paquet-prix et au plus tard au 30 juin 1997.
Je crois que nous disposons d'une occasion de mettre en application le principe de simplification auquel le conseil et la commission sont attachés. Je veux parler du gel extraordinaire. Ce régime est aujourd'hui à l'origine de difficultés telles que son application a souvent été reportée et que les États-membres ne peuvent pas l'appliquer de façon homogène et compréhensible. Ce mécanisme ne marche pas et il faut donc le supprimer.
J'en viens maintenant au paquet-prix proprement dit.
La commission nous présente des orientations qui ne permettent pas à l'agriculture européenne d'améliorer encore la compétitivité de ses produits. Or, nous devons conforter notre présence sur les marchés mondiaux tout en répondant, bien entendu, aux besoins de notre marché intérieur européen.
La commission nous a annoncé qu'un document de stratégie sur l'évolution de la PAC nous serait présenté à l'automne. La PAC ne peut rester figée et doit constamment s'adapter, nous le savons tous très bien. Mais précisément, pour que les évolutions puissent se dérouler dans de bonnes conditions, il ne faut pas brûler nos vaisseaux et nous fermer des portes. C'est pourquoi je ne peux pas accepter l'approche de la commission qui hypothèque l'avenir.
Je souhaite en revanche insister sur un point : il est indispensable qu'avec les autres États-membres nous ayons un projet commun pour l'agriculture européenne et que nous définissions ensemble les grandes orientations de ce projet pour les prochaines années. Nous devons pouvoir examiner rapidement plusieurs scénarios d'évolution de la PAC allant du statu quo à des réformes plus profondes et plus audacieuses.
Pour la France, mon ambition et mes objectifs sont clairs.
Premièrement, nous devons affirmer la vocation exportatrice de l'Europe. C'est un enjeu essentiel car le secteur agro-alimentaire a des potentialités économiques considérables créatrices de richesses et d'emplois que nous devons soutenir. D'autre part, l'Europe a le devoir d'approvisionner en denrées alimentaires ses voisins moins favorisés en particulier en Afrique. Nous avons une mission en la matière et nous ne devons pas la perdre de vue car nous touchons là encore à un point important de la construction de l'Europe auquel la France est particulièrement attachée.
Deuxièmement, nous devons assurer le maintien des exploitations sur l'ensemble du territoire européen. Les agricultures de nos pays sont diverses et elles ont toutes de l'avenir si nous leur permettons de jouer leurs atouts.
La définition d'un projet commun est indispensable pour savoir où nous voulons aller. Ce projet doit notamment rendre cohérentes les approches retenues pour les fonds structurels et pour la PAC.
Dans sa proposition de paquet-prix, la commission revient sur ce qu'elle avait déjà présenté en septembre 1996 et que le conseil ainsi que le Parlement européen avaient alors clairement rejeté. En effet, il nous est à nouveau proposé de réduire les aides aux grandes cultures. Ce n'est pas acceptable.
Ce n'est pas acceptable dans la mesure où cela remet en cause l'équilibre de la réforme de la PAC de 1992 sans pour autant ouvrir des perspectives à moyen terme, en dehors des perspectives budgétaires, si importantes soient elles.
Enfin, il y a un secteur sur lequel l'absence de proposition de la commission se fait gravement sentir alors qu'il a été au cœur de nos préoccupations tout au long de l'année dernière, c'est le secteur de l'élevage. Une telle omission est incompréhensible dans la mesure où l'élevage reste confronté à des problèmes structurels considérables et que rien n'est fait pour les résoudre. Certes, la Commission nous annonce un document de réflexion stratégique peur l'automne mais il me parait impossible d'attendre plus longtemps sur ce dossier.
C'est une question qui se pose avec une acuité particulière en France, mais elle se retrouve dans de nombreux autres États-membres et c'est donc un problème pour toute l'Europe.
Ces orientations que je crois souhaitables pour l'Europe sont également celles que je souhaite inscrire, pour la France, dans la loi d'orientation.
L'enjeu de cette loi est probablement l'un des plus vastes que nous ayons connu et il dépasse très largement les approches spécifiques, qu'elles soient économiques, sociales, techniques, telles que nous avons pu les avoir antérieurement et qui en leur temps étaient totalement légitimes.
Nous avons tous en mémoire les lois d'orientation des années 1960 et 1962 et la formidable impulsion économique qu'elles ont su donner à notre agriculture qui est aujourd'hui une des toutes premières au monde en terme d'exportations, de diversité et de qualité.
C'est ce même effort d'anticipation et ce même volontarisme dans la réflexion puis dans l'action que nous devons imposer face aux mutations de grande ampleur auxquelles nous sommes confrontés.
Ce texte de loi est très attendu et nous avons à faire preuve d'audace et d'imagination pour créer les perspectives et pour apporter les réponses claires, durables et porteuses d'avenir à la fois pour les acteurs économiques que vous êtes, vous agriculteurs et chefs d'entreprise de la filière agricole et alimentaire, et aussi pour l'ensemble de nos concitoyens.
Il s'agit donc bien d'un véritable contrat de société entre le monde agricole et la nation, un contrat dont cette loi sera le symbole et qui affirmera clairement deux principes.
Le premier c'est que l'agriculture, la forêt et bien entendu l'industrie agro-alimentaire ont vocation à produire et à vendre en répondant aux besoins et aux attentes des consommateurs : en France, en Europe et dans le reste du monde.
Le deuxième principe c'est que l'agriculture a vocation à occuper harmonieusement et à valoriser de façon équilibrée l'ensemble de notre territoire.
Ces deux principes doivent être indissociablement liés. Il ne suffit pas de décréter qu'il faut respecter et préserver l'environnement pour que cela soit fait. Il faut dire par qui et comment ? Il faut dire qui paiera ?
Je considère pour ma part que c'est en préservant et en développant l'activité économique, c'est-à-dire l'acte de production et de vente, qu'il y aura de la vie dans les campagnes, que le paysage sera entretenu et géré de façon équilibrée et durable. Et c'est ainsi que peuvent être vraiment pris en compte ces objectifs fondamentaux d'équilibre du territoire et d'amélioration de l'environnement.
Vous êtes des producteurs et vous devez le rester et vous devez être reconnus avant tout comme des producteurs et des entrepreneurs.
Concilier les différentes logiques, économiques, sociales, environnementales, cela suppose justement de reconnaître au monde agricole et forestier ces différentes fonctions.
Ce sera d'ailleurs un des points clés du texte de loi.
Si j'ai tenu à insister sur la double mission de l'agriculture en mettant en avant la fonction de production, c'est que ce point de vue ne fait pas l'unanimité au sein de l'Union européenne et que ce texte de loi sera décrypté, qu'il sera lu avec attention par nos partenaires européens, mais aussi par les autres grands pays agricoles et agro-alimentaires.
Et, vous savez que la question même du rôle et de la vocation du secteur agricole sera un des enjeux des futures négociations communautaires et internationales dont les échéances d'ailleurs sont proches.
Il est donc impératif, à l'occasion de ce texte, que la France, premier pays agricole et agroalimentaire au sein de l'Union européenne, affirme sa volonté et son ambition.
Elle doit le faire dans ce véritable contrat de société que constitue la loi d'orientation et qui repose sur trois mots-clés : nourrir, valoriser, travailler.
Nourrir, c'est assumer une fonction vitale, au sens étymologique du terme : « il faut manger pour vivre ». Mais en France, en Europe, comme dans les pays du monde où ne se pose plus la question de la subsistance des populations, les, comportements alimentaires ont profondément changé au cours des dernières décennies.
Valoriser, c'est occuper harmonieusement l'ensemble de notre territoire, c'est se prémunir contre les déséquilibres inhérents à la désertification ou aux concentrations excessives dans certaines zones. C'est promouvoir un développement durable, garant de la sauvegarde et de l'amélioration de l'environnement. C'est nous sentir à tout moment, responsables de la terre que nous léguerons à nos enfants.
Travailler, c'est combattre le fléau du chômage, c'est assurer l'emploi de millions de femmes et d'hommes partout en France, dans l'agriculture, dans les activités agroalimentaires, dans les filières de la forêt et des industries du bois. C'est promouvoir un très grand secteur économique sur les marchés nationaux et internationaux. C'est participer à l'évolution de la planète en exportant vers les pays en expansion mais aussi en répondant aux besoins des peuples qui meurent encore de faim dans les régions les plus déshéritées du globe.
Je ne souhaite pas vous répéter ce que j'ai déjà écrit et dit sur l'organisation de cette loi, je vous en rappellerai toutefois les points essentiels et insisterai surtout sur les points concrets de cette loi.
Cette loi est bâtie autour de quatre objectifs centraux.
Premier objectif : un secteur agricole et forestier garant de la valorisation, de l'aménagement et de la gestion équilibrée de notre territoire.
Deuxième objectif : un secteur agricole et agroalimentaire dynamique, reposant sur ces entreprises à taille humaine et à responsabilité personnelle.
Troisième objectif : une filière agricole et agroalimentaire compétitive, exportatrice et forte de la diversité et de la qualité de ses produits et de ses savoir-faire.
Quatrième objectif : une filière forêt-bois performante.
Cette loi d'orientation fixe non seulement les objectifs pour 20 ans, mais donne également les moyens de les atteindre.
Outre les mesures d'ensemble, la loi d'Orientation Agricole contient également des dispositions particulières qui, dès son adoption, seront appliquées.
Je vous en citerai les 5 plus importantes :
Inscription de la destination agricole des terres dans les documents d'urbanisme.
Afin de pérenniser l'activité agricole dans les zones d'habitation plus denses ou dans des zones présentant des particularités de sites, les études et plans d'urbanisation devront tenir compte des destinations agricoles des terres et bâtiments afin de permettre la continuité de leur activité et de leur développement, sans que les riverains puissent s'y opposer.
*Plan de développement durable
Le plan de développement durable permettra, sur 10 ans, au niveau de l'exploitation, d'équilibrer les contraintes d'environnement et les impératifs de production par un appui technique et financier approprié.
*Reconnaissance du statut de l'entreprise
Comptablement et fiscalement, vos entreprises seront reconnues dans toutes leurs dimensions. L'entreprise agricole intégrera ainsi l'ensemble des values corporelles et incorporelles ce qui en favorise le financement et la transmission.
*Cession du bail
Afin de favoriser l'installation des Jeunes hors cadre familial, la loi donnera la possibilité de cession du bail.
Cette mesure, bien évidemment, devra faire l'objet d'un accord entre bailleur et preneur.
*Contrôle des structures
En matière de contrôle des structures, la loi substituera à l'actuelle SMI la notion d’« unité de référence » qui, au niveau départemental, prendra en compte les situations locales.
Cette disposition permettra de mieux apprécier la viabilité des exploitations et d'ainsi favoriser au mieux la pérennité des installations, notamment des jeunes.
Le statut des conjoints sera définitivement établi.
Cette création permettra aux femmes d'exploitants, voire aux hommes qui sont également dans cette situation, la reconnaissance de leur participation active à la bonne marche de l'exploitation. Cette reconnaissance, concrètement, c'est l'accès à l'assurance vieillesse, à la pension de retraite et d'une façon générale à l'amélioration de leur protection sociale.
*Valorisation de l'enseignement
Le secteur agricole, forestier et de l'alimentation a besoin d'un enseignement de qualité. Cet enseignement de qualité passe par l'amélioration de l'ensemble des niveaux de formation et, plus particulièrement, au niveau supérieur d'une qualité de formation reconnue au plan international, modèle et incitation pour l'ensemble des autres formations.
L'accès à l'enseignement agricole technique va être facilité par l'unification du dispositif. Il n'y aura plus qu'un seul type d'établissement d'enseignement agricole de la 4e jusqu'après le baccalauréat, cela permettra d'accueillir un public plus diversifié et d'améliorer la qualification professionnelle des futurs agriculteurs.
*Amélioration de l'organisation économique
Afin de mieux adapter l'organisation économique aux réalités des marchés, l'organisation des producteurs correspondra aux bassins rie production. Ainsi, pour un type de produit, l'offre sera mieux coordonnée et plus adaptée aux attentes des consommateurs.
Cette meilleure coordination reposera sur une organisation à deux niveaux : un niveau de suivi de la production et un second qui intervient directement sur le marché.
*Valorisation de l'action coopérative
La coordination des activités de la coopération nécessite la création d'une enceinte privilégiée. Le conseil supérieur de la coopération exercera un rôle permanent d'étude, de proposition et de conseil.
Par ailleurs, la coopération au niveau local mérite d'être renforcée. J'envisage d'introduire dans la dotation pour investissement les parts sociales de coopératives de matériel agricole. Ce point fera l'objet de discussions du 26 mars que j'aurai avec mes collègues Arthuis et Lamassoure, avec les organisations professionnelles agricoles sur le volet fiscal de cette loi d'orientation.
*Commissions partenariales
Les liens entre producteurs et transformations doivent être rationalisés et renforcés à cette fin, la loi ouvrira la possibilité de créer des commissions partenariales pouvant donner lieu à des conventions d'entreprises et au-delà à ces contrats de branches.
*Création d'un établissement public du cheval
L'ensemble de la filière de production et d'utilisation du cheval n'a pas aujourd'hui de structure d'accompagnement économique. La création d'un établissement public regroupant l'organisation de la production à la suite des Haras nationaux et la valorisation des produits permettra de mieux développer les potentialités de l'élevage français.
*Signes de qualité
Les signes de qualité et de valorisation des produits agricoles correspondant aux attentes des consommateurs, la loi permettra une clarification et une meilleure cohérence de l'ensemble de ces garanties.
L'Institut national de la qualité sera l'outil de cette coordination : véritable point d'entrée unique, il devra permettre de simplifier les procédures et de faciliter les reconnaissances.
Désormais, le rôle des chambres d'agriculture dans le développement forestier est reconnu.
Elles pourront mettre en œuvre un programme d'encouragement aux méthodes de gestion sylvicole durable, en concertation avec les CRPF, de façon à assurer la meilleure valorisation économique des surfaces boisées et la formation nécessaire aux agriculteurs.
*Création d'un compte d'épargne forêt
La forêt doit avoir un attrait en matière de placement économique, élément nécessaire à sa pérennisation et son développement. Le compte d'épargne forêt devrait, à moyen terme, faire bénéficier ce secteur d'un afflux de capitaux et faciliter les opérations de restructuration foncière et forestière particulièrement nécessaires chez nous ainsi que la réalisation des travaux d'amélioration.
*Valorisation des produits forestiers
Il est nécessaire de favoriser l'approvisionnement des entreprises de la filière bois et pour cela d'améliorer les modalités de commercialisation.
C'est pourquoi, sur le modèle de ce qui s'est fait dans le secteur agricole sont institués des groupements de producteurs destinés à améliorer la mise en marché des bois et renforcer la contractualisation des transactions.
Cette loi d'orientation, c'est par ces objectifs et ces moyens l'institution d'un contrat entre l'agriculture et la nation, mais c'est aussi l'indication que la France veut donner à l'Europe comme image du développement de notre agriculture, c'est-à-dire de notre agriculture européenne.