Interview de M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale, à RTL le 30 avril 1997, sur les propositions de la majorité RPR UDF dans le cadre de la campagne pour les élections législatives.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

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O. Mazerolle : La campagne donne l’impression de patiner : un sondage Sofres-Le Monde montrait, hier, qu’un tiers des Français ne font confiance à personne, ni à la gauche ni à la droite.

Hervé Gaymard : C’est la raison pour laquelle il faut donner ce nouvel élan au pays, qu’il faut éviter un an de guerre de tranchées politicienne pour poser les vraies questions et aller de l’avant.

O. Mazerolle : Quand vous lisez, dans un autre sondage du CSA, dans Le Nouvel Observateur, que 60 % des Français souhaitent la cohabitation, cela vous rassure ?

Hervé Gaymard : Il y a des sondages contradictoires parce qu’on lit celui du Nouvel Obs, puis on voit ailleurs qu’une courte majorité souhaite la victoire de l’actuelle majorité. En cette période de campagne électorale, il y a deux sondages par jour : selon la manière dont les questions sont posées, on a des résultats souvent contradictoires. Alors, il ne faut pas accorder un trop grand crédit à tout cela.

O. Mazerolle : Quand vous entendez Philippe Séguin, hier soir, à Mantes-la-Jolie, dénoncer un débat et des mots vides de sens ?

Hervé Gaymard : Je suis assez d’accord avec lui. Quand j’ai vu la manière dont la campagne est partie, notamment du point de vue du Parti socialiste, quand on a commencé à se livrer à des attaques personnelles contre Alain Juppé – souvenez-vous de M. Hollande qui disait que M. Juppé incarnait presque physiquement l’impôt –, j’ai été atterré par le niveau du débat. On dit qu’on va créer des emplois publics de plus, financés par l’impôt Il y a eu une première semaine où les Français n’ont rien compris à ce débat. Maintenant les vraies questions sont posées. C’est le mouvement dans la justice, la solidarité et le progrès partagé, d’un côté, et de l’autre, le conservatisme et Ier, vieux archaïsmes.

O. Mazerolle : Souhaitez-vous l’intervention du président de la République dans cette campagne ?

Hervé Gaymard : Je ne souhaite rien. Le président fera ce qu’il croit devoir faire. Nous verrons bien.

O. Mazerolle : Ce matin, dans Le Figaro, un de ses conseillers dit que le président est en ébullition.

Hervé Gaymard : Je verrai cela au conseil des ministres tout à l’heure. En général, ce n’est pas un homme qui est en ébullition : c’est plutôt un homme serein. En cavalier qu’il est c’est « En avant calme et droit !

O. Mazerolle : Raymond Barre, dans Le Progrès de Lyon, dit que, finalement, le président pourrait bien partir si la droite perdait ces élections, car, dit-il, « Jacques Chirac ne pourrait plus poursuivre sa mission ».

Hervé Gaymard : Oui, mais Raymond Barre dit également que la majorité a toutes les chances de gagner. Je vous rappelle qu’en 1985, M. Mitterrand avait modifié la loi électorale six mois avant les élections, ce qui ne s’était jamais vu dans l’histoire républicaine, qu’il a perdu les élections et qu’il est resté, comme en 1993 d’ailleurs.

O. Mazerolle : Expliquez-nous-en quoi le gel des dépenses publiques voulu par la majorité serait plus efficace pour combattre le chômage que la relance du pouvoir d’achat proposée par les socialistes.

Hervé Gaymard : Parce que la relance du pouvoir d’achat proposée par la gauche, c’est une augmentation des impôts.

O. Mazerolle : Ce n’est pas ce qu’elle dit !

Hervé Gaymard : Oui, mais c’est la réalité ! Notre pays est complètement asphyxié sous les impôts et les charges. J’étais encore à Albertville, hier soir, dans une réunion publique dans ma circonscription : tous les gens le disent. C’est un intérêt national. Cela dépasse les clivages entre l’actuelle majorité et l’opposition : il faut supprimer les dépenses publiques inutiles, protéger les dépenses publiques utiles – car il y en a, pour la sécurité, la justice, l’école, les grands services publics – mais il faut arrêter l’étouffement sous ce carcan fiscal.

O. Mazerolle : Pourquoi, dans le programme de la majorité, ne dit-on pas jusqu’où on est prêt à aller dans l’abaissement des charges sociales, dans l’abaissement des impôts ? Certains doutent, comme Alain Madelin qui dit que le programme est bien, mais qu’il y a souvent un problème de service après-vente avec la majorité.

Hervé Gaymard : Une réduction d’impôt et une réduction des dépenses publiques – parce que pour réduire les impôts, il faut aussi réduire les dépenses publiques inutiles –, cela doit se gérer dans la durée. C’est pourquoi Alain Juppé propose un plan sur cinq ans de réduction des dépenses publiques et de baisse des impôts. D’ailleurs, nous avons commencé, puisqu’il y a une réforme de l’impôt sur le revenu qui a été votée l’année dernière et qui prévoit 75 milliards d’allégement de charges. D’ailleurs, les contribuables français s’en sont rendus compte sur leur premier tiers provisionnel et sur leurs mensualités. Il faut continuer dans ce sens-là.

O. Mazerolle : Précisément, qu’y a-t-il de résolument novateur dans le programme RPR-UDF que le Gouvernement actuel, avec la majorité actuelle, n’aurait pas pu réaliser ?

Hervé Gaymard : En 1993, on a trouvé une situation épouvantable. Je dis souvent que depuis 1993, d’abord dans une première période de cohabitation, puis depuis l’élection de Jacques Chirac en 1995 à la présidence de la République, nous avons fait la vaisselle : nous avons trouvé des monceaux de vaisselle. Dans cette vaisselle, nous avons trouvé plein de plats cassés : on voit des ardoises apparaître dont on ne soupçonnait pas l’étendue – je pense au Crédit Lyonnais, au Gan, à toutes les fantaisies de l’économie mixte et de l’économie irresponsable. Nous avons eu une première phase de remise à niveau avec des réformes structurelles. Maintenant, il faut aller plus loin : il faut un nouvel élan pour faire bouger la France.

O. Mazerolle : Un mot sur la santé : Édouard Balladur se dit favorable, dans Le Figaro, à une réunion de tous les professionnels de la santé pour mettre fin aux malentendus. Est-ce l’objectif de la majorité de réunir une sorte de « Grenelle de la santé » ?

Hervé Gaymard : Je retiens le mot de « malentendus » : ce que je voudrais dire aux médecins libéraux qui nous écoutent, c’est que la réforme que nous sommes en train de mettre en œuvre est la dernière chance de survie de la médecine libérale. Nous sommes tous attachés à cette médecine à la française et à ce système français de Sécu qui fait que nous sommes le seul pays au monde à avoir à la fois la liberté pour les malades et pour les professionnels de santé d’une part, et la solidarité par le remboursement avec la Sécurité sociale d’autre part. S’agissant d’une grande réunion, je voudrais dire que nous l’avons fait, puisque dans le cadre de la réforme constitutionnelle, désormais, chaque année, à l’automne, le Parlement se prononce sur la protection sociale, mais qu’en amont, nous avons créé les conférences régionales de la santé et la conférence nationale de la santé dans lesquelles ce sont les médecins qui s’expriment. Nous avons donc, avec les médecins, un dialogue permanent. Dans le cadre de la conférence nationale de la santé, c’est une enceinte appropriée.

O. Mazerolle : Donc, pas d’états généraux ?

Hervé Gaymard : Non, je ne vois pas à quoi ça sert.

O. Mazerolle : La majorité est-elle vraiment unie, entre Alain Madelin qui nous parle d’élan libéral et Philippe Séguin qui dénonce la logique financière victorieuse du pouvoir politique ?

Hervé Gaymard : Elle est plus unie, en tout cas, que l’espèce de mariage blanc que l’on constate entre le Parti socialiste et le Parti communiste. Dans la majorité, nous avons des voix plurielles. Cela fait notre force et notre vitalité. Mais nous sommes unis sur l’essentiel.

O. Mazerolle : Croyez-vous avoir répondu à ce problème que Philippe Séguin dénonçait comme étant central : l’emploi ? Croyez-vous qu’avec votre programme, vous répondez à cette interrogation des Français ?

Hervé Gaymard : Il y a deux choses : il y a à la fois les mesures nationales, et c’est le programme de la majorité, la baisse des contraintes, la réduction des impôts et des charges dont on voit que les résultats apparaissent – une hirondelle ne fait pas le printemps, mais il faut quand même saluer les chiffres de mars. Je vous signale qu’entre 1988 et 1993, le nombre de chômeurs a augmenté de 730 000.

O. Mazerolle : Il y a une bagarre sur le nombre statistique.

Hervé Gaymard : Oui, et c’est très français !

O. Mazerolle : Oui, mais les statistiques ont changé entre-temps !

Hervé Gaymard : Je constate quand même qu’entre 1981 et 1993, le nombre de chômeurs a été multiplié par trois ; depuis 1993, nous sommes arrivés à le stabiliser. Il y a aussi une chose dont on ne parle pas souvent : c’est l’importance des politiques locales pour l’emploi. J’ai créé, dans ma circonscription, avec des syndicalistes, des chefs d’entreprise, des militants associatifs, un comité de bassin d’emplois. Le développement local, les emplois de proximité, c’est quelque chose de concret pour défendre l’emploi dans le pays.