Texte intégral
Les Échos : Qu’apportent les collectivités locales à la politique de coopération ?
Charles Josselin : De la chair. Une relation plus charnelle, plus affective, plus directe. Je ne connais pas d’exemple d’accord de coopération décentralisée qui ait réussi sans que des liens personnels ne se soient tissés à un moment ou à une autre entre les responsables des collectivités locales concernées. J’en fait actuellement l’expérience : les contacts d’État à d’État ne permettent pas de nouer des relations personnelles. Comme ministre, je ne passe guère plus de 48 heures par pays lors de mes voyages. La coopération décentralisée repose sur des liens solides et étroits entre partenaires. Elle s’inscrit dans la durée. Comme élu des Côtes-d’Armor, j’entretiens des relations avec des Tunisiens depuis plus de douze ans avec des Nigériens depuis huit ans.
Les Échos : Les collectives locales ont elles une expertise particulière en matière en développement ?
Charles Josselin : Dans certains domaines, les collectivités locales se révèlent plus compétentes que l’État pour initier des projets de coopération. Les départements dans l’action sociale où les villes dans le secteur de la gestion urbaine, par exemple. La coopération décentralisée, c’est la mise en mouvement d’une somme incroyable de compétences, de gens capables d’apporter la bonne réponse à des problèmes – pas forcément considérables – qui se posent à un moment donné.
Il y a aussi un lien étroit entre coopération décentralisée et démocratie locale. J’en suis convaincu : la coopération décentralisée contribue à enraciner la démocratie, en favorisant l’apparition de nouvelles élites dans les pays en développement. Elle ne peut voir le jour sans interlocuteurs locaux ayant une marge de manœuvre. Elle ne peut prospérer que dans des pays ayant entrepris leur propre décentralisation.
Les Échos : L’État apprécie-t-il vraiment l’engagement des collectivités locales dans les pays en développement ?
Charles Josselin : C’est vrai, l’État n’a pas toujours regardé d’un bon œil les initiatives des collectivités territoriales à l’étranger. Élu local pendant longtemps, j’ai pu m’en rendre compte. Le Quai d’Orsay a montré beaucoup de réticences par le passé, y compris après les lois de décentralisation. Les diplomates considéraient l’État comme seule institution pouvant nouer des relations internationales. Cette attitude méfiante n’est plus de mise aujourd’hui. La coopération décentralisée est pleinement reconnue. Elle est désormais partie intégrante de la politique extérieure de la France. Le Premier ministre, Lionel Jospin, m’a choisi comme ministre de la Coopération, entre autres parce que j’avais acquis, une longue expérience de la coopération décentralisée avec le département des Côtes-d’Armor. C’est un signe.
Les Échos : L’État suit dorénavant de près les projets de développement des collectivités locales. Pourquoi ?
Charles Josselin : L’État doit donner envie aux collectivités territoriales de s’intéresser au reste du monde, les encourager. Il a un rôle d’incitation et … d’organisation. Il lui faut reprendre plusieurs de nos propositions qui demeurent d’actualité puisque malheureusement, elles n’ont pas été suivies d’effets. Cela ne suffit pas, il faut avoir une approche plus complète de ce sujet maintenant.
Les Échos : Monsieur Josselin , la discussion sur le Proche-Orient avec Mme Albright vous a-t-elle permis d’adopter le même langage ?
Charles Josselin : Les diplomaties française et américaine sur ce point sont convergentes et complémentaires. Nous dépensons tous, aussi bien Mme Albright, comme chacun le voit, que la France ou d’autre pays d’Europe, beaucoup d’énergie pour relancer ce processus de paix. Le président Chirac a déclaré récemment que la France n’acceptait pas la mort programmée du processus de paix et nous ferons tout ce que nous pourrons pour que, en effet, les choses soient relancées. Mais nous le faisons de façon à ce que tous les efforts fournis par les uns et par les autres convergent dans la même direction.