Texte intégral
Europe 1 : vendredi 6 février 1998
R - « Il ne faut pas jouer les destins des uns et des autres ! La réconciliation et le travail d’équipe n’est pas une condition suffisante pour le succès, mais c’était une condition parfaitement nécessaire. Et c’est le grand mérite de P. Séguin d’y être arrivé. »
Q - Mais franchement, aux assises du 6 juillet, vous auriez parié qu'au bout du chemin de six ou sept mois, il y avait le poste de secrétaire général pour vous ?
R - « Vous savez, je sais depuis bien longtemps que tout est affaire de travail et de volonté. »
Q - Les plaies sont totalement cicatrisées ?
R - « Oui, mais bien sûr, chacun a bien compris que pour gagner, pour représenter une alternative, pour reconstruire ce qu'il y a à reconstruire, il fallait être unis, solidaires et parfaitement loyaux les uns envers les autres. Et on sait parfaitement bien qu'il n'y a aucun avenir pour personne dans la désunion. Le prix de la désunion a été fort à payer, c'est celui de la défaite. Alors maintenant, il y a un seul mot d'ordre : on est tous ensemble, on travaille dans le même sens. Il n'y a pas d'autre solution que cela. »
Q - Sur le plan du projet, vous confirmez qu'il y a tournant libéral et empreinte des balladuriens comme on dit ?
R - « Non, ce n'est pas du tout comme cela que ça se pose. Mais qui peut contester qu'en mettant davantage de liberté dans l'économie, on crée davantage de richesse ? Pour autant, est-ce que nous devons nous promener avec un bréviaire libéral pour l'appliquer à chacun des aspects de la vie politique nationale ? Certainement pas. »
Q - Vous êtres encore balladurien ou secrétaire général du RPR, point ?
R - « Mais enfin, écoutez, personne ne peut douter une minute qu’E. Balladur ne reste pas mon ami et quelqu’un dont, avec beaucoup de respect, je suis particulièrement proche. »
Q - Non, mais le sens de ma question, c’est : est-ce que l’appellation, le label balladurien-chiraquien-séguiniste a encore un sens ce matin ?
R - « Non, en tendance, certainement, pas en amitié et en proximité, certainement. Mais je sais bien qu’en tant que secrétaire général du Rassemblement pour la République, j’ai une mission d’être le secrétaire général de tout le monde. C’est ce que j’ai bien l’intention d’être. »
Q - Dans les mois qui viennent, comment allez-vous mettre en musique le message des assises du week-end dernier qu’on a un petit peu compris et résumé de la façon suivante : P. Séguin est chargé de garder la maison RPR au profit de J. Chirac ?
R - « P. Séguin est le président du mouvement, un président qui a fait un sacré boulot depuis huit mois. J. Chirac reste la référence du mouvement et le devoir de chacun dans l’opposition, c’est de l’aider dans une cohabitation beaucoup plus difficile qu’on ne l’imagine. Ceci est parfaitement clair. Et pour nous maintenant la priorité, c’est de nous lancer dans la bataille des régionales. »
Q - Et pour les prochains grands rendez-vous nationaux, le champion, le candidat, c’est toujours Chirac ou c’est Séguin ?
R - « Pour les prochains grands rendez-vous nationaux, J. Chirac aura besoin de tout le monde. »
Q - Est-ce que dans le parler vrai, vous pourriez dire que l’histoire du changement de nom, ce n’était pas une bonne idée ?
R - « Vous savez, à partir du moment où l’on a renoncé à changer de nom, c’est que ce n’était pas forcément la meilleure des idées. »
France 2 : Dimanche 8 février 1998
Michel COTTA : Bonjour. Le préfet de Corse abattu en pleine rue vendredi à 9 heures du soir. C’est une tragédie qui frappe pas seulement la famille de ce préfet qui était l’un des plus chaleureux et des plus sympathiques du corps préfectoral mais aussi l’État, la République. Alors nous en parlerons depuis la Corse avec nos interlocuteurs et à Paris avec les éditorialistes de la presse écrite. Tout de suite, Nicolas SARKOZY, vous êtes notre invité. Merci d’être venu et de répondre aux questions que nous allons vous poser avec Richard ARTZ de RTL. Une tragédie donc, l’assassinat de Claude ERIGNAC à Ajaccio. Il était en Corse depuis deux ans. Comment avez-vous appris la nouvelle ? Et quelle a été votre réaction ? Vos premières réflexions ?
Nicolas SARKOZY (secrétaire général du RPR) : Il y a beaucoup de choses à dire sur cet assassinat. Outre les considérations personnelles sur le drame que vit la famille épleurée, moi, j’ai envie de dire une chose, c’est que maintenant ça suffit d’essayer d’expliquer tout cela par des considérations politiques, nationalistes ou culturelles. Il faut maintenant avoir le courage de dire que la Corse est aux prises avec la Mafia. On tue, on enlève, on assassine non pas pour des grandes causes, non pas pour une autonomie mais tout simplement pour l’argent. C’est un comportement mafieux. Et il faut que ça se sache. Et quand on est aux prises avec la Mafia, avec le crime, on doit l’éradiquer. Il ne s’agit pas de trouver des explications pseudo-politiques ou pseudo-culturelles. Il faut dire cela. Des gens sont enlevés, d’autres sont tués. Il y a des assassinats dans tous les sens.
Eh bien maintenant, il faut le dire, il faut le dire, il se passe en Corse ce qui s’est passé e Sicile. Il faut éradiquer ces comportements mafieux.
Richard ARZT : Vous voulez dire qu’il n’y a pas ou qu’il n’y a plus une catégorie de nationalistes purs et durs peut-être mais avec cette catégorie de nationalistes, les gouvernements de droite comme le gauche ont toujours essayé d’avoir un minium de dialogue. Ça, c’est fini à votre avis ?
Nicolas SARKOZY : Je veux dire que l’explication par le nationalisme ou par le comportement politique d’un homme de sang-froid tué en pleine rue, abattu comme cela est une grave erreur d’analyse. C’est un comportement mafieux. Ce sont des criminels. Cela ne fait que trop longtemps que tout ceci dure. Et quand l’ordre républicain est menacé, il n’y a qu’une seule chose à faire, le rétablir en ayant la volonté, en y mettant les moyens et en traitant les criminels comme on doit les traiter, c’est-à-dire les pourchasser.
Michèle COTTA : Quand vous dites « en y mettant les moyens », la France a mis en France près de 9 milliards de francs à la Corse. Est-ce que vous êtes partisan d’augmenter ces subventions pour y mettre les moyens ou au contraire de les réduire fortement étant donné l’usage qui en est fait ?
Nicolas SARKOZY : La somme exacte, c’est une huitaine de milliards de francs en solde dont une partie sous forme d’avantages fiscaux. Je veux dire là encore qu’il y aurait beaucoup de complaisance à dire quel crime naît uniquement du sous-développement. Il faut dire les choses telles qu’elles sont. Si la Corse, malgré tous ses atouts extraordinaires, ne se développe pas, c’est parce qu’il y a du crime et parce qu’il y a de la Mafia. Et donc, le développement économique ne pourra se poser en Corse comme ailleurs que s’il y a l’ordre républicain. Je veux dire d’ailleurs à nos amis corses qui, eux, subissent les premiers…
Michèle COTTA : Et ils vous écoutent. Je voulais vous dire que les élus corses qui sont sur le plateau de France 3 vous écoutent en ce moment. Ils répondront tout à l’heure d’ailleurs.
Nicolas SARKOZY : Je veux dire bien sûr aux Corses que, non seulement ils ont droit à toute notre solidarité, mais c’est eux qui sont aux premières lignes, c’est eux qui souffrent le plus. Et on doit dire d’ailleurs que cette fameuse loi du silence dont je ne sais pas si elle est réelle mais dont on a tellement parlé, eh bien aujourd’hui, si on accepte l’idée du diagnostic que c’est le crime organisé et que c’est la Mafia qui est en train de prendre possession en Corse, eh bien, cette loi du silence, c’est simplement de la complicité.
Richard ARZT : Est-ce qu’il faut à votre avis un traitement particulier pour cette île soit en termes institutionnels, soit en termes budgétaires, de statut, d’autonomie ou pas ?
Nicolas SARKOZY : Permettez-moi de dire avec la plus grande force qu’il faut un traitement particulier pour tous les criminels qu’ils soient en Corse, qu’ils soient en Auvergne, qu’ils soient dans le Nord-Pas-de-Calais. La Corse est une région française. L’immense majorité des Corses souhaitent rester français. Et on n’a pas à se poser la question si on doit punir un peu moins ou un peu plus le crime et la Mafia en Corse. Se poser la question, c’est déjà me semble-t-il faire preuve d’une faiblesse intellectuelle que ne manqueront pas d’utiliser ceux qui se comportent ainsi. Le crime doit être pourchassé et puni et réprimé partout sur le territoire de la République française. Enfin, écoutez, quand on enlève des gens, quand on les tue, quand on les abat de sang-froid, dans toutes les régions de France, on dit quoi ? Il faut pourchasser les criminels. Et je ne vois pas au nom de quoi parce que c’est en Corse la souffrance d’une famille serait moins grande et l’ordre républicain n’aurait pas à être respecté comme il doit l’être partout en France. Et il se passe en Corse ce qui se passe en Sicile et nous ne pouvons pas accepter cette dérive mafieuse.
Michèle COTTA : Nous y reviendrons dans la deuxième partie de l’émission. Passons peut-être à d’autres sujets d’interrogation en ce qui vous concerne. Vous êtes, je le rappelle, député-maire RPR de Neuilly et surtout nouveau secrétaire général du RPR aux côtés de Philippe SEGUIN. Vous pensez que, pour vous, c’est la fin du purgatoire ? Ça y est, ça roule ?
Nicolas SARKOZY : Vous avez noté… je suis confus parce qu’on passe d’un sujet très grave à un sujet dont chacun comprendra qu’il a moins d’intérêt, c’est-à-dire mon destin particulier. Je comprends d’ailleurs que ça n’intéresse peu de monde. Ça n’a pas grand intérêt de savoir si je suis revenu ou si j’étais parti. Ce qui compte, c’est qu’aujourd’hui dans l’opposition, après l’échec très sévère, très dur, très profond qui a été le nôtre au mois de juin dernier, on a décidé de tous travailler dans le même sens pour refonder un projet politique qui ait un sens, que les Français comprennent que les socialistes et nous, ce n’est pas la même chose, que nous sommes porteurs d’une alternative, rénover complètement nos méthodes de formation, rassembler tout le monde parce qu’on aura besoin de tout le monde. Ma conviction, c’est qu’il y a suffisamment aujourd’hui de députés socialistes, communistes et verts pour qu’on exerce les ambitions légitimes des uns et des autres à l’endroit de la majorité d’aujourd’hui et puis faire en sorte que, de nouveau, les Français nous écoutent. Alors cette réconciliation qui est à mettre au crédit de Philippe SEGUIN, j’ai parfaitement conscience qu’elle était tout à fait nécessaire pour les Français acceptent de nous écouter mais je sais bien qu’elle est insuffisante pour que les Français, sous prétexte que nous soyons réconciliés et rassemblés, se mettent de nouveau à espérer spontanément en nous.
Richard ARZT : Mais alors après ce qui s’est passé aux assisses, comment vous définiriez la relation entre Jacques CHIRAC et le RPR ? Est-ce qu’il est la référence, l’inspirateur ou le véritable chef ?
Nicolas SARKOZY : Vous avez découvert quelque chose d’extraordinaire. Ce qui est extraordinaire, c’est que ça vous ait surpris, c’est que les militants du RPR sont attachés à la personne…
Michèle COTTA : J’espère que ça ne vous a pas surpris vous-même.
Nicolas SARKOZY : Vous savez, j’ai adhéré au mouvement gaulliste en 1974. J’ai eu le temps de voir comment il réagissait un petit peu. J’ai exercé toutes les responsabilités et je sais bien ce qu’il en est. Pourquoi voudriez-vous que des militants du Rassemblement pour la République ne soient pas attachés à Jacques CHIRAC ? C’est lui…
Richard ARZT : Ils avaient pu être troublés par la dissolution, l’échec dont vous parliez de juin dernier.
Nicolas SARKOZY : Mais voyez-vous, je ne pense pas très honnêtement que les militants et sympathisants du Rassemblement pour la République en veulent à Jacques CHIRAC de cela. Je pense que l’analyse d’ailleurs que l’on doit tirer de la dissolution - pour moi, ce n’est pas la dissolution, c’est une erreur - l’erreur, c’est de ne pas avoir été jusqu’au bout de notre discours. Ce n’est pas la dissolution en soi qui est une erreur, c’est de ne pas avoir accompagné cette dissolution d’un discours suffisamment explicatif pour dire « voilà, ce qu’on va faire, voilà ce qui sera différent en termes d’hommes et sur le fonds ».
Richard ARZT : Et en tous cas, pour la prochaine élection présidentielle, le RPR a vocation à être le parti qui soutiendra Jacques Chirac s’il se représente ?
Nicolas SARKOZY : Et, puis-je vous dire quelque chose très simplement ? Je comprends que vous me posiez la question. Mais, sans être désagréable le moins du monde, je veux dire que poser la question des présidentielles maintenant n’a aucun sens. Et que si je le faisais, ceux qui n’ont pas voté pour nous alors qu’ils partagent nos idées seraient en droit de se dire « tiens, finalement, celui-là, il n’a rien compris à ce qui s’est passé au mois de juin dernier ! ». Les gens attendent autre chose de nous, qu’on promeuve de nouvelles idées, que nous soyons capables avec un peu de courage de défendre nos valeurs et que, finalement, il n’y ait pas ce discours sirupeux « tous les mêmes ! » qui a fit le jeu du Front national. Il faut bien dire les choses telles qu’elles sont aujourd’hui. Nous portons une part de responsabilité et nous voulons que cela cesse et qu’aujourd’hui, les hommes et les femmes qui partagent nos idées n’aient pas peur de les défendre, parler du mérite, parler du travail, parler de la récompense ; bref des choses dont on a oublié même la signification.
Michèle COTTA : À propos des idées différentes, Charles PASQUA, numéro 2 du RPR, il s’était prononcé très vigoureusement et d’ailleurs toujours sur un référendum avant le passage à l’euro. Est-ce que là ça ne fait pas deux lignes un peu différentes dans votre Rassemblement ?
Nicolas SARKOZY : Que Charles PASQUA soit réservé à la fois sur Amsterdam et sur Maastricht n’est pas une nouveauté.
Michèle COTTA : C’est plus que réservé. Il demande un référendum. Qu’est-ce que va faire le RPR ?
Nicolas SARKOZY : La décision de faire un référendum sur le traité d’Amsterdam, c’est une décision qui appartient au Président de la République.
Michèle COTTA : Vous dites ça comme Lionel JOSPIN. Il n’appartient qu’au Président de la République.
Nicolas SARKOZY : Pardon, s’agissant de Lionel JOSPIN, c’est sur la réforme de la Constitution. J’admets que tout ça soit un peu compliqué mais si on veut bien s’en tenir à la lettre et à l’esprit de la Constitution, c’est à JOSPIN de nos proposer une réforme de la Constitution dont je rappelle qu’elle est préalable à Amsterdam et c’est au Président de la République de prendre une initiative sur le traité d’Amsterdam. Je vous rappelle d’ailleurs que s’il ne prend pas d’initiative, la règle, c’est le référendum. Eh bien, laissons le discuter et voir ce qu’il en est et ce qu’il proposera. En ce qui me concerne à titre personnel, je considère que le Rassemblement pour la République, compte tenu de ses liens avec Jacques CHIRAC, aurait bien du mal à se mobiliser contre un traité qui a été voulu et négocié par Jacques CHIRAC.
Richard ARZT : En attendant, le rôle de Charles PASQUA, c’est d’être là pour tempérer ce qui pourrait être les ardeurs pro-européennes de Philippe SEGUIN ?
Nicolas SARKOZY : Vous savez, le rôle de Charles PASQUA, comme le mien et celui de bien d’autres, c’est de faire en sorte que la politique - pour une fois - soit vécue comme une addition et non pas comme une soustraction. Voyez-vous, je pense que plus on est nombreux, plus on a de la chance de représenter la diversité de notre électorat. Et finalement, l’un des enjeux pour la famille gaulliste qui n’est pas si évident que ça si j’en juge par notre comportement ces dernières années, c’est de faire vivre notre diversité qui doit correspondre à la diversité de l’électorat. Finalement, on ne veut pas du clonage pour les brebis, pourquoi en voudrait-on pour les hommes politiques ?
Richard ARZT : Sur le plan des idées peut-être - vous en parliez tout à l’heure, il faut avoir des idées - est-ce qu’on peut dire aujourd’hui que le RPR est un mouvement chiraquien avec des idées balladuriennes ?
Nicolas SARKOZY : Oui. C’est un raccourci. Moi, je dirais plutôt qu’aujourd’hui au Rassemblement pour la République, il y a des idées qui ne font plus peur, celles qui consistent à dire que la droite républicaine, ce n’est pas la même chose que la gauche sur un certain nombre de sujets, les 35 heures, l’immigration, la politique familiale, la nécessité de la récompense tout simplement, eh bien, sur ces sujets-là, il y a une véritable différence entre la gauche et nous. Et moi, je suis de ceux qui pensent que ce qui est anormal dans la démocratie, c’est que tout le monde ait les mêmes idées parce qu’à partir de ce moment-là, le combat politique génère l’ennui et quand on génère l’ennui, on a un Front national à 15 %.
Michèle COTTA : Quels objectifs vous assignez-vous ? La campagne électorale commence. L’opposition détient vingt régions. Est-ce qu’elle va en garder autant après les prochaines élections du 15 et 22 mars ?
Nicolas SARKOZY : Vous savez, l’une des leçons de la dernière élection législative, c’est qu’il faut être très humble face aux pronostics. Nombreux étaient ceux qui prévoyaient un succès grandiose au mois de juin pour l’ex-majorité et qui, aujourd’hui, pronostiquent un échec terrible pour nous. Je crois qu’il faut travailler. Mais posez la question aux Français. Est-ce qu’ils vont vouloir dans ces prochaines régionales donner tous les pouvoirs à la gauche, pouvoir national, pouvoir syndical, pouvoir régional ou est qu’ils veulent encourager l’opposition justement à retrouver cette crédibilité et présenter une alternative ? Ce n’est pas rien de poser cette question-là.
Richard ARZT : C’est un argument qui a d’ailleurs été beaucoup utilisé par la gauche à l’égard de la droite…
Nicolas SARKOZY : Non sans un certain succès Richard ARZT. Finalement, quand les autres prennent des méthodes ou des arguments qui ont un certain succès, on n’est pas obligé de vouloir par orgueil refaire toutes les erreurs.
Richard ARZT : Je voudrais savoir une chose. Quelle consigne allez-vous donner aux candidats RPR qui se trouveraient dans l’incapacité de devenir président de conseils régionaux avec des voix du Front national ? Edouard BALLADUR a été très clair. Mais est-ce que c’est une consigne générale ?
Nicolas SARKOZY : C’est très simple. Moi, j’en ai plus qu’assez qu’on se détermine tout le temps par rapport aux autres. Alors un jour, il faut se déterminer par rapport au Front national, un autre par rapport au patronat, un troisième par rapport aux syndicats. Moi, je propose une chose, c’est que nous nous déterminions par rapport à ce à quoi nous pensons et par rapport à ce que souhaitent nos électeurs. Donc, c’est très clair. Tous ceux qui voteront pour le Front national donneront un coup de main pour les élections régionales aux socialistes, aux communistes et aux verts comme ils ont permis le succès de la majorité plurielle en se maintenant dans plusieurs dizaines de circonscriptions. J’ajoute que, si nous sommes en tête avec la majorité relative ou absolue, on aura les moyens de mettre en œuvre la politique pour laquelle les gens auront voté. Si nous n’avons pas cette majorité, on ne sera pas candidat à la présidence des régions pour une raison simple, c’est qu’on ne pourra pas faire la politique pour laquelle on a été élu. Et une autre leçon des dernières élections, c’est que les gens en ont assez que lorsqu’on est élu, on ne fasse pas ce qu’on a dit.
Michèle COTTA : Juste à propos de ne pas faire ce qu’on a dit, est-ce que ça vous gêne pas que le nom du RPR ait été gardé surtout de cette façon alors que vous avez hésité longuement entre Rassemblement, RPF et que Philippe SEGUIN semblait s’être prononcé pour le RPF, ça ne vous gêne pas, ça ?
Nicolas SARKOZY : Non, mais c’est vrai que nous avons hésité. Il y avait trois questions qui étaient posées, le nouveau projet politique, les nouvelles règles de fonctionnement et le nouveau nom. C’est assez difficile, Michèle COTTA, de dire aux gens « maintenant, c’est changé. On va donner la parole à la base. Vous allez pouvoir vous manifester et dire ce que vous pensez » et en tirer comme conclusion qu’on n’écoute pas ce qu’ils nous disent. Eh bien, une moitié du Rassemblement ne voulait pas changer de nom. On a donc pris une décision politique de garder le même nom et puis voilà.
Michèle COTTA : Même si, symboliquement, c’était un peu ennuyeux ?
Nicolas SARKOZY : Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? Qu’est-ce qu’il aurait fallu faire ? Qu’on ne les écoute pas ? Moi, je pense que ce qui est ennuyeux, c’est de ne pas tenir compte de la démocratie.
Richard ARZT : Est-ce qu’il faudra revenir sur la question du changement de nom ou ça va comme ça ?
Nicolas SARKOZY : En l’état actuel des choses, je pense que ça va comme ça.
Michèle COTTA : On ne vous y reprendra plus, c’est ça ?
Nicolas SARKOZY : On ne m’y reprendra plus… écoutez, moi, j’ai adhéré à la famille gaulliste, elle s’appelait l’UDR. En 1976 lorsque CHIRAC l’a transformée, elle s’est appelée le RPR. Bon, ce n’est pas un drame. Il y avait une décharge émotive qui s’est exprimée - c’était d’ailleurs assez sympathique - pendant les assisses. C’est ainsi. Ce n’est pas l’événement et l’ALPHA et l’OMEGA de la vie politique aujourd’hui. Il y a plus grave heureusement.
Richard ARZT : Dernière question sur un tout autre sujet. En tant qu’ancien ministre du Budget, donc en termes financiers, que dites-vous des perspectives de fermetures de SUPERPHENIX ?
Nicolas SARKOZY : Ça, c’est extraordinaire ce qui s’est passé. Madame VOYNET - prise par le nombre de manifestations auxquelles elle participe parce que c’est formidable, elle considère que la France va bien quand il y a des manifestations - a oublié qu’en décidant la fermeture de SUPERPHENIX il y avait une petite addition à régler. Vous savez que c’est 30 milliards de francs. 30 milliards de francs, ça ne veut peut-être rien dire, je précise que c’est 10 % des recettes annuelles de l’impôt sur le revenu. Heureusement qu’il n’y a pas beaucoup plus de sept députés verts parce qu’ils nous coûtent déjà assez cher comme ça.
Michèle COTTA : Nicolas SARKOZY, merci. L’assassinat de Claude ERIGNAC en Corse, nous y revenons. Le plus haut représentant de l’État donc abattu en pleine rue vendredi à 9 heures du soir. Une tragédie que nous rappellent les images de Jean-Michel MERCUROL.