Interview de Mme Michèle Alliot-Marie, présidente du RPR, dans "La Lettre de la Nation Magazine" du 10 décembre 1999, sur son élection à la présidence du RPR et ses projets politiques pour l'an 2000, la conduite de la politique gouvernementale par Lionel Jospin et le projet de loi sur l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives

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Média : La Lettre de la Nation Magazine

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LNM – Les militants doivent-ils vous appeler Madame le Président, MAM ou Michèle ?

MAM – Pourquoi pas Michèle ? Je trouve cela très sympathique. D'abord, c'est mon prénom. Et puis, lors de la campagne, beaucoup de militants m'ont appelé ainsi et j'espère que cela continuera parce que c'est la preuve d'une relation réelle de compagnonnage et d'amitié.

LNM – Au soir de votre élection, pour qui a été votre première pensée ?

MAM – Pour le général de Gaulle. Il aurait été certainement satisfait de voir que ce qu'il avait commencé en donnant le droit de vote aux femmes se perpétuait et se symbolisait aujourd'hui dans l'élection d'une femme à la tête du RPR.

LNM – Vous avez déclaré : « Rien ne sera plus comme avant… » Pouvez-vous préciser ?

MAM - Je crois effectivement que les militants ont montré au cours de cette campagne qu'ils avaient pris toute la dimension du droit que leur avaient donné Philippe Séguin et Nicolas Sarkozy. Ils ont compris qu'ils ont le droit de s'exprimer et que j'ai le devoir de les entendre. Un grand mouvement comme le nôtre doit être un laboratoire d'idées porté par ses adhérents. Chacun peut et doit y contribuer. Ils participeront ainsi à la définition de notre action loin des querelles de personnes pour former une équipe allant vers la victoire.

LNM – Alors, justement, quand comptez-vous nommer le secrétaire général et la Commission exécutive, et sur quels critères ?

MAM - J'ai dit dès le départ que je prendrai le temps nécessaire à la réflexion et à la consultation. Je n'ai pas l'intention de travailler sous la pression médiatique. C'est jeudi 16 décembre que l'équipe de direction sera nommée. Elle fera place à toutes les sensibilités, celles de François Fillon et de Patrick Devedjian qui m'ont apporté leur soutien au second tour mais aussi celle de Jean-Paul Delevoye. Le profil du secrétaire général, je l'ai défini : il devra être très disponible et s'impliquer étroitement dans la gestion quotidienne du Mouvement, en accord avec les évolutions que je souhaite mettre en oeuvre au sein du RPR.

LNM – Le seul angle d'attaque de la majorité gouvernementale vous concernant porte sur la vigueur de vos critiques sur la personne de Lionel Jospin. Qu'est-ce que cela vous inspire ?

MAM – Non, je n'attaque pas la personne de Lionel Jospin, j'attaque son attitude en politique que je considère intolérante, sectaire et méprisante à l'égard de tous ceux qui ne sont pas de son avis. Certains voudraient faire croire que je suis intolérante, c'est totalement faux. Je respecte mes adversaires ; il n'est d'ailleurs pas questions de détester qui que ce soit, ce qui ne m'empêche pas de combattre leurs idées et leur action politique. J'estime que l'action du gouvernement de Lionel Jospin va exactement à l'encontre de ce qu'attendent une grande partie des Français. Ils veulent reprendre confiance et ont l'impression que dès que quelqu'un prend des initiatives, veut assumer ses responsabilités à tout niveau, il en est découragé au profit d'un système d'assistance généralisée. Cela concerne aussi bien les plus fragiles, les plus démunis de notre société. Est-il normal que certaines dispositions réglementaires encouragent à rester au chômage plutôt qu'à travailler ?

LNM – Vous êtes la première femme élue d'un grand mouvement politique en Europe. Le RPR compte seulement 34 % d'adhérentes et seulement 12 parlementaires femmes. Vous vous êtes exprimée contre les quotas. Que comptez-vous faire, surtout au vu des déclarations du président de la République, pour améliorer la représentation des femmes au sein du RPR ?

MAM – Les femmes doivent prendre plus de responsabilités en politique mais aussi dans le secteur administratif. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'ai dénoncé l'hypocrisie du gouvernement. Il présente un texte soi-disant pour favoriser les femmes, alors que, dans le même temps, le Premier ministre, qui a la possibilité, tous les mercredis, de faire nommer en Conseil des ministres des femmes aux plus hauts postes de la fonction publique française, où se prennent les décisions, n'en a proposé depuis qu'il est arrivé qu'un pourcentage inférieur à celui des femmes représentées à l'Assemblée nationale ! Je crois qu'il revient aux partis politiques de favoriser l'émergence des femmes de qualité. C'est ce que je ferai à la fois au sein de l'équipe dirigeante du RPR mais également pour les prochaines élections. Je mettrai tout en oeuvre pour que le RPR présente le plus grand nombre possible de femmes comme candidates, en position bien entendu éligibles, mais aussi comme têtes de liste. J'ai eu l'occasion de le dire dans cette campagne, je voudrais présenter 5 000 femmes dans les mairies où l'on nous dit qu'aujourd'hui 48 % des maires ne veulent plus se représenter. Il y a là un premier geste fort à faire en la matière. Mais, cela dit, si nombre de femmes ne se lancent pas dans la politique, c'est aussi que l'image de la politique n'est pas bonne et qu'un certain nombre de femmes extrêmement compétentes, qui ont des responsabilités par ailleurs, refusent de les quitter pour prendre un engagement politique qu'elles jugent moins valorisant.

LNM – Les incitations financières concernant donc la présence des femmes vous choquent-elles ?

MAM – Oui, très franchement. C'est peut-être du réalisme, mais je trouve que dire “on vous donne de l'argent en échange de la présence d'une femme”, ce n'est pas satisfaisant. Au début du XXIè siècle, on devrait avoir une approche plus valorisante de la femme. Il faut aussi un tout autre état d'esprit si l'on veut vraiment que les femmes viennent à la politique : il est nécessaire aussi bien de prendre en compte les réalités matérielles que de mettre fin au caractère très agressif du monde politique.

LNM – Nous sommes à la fin de l'année, quels sont les grands rendez-vous du Rassemblement pour l'an 2000 ?

MAM – Tout en préparant les prochaines échéances et notamment les municipales, nous avons à mettre en oeuvre les engagements pris dans cette campagne : l'écoute des militants (ce sera fait dès lundi), la réflexion, l'élaboration de propositions très concrètes. Les Assises du Mouvement, qui devront être celles de tout le gaullisme, nous permettront d'affirmer la modernité de nos idées. Je proposerai à nos partenaires des états généraux de l'opposition pour, qu'ensemble, nous puissions préparer sur des bases très solides les futures échéances électorales. Sur un plan matériel, nous déménagerons de la rue de Lille pour nous installer dans les nouveaux locaux de la Tour Maubourg. L'an 2000 sera une année bien remplie et de renouvellement profond.

LNM – Quel message souhaitez-vous adresser aux militants ?

MAM – Je voudrais leur adresser un message de confiance et d'encouragement au travail. Tous ensemble, faisons en sorte que ce courant d'intérêt pour le RPR, né des élections, grâce à la façon dont nous les avons menées, se transforme en une véritable adhésion des Français. Nous avons un double défi à relever : d'abord, faire repartir le RPR à la conquête du terrain, en refaire le premier mouvement politique français ; ensuite, faire comprendre à nos compatriotes, en défendant nos idées et nos valeurs, qu'ils doivent se réintéresser à la politique et revenir vers nous.