Texte intégral
Nous avons traité aujourd’hui de nombreuses questions, qui sont comme d’habitude d’une très grande inégalité d’importance, vous en jugerez vous-mêmes. Je vais les évoquer les unes après les autres sans que l’ordre n’ait de rapport avec l’importance des sujets, mais plutôt avec la succession de l’ordre du jour.
Nous avons parlé de la préparation de la prochaine conférence de Malte, dans le cadre du processus de Barcelone. La commission a présenté au conseil une communication sur ce sujet. La France attache, vous le savez, une très grande importance à ce processus de Barcelone qui se poursuit, en dépit des difficultés dans la région, liées au processus de paix au Proche-Orient lui-même. Dieu merci, le processus de Barcelone continue sa route qui est distincte du processus de paix et je me félicite que, jusqu’à présent, nous ayons réussi à faire en sorte que ce processus de Barcelone se déroule dans d’assez bonnes conditions. La conférence de Malte sera un moment très important pour relancer et dynamiser ce processus. J’espère donc qu’à Malte nous pourrons adopter une déclaration politique forte, donnant des orientations aussi précises que possible aux diplomates qui auront à en suivre l’application, notamment en ce qui concerne le pacte ou la charte de stabilité euro-méditerranéen, que la France a proposé dans le cadre du premier volet du processus de Barcelone et dont nos partenaires du Sud ont été saisis en octobre dernier. C’est un aspect extrêmement important et nous espérons que des progrès seront possibles à Malte.
Nous avons évoqué une rubrique maintenant habituelle, concernant les accords euro-méditerranéens. Vous savez que nous signons aujourd’hui un accord d’association avec l’OLP en présence du président Arafat. Les négociations avec la Jordanie, le Liban et l’Egypte me paraissent progresser dans de bonnes conditions et approcher de leur terme. Pour marquer l’importance que la France attache à ces accords, je participerai personnellement à l’Assemblée nationale au débat de ratification de deux accords sur la ratification avec le Maroc et Israël jeudi prochain. Dans ce domaine, ce volet très important des accords d’association « nouvelle génération » entre l’Europe et les pays du Sud de la Méditerranée, il me semble que les choses avancent bon train.
La commission a présenté les progrès de la négociation avec l’Afrique sur l’adhésion à la convention de Lomé et l’accord de commerce et de coopération. Dans ce domaine, les choses évoluent de façon satisfaisante. Toutefois, il y a une vraie difficulté concernant la révision du régime commercial de la décision d’association des territoires d’Outre-mer. Vous savez qu’il y a une situation de blocage provoquée par les Pays-Bas qui interdit la mise à disposition des financements du FED dont devraient pouvoir bénéficier d’urgence les territoires d’Outre-mer, conformément aux décisions prises au Conseil européen de Cannes en juin 1995. La plupart des délégations, et la France de façon particulièrement ferme, mais aussi les Italiens, les Espagnols, demandent aux Pays-Bas de se rallier au compromis élaboré par la présidence irlandaise. Les territoires d’Outre-mer ne peuvent pas être les otages d’une délégation comme l’a rappelé au cours de la réunion de façon d’ailleurs particulièrement vigoureuse, le commissaire européen M. Pinheiro.
Nous avons évoqué les normes de piégeages sans cruauté, ce n’est pas facile. Sur ce sujet, vous savez qu’il y a des discussions entre, l’Europe d’un côté, le Canada, les États-Unis et la Russie de l’autre. Le Conseil a demandé à la commission de rechercher quelques améliorations au projet d’accord en cours de négociation compte tenu de ce qui produisait sur ce dossier difficile et qu’ils connaissaient bien.
Nous avons évoqué la question de la loi d’Amato. Nous avons constaté qu’il y a eu désignation d’un panel à l’OMC. Par conséquent, sauf dispositions américaines appropriées le panel sera amené à fonctionner normalement.
La question de l’Albanie n’a pas encore été traité, ni les questions intéressant les Balkans.
Nous avons longuement évoqué la question du Zaïre. Je constate qu’il y a un certain nombre d’éléments dont les uns sont positifs et les autres persistent à ne pas l’être. Ce que l’on peut dire c’est qu’il y a eu des progrès significatifs dans la prise en considération de cette crise par la communauté internationale. La désignation par le secrétaire général de l’ONU d’un envoyé dit « spécial » des Nations-unies en la personne de M. Sahnoun, dont chacun reconnaît les qualités éminentes, la résolution du conseil de sécurité approuvant les éléments qu’il avait élaborés, les discussions entre la France et les États-Unis, puis entre l’Europe et les États-Unis qui démontrent qu’il y a à la fois mobilisation européenne et mobilisation américaine, en même temps, convergence des points de vues et des efforts à la fois des États-Unis et de l’Europe, le fait enfin qu’en Afrique, certains signes interviennent de façon positive, notamment les efforts faits par certains pays, en particulier l’Afrique du Sud pour rechercher une solution politique à cette crise : ce sont autant d’éléments positifs qui permettent désormais d’espérer que l’on va pouvoir progresser dans trois directions.
D’abord, il faut que les armes se taisent. Il est nécessaire que l’on parvienne aussi vite que possible à un cessez-le-feu. Les discussions doivent l’emporter sur le combat et l’on doit pouvoir secourir les populations, les réfugiés, les personnes déplacées qui, comme l’a rappelé la Commission, sont hélas en grand nombre. Ensuite, je me félicite de constater que se prépare, pour la mi-mars, une réunion à Nairobi que l’on peut considérer comme un premier pas dans la direction de la conférence des Grands lacs, dont chacun désormais admet qu’elle est le point de passage obligé d’une solution à la crise. Enfin, le processus électoral qui a été fixé avec une échéance – le mois de juillet prochain – doit impérativement se dérouler conformément à ce calendrier et je suis heureux qu’aujourd’hui, l’Union européenne ait désigné le chef de l’unité électorale européenne. Cela montre ainsi que l’Union européenne confirme sa détermination et son engagement à soutenir le bon déroulement de ce processus électoral. Ceci ne signifie pas malheureusement que nous soyons sortis des difficultés : il reste les interventions étrangères au Zaïre qui doivent cesser, les difficultés que l’on connaît sur le terrain, les affrontements et le sort inquiétant des réfugiés, des personnes déplacées à l’est du Zaïre. Au moins, ce conseil affaires générales aura-t-il permis de confirmer qu’il y a cette mobilisation internationale qui, je crois, est un signe positif adressé à l’ensemble des pays de la région et en particulier au Zaïre dont l’intégrité territoriale doit être évidemment confirmée.
Je pense avoir évoqué à peu près toutes les questions. Je voudrais rappeler que la France a été appelée à regretter le retard pris par la commission dans l’élaboration du rapport demandé par le Conseil européen de Florence sur les accords préférentiels de la politique commerciale de l’Union. Vous vous souvenez que ce rapport avait été demandé afin que l’on puisse bien vérifier que la politique commerciale de l’Union était conforme aux règles multilatérales de l’OMC, qu’elle préserve le bon fonctionnement des politiques et qu’elle soit cohérente avec les accords préférentiels déjà convenus. La France a donc rappelé la nécessité pour la commission de faire ce rapport de façon qu’il puisse être instruit par le conseil.
Je crois avoir évoqué les principales questions et j’en aurai terminé avec la Chine si vous le voulez bien. Nous avons évoqué la position de nos relations avec la Chine, dans la perspective que vous connaissez, car elle est maintenant devenue une habitude. Mais c’est devenu une habitude du débat devant la commission des droits de l’Homme de l’ONU. Nous avons parlé de cette question au déjeuner de façon d’ailleurs intense entre nous. Nous sommes tombés d’accord sur la nécessité pour nous de connaître les résultats des entretiens que le secrétaire d’État américain Mme Albright aura eu aujourd’hui même avec les autorités chinoises. Nous sommes également convenus que cette question devait faire l’objet d’une rencontre entre un représentant de l’Union européenne et un représentant chinois dans les jours à venir. Enfin, nous souhaitons, la France en tout cas, mieux apprécier les choses d’ici le début mars à Pékin. Je dirai qu’à la lumière de ces différentes informations, l’Union européenne sera appelée à prendre sa décision. La France, naturellement, est membre de l’Union et, à ce titre, elle est solidaire avec ses partenaires.
Sur la CIG, nous allons parler du troisième pilier. Il s’agit des questions qui intéressent la liberté de circulation et les questions de sécurité. Vous devez savoir que ce qui constitue le coeur de la démarche française, dans le droit fil de la lettre adressée par le chancelier Kohl et le président Chirac à leurs collègues à l’occasion du sommet de Turin est que les questions de liberté de circulation et les questions de sécurité soient traitées ensemble et forment en quelque sorte un « paquet ». Il s’agit donc d’une démarche globale, ambitieuse, qui signifie que nous souhaitons que l’on fasse des progrès concrets dans le domaine de la lutte contre la drogue, les crimes organisés, l’insécurité intérieure et qu’en fonction des progrès ainsi accomplis à quinze, nous puissions créer progressivement cet espace de libre circulation à l’intérieur de l’Union. C’est pourquoi nous proposons que l’on travaille sur ces deux voies et qu’avant de passer à l’ouverture à l’intérieur de l’Union, on se fixe un délai, par exemple cinq ans, et au terme de ce délai, que l’on puisse apprécier le progrès réellement accompli.
Ce point est très important car nous sommes là face à la question discutée au sein de la conférence intergouvernementale qui intéresse directement nos concitoyens. Lorsque l’on parle des institutions, j’ai déjà eu l’occasion de vous dire que c’était le coeur du problème. Mais, sans doute, le concitoyen voit-il ces questions institutionnelles d’assez loin, alors que là, nous parlons de questions qui intéressent directement la vie quotidienne de nos concitoyens. Améliorer leur sécurité et, en fonction de cette amélioration, pouvoir en effet créer cet espace de liberté de circulation à l’intérieur de l’Union. Cette approche globale, le lien entre les mesures de sécurité et les mesures de création d’un espace libre, ce caractère conditionnel, ce calendrier me paraissent des éléments décisifs. C’est donc sur ce point que je serai amené à insister particulièrement auprès de mes collègues.
Question : Quels sont les objectifs que vous vous donnez s’agissant des mesures à adopter en matière de sécurité des citoyens ?
Réponse : Nous discutons d’un texte. On ne peut pas se fixer d’objectif quantifié, bien que ce serait hautement souhaitable. J’aimerai pouvoir fixer des objectifs quantifiables, je ne crois pas que ce soit réalisable. Je préfère tout compte fait que, dans 5 ans, l’on puisse apprécier la réalité des progrès accomplis et laisser aux responsables du moment apprécier. Il y a des éléments objectifs, statistiques, il y a aussi des éléments d’appréciation politiques qui doivent peser. Seuls des progrès accomplis dans le domaine de la sécurité c’est-à-dire dans le domaine de la lutte contre la drogue, le crime organisé, le terrorisme, seuls ces progrès-là peuvent justifier que l’on allège les réglementations, pour réaliser un espace de libre circulation. On a oublié que dans les accords de Schengen, réalisés avec un peu d’idéalisme, nous avons nous été obligés d’utiliser la clause de sauvegarde pour tenir compte de la sécurité de nos concitoyens. Cette sécurité intéresse tout le monde, pas seulement les Français, mais tous les peuples qui vivent au sein de l’Union. Sur ce point, la conférence intergouvernementale sera, si j’ose dire, parlante pour nos opinions publiques. Souvent autour de la table, on nous dit qu’il faut que nos concitoyens se retrouvent dans l’Union européenne. Je pense comme tous mes collègues. Il faut que nos concitoyens voient de quoi on parle et que cela corresponde à des sujets qui intéressent leur vie quotidienne. On est vraiment au coeur des choses. Encore une fois, nous avons établi un lien constructif, utile, qui permet de progresser, à condition qu’en matière de sécurité, nous obtenions des résultats ensemble.
Question : Quelle importance attachez-vous à l’accord avec l’OLP ?
Réponse : Je crois que c’est un très bon accord, très utile, très positif. Vous savez que la France et l’Europe se sont engagées pour soutenir les efforts des Palestiniens, pour organiser leur économie, pour essayer de sortir de la difficile situation humaine et matérielle dans laquelle ils se trouvent. Je vous rappelle que nous attachons, par exemple, une très grande importance à ce que le chantier du port de Gaza puisse enfin commencer, pour permettre aux Palestiniens d’avoir un moyen d’exporter ou d’importer des produits, tout en prenant en considération cette question tout à fait légitime et importante du contrôle et des garanties de sécurité que l’on exige.
Question : Êtes-vous toujours favorable à l’abolition du droit d’asile pour les citoyens européens ?
Réponse : Madame, en réalité cela pose des problèmes juridiques, pas simplement à la France. Les chefs d’État et de Gouvernement sont tombés d’accord sur l’objectif au conseil de Dublin. Il n’y a pas de changement de la position française. Il est vrai que les experts qui travaillent sur ces questions rencontrent des problèmes juridiques. Je suis persuadé qu’ils parviendront à les résoudre. C’est dans cette voie que nous nous situons. Ce sont les instructions qu’ils ont du côté français.
Question : Qu’avez-vous décidé sur Chypre ?
Réponse : C’est une question qui a fait quelques difficultés. J’ai omis d’en parler, n’y voyez pas de malice de ma part. C’est que c’est une question qui fait difficulté et c’est d’autant plus important que nous parvenions à un texte que l’existence de ce texte conditionne la tenue du dialogue structuré avec Chypre qui se tiendra demain. J’espère que dans la journée, les difficultés pourront être surmontées. Nous avons demandé à nos experts de se réunir pour trouver une formulation appropriée.
Question : Êtes-vous favorable à l’« opting out » pour le Royaume-Uni s’agissant du 3e pilier ?
Réponse : Je ne crois pas que l’on puisse entrer dans une négociation en disant que cette négociation vaut pour les uns et pour les autres. Personnellement, je crois que l’Union européenne, c’est un projet partagé, un engagement commun, des objectifs définis ensemble, des moyens arrêtés ensemble et que ce n’est pas un supermarché où chacun arriverait avec son caddie et prendrait les produits qui l’intéressent. Qu’il y ait des problèmes, oui. Nous allons en discuter.
J’attends que la négociation se poursuive.
Question : Que pensez-vous de l’article du « Herald Tribune » de ce matin sur les relations entre la France et l’OTAN ?
Réponse : Attendez Monsieur, vous n’êtes pas bien informé. La ligne française sur ce sujet a été développée de façon abondante et extrêmement claire. Je suis venu à Bruxelles il y a quelques jours, j’ai présenté la thèse française, de façon extrêmement précise, dans une intervention dont j’ai rendu le texte public. Je vous y renvoie.
Question : Allez-vous parler avec Arafat des droits de l’Homme dans les territoires palestiniens ?
Réponse : Nous allons avoir un dîner avec le président Arafat. C’est un moment tout à fait symbolique de la qualité de la relation euro-palestinienne et évidemment aussi, un moment très chaleureux. Je crois que c’est même un événement. M. Arafat est ici aujourd’hui pour signer ce texte avec les ministres des affaires étrangères. Il n’y a pas de question qui soit taboue.
Question : Qu’avez-vous dit à propos du Belarus ?
Réponse : Nous avons entendu en effet un rapport de la commission et du chef de la mission d’enquête. Il a été convenu que nous poursuivions notre assistance au Belarus et que celle-ci fera l’objet d’une réévaluation régulière en fonction de l’attitude des autorités bélarusses.
Question : Allez-vous relancer le projet d’une force au Zaïre ?
Réponse : Vous savez bien, Monsieur, que cette idée, que j’ai lancé moi-même, pour laquelle j’ai ferraillé verbalement tant que j’ai pu, parce que je croyais qu’elle était conforme à l’idée que je me faisais de l’attitude des nations à l’égard de ces malheureuses populations a été abandonnée. La résolution du conseil de sécurité a mis un terme à une décision que ce même conseil de sécurité avait pris quinze jours avant. C’est ainsi. Vous verrez dans les conclusions du conseil que sont repris tous les éléments que j’ai évoqués, c’est-à-dire, le plan de paix, le soutien au plan de paix, faisant l’objet de la résolution 1097 du conseil de sécurité, la préoccupation des Européens pour la situation humanitaire dans cette région, l’appel au cessez-le-feu immédiat, la nécessité de venir, dans ces conditions, en aide aux personnes réfugiés et aux personnes déplacées, le soutien à M. Sahnoun, l’envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies et le soutien à l’ensemble des efforts faits par la communauté internationale, y compris par les dirigeants africains et y compris par le président Mandela pour que le dialogue remplace la confrontation. J’ai le souhait que le sommet régional prévu pour le début mars puisse constituer une bonne base de départ pour la conférence des Grands lacs qu’il y a quelques instants, j’appelais de mes vœux.
Question : Peut-on organiser des élections au Zaïre dans un pays en guerre ?
Réponse : Tant qu’il n’y a pas de cessez-le-feu, les choses ne peuvent pas se réaliser. Nos efforts visent à faire cesser les combats, les interventions étrangères, à faire en sorte que l’intégrité territoriale du Zaïre soit enfin respectée et, enfin, à ce que le processus électoral se déroule dans des conditions normales autant que faire se peut, pour que le Zaïre puisse prendre en main la direction de son propre destin.
Question : Quels sont les problèmes rencontrés dans la négociation d’un accord euro-méditerranéen avec l’Egypte ?
Réponse : Dans une négociation, il y a les positions des uns et des autres. Ce n’est pas le premier accord d’association, et ce ne sera pas le premier. Donc, nous sommes maintenant bien habitués à ces accords qui posent certains problèmes, parfois sur la clause de réadmission que l’Europe souhaite voir figurer dans chacun de ces accords. La négociation a donné un résultat, on a fini par s’entendre sur le volume exportable vers l’Europe et inversement d’ailleurs. Sur tous ces points, les discussions continuent, sinon la négociation serait terminée. Cela signifie que nous ne sommes pas arrivés à une solution définitive sur chacun de ces produits. Je vous l’ai dit, les négociations sont en bonne voie et j’espère qu’elles pourront être achevées rapidement.
Question : Le président Assad a dit il y a deux jours à M. Moubarak qu’il n’a vu aucune percée de son espoir de dialogue dans la région. La France a-t-elle un message particulier à livrer ?
Réponse : Je vais aller en effet en Israël, en Syrie et au Liban. Je ne manquerai pas de consacrer ce voyage à faire en sorte de soutenir le processus de paix et, si c’est possible, de travailler à un redémarrage éventuel du processus entre Israël d’un côté, et la Syrie et le Liban de l’autre.