Texte intégral
J.-M. Lefèbvre : L. Jospin a évoqué devant la presse, ce matin, la perspective des contrats d'orientation entre les différentes forces de gauche. C'est l'union de la gauche nouvelle version ?
F. Hollande : Il faut préparer 1998. Il vaut mieux que la gauche se rassemble et, pour qu'elle se rassemble, il vaut mieux qu'elle le fasse sur des objectifs communs que simplement sur des objectifs électoraux. Donc, nous sommes le parti le plus important de la gauche et nous avons plus de responsabilités que les autres ; c'est à nous de faire des propositions et des initiatives. C'est ce que L. Jospin a fait, ce matin, en disant aux partenaires de la gauche : "retrouvez-nous le plus vite possible sur un certain nombre d'orientations à partir desquelles nous pourrons rendre confiance aux Français et n'attendons pas simplement les élections pour nous désister ce qui est utile électoralement mais n'apporte aucune dynamique pour le pays.
J.-M. Lefèbvre : Cela concerne les Verts, Radical, le Mouvement des Citoyens et le Parti communiste ?
F. Hollande : Oui, tous ceux qui se situent à gauche. C'est vrai que pour la première fois, les Verts, les Écologistes sont directement concernés puisqu'ils veulent, avec nous, travailler. Nous avons des discussions en ce moment avec les Verts. Nous envisageons de leur laisser un certain nombre de circonscriptions parce que, pour nous, l'environnement, l'écologie, cela fait partie de l'autre modèle de développement qu'il faut essayer de promouvoir.
J.-M. Lefèbvre : Il y a encore quelques petites difficultés avec le mouvement de J.-P. Chevènement, non ?
F. Hollande : Il y a toujours des petites difficultés quand on parle élections ou circonscriptions et pour, qu'il n'y ait plus de difficultés, il faut parler d'idées, de propositions, d'orientations. Et c'est ce que nous allons faire.
J.-M. Lefèbvre : L. Jospin a mis quand même un bémol à ces contrats. Pas de remise en cause de l'Europe. C'est donc un signe pour le Parti communiste, non ?
F. Hollande : Ce veut dire qu'il faut se mettre d'accord sur ce qui rassemble et pas sur ce qui divise. Et avec le Parti communiste, on a une réelle divergence. Le Parti communiste ne peut pas conditionner sa venue dans un rassemblement à ses propres positions ou au ralliement à ses propres positions sur l'euro ou sur la monnaie unique ou sur l'Europe. Nous avons fait un certain nombre de propositions en matière européenne et notamment posé des conditions pour le passage à la monnaie unique. Et on n'a pas à aller plus loin.
J.-M. Lefèbvre : L. Jospin, ce matin, s'est montré très critique vis-à-vis du Président Chirac : « un Gouvernement à la remorque du patronat » ; critique également contre E. Balladur et contre le président de l'Assemblée P. Séguin.
F. Hollande : C'est valable à l'égard de tout le monde parce que toute la droite, dont le Gouvernement, mène une politique qui est à la remorque des volontés patronales. Prenons quelques exemples. Regardez ce qui se passe sur le dossier de la flexibilité, sur les contrats de travail, sur l'intérim, sur les jeunes avec les stages. On propose toujours des formules de précarité, des formules courtes, du temps partiel et on voudrait encore aggraver cette situation. Le patronat le demande mais ce n'est pas une raison pour que le Gouvernement aille dans cette direction.
J.-M. Lefèbvre : N'êtes-vous pas un peu sévère contre l'idée des stages diplômants ? Est-ce que ce n'est pas un plus pour un étudiant en cours d'études d'aller découvrir le monde du travail ?
F. Hollande : Si c'est le développement de la formation en alternance, ça se fait déjà et que, des étudiants, dans le cadre de diplômes aillent en entreprise deux ou trois mois, je crois que nul ne s'opposera à ce type de technique, de formation, d'ailleurs elles existent. En revanche, ce qui est proposé pour le moment, c'est des stages longs, près de 8 à 10 mois et payés de 1 000 à 1 500 francs. On ne peut pas considérer qu'il s'agit simplement de formation, là ; il s'agit de vrais emplois mais payés très en-dessous du SMIC. Ça, ce n'est pas acceptable. Je prendrai un deuxième exemple des vœux patronaux qui sont exaucés par le Gouvernement : on en a une belle illustration sur les retraites par capitalisation. C'est tout à fait compliqué, là aussi, pour beaucoup de Français. Mais de développer des produits financiers avec des avantages fiscaux pour certains revenus et notamment les plus élevés alors que les régimes de retraite par répartition sont en difficulté, ça nous parait aller dans un sens tout à fait…
J.-M. Lefèbvre : Mais n'est-ce pas inéluctable ?
F. Hollande : Non, ce qui est inéluctable, c'est de consolider les régimes de retraite. Alors, à la fois la lutte contre le chômage participe de cette consolidation. S'il faut développer les techniques d'épargne collective, on peut s'interroger, mais à chaque fois, il faut le voir avec le souci de conforter ce qui existe déjà, c'est-à-dire les régimes par répartition. Or, la technique gouvernementale, qui consiste à donner une exonération de cotisations sociales sur les versements patronaux, aboutirait à priver les retraites par répartition d'un certain nombre de ressources tout à fait utiles à leur équilibre aujourd'hui.
J.-M. Lefèbvre : Le projet de réforme de la SNCF va venir devant le Parlement la semaine prochaine.
F. Hollande : Oui, là aussi, on a des inquiétudes parce que, qu'il faille faire des réformes pour la SNCF, je crois que tout le monde est d'accord, y compris les cheminots, mais que l'on démantèle l'entreprise, que l'on sépare l'exploitation et les infrastructures, il y a une inquiétude d'une éventuelle privatisation de ce qui pourrait rapporter quelques profits et d'une socialisation des pertes à la SNCF.