Texte intégral
LE PARISIEN – 27 septembre 1999
Q - Qu'attendez-vous du discours que va prononcer aujourd'hui Lionel Jospin ?
- « Un discours de mobilisation. A savoir qu'il annonce des mesures pour le court terme et donne des perspectives pour le moyen terme. »
Q - Pourquoi le PS est-il embarrassé de participer à la manifestation pour la défense de l'emploi organisée par le PC le 16 octobre ?
- « La méthode Hue a de quoi surprendre : il s'allie avec l'extrême gauche, ce qui conduit inévitablement à des mots d'ordres antigouvernementaux. Pour le PS, ce n'est pas acceptable. Robert Hue privilégie la tactique au détriment de la stratégie : je ne suis pas sûr que cela serve le PC. »
Q - Votre groupe amendera-t-il le projet de loi sur les 35 heures pour mieux contrôler les entreprises qui licencient ?
- « Oui. Lorsqu'une entreprise voudra procéder à des licenciements, nous exigerons au préalable que toutes les autres voies aient été explorées. Et, en particulier, l'application de la loi sur les 35 heures. »
Q - Avez-vous des craintes à ce sujet ?
- « Avec un partenaire aussi caricatural et ringard que le Medef, on peut en avoir. Le patronat montre le contre-exemple de ce qu'il faudrait faire pour parvenir à une société moderne où le progrès économique ne s'oppose pas au progrès social. »
Q - Estimez-vous nécessaire d'accroître les droits des salariés ?
- « Sans revenir aux méthodes administratives d'autrefois, il faut trouver de nouvelles règles du jeu. Voilà pourquoi nous voterons, dès la loi sur les 35 heures, certaines dispositions pour lutter contre la précarité travail. »
Q - Dominique Strauss-Kahn ne dissimule-t-il pas l'ampleur des rentrées fiscales ?
- « Le ministre de l'Économie est prudent. Son objectif est de consolider la croissance dans la durée afin de faire reculer le chômage. L'emploi reste notre priorité. Ensuite, on pourra poursuivre le débat sur la répartition des fruits de la croissance et continuer la réforme fiscale. »
Q - La majorité ne souffre-t-elle pas de la faiblesse de l'opposition ?
- « L'opposition n'a plus de projet. On a l'impression que tout est déterminé par le destin personnel de Jacques Chirac qui fait le vide autour de lui. Mais toute démocratie a besoin d'une confrontation d'idées. Lorsque celle-ci n'existe pas, la politique se rabaisse. Ce n'est pas une bonne chose. »
LA CROIX – 30 septembre 1999
Q - Les députés PS sont inquiets sur les 35 heures. Pourquoi ?
« Parce qu'ils mesurent l'enjeu de cette grande loi sociale »
Q - Devant les députés socialistes, à Strasbourg, Lionel Jospin a donné une nouvelle feuille de route aux parlementaires. Comment ont réagi les députés de base ?
- « Tout le monde a été très satisfait, très heureux même d'avoir ce programme. Car c'est vraiment un second programme qu'a affiché Lionel Jospin, complétant ce qu'il avait annoncé dans sa déclaration de politique générale en juin 1997. Il y a de la cohérence, de la continuité mais aussi de l'approfondissement et de la précision. Il y a des mesures pour le court terme et un programme jusqu'en 2002, jusqu'à la fin de la législature. C'est un plan de charge qui ne peut que satisfaire les députés puisqu'on gère le court terme tout en mettant notre action en perspective. »
Q - Certains députés ont semblé trouver le programme très copieux. Sera-t-il possible de tout faire d'ici à la fin de la législature ?
- « J'ai bien sûr regardé cet aspect des choses. Si l'on raisonne sur une seule session, c'est bien évidemment trop court. Si on raisonne jusqu'à la fin, de la législature, c'est possible et même réaliste. »
Q - Sur les 35 heures, les députés socialistes ont semblé assez remontés, notamment sur la question du Smic pour les nouvelles entreprises ?
- « Le mot « remontés » est excessif, mais ils sont en effet très soucieux de faire un bon texte de loi sur les 35 heures. Nous mesurons tous l'enjeu de cette grande loi sociale qui va renforcer l'identité de gauche de cette majorité, à l'image de ce qu'ont pu être les 40 heures ou les congés payés. Le souci des députés est donc de ne pas voter des articles ou des amendements qui créent des dysfonctionnements. Sur le Smic, bien des questions se posent car c'est compliqué. Mais je suis sûr qu'on va trouver une solution qui satisfera tout le monde. »
Q - À vos yeux, le gouvernement n'a donc pas répondu entièrement aux craintes des députés ?
- « Sur l'essentiel, si. Lionel Jospin s'était engagé à ce qu'il n'y ait pas de baisses de salaires. Des avancées ont été faites pour les salariés qui rentreront sur des entreprises qui seront passées aux 35 heures. Voilà plusieurs mois que nous travaillons sur ce dossier, il y a eu de nombreuses réunions de travail. Entre le texte initial et celui qui sera voté, il y aura bien des améliorations, pas seulement sur le Smic mais aussi sur la durée effective du travail, le décompte des pauses, les heures supplémentaires, la formation ou la place du temps partiel. Cela devrait au total faire un bon projet. »
Q - Vous excluez que le gouvernement puisse engager sa responsabilité pour faire passer ce texte malgré des réticences de sa majorité.
- « Il n'en a jamais été question. Cela serait très agréable que l'on procède ainsi sur une loi emblématique pour la gauche. »
Q - Lionel Jospin a aussi réaffirmé sa volonté de faire avancer le non-cumul des mandats. Vous qui êtes maire d'un grande ville et député, qu'en pensez-vous ?
- « J'ai toujours été très clair : limiter les mandats est une chose nécessaire. Le gouvernement a proposé des avancées importantes dans deux projets de loi, dont l'un qui concerne les parlementaires ne peut être adopté que s'il est voté dans les mêmes termes par l'Assemblée nationale et le Sénat. Comme vous connaissez les positions conservatrices de la majorité sénatoriale, on sera contraint de prendre acte de son immobilisme. »
Q - Si, par extraordinaire, le Sénat votait la loi, quel mandat abandonneriez-vous ?
- « Cela serait un choix douloureux, mais un choix qu'il faudrait faire. Pour ma part, le mandat de maire de Nantes est celui auquel je suis le plus attaché. »