Interview de M. François Fillon, conseiller politique du RPR et candidat à la présidence, dans "Le Parisien" du 18 novembre 1999, sur les grandes lignes de sa campagne électorale notamment l'autonomie du RPR par rapport au président de la République, la volonté d'en finir avec la "dérive libérale et centriste", la possibilité de prévoir des accords électoraux avec le RPF et d'envisager une "refondation du mouvement" par la suite.

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Circonstance : Elections à la présidence du RPR les 20 novembre et 4 décembre 1999

Média : Le Parisien

Texte intégral

Q- Vous évoquez beaucoup les militants…

- « Ce sont eux qui votent ! En les rencontrant, j'ai eu de vrais moments de bonheur. Ils sont souvent plus lucides, plus exigeants que certains de ceux qui ont la charge de les conduire. »

Q- N'est-ce pas un brin démago ?

- « Pas du tout. Je suis frappé de leur soif de débat, mais aussi du décalage entre cette base militante et tant d'élus qui se sont coulés dans les habits de gestionnaires. Cela dit, écouter les militants, cela ne consiste pas à installer une ligne téléphonique supplémentaire au centre national : c'est leur donner le pouvoir de désigner les candidats aux élections locales. »

Q- On vous dit antilibéral…

- « Mais non ! Simplement, j'estime que le capitalisme n'est pas la fin de l'histoire, ni de la politique. Le RPR ne doit pas devenir une sorte de CDU acceptant, de façon fataliste que le sort des peuples soit remis aux mains des seuls conseils d'administration Face aux défis de la mondialisation, le RPR doit promouvoir un patriotisme éclairé et un libéralisme populaire. »

Q- Dans la législature partielle du XXe arrondissement à paris, le RPR n'est pas présent…

- « Je le déplore. Je me range à la solution adoptée localement (NDLR : le soutien au candidat de l'UDF Didier Bariani), mais, pour l'avenir, je ne suis pas favorable au principe de candidatures uniques systématiques. »

Q- Et si l'UDF Bariani était devancé par Jean-Louis Arajol, le candidat de Pasqua ?

- « Pasqua fait partie de l'opposition républicaine et, il y a six mois encore, il était membre du RPR. Personne n'imagine que nous voterions PS au second tour. »

Q- Que dites-vous à Pasqua, patron du RPR ?

- « Je lui tends la main. Je n'accepte pas l'idée que la sensibilité nationale, républicaine et nationale qu'il incarne, pour une part, s'exprime de façon définitive en dehors du RPR. »

Q- Concrètement, que préconisez-vous ?

- « Il faut, d'abord, tourner le dos à notre dérive libérale et centriste, ensuite, prévoir des accords électoraux avec le RPF, enfin, réfléchir, pour plus tard, à une refondation du mouvement où nous nous retrouverions tous. »

Q- Vous êtes très sévère avec Jean Tiberi...

- « Je ne m'en prends pas à lui personnellement mais je dis, comme tous les militants RPR de France, que le RPR, depuis trop longtemps a laissé sans réagir les « affaires » empoissonner l'atmosphère. »

Q- Donc, il faut couper les têtes ?

- « Il faut appliquer nos règles statutaires. Le RPR s'est doté d'une charte de l'élu : elle prévoit qu'un élu mis en examen peut être suspendu du mouvement par une « commission des sages », après avoir été, naturellement, entendu. Passons aux actes ! D'une façon générale, pour Paris, je suis favorable à une équipe renouvelée. »

Q- Vous militez pour l'autonomie du RPR, mais jusqu'où ?

- « Les Français estiment que nous participons à la cohabitation, que nous en sommes les complices. Je souhaite, par rapport à cela, une rupture franche. Parce qu'il est le parti du président, le RPR doit s'opposer au Gouvernement, et faire entendre une voix originale. Cette cohabitation longue est en train de tuer la Ve République en même temps que le RPR. »