Interview de M. Charles Millon, ministre de la défense, dans "Service public" de février 1997, sur le bilan du contrôle de gestion dans l'armée.

Prononcé le 1er février 1997

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Média : Service public

Texte intégral

Service public : Pourquoi attachez-vous aujourd’hui une telle importance au contrôle de gestion ?

Charles Millon : Depuis la chute du mur de Berlin, les données géostratégiques ont changé et sont en évolution permanente. Parallèlement à cette mutation, nous connaissons un bouleversement de notre société qui se traduit notamment par une nécessaire maîtrise de la dépense publique. Pour reprendre les termes du président de la République, nous devons aller vers une « armée plus efficace et moins coûteuse ». Le grand chantier de la défense nouvelle s’engage donc dans une logique de réduction et de meilleure connaissance des coûts. Pour atteindre un tel objectif, il est indispensable de se doter d’outils efficaces. Le contrôle de gestion en fait partie.

Service public : Vous avez souhaité disposer d’un tableau de bord, qu’en attendez-vous ?

Charles Millon : Je me suis personnellement impliqué dans la mise en place d’un tableau de bord de la réforme que je viens d’évoquer. J’ajoute que ce tableau de bord fait partie intégrante du contrôle de gestion dont on pourrait dire qu’il constitue un baromètre. Il serait en effet tout à fait inconcevable qu’une transformation de cette ampleur soit menée en l’absence de tout instrument d’évaluation et de pilotage.

Nous devons pouvoir à tout moment vérifier l’adéquation de la mise en œuvre par rapport à l’objectif et réagir de façon fine et adaptée en cas de modification de tel ou tel paramètre. Un point de situation mensuel est fait, au cours duquel les données synthétiques et globales du ministère me sont communiquées. Elles permettent de remettre en perspective l’action quotidienne. L’enjeu est, en effet, trop important pour se permettre une gestion approximative, au jour le jour, de la réforme.

Service public : Quels liens faites-vous entre ce tableau de bord et les impératifs stratégiques du ministère ?

Charles Millon : Le tableau de bord n’a pas pour but d’apporter la connaissance exhaustive de tout en permanence, mais de mettre à la disposition des décideurs, chacun à leur niveau, des indicateurs synthétiques qui permettent de suivre particulièrement l’avancée de la réforme dans cinq grands domaines déterminés par les travaux du comité stratégique que j’ai mis en place dès mon arrivée au ministère. Il s’agit du passage à l’armée professionnelle, de l’évolution du service national vers le rendez-vous citoyen et le volontariat, la restructuration de l’industrie de défense, l’adaptation des armées dans leurs dimensions humaines, patrimoniales, organisationnelles, territoriales et financières, et, enfin, de l’évaluation permanente des capacités opérationnelles des forces en termes de projection.

Service public : Ce contrôle de gestion s’adapte-t-il bien à la culture militaire ?

Charles Millon : L’expression même du contrôle de gestion est ambiguë. Le contrôle de gestion doit être compris dans son acception britannique de pilotage ou de maîtrise et non comme un mode de surveillance supplémentaire. Il nécessite en effet que soient négociés, entre les différentes parties prenantes, des objectifs communs. Or, ce dialogue de gestion existe depuis de nombreuses années dans les armées et se traduit par des rendez-vous sur objectifs.

Service public : Comment s’inscrit la réforme de votre ministère dans la réforme de l’État ?

Charles Millon : Depuis plusieurs décennies, la défense s’adapte aussi bien au contexte géostratégique qu’aux moyens que la Nation est prête à lui consentir. Aujourd’hui, le ministère et les armées doivent se réformer, comme en 1962, pour répondre aux orientations du président de la République. Sont revus les missions, le format des forces et autres organismes, la composition des personnels, l’organisation… le tout, sous forte contrainte financière. Je souhaite que ce travail exceptionnel soit pour les autres administrations une source utile de comparaison et, pourquoi pas, d’inspiration.