Interview de M. Jack Lang, député PS et porte-parole de la campagne du PS pour les élections régionales, à RTL le 3 février 1998, sur la campagne des élections régionales, l'action gouvernementale et la majorité plurielle.

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Média : RTL

Texte intégral

Q. : Même si ce n’est pas encore tout à fait officiel – ça devrait l’être dans les heures qui viennent ou demain – vous serez le porte-parole du Parti socialiste pour la campagne des régionales ?

R. : Oui, c’est F. Hollande qui m’a demandé d’être le porte-parole national de la campagne du Parti socialiste pour les régionales. Mais il l’expliquera demain lors d’une conférence de presse qui réunira toutes les têtes de listes aux élections régionales. »

Q. : C’est votre grand retour au sein du PS ?

R. : Mais je n’ai jamais été absent du Parti socialiste. »

Q. : Non, mais il y avait eu une petite déception de la part de J. Lang de ne pas faire partie du Gouvernement de L. Jospin.

R. : Oh, c’est une autre question. Mais j’ai toujours été militant. Ministre ou pas, je reste militant, militant pour les valeurs auxquelles je crois.

Q. : Mais qu’est-ce qui vous incite à repartir ainsi en campagne alors que, à une certaine époque, on sait que vous auriez pu aspirer à bien davantage au sein du Parti socialiste ?

R. : D’abord, j’aime les campagnes, parce que c’est l’occasion de rencontrer beaucoup de gens. J’aime être le porteur de ce que je crois être la bonne parole, et en particulier pour ces régionales. Nous en parlerons demain, c’est l’occasion je crois pour nos concitoyens de faire un choix d’efficacité pour le développement économique et pour l’emploi. Voilà, ça suffit. Et pour le reste, je répète : militant, j’ai toujours été ; militant je serais toujours.

Q : Vous êtes totalement en phase avec l’équipe Jospin aujourd’hui ? Qu’est-ce que vous sépare de l’action du Gouvernement aujourd’hui ?

R. : Je suis fier de l’action qui est menée par ce Gouvernement.

Q. : Sans réserve ?

R. : Sans quasiment aucune réserve. Simplement, il y a d’autres réformes à accomplir ; mais on peut comprendre qu’un Gouvernement ne peut pas tout faire en seul jour, ni même en sept mois. Ce qu’il a accompli est déjà important. Et naturellement, je le soutiens de toutes ses forces, et j’espère que toutes les réformes annoncées se réaliseront dans les prochains mois.

Q. : Par exemple, vous qui avez été ministre de l’Éducation nationale, lorsque C. Allègre utilise l’expression de « mammouth » - ce qui nous vaut une grève aujourd’hui – vous trouvez que c’était opportun ?

R. : Je ne reprocherai jamais à un ministre de sortir des sentiers battus. Et ce qui me plaît chez C. Allègre, c’est précisément son non-conformisme. Dieu merci, il n’emploie pas ce que vous appelez, vous, la langue de bois. Dieu merci, il parle avec son cœur, sa raison et son intelligence qui est grande. Alors, qu’à un moment ou à un autre, il ait pu employer une expression qui pouvait être interprétée par les professeurs comme étant une expression qui pouvait les blesser, cela a pu se produire. Mais je crois qu’il a choisi des réformes qui vont dans un bon sens. Par exemple, le débat d’aujourd’hui sur la déconcentration mérite notre soutien. C’est vrai que - je l’ai vécu à l’Éducation nationale – notre système est beaucoup trop centralisé, et il fait un choix courageux en décidant de déconcentrer la gestion des personnels. Naturellement, il faudra le faire avec beaucoup d’intelligence, de doigté, d’humanité et de tact.

Q. : Venons-en à la majorité plurielle : « plurielle », à nouveau, avec la petite phrase de R. Hue critiquant et regrettant la fermeture de Superphénix, après les appels plutôt à une cohésion renforcée de L. Jospin il y a quelques jours ?

R. : Quand on a l’honneur d’appartenir au Gouvernement de la République, on doit s’imposer un respect de la cohésion générale du Gouvernement. On ne peut pas d’un côté – enfin, c’est en tout cas ma morale de la vie publique – revendiquer des fonctions ministérielles, des places éligibles dans des listes aux élections régionales, et de l’autre, à un moment ou à un autre, exprimer des réserves ou se désolidariser de l’action du Gouvernement.

Q. : Ou alors, on part ?

R. : Moi, j’estime qu’une majorité, c’est une majorité. Le Gouvernement de la République forme un tout, il y a débat préalable, et une fois qu’on a débattu, on décide et on se soumet à la discipline collective. On ne peut pas construire, ni une entreprise ni un pays, s’il n’y a pas ce minimum de discipline collective à condition qu’il y ait eu un débat préalable, ce qui a été le cas.

Q. : Il y a de quoi être pessimiste, d’après vous ?

R. : Absolument pas du tout. Ce n’est pas un accroc qui se produit à un moment ou à un autre qui peut inquiéter. Je crois que, pour l’essentiel, ce Gouvernement va dans le bon sens et accomplit des réformes profondes : réforme de la justice, politique de l’emploi, réforme de l’éducation. Voilà quelques grands chantiers qui ont été ouverts avec efficacité et intelligence. Et le Gouvernement par ailleurs est mené de main de maître par le Premier ministre.

Q. : Pour revenir à la campagne du Parti socialiste pour les régionales, à partir de combien de conquêtes pensez-vous que la mission sera atteinte ?

R. : Je ne me risquerai pas ; je ne suis pas un spécialiste du Loto, encore moins du loto électoral.

Q. : C’est une ambition ?

R. : Mais l’ambition est de remporter le maximum de régions dans le souci de faire que la politique nationale que nous avons engagée dans tous les domaines, et notamment pour l’emploi et le développement économique, soit relayée par des présidents de région qui seront en harmonie avec le gouvernement national.

Q. : Vous qui avez été très proche de F. Mitterrand, en marge de l’affaire Dumas, quand M. Rocard dit que l’ancien Président aimait à s’entourer de gens « un peu à la limite » que ressentez-vous ?

R. : Je ressens surtout une certaine tristesse, et je déplore qu’un homme d’une grande intelligence comme M. Rocard s’abandonne ainsi à des propos de ce genre. Je crois que les règlements de compte, surtout à titre posthume, ou les ressentiments, ne sont pas les fondements d’une grande politique. Personnellement, j’ai fait mienne depuis longtemps cette devise – « Un pour tous, tous pour un » - lorsque l’on veut faire avancer les idées auxquelles on croit. Un peu de fraternité et d’amitié ça ne fait jamais de mal dans un combat collectif. Ajoutons que toutes ces histoires de génération, de ceci de cela, n’ont pas de sens. Le socialisme est une grande aventure collective, chacun apporte sa pierre à cette construction. Je crois que l’œuvre de F. Mitterrand est une œuvre qui a contribué précisément à assurer ma pérennité du mouvement socialiste. Je ne comprends pas ces règlements de compte : c’est étranger à ma mentalité, à ma culture et à ma conception des choses.

Q. : A contrario, comme M. Charasse, avez-vous tendance, a priori à faire confiance à R. Dumas ?

R. : C’est un autre sujet. Vous évoquiez les règlements de comptes, je n’accepte pas cette manière de faire. Si on devait ouvrir je ne sais quel procès, alors ouvrons les pour tous. Car permettez-moi de vous dire qu’un certain nombre de personnalités qui prennent des grands airs mériteraient aussi d’être soumis à un certain nombre d’interrogations. La question que vous posiez concernait R. Dumas. R. Dumas est un homme de grande valeur intellectuelle et morale. Il est l’objet, j’ai l’impression, de la part de certains juges, d’une suspicion. J’ai cru comprendre notre droit constitutionnel était fondé sur la présomption d’innocence, sur le respect de la vie privée. Je n’ai pas le sentiment que ces deux principes constitutionnels soient toujours respectés. Quand on invoque le droit – ce que font certains juges – il faut respecter le droit jusqu’au bout, et en particulier notre droit constitutionnel qui, je le répète, protège la vie privée et protège la présomption d’innocence. Voilà ce que je peux dire. Pour le reste, pour que chacun fasse son métier, et je voudrais me garder de toute polémique J’estime que toute personne haut placée, ou simple citoyen, a droit au respect de sa personne, de sa dignité et de sa vie privée. Cela vaut pour tous. Et puisque nous réfléchissons beaucoup à la réforme de la justice – E. Guigou est une excellente ministre – je crois qu’il faudra vraiment, dans ces futures réformes, autant protéger les magistrats contre les immixtions du pouvoir – ce qui n’est pas acceptable – que protéger les citoyens, quels qu’ils soient, de l’arbitraire. Y compris, éventuellement, de l’arbitraire des juges.

Q. : Donc il n’y a aucune raison, aujourd’hui, pour R. Dumas, de démissionner ?

R. : Pourquoi voulez-vous qu’il démissionne ? Il n’est pas mis en cause d’aucune manière, ni dans sa fonction de président du Conseil constitutionnel, qu’il exerce avec beaucoup de talent, d’honnêteté et de probité, ni sur aucun autre plan.