Texte intégral
L’année 1997 a confirmé plusieurs de nos intuitions. Premièrement, en ce qui concerne la lucidité des Français face aux manipulations politiques dont ils peuvent être un moment l’objet, l’exemple de la dissolution est encore dans la mémoire de tous. Deuxièmement, c’est le refus du fatalisme et la conscience qu’il existe toujours des marges de manœuvre pour l’action politique. Enfin, la troisième certitude que nous tirons de l’année 1997, c’est qu’il est possible de faire l’Europe sans défaire la France. Le passage à l’euro se fera en 1998 sans que des sacrifices supplémentaires aient été demandés aux Français. L’année 1998 s’ouvre dans un triple complexe. Un contexte économique marqué indéniablement par la reprise.
Que l’on regarde les chiffres de la production industrielle depuis plusieurs semaines, ceux de la consommation des ménages, notamment au mois de décembre, et y compris ceux d’un secteur qui été très en difficulté durant l’année 97, celui de l’automobile, il y a, à l’évidence, les signes de l’amorce d’une reprise économique. Ces signes sont encore renforcés par les résultats de nos exportations et surtout par l’excédent de la balance commerciale qui dépassera 180 milliards de francs, mais aussi par les niveaux des taux d’intérêts, en particulier les taux à long terme, qui seront historiquement bas. Ce n’est pas forcer le trait que de dire que la gauche et le gouvernement en sont les principaux artisans et même s’il y a sur le plan international des soubresauts en Asie, cela ne remet pas en cause les prévisions que l’on peut faire en termes de croissance. Le fait que le gouvernement n’ait pas pris de mesures défavorables aux ménages en 1997, pour rééquilibrer les compte-publiques et préparer le budget 98, est pour beaucoup dans le retour sur la confiance et de la croissance. Sur le plan social, le chômage reste le problème majeur de la société française. Le mouvement de protestations des chômeurs ne fait que renvoyer ce que l’on sait d’une société française malade du chômage de longue durée.
Quand il y a plus de trois millions de personnes exclues du marché du travail et plus d’un million de chômeurs de longue durée, il y a de la détresse sociale, de la misère et de la précarité. Les socialistes ont toujours exprimé leur solidarité à l’égard des défavorisés et nous le faisons à nouveau aujourd’hui en direction des chômeurs et plus particulièrement ceux qui sont frappés durablement par l’exclusion et le chômage de longue durée. Cette dureté des conditions de vie des plus démunis s’est encore aggravée depuis deux ans. On constate également, depuis deux ans, la dégressivité des allocations et de l’accès de plus en plus difficile aux fonds sociaux. Nous avons là une explication mais pas une réponse. La réponse est du côté de l’Unedic et le CNPF ne peut prendre la responsabilité du blocage. N’avons-nous pas entendu les responsables du patronat déclarer hier que l’Unedic n’est pas un bureau d’aide sociale et vouloir même bloquer des accords qui allaient de soi sur la couverture chômage des emplois-jeunes. Tout cela conduit à faire porter sur le CNPF une large part de responsabilités. S’il y a des chômeurs dans ce pays, c’est qu’il y a aussi des licenciements et peu d’embauches. Le patronat n’en porte pas seul la responsabilité, les gouvernements successifs en ont leur part, mais il règne au CNPF une grande hypocrisie. L’Unedic devra donc corriger certains de ses dispositifs et le CNPF ne pourra pas rester dans cette situation de blocage du dialogue social.
UNE POLITIQUE D’URGENCE POUR L’EMPLOI ET CONTRE LA PRÉCARITÉ
Le gouvernement a déjà pris des mesures importantes comme la revalorisation de l’allocation spécifique de solidarité, la mise en place d’un dispositif d’urgence, le déblocage des fonds liés à l’allocation de formation-reclassement et la prise en charge des frais de transport. Tout cela a été reconnu comme une première étape nécessaire, mais aujourd’hui il faut accélérer la préparation de la loi sur l’exclusion. A ce propos, il faut rappeler qu’en 1997 un texte était en discussion à l’Assemblé nationale et au Sénat sur l’exclusion. Ce texte avait été jugé par l’ensemble des associations comme utile au niveau du rappel des objectifs mais sans contenu et sans moyens financiers, ce qui était déjà une faiblesse quand on veut corriger des situations désespérées. Devons-nous rappeler que ce texte a été dissout en même temps que l’Assemblée nationale ? C’est au moment où les dispositions venaient d’être votées en première lecture à l’Assemblée nationale que le théoricien de la fracture sociale a fracturé sa majorité et le texte qui allait avec ? Dans ces conditions, reprenant un dossier à zéro, il faut bien évidemment accélérer la préparation de ce texte mais aussi lui donner un contenu. En attendant, il faut prendre des mesures d’urgence.
Les premières concernent tous les dispositifs d’aide aux chômeurs en grande difficulté, en particulier des mesures permettant d’accélérer les rattrapages sur l’allocation spécifique de solidarité. Si la droite est silencieuse c’est parce qu’elle sait bien que l’allocation spécifique de solidarité n’a pas été revalorisée depuis 1994. N’oublions pas que cette allocation est ce qui reste aux chômeurs quand ils n’ont plus rien. Il a fallu un gouvernement de gauche pour que soit revalorisée cette allocation et que les rattrapages nécessaires soient effectués.
Enfin, il y a des dispositifs permettant l’insertion des chômeurs de longue durée à mettre en place très rapidement et les moyens budgétaires prévus par la loi de finance l’autorisent. Il faut donner à ces personnes en situation de grande détresse un espoir, c’est-à-dire un emploi. A cet égard, il faut repenser, et Martine Aubry s’en préoccupe, le dispositif des contrats emplois-solidarité pour que des réponses soient données à ceux qui attendent de travailler. Ce mouvement des chômeurs renvoie d’urgence à une politique de l’emploi.
La politique de l’emploi c’est d’abord une politique de la croissance mais aussi une politique de l’emploi des jeunes et une politique de réduction du temps de travail. A cette fin, la Parti socialiste va prendre des initiatives d’information, de sensibilisation et de mobilisation en lançant une grande campagne d’information sur le thème des 35 heures. Cette campagne commencera le 25 janvier avec la réunion de l’ensemble de nos secrétaires de section et de nos têtes de listes aux élections régionales. Nous associerons très étroitement la campagne électorale des régionales à cette campagne d’information. Les conseillers régionaux et même les conseils régionaux, bien que ce ne soit pas leur compétence première, peuvent accompagner le dispositif de réduction du temps de travail par des mesures incitatives comme ils peuvent le faire également pour les emplois-jeunes.
LES TROIS OBJECTIFS DU PARTI SOCIALISTE
Le contexte politique est marqué par la préparation des élections régionales. Notre Convention du 20 décembre et le Bureau national du 6 janvier ont arrêté l’essentiel des listes socialistes pour les élections régionales. D’ici la dernière semaine de janvier, nous auront établi les listes d’union, lorsqu’elles sont possibles, avec nos partenaires de la majorité plurielle. Les rencontres bilatérales vont se poursuivre et une rencontre entre tous les partenaires de la gauche plurielle est envisagée à la fin du mois. Nous désignerons dans chaque région les porte-parole des socialistes. Nos objectifs pour cette élection sont clairs, une région de gagnée est un succès, deux régions sont un triomphe et les termes manquent pour dessiner le gain d’une troisième région. L’activité du Parti socialiste pour 1998, au-delà de la préparation des élections régionales et cantonales, se traduit par trois objectifs.
En premier lieu, poursuivre le débat d’idée au travers de plusieurs conventions thématiques. La première de ces conventions portera sur les relations entre l’État et les entreprises et se tiendra à l’automne 98. La convention sur Nation-Europe sera organisée au début de l’année 99 et sera préparée par un colloque, dès le mois de juin de cette année. Cette convention s’inscrira dans le cadre d’une préparation des élections européennes. Enfin, nous aurons une convention nationale sur le Territoire dans l’année 1999.
Notre deuxième objectif est d’approfondir nos relations avec l’ensemble de la gauche plurielle. Le caractère pluriel de la majorité a fait son succès. C’est parce qu’il n’y a pas eu de tentatives d’hégémonie d’aucun des partis la composant que l’opinion publique a eu le sentiment qu’il se construisait quelque chose d’original. Nous ne voulons pas perdre ce caractère original. C’est pour cela que nous devons accepter les différences des composantes de la majorité et avoir le souci du débat. En même temps, et parce que nous sommes au gouvernement, le principe de la solidarité gouvernementale s’applique. Cette solidarité est la condition même de la longévité du gouvernement. Nous continuerons donc nos rencontres afin de nous enrichir mutuellement de nos différences et débattre de nos intérêts communs.
Le troisième objectif des socialistes pour l’année 1998 est de peser dans les débats européens et internationaux. En 1997, nous avions envoyé des délégations dans les principaux pays européens afin de préparer, notamment, le sommet de Luxembourg. Nous poursuivrons cette méthode et nous travailleront à mobiliser à chaque fois que nécessaire les partis socialistes européens. Cette année sera marquée par les élections en Allemagne et nous profiterons de cette occasion pour réaffirmer notre solidarité avec les sociaux-démocrates allemands. De leur succès dépend une certaine réorientation de la construction européenne, en particulier sur l’emploi. Peser cela signifie s’exprimer librement sur des questions aussi sensibles et nécessaires que l’Algérie, le Proche-Orient, le Mexique ou tout autre dossier qui appel à la vigilance ou à l’intervention des socialistes. Aucun gouvernement ne déniera le droit aux socialistes français de parler de ce qui relève de l’horreur ou de la démocratie élémentaire. Nous préparerons également, tout au long de l’année 1998, le sommet de l’Internationale socialiste, présidée par Pierre Mauroy, qui se tiendra à Paris en 1999. En conclusion, nous voulons dire que les socialistes sont mobilisés, pas simplement pour préparer les élections ou soutenir le gouvernement, même si nous avons ce devoir, mais surtout pour défendre notre idéal et nous le ferons en 1998, et je l’espère pour de longues années encore.