Article de la CFE CGC paru dans "Encadrement Magazine" de février 1997, sur les problèmes spécifiques des femmes cadres dans leur vie professionnelle et la constitution d'un réseau de femmes CFE CGC.

Prononcé le 1er février 1997

Intervenant(s) : 

Circonstance : Colloque sur les femmes cadres organisé par la CFE CGC le 5 mars 1997

Média : Encadrement magazine

Texte intégral

Encadrement au féminin

Une porte s'est ouverte

À Nice, le 25 octobre 1996, lors du colloque européen organisé par la CEC (avec le concours de notre confédération) les femmes de la CFE-CGC qui étaient présentes ont trouvé une possibilité d'exprimer leurs problèmes spécifiques. Depuis quelques années, elles souhaitent être reconnues dans l'organisation autrement qu'en tant que cadres, techniciennes, agents de maîtrise, forces de vente seulement, mais aussi en tant que femmes.

En effet, hors de leur statut de femme, rien n'explique pourquoi elles sont moins bien payées en moyenne que les hommes, pourquoi elles n'ont pas un accès à hauteur de leur compétence dans les fonctions dirigeantes des entreprises.

C'est à travers la Confédération européenne des cadres (CEC) qu'on a pu poser à nouveau cette question, et grâce à la nouvelle équipe CFE-CGC issue du congrès de Deauville autour de Marc Vilbenoît que la confédération s'y implique effectivement et que la prise de parole des femmes s'affirme.

Quelques pistes à suivre

Les travaux préparatoires au colloque de Nice menés par les services confédéraux, les études qualitatives et quantitatives confiées à l'IRSEH et à l'IFOP, avaient consisté à donner la parole à des femmes cadres, en France, en Allemagne, au Danemark et en Espagne. Leurs interviews ont apporté des éclairages utiles à la question de la ségrégation dont elles sont l'objet pour l'accès aux postes de responsabilité.

Les obstacles majeurs à la carrière des femmes cadres, dans les postes dirigeants, sont culturels et relatifs au partage du temps. Culturels parce que lorsqu'une possibilité de promotion apparaît sur un poste dirigeant, les hommes qui ont le pouvoir de décider choisiront généralement un homme plutôt qu'une femme ; c'est « l'effet réseau » qui fait que l'on ne soutient vraiment que les gens que l'on connaît, et dans les réseaux de pouvoir, les femmes sont encore très peu présentes. Culturel, c'est également l'idée qu'ils ont de l'indisponibilité d'une femme mère de famille, de façon générale.

Et environ deux tiers des femmes s'inscrivent dans cette « logique du temps » lorsqu'elles disent préférer une moindre responsabilité professionnelle et un équilibre familial plutôt qu'une plus grande responsabilité au détriment du foyer – des enfants surtout. Il est donc inexact de parler des problèmes des femmes en général.

Il faut souligner qu'un tiers d'entre elles n'ont pas de problèmes car elles font le choix personnel de privilégier la logique de carrière dans leur champ d'activité ; c'est généralement une logique codifiée à l'origine par les hommes. Ces femmes sont celles qui prétendent qu'il n'y a aucune difficulté pour celle qui veut réussir.

Les deux tiers qui veulent réussir une harmonie entre le temps carrière et le temps familial, au contraire, demandent que l'action collective en faveur de leur cause porte en premier lieu sur les conditions du travail et la pression exercée sur les cadres aujourd'hui.

Comme nous ne voulions pas en rester à ces constats intéressants formulés à Nice, nous avons mis en place des groupes de créativité composés de femmes de l'encadrement, sous l'animation d'une sociologue. Les propositions qui ont été élaborées dans ces groupes de travail ont été rendues publiques au cours d'un nouveau colloque – CFE-CGC cette fois – le 5 mars 1997, sous le haut patronage d'Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'Emploi.

Les suggestions essentielles présentées par les femmes cadres au colloque du 5 mars 1997

Les femmes qui contribuent à la réflexion confédérale sur les questions relatives à leur carrière et aux conditions d'une véritable égalité professionnelle ne se sont pas censurées dans leur démarche. C'est le principe même de la « créativité ».

De ce fait, les pistes de réflexion qui suivent ne sont pas encore des propositions ni des positions arrêtées par la Confédération. Ce sont des suggestions versées au débat, qui s'enrichiront des apports du colloque et alimenteront l'élaboration d'une plateforme pour les femmes cadres de la CFE-CGC.

Mieux utiliser dans l'entreprise le rapport annuel de situation comparée sur les conditions générales d'emploi des femmes et des hommes.

La meilleure façon d'obliger chaque responsable à penser égalité professionnelle en matière de gestion des ressources humaines est de revitaliser le débat périodique (annuel) sur la réalité de la situation respective des femmes et des hommes dans l'entreprise. Le bilan social et le rapport de situation sur l'égalité professionnelle devront comporter des indicateurs en matière de recrutement, de formation, de carrières, d'organisation du temps de travail, pour une meilleure lisibilité et un véritable diagnostic de la situation de l'entreprise sur ce sujet.

La CFE-CGC propose de constituer un groupe de travail pour réfléchir à ces critères. Elle renforcera la formation de tous ses adhérents et de tous ses élus, pour qu'ils participent de façon plus active et plus constructive à ce débat.

À tous les niveaux, intégrer à la gestion des ressources humaines un objectif d'égalité des chances entre les femmes et les hommes.

Sur la base du rapport de situation comparée et du bilan social, des objectifs chiffrés seront affichés en matière de recrutement, de formation, de carrières et d'accès à des postes de responsabilités.

Les objectifs chiffrés sont nécessaires au pilotage des actions et des démarches volontaristes, mais ils n'ont pas l'inconvénient des quotas d'être contraignants et de pouvoir conduire à des contre-exemples. De tels objectifs constitueront au contraire autant d'incitations et d'outils de progrès au service d'un rééquilibrage effectif et progressif et de l'accès de femmes aux postes de responsabilités.

Évidemment ces objectifs se conçoivent négociés dans le cadre de plans d'égalité professionnelle.

Développer à l'intérieur de l'entreprise des actions de formation/sensibilisation à l'égalité des chances.

On ne pourra agir sur les freins culturels que par des actions de sensibilisation et de formation de tous ceux qui sont ou seront un jour en position de décideur. Bien évidemment il faut que les formations initiales de cadres effectuent cette sensibilisation et cette formation.

Mais on ne peut pas attendre l'effet à long terme de cette formation. Il faut, dès à présent, toucher ceux qui sont dans l'entreprise. La formation professionnelle continue est le vecteur le plus propice. Nous devons faire inscrire dans les plans de formation qui sont débattus devant le comité d'entreprise, les modules de formation/sensibilisation pour tous les responsables opérationnels et de ressources humaines.

Promouvoir chaque fois que possible l'étude de l'adaptation de la semaine de quatre jours pour les cadres dans l'entreprise.

La semaine de quatre jours se présente comme une mesure générale susceptible de correspondre à un aménagement du temps de travail compatible avec le métier d'encadrement et avec une forte implication dans le travail. Par sa généralisation cette formule permettra d'atteindre plus rapidement les objectifs d'égalité professionnelle.

En articulation avec la semaine de quatre jours, la démarche « compte épargne-temps » est une voie qui permet d'intégrer les aspirations et les contraintes sur une période longue, les « 32 années payées 40 » de la CFE-CGC. Les congés spécifiques, maternité et parental, s'inscriraient alors dans la démarche globale et commune aux femmes et aux hommes.

Développer des emplois de service « d'environnement familial », aide maternelle à domicile, assurance enfants malades.

Les femmes de l'encadrement souhaitent pouvoir disposer de services qui répondent à leur exigence d'équilibre entre la vie professionnelle et la vie familiale. Par exemple, lorsqu'elles sont mères de famille, elles souhaitent pouvoir faire appel à des services d'aide maternelle à domicile, en particulier en cas de maladie de leurs enfants.

Il convient d'assurer pour cela la pérennité du dégrèvement fiscal pour emploi à domicile au motif que ces situations contribuent aux dynamiques de création d'emplois.

Il y a lieu aussi d'améliorer le statut et la rémunération de ces emplois pour favoriser dans cette voie le développement d'activités réellement qualifiées.

Constituer un réseau des femmes CFE-CGC

Les femmes de la CFE-CGC ont conscience que le fait d'être moins nombreuses et moins présentes dans les lieux de pouvoir et moins aptes à mobiliser des réseaux professionnels, syndicaux, politiques, ou associatifs, était une faiblesse pour agir favorablement sur leur carrière.

Il est important d'encourager et d'aider les femmes à participer au maximum aux multiples réseaux qui se sont formés.

La première étape de cette démarche sera la création du réseau des femmes de la CFE-CGC qui pourra travailler sur les thèmes généraux de l'organisation du point de vue des femmes CFE-CGC.

La suite de l'action

Nous n'avons pas voulu que le dossier des femmes de l'encadrement se limite à « un coup médiatique ». Le colloque du 5 mars verra de nombreuses interventions extérieures enrichir les réflexions initiées par les femmes de la CFE-CGC.

Mais la démarche dans laquelle nous sommes engagés continuera au-delà. Après ce colloque, une plate-forme sera concrétisée et diffusée avant l'été 1997.

L'objectif de la Confédération est de contribuer à ouvrir et animer le débat sur l'égalité professionnelle, parce qu'elle pense que ce débat est juste et indispensable.

Il est un écho à la démarche européenne, car les valeurs fondatrices de l'Europe portent haut l'égalité professionnelle. Nous défendons le modèle social européen, nous ne pouvons qu'être en phase avec la défense de l'égalité professionnelle.