Texte intégral
Le Journal du Dimanche : Faut-il parler d’« emplois nouveaux » ou de « métiers nouveaux » ?
Alain Madelin : Ni l’un ni l’autre, il faut regarder la question du travail un œil neuf. La clé de la création d’emplois est l’innovation.
Le Journal du Dimanche : Pensez-vous qu’il y ait des « gisements » d’emplois à découvrir ?
Patrick Zelnick : Il y a des « opportunités » et celles-ci se multiplient à l’infini par l’évolution vers ne société de services et de loisirs dont l’ambition sera de plus en plus l’amélioration de la qualité de la vie.
Alain Madelin : Le mot « gisement » suppose que des emplois préexistent et qu’il suffit de les trouver comme un trésor. Le trésor, il est à imaginer ! Le drame aujourd’hui est que les vieux emplois s’écroulent et les nouveaux tardent à naître. Mon but est précisément d’encourager les naissances.
Le Journal du Dimanche : Quelle idée de métiers nouveaux avez-vous ?
Patrick Zelnick : Taxis-moto pour être à l’aéroport en un quart d’heure !
Alain Madelin : Taxis-service-vacances, qui vous prend à la maison, s’occupe des enfants, des bagages, de l’enregistrement des billets.
Patrick Zelnick : Gardiens d’animaux domestiques, aide à l’installation dans un nouvel appartement, quelqu’un qui s’occupe des démarches administratives (EDF, téléphone) met en liaison plombiers, peintre, etc. Animateur de quartier qui, en accord avec la mairie et les commerçants, monte des événements
Alain Madelin : Îlotier commercial, quelqu’un choisit un bloc de rues, et fait office de terminal d’offres et de demandes. Il met en relation les habitats et les fournisseurs de services ou de produis (pressing, transport et garde d’enfants, réparations ménagères, traiteurs à domicile…). Il peut être le correspondant de réseaux de distribution de multiples produits, tels les produits de terroir, de vins de qualité avec livraison rapide.
Patrick Zelnick : Les gens demandent des produits de qualité, le débat sur le pain en France m’a ahuri. Le pain aurait toujours dû être bon. Aux États-Unis, en Angleterre, j’en mangeais de meilleur qu’en France, ce qui me déprimait. Si les « Mc Do » nous ont envahis, c’est aussi que le jambon-beurre, n’était pas bon.
Le Journal du Dimanche : Mais tout ça, ce ne sont que des petits boulots !
Alain Madelin : Petit métier deviendra grand ! Il n’y a pas de petits métiers, pas de sots métiers, il y a mutation, nous devons nous adapter. Prenez celle des rythmes scolaires, qui est une volonté forte du Président de la République, autant qu’une nécessité, elle peut faire naître des tas d’activités nouvelles.
Patrick Zelnick : Et puis il y a toutes les nouvelles technologies liées à l’informatique, à la communication. Connaissez-vous « Sim City 2000 », un jeu qui vous apprend à gérer une ville, embauche des pompiers, lève les impôts, etc. ? On peut aussi apprendre, par jeu, à créer une station de skis, bientôt une entreprise. Les mentalités vont bouger.
Alain Madelin : Le « club Med » a été une véritable école d’animateurs. Il a contribué par exemple à développer toute une série de sports qui a généré d’autres activités.
Patrick Zelnick : Et puis, créateur de sites, producteur de lieux de commerce et de culture (tels le Carrousel du Louvre ou les Halles). Il existe vraiment des multitudes d’opportunités liées à l’évolution des modes de vie, à l’environnement, l’écologie, la recherche du mieux-être. J’adore le scrabble, je cherche des scrabble-cafés, comme il y a des cyber-cafés. Souvent, on ne trouve pas le savoir-faire correspondant aux besoins, et ce savoir-faire n’est pas forcément le résultat d’un enseignement scolaire ou universitaire. Pour organiser des concerts, il suffit d’aimer la musique !
Le Journal du Dimanche : Tout cela peut-il marcher à croissance faible, comme aujourd’hui ?
Alain Madelin : Tout cela fabrique de la croissance ! Quelqu’un a une idée, investit dans le matériel, embauche une personne et, quelques mois plus tard, cela se retrouve dans les statistiques de croissance.
Patrick Zelnick : Exactement, c’est l’offre qui crée la demande. Souvent, il suffit d’un homme pour faire naître un projet et cela donne des idées aux autres.
Le Journal du Dimanche : Certains disent : si les femmes ne travaillaient pas, y aurait-il moins de chômage...
Alain Madelin : Mais, c’est monstrueux cette idée, c’est « l’horreur économique » ! Comme si le travail était un champ clos. Le travail crée le travail, et notre manifestation demain soir prend l’exact contre-pied de cette vision pessimiste, désolante et malthusienne de l’emploi. Vous entrez dans une salle de belote, toutes les places sont prises : vous attendez qu’une place se libère ou vous allez chercher une autre table, trois partenaires pour créer une partie nouvelle ?
Le Journal du Dimanche : Vous assurez que le plein emploi est encore possible ?
Patrick Zelnick : Le travail est illimité dans une société de services fonctionnant 7 jours sur 7, nuit et jour. L’évolution est possible dans le cadre d’une concertation sociale permanente et sans déréglementation sauvage.
Alain Madelin : Oui le travail et illimité. Nous reverrons, très vite, une société offrant un travail à tous, dans un tissu de micro-entreprises et de travailleurs indépendants. Le débat sur la réduction du temps de travail est un débat franco-français qui n’existe nulle part ailleurs.