Interview de M. Alain Deleu, président de la CFTC, dans "Le Dauphiné libéré" du 27 octobre 1996, paru dans "La Lettre confédérale CFTC" du 11 novembre 1996, sur le climat social, le chômage et la formation professionnelle.

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Média : La Lettre confédérale CFTC - Le Dauphiné libéré - Presse régionale

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Pierrick Le Pezennec : Alain Deleu, quel regard portez-vous sur les mouvements sociaux de cet automne ?

Alain Deleu : Nous sommes inquiets. À la fois en ce qui concerne le climat social général, mais aussi et surtout parce qu’il existe une perte de confiance dans notre pays. Ce qui est le plus regrettable, c’est que j’estime que nous avons les atouts nécessaires pour sortir de la crise.

Pierrick Le Pezennec : Quelle est la position de votre syndicat ?

Alain Deleu : Nous voulons participer au débat de façon constructive. La C.F.T.C. se veut une force de proposition. Selon nous on peut réussir et remporter cette bataille contre le chômage. Pour ce faire, il faudra se battre avec les salariés. C’est eux qui pourront gagner.

La méthode gouvernementale employée aujourd’hui ne me semble pas être la meilleure. On distribue sans cesse plus d’aides publiques aux chefs d’entreprise, dont l’objectif est de faire des profits. Je pense que l’on devrait, sous une forme à définir, en faire profiter les salariés. Il faut réapprendre à faire confiance à l’homme.

Pierrick Le Pezennec : En faisant appel à plus d’humanisme, vous prouvez que vous faites toujours confiance aux valeurs traditionnelles incarnées par la C.F.T.C…

Alain Deleu : Bien sûr ! En fait, chacun a son destin en main, chacun doit assurer son avenir par lui-même. Le salut ne viendra pas d’en-haut.

Nous comptons également beaucoup sur le dialogue. Salariés, partenaires sociaux, patrons et pouvoirs publics… Il faut se parler. C’est un peu comme dans une équipe de foot. Si on ne se parle pas, les résultats ne suivent pas. Je dis souvent à mes Unions départementales : « ne soyez pas fermées ». Au contraire, il faut s’ouvrir sur tous les partenaires, y compris les autres syndicats. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si j’entends souvent les pouvoirs publics dire : « Les partenaires sociaux sont empoisonnants, mais on ne peut rien faire sans eux. »

Pierrick Le Pezennec : Parler d’accord, mais avez-vous le sentiment que vous êtes écoutés, par le gouvernement notamment ?

Alain Deleu : Écoutés, oui. Mais entendus, non ! Bien sûr, dans certains domaines, il existe quelques points positifs. Dans d’autres, en revanche, on ne peut que constater des accrochages.

Pierrick Le Pezennec : Par exemple ?

Alain Deleu : Nous sommes dans une société qui conduit à l’échec. La précarité gagne sans cesse du terrain. Nombreux sont les obstacles qui se dressent devant les sans-emploi, voire les salariés. Et même si un ancien champion de la course d’obstacles fait aujourd’hui partie du gouvernement, beaucoup de gens tombent en cours de route.

Pierrick Le Pezennec : Quel est votre sentiment sur la formation et « l’entreprise citoyenne », les thèmes abordés au cours de votre visite à Chambéry ?

Alain Deleu : J’ai été très intéressé par la visite de la Maison de la promotion sociale. La formation continue est un outil primordial. On m’a raconté l’exemple de ces moniteurs de ski qui sont venus effectuer un stage de langues. Aujourd’hui, il faut valoriser ses compétences. Certains l’ont bien compris. On doit traiter les salariés et les demandeurs d’emploi comme des adultes. Chacun doit être maître de son orientation et de sa formation.