Éditoriaux de M. Alain Deleu, président de la CFDT, dans "La Lettre confédérale CFDT", des 4, 11 et 18 novembre 1996, sur la réduction du temps de travail, les négociations sur l'UNEDIC et la flexibilité.

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Média : La Lettre confédérale CFTC

Texte intégral

Date : 4 novembre 1996
Source : La Lettre Confédérale – CFTC

Un an déjà

Le 31 octobre 1995, le patronat français et les confédérations syndicales signaient deux accords particulièrement novateurs. Le premier marquait une petite révolution : on se mettait d’accord pour négocier par branche et dans les entreprises la réduction et l’aménagement du temps de travail. Le second rendait possible la négociation sous contrôle syndical ou paritaire dans les petites entreprises dépourvues de syndicat. Ainsi s’ouvraient de nouvelles perspectives pour l’action de la CFTC et son développement dans les PME.

Après quelques années de léthargie, le paritarisme redressait la tête. Nous en savions l’enjeu. Une société aussi complexe et fragile que la nôtre ne peut reposer sur la seule relation entre les autorités politiques et les citoyens. Les corps intermédiaires que constituent les syndicats d’employeurs et de salariés apportent les régulations, les initiatives, les coordinations indispensables.

Malheureusement, pour une réforme nécessaire de la Sécurité sociale, quinze jours plus tard, le gouvernement a cassé cette dynamique en entrant dans le jeu des divisions syndicales. Nous ne cesserons de dire que la France a besoin de syndicats réformistes. Ce n’est pas en rejetant les uns pour finalement négliger les autres, que l’on sert l’avenir du pays.

D’ailleurs le résultat est là. La réforme de la Sécu tarde à produire ses premiers résultats financiers. Les premières décisions de la Caisse d’assurance maladie ont été désavouées. La dynamique paritaire se heurte à de fortes résistances aussi bien dans les instances patronales que dans les syndicats. La négociation sur l’assurance chômage permettra-t-elle de repartir du bon pied ? La multiplication des plans sociaux et l’inquiétude dans plusieurs secteurs importants rendent l’opération très délicate. La CFTC sera fidèle à elle-même, par ses propositions et sa volonté de négocier.


Date : 11 novembre 1996
Source : La Lettre Confédérale - CFTC

Manifester les attentes des salariés et des demandeurs d’emploi.

Le Bureau confédéral a tenu une réunion spéciale pour examiner les différentes propositions des autres organisations syndicales, après les initiatives que nous avions prises nous-mêmes, notamment pour la préparation de la négociation UNEDIC. Bien entendu le Bureau est favorable à des rencontres bilatérales, afin de confronter les analyses et les projets des uns et des autres.

Nous sommes conscients des attentes des salariés, des chômeurs et de leur famille. Nous mesurons l’ampleur du mécontentement, non seulement dans le secteur public, mais aussi dans le secteur privé, même si les conflits ouverts y sont freinés par la pression du chômage. Les manifestations de l’industrie textile viennent encore d’en fournir un exemple. Il est du devoir des confédérations de permettre à ce mécontentement de s’exprimer pleinement. Cela signifie que la CFTC est prête à débattre, au niveau confédéral, d’une initiative interprofessionnelle. Mais nous posons nos conditions. Nos organisations ne sont pas décidées à s’engager dans n’importe quelle opération fourre-tout, démagogique ou anti-gouvernementale.

Nous participerons à une action unitaire, si elle est sans équivoque et délimitée dans ses formes et ses objectifs. Nous voulons également lui donner un caractère constructif. Au fond, dans l’esprit de notre document d’orientation du congrès de Nantes, nous souhaitons que les salariés et les chômeurs puissent manifester massivement leur dignité de travailleurs et leur exigence d’être traités comme tel.

Sans nous engager dans les polémiques politiciennes sur « l’autre politique », nous revendiquons une autre pratique, une autre conception de la politique économique et sociale, pleinement respectueuse des réalités, à commencer par la plus fondamentale : la valeur sacrée du travail humain.

Nous sommes prêts à le dire avec d’autres.


Date : 18 novembre 1996
Source : La Lettre Confédérale - CFTC

Flexibilité : la fausse route

Les salariés de nombreux secteurs s’inquiètent légitimement pour leur emploi, comme par exemple le manifestaient les personnels des établissements financiers le 15 novembre. Les annonces de plans sociaux continuent, à l’instar des déclarations des patrons de l’automobile qui demandent l’aide publique pour supprimer des dizaines de milliers d’emplois.

C’est dans ce contexte-là que revient à l’ordre du jour l’idée de la flexibilité. Idée suggérée, aussitôt démentie mais commentée… et lancée.

Une fois de plus on cherche la responsabilité du chômage du côté des salariés, qui seraient trop rigides, trop solidement attachés à leur emploi.

Celte offensive nous rappelle celle qui fut menée il y a dix ans contre le contrôle administratif des licenciements. La suppression de ce contrôle était sensée libérer l’esprit d’entreprise des employeurs privés. Ils allaient embaucher des centaines de milliers de personnes. Bien entendu les choses ont été bien différentes. Un peu de créations d’emploi, mais aussi bien des licenciements de salariés jugés trop coûteux parce que trop âgés : les licenciements de confort.

Mais en 10 ans le contexte social s’est aggravé. La précarité, l’insécurité sociale, se sont étendues. Ajouter encore à la fragilité serait dangereux et inacceptable.

N’entrons pas dans ce jeu. Les employeurs qui veulent licencier, le peuvent. Provoquons-les à l’essentiel : la motivation des salariés, la reconnaissance de leur travail, la volonté de développement de l’entreprise, et tout le monde y gagnera.