Texte intégral
P. Lapousterle. - Vous étiez favori à la veille du premier tour et maintenant on vous présente, ce matin, comme l'outsider du deuxième tour qui aura lieu après-demain. C'est décourageant comme situation ?
J.-P. Delevoye. - « Non pas du tout, c'est plutôt des commentaires déconcertants puisque du statut de l'inconnu, je termine en première place au premier tour et j'en suis tout à fait honoré, et immédiatement les commentaires disent : « Il arrive premier, il est battu. » Je trouve ça assez extraordinaire. Deuxièmement, nous sommes passés au statut de « Tous contre Delevoye » parce que probablement je suis celui qui dérange, celui qui apporte le plus de nouveautés, de changements, je suis l'homme neuf de cette compétition. Et immédiatement, personne n'analyse que les militants ont souhaité ne pas être godillots au premier tour – ils ont manifesté leur indépendance –, ils ne le seront pas au second tour. Au second tour, ils ne choisiront pas une alliance, ils choisiront un projet et un projet de société. »
P. Lapousterle. - Et vous pensez qu'ils n'obéiront pas aux consignes de leur chef de file ?
J.-P. Delevoye. - « Ah, j'en suis convaincu. Les militants, tout au long de cette campagne ont écouté, ont analysé, ont pesé les arguments des uns et des autres et ont manifesté leur volonté d'indépendance. »
P. Lapousterle. - Donc, vous pensez être élu ?
J.-P. Delevoye. - « Bien évidemment ! »
P. Lapousterle. - M. Fillon hier, qui accompagnait Mme Alliot-Marie dans un meeting, a une petite accusation envers vous. Il a parlé de vous en parlant de “ceux qui ont recours à certaines vieilles méthodes”, faisant allusion évidemment à des tricheries dont votre camp aurait été responsable ?
J.-P. Delevoye. - « Oui, attention aux petites phrases. Je crois que les uns et les autres semblent perdre leurs nerfs en fin de campagne et puis en plus quelquefois on peut être dans la situation de l'arroseur arrosé parce que je voudrais ici rendre un hommage à R. Muselier qui a été injustement accusé, comme par hasard, alors qu'aujourd'hui la commission de contrôle qui a fait son travail a pu vérifier que la tenue de la fédération des Bouches-du-Rhône était exemplaire et que R. Muselier s'attache à faire en sorte que sa fédération serve d'exemple, tant dans sa stratégie d'union avec J.-C. Gaudin que dans son aspect militant. Je voudrais, là aussi, faire en sorte qu'on se souvienne que le premier candidat qui a demandé à ce que ces élections se fassent dans la plus grande transparence, ce fut J.-P. Delevoye. C'est moi qui ai demandé à ce que ces élections se déroulent sur un jour, que les votes par correspondance soient limités aux Français de l'étranger et aux Dom-Tom, et de faire en sorte que nous ayons des élections démocratiques qui ne soient en aucun cas contestables. Alors, je voudrais ramener un peu tout le monde à la raison et aller à l'essentiel, que voulons-nous faire du RPR et comment nous, allons-nous nous retrouver pour défendre nos positions. »
P. Lapousterle. - Si les militants désignaient M. Alliot-Marie présidente du RPR, vous accepteriez la proposition qu'elle a renouvelée hier, d'ouvrir la direction du parti à tous ceux qui ont été contre elle, c'est-à-dire vous-même. Vous feriez partie de son équipe ?
J.-P. Delevoye. - « L'élection, ce n'est pas un partage de poste, ce n'est pas un partage de moyens, ce n'est pas une addition de courants. Ce qui me paraît important c'est que le président sera élu pour un projet, choisi par les militants s'impose à tous et à moi en particulier. Et donc, dès le soir de l'élection, si je ne suis pas élu, je serai à la disposition de mon président, comme simple militant pour mettre mes compétences à la disposition du projet qui aura été choisi par les électeurs. Je n'ai plus qu'un autre, “revendication à”. »
P. Lapousterle. - Mais vous accepteriez de faire partie de l'équipe dirigeante du RPR ?
J.-P. Delevoye. - « Si mes compétences sont nécessaires, je serai bien évidemment à la disposition de celles et ceux qui dirigeront ce mouvement. »
P. Lapousterle. - Hier le groupe socialiste à l'Assemblée nationale a décidé de déposer un projet de loi constitutionnelle pour instaurer le droit de vote des étrangers pour les municipales. C'est une idée que vous trouvez intéressante, vous qui êtes président de l'Association des maires de France, donc qui connaissez ce problème particulièrement bien ?
J.-P. Delevoye. - « Écoutez, ça fait partie des coups politiques ou des agitations politiques parce que chacun sait que de toute façon ce projet ne peut pas être, en l'état actuel des choses, mis en place avant 2007 voire 2010. Je suis réservé sur ce sujet et pour tout dire opposé. Je crois qu'aujourd'hui, toutes celles et ceux qui habitent dans nos communes ont la faculté d'être consultés sur la forme de référendum d'initiative locale, sur des problèmes qui concernent… »
P. Lapousterle. - Il n'y en a pratiquement pas !
J.-P. Delevoye. - « Non, mais il peut y en avoir. Je veux dire que les gens habitant dans une commune, quelle que soit leur nationalité, soient consultés, la réponse est « oui. » Qu'ils puissent voter, la réponse est « non », parce que le vote, c'est aussi l'exercice de la citoyenneté et d'être reconnu comme Français. »
P. Lapousterle. - Y compris pour les municipales ?
J.-P. Delevoye. - « Y compris pour les municipales. Qui plus est, on peut laisser entendre un piège pour ces étrangers, car on pourrait leur laisser croire que le droit à voter aux élections municipales leur donne quasiment un droit à exiger la nationalité ultérieurement. C'est un pas qui me paraît tout à fait dangereux. Moi, je crois qu'il vaut mieux aujourd'hui avoir une réflexion sur la politique de l'intégration, qui est aujourd'hui un échec : comment faire en sorte que celles et ceux qui vivent sur notre territoire puissent appréhender nos valeurs, faire en sorte qu'ils puissent vivre dans la communauté nationale, plutôt que de faire cet exercice qui est une agitation inutile. »
P. Lapousterle. - Vous avez affirmé avant-hier soir que vous voteriez contre la révision constitutionnelle le 24 janvier prochain sur le projet de loi Guigou. Est-ce que votre avis pourrait être changé ou modifié, après l'annonce hier par Mme Guigou, la Garde des Sceaux, de la future responsabilité des juges ?
J.-P. Delevoye. - « On peut toujours évoluer dans ses positions si les propositions vont dans le bon sens. J'ai regardé ce texte. D'abord, je conteste la présentation selon laquelle Mme Guigou donne des gages aux parlementaires de droite qui exigent en contrepartie la responsabilité pénale et personnelle des élus. Ce n'est pas un marchandage. »
P. Lapousterle. - C'était une demande de l'opposition, ça !
J.-P. Delevoye. - « La demande de l'opposition c'est de faire en sorte que l'on puisse avoir par rapport à un pouvoir un contre-pouvoir. C'est ça le problème. Aujourd'hui, ne mettons pas en place une instance de contestation des jugements rendus, car sinon nous ferions à nouveau un appel à la justice injuste, et donc ça serait une capacité pour les plaideurs systématiques de pouvoir contester les décisions de justice. Faisons-en sorte de regarder et d'analyser comment un magistrat puisse être responsabilisé lorsqu'il y a un abus de pouvoir de sa fonction. C'est toute la difficulté, car on confond en même temps la grandeur de l'institution, et quelquefois la petitesse des comportements. Et je pense que dans ce pays, il faut que nous réfléchissions à l'équilibre entre pouvoir et contre-pouvoir. Et dans l'état actuel des choses, telles qu'elles nous sont présentées, je ne suis pas convaincu que le texte donne toute satisfaction. »
P. Lapousterle. - Vous demandez un report du congrès, est que ça vous paraît trop rapide ?
J.-P. Delevoye. - « Je crois que c'est au gouvernement à prendre sa responsabilité. Je trouve qu'à partir du moment où le gouvernement a demandé la tenue d'un congrès, le président de la République s'est conformé aux désirs du gouvernement, tout en émettant des nuances, en demandant à ce que le gouvernement soit attentif, à ce que son texte soit équilibré. Ce qui n'est pas le cas actuellement. Si le gouvernement estime – ce que je crois – que le texte n'est pas équilibré, en tant cas n'est pas ficelé – ce qui est quand même incroyable, c'est que le Gouvernement demande la tenue d'un congrès alors que son texte de loi n'est pas complet – je crois qu'effectivement, soit le report s'impose soit le texte sera sanctionné. »
P. Lapousterle. - Corse : vous approuvez la décision de L. Jospin de recevoir dans les 12 jours maintenant tous les députés et les élus corses, y compris les nationalistes ?
J.-P. Delevoye. - « Non. J'ai clairement indiqué dès le départ que si je suis toujours favorable au dialogue, il faut quand même s'interroger sur ces virages centre quatre-vingts à trois cent soixante degrés. On assiste il y a quelques mois, à un préfet qui malgré les avertissements des uns et des autres, a mis en place des organisations, je dirais parallèles – et qu'on ne me fasse pas croire que personne n'était au courant – et aujourd'hui on est en train de “squeezer” complètement les services de l'État locaux puisqu'on est en train de demander aux élus de venir discuter directement à Matignon. Or, le dialogue républicain se fait sur place. La négociation des contrats de plan, le Premier ministre s'est rendu sur place, donc on voit bien que le dialogue existait. Et puis enfin, je trouve tout à fait particulier cette diabolisation systématique de la droite depuis des années sur le fait que la droite a osé discuter avec des gens qui contestaient l'autorité de l'État et aujourd'hui cette espèce de tâche blanche : on efface tout et on accepte de recevoir à Paris, de la façon la plus officielle, des gens qui n'ont pas condamné l'attentat d'un préfet de la République. »
P. Lapousterle. - Ils sont élus !
J.-P. Delevoye. - « Oui, mais attendez ! La gauche n'a pas cessé de diaboliser les bons élus et les mauvais élus dans ce pays. C'est-à-dire qu'on fait de la démocratie à géométrie variable en fonction des intérêts électoraux. Je crois qu'aujourd'hui la morale républicaine mérite que l'on soit intransigeant sur les principes et qu'on n'ait pas des principes à géométrie variable. Ce que je constate aujourd'hui. »