Article de M. Pierre Zarka, membre du secrétariat du comité national du PCF, dans "L'Humanité" du 28 février 1998, sur le débat sur la répartition des fruits de la croissance, intitulé "Dynamiser la croissance".

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  • Pierre Zarka - Membre du secrétariat du comité national du PCF

Média : L'Humanité

Texte intégral

L'annonce d'une reprise de la croissance relance le débat sur les choix économiques et sociaux à prendre. « Il est urgent d'attendre et de privilégier les grands équilibres financiers », disent les uns. « Il est de bonne justice de répartir les fruits de la croissance, notamment en faveur des plus défavorisés » disent les autres. Mais présenté ainsi ce dernier discours est singulièrement limité. Il pourrait laisser croire qu'il s'agit de mettre à profit la moindre embellie pour, au nom de la justice sociale, prendre le risque de ponctionner l'économie, voire de handicaper l'avenir. Penser ainsi présenterait la justice sociale comme un sacrifice aux antipodes de l'efficacité économique, la consommation comme un coût, les investissements comme une dépense. Mais cela fait vingt ans que l'économie et la société française crèvent littéralement d'une telle conception. Et c'est bien la traque poussée jusqu'à la manie de toutes ces dépenses qu’institutionnalise l'adhésion à l'euro. Il faudra bien un jour considérer que non seulement les besoins humains sont la finalité de l'économie, mais que ces besoins, c'est-à-dire l’emploi - et les investissements qu'il suppose -, la consommation, la qualification, la santé, la culture sont les principaux moteurs de développement.

Le mot répartition est donc faible et ambigu. Il s'agit plutôt de se demander si les fruits de la croissance vont être utilisés à boucher des trous, à réduire des déficits pour que la France est droit à sa médaille au moment du passage à la monnaie unique, ou si enfin on va avoir une conception dynamique du développement économique. Va-t-on utiliser les fruits de la croissance, même s'ils sont modestes, surtout s'ils sont modestes, surtout si elle est précaire comme semble le redouter Lionel Jospin, pour générer encore davantage de croissance ? Si on augmente les bas et moyens salaires, les minima sociaux, nous pouvons parier que ce sera autant d'argent qui n’ira ni en Suisse ni en spéculation, mais qui deviendra de la consommation, c'est-à-dire des débouchés pour les entreprises, ce qui, je crois, n'est pas mauvais pour l'emploi. Comme quoi le gouvernement pourrait faire davantage pour les chômeurs. La crise asiatique conduit les Américains a suggéré aux Japonais d'accroître la consommation populaire, des commentateurs à considérer que si la Chine passe à travers l'orage, elle le doit essentiellement à l'immensité de son marché intérieur. Si l'on veut, comme l'a répété le Premier ministre, appuyer la société sur le travail, alors il est grand temps de revaloriser les dépenses en faveur du monde du travail et des équipements. Ce sont des placements sûrs. C'est en partageant mieux le gâteau qu’on le fait grandir.

Le mieux serait encore de se souvenir que le pouvoir d’achat, la consommation et l'emploi sont les meilleurs moteurs de l’économie.

Depuis deux décennies, les affairistes ont détourné l'argent de sa fonction économique pour le drainer vers des placements financiers. Cela a débouché à la fois sur des fortunes colossales et sur le chômage, la précarité, le délitement de la société. C'est dire toute l'urgence de ne pas continuer sur cette voie, de réorienter la construction européenne. La politique est d'abord une question de choix, et dans la vie on ne peut pas faire plaisir à tout le monde à la fois.