Interview de M. Charles Millon, ministre de la défense, dans "Le Parisien" du 23 décembre 1996, sur la mise en place du "rendez-vous citoyen".

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Média : Le Parisien

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Benjamin Hébert : Un pays peut-il entretenir l’idée de patriotisme en supprimant le service militaire ?

Charles Millon : Il faut retourner la question : est-ce que le service militaire est le seul lieu, le seul moment et le seul temps où l’on peut affirmer son attachement à la patrie et où l’on peut acquérir l’esprit de défense ? Ma réponse est : non. Nous pensons que l’esprit de défense ou l’attachement à la patrie peuvent s’affirmer en d’autres occasions et dans d’autres lieux. Soit dans une profession qu’on a choisie, soit dans des volontariats qu’on effectue. C’est la raison pour laquelle, parallèlement à notre choix de l’armée professionnelle, il a été décidé de mettre sur pied une période obligatoire qu’on appelle le « rendez-vous citoyen », et des volontariats. A travers cela, nous voulons qu’il y ait des moments forts, où l’on puisse véritablement ressentir cette appartenance à la communauté nationale.

Claire Gallon : Ne pensez-vous pas qu’une armée de métier puisse présenter un risque pour la démocratie ?

Charles Millon : Qu’est-ce qui peut arriver ?

Claire Gallon : Historiquement, le putsch d’Alger a été évité grâce à la présence des appelés...

Charles Millon : Je ne vais pas commenter l’histoire. Je constate simplement que les putschs qui se sont produits au cours du XXe siècle et qui ont amené au pouvoir des dictateurs, comme en Espagne et au Chili, ont été des coups d’Etat effectués par des armées de conscription. Les militaires sont des citoyens comme nous, attachés à la République et à la démocratie. De plus, le lien entre l’armée et la nation va être maintenu et diversifié. D’une part, grâce aux réserves de l’armée professionnelle. D’autre part, grâce aux réserves de l’armée professionnelle. Enfin, un certain nombre de jeunes choisiront le volontariat dans les armées et faciliteront ainsi cette osmose entre société civile et monde militaire.

Sonia Jareno : Trouvez-vous normal que, en période de crise économique et de fracture sociale, le budget de la Défense reste le second de la nation ?

Charles Millon : Première observation : le budget de la Défense a déjà baissé de façon importante puisque, entre la loi de programmation précédente et celle qui vient d’être votée, le budget annuel est passé de 205 milliards à 185 milliards. Seconde observation : le reproche qui nous est souvent fait, c’est plutôt le contraire. Celui de réduire ce budget en période difficile, ce qui entraîne, par exemple, des suppressions de commandes pour bien des entreprises…

Alexandre Vallat : La disparition d’unités va créer un déficit social et financier pour les collectivités locales. Comment l’Etat pense-t-il compenser ces pertes ?

Charles Millon : Le format des armées, c’est vrai, va passer de 500 000 à 350 000 hommes, avec la dissolution d’un certain nombre de régiments et la fermeture d’un certain nombre de bases et de casernes. Mais, à partir du moment où on professionnalise l’armée, on remplace des appelés par des professionnels, et on crée, d’un coup, des emplois. Les nouveaux engagés seront 92 000. Or, il faut savoir qu’un régiment professionnalisé « diffuse » deux fois et demie plus de pouvoir d’achat dans les communes qu’un régiment d’appelés. Et là où nous ne pouvons pas maintenir de régiment professionnel, nous avons prévu d’installer les centres « rendez-vous citoyen » qui créeront une activité locale. Les huit cents jeunes qui y seront reçus toutes les semaines nécessiteront un encadrement permanent de 1 professionnel pour 4 jeunes. Ce n’est pas tout : dans les communes où nous n’avons pu maintenir de structure militaire, nous avons prévu des aides à la reconversion (implantation d’universités, de gendarmeries…), et des opérations d’urbanisme grâce à l’acquisition des terrains libérés.

Claire Gallon : Jusqu’à présent, le service militaire avait un rôle social pour faciliter l’intégration, la lutte contre l’illettrisme, la prévention pour la santé et le brassage des populations. Qu’en sera-t-il à l’avenir ?

Charles Millon : Le service national ne parvient plus à respecter les valeurs sur lesquelles il était fondé : égalité, universalité. Il y a ceux qui vont faire leur service dans une entreprise à l’étranger ou en coopération, et d’autres comme deuxième classe en France. Ce n’est plus le même service qui est exécuté. A cela s’ajoute le nombre, croissant, de jeunes qui obtiennent des dispenses, ou une affectation rapprochée. Il n’y a plus de brassage : ni social ni géographique.

Le rendez-vous citoyen que nous proposons sera, lui, universel et égalitaire. Ce qui veut dire que tous les jeunes Français, dans l’immédiat, et les jeunes Françaises à partir de 2003, seront appelés à c rendez-vous citoyen. Sa brièveté – cinq jours – ne justifiera ni dispense ni report. Ainsi, même limité dans le temps, ce rendez-vous citoyen remplira sa fonction de brassage social.

Claire Gallon : Qu’en sera-t-il des « objecteurs » au rendez-vous citoyen ?

Charles Millon : Les objecteurs de conscience refusaient de porter les armes. Or, il n’est plus question d’obliger quiconque à porter les armes. Si on veut être militaire, on le sera volontairement. Soit comme engagé, soit comme volontaire. Donc, il n’y aura plus de motif à objection de conscience.

Claire Gallon : Mais vous pouvez être confronté à des jeunes qui refusent ce rendez-vous citoyen…

Charles Millon : Vous posez le problème du jeune qui refuse de se plier à une obligation légale. Il y aura, en ce cas, sanction. Car, lorsqu’on fait partie d’une communauté nationale, on a des droits, on a des devoirs aussi. Et, parmi ces devoirs, il y aura celui de participer au rendez-vous citoyen. Le jeune qui reçoit beaucoup de la nation doit aussi donner le peu de temps qu’on lui demande. L’exigence est quand même relativement faible. Quant aux sanctions, elles prendront des formes diverses, telle que l’impossibilité de se présenter à certains examens ou de contracter des emplois publics (ou profitant d’aides publiques). Et elles ne concernent pas que les candidatures à la fonction publique. L’interdiction de passer le permis de conduire touche tout le monde, le baccalauréat également.

Claire Gallon : C’est quand même grave de bloquer l’avenir d’un jeune de dix-sept/dix-huit ans pour le refus d’un rendez-vous citoyen ?

Charles Millon : Si un jeune Français ne pouvait pas accepter de passer cinq jours pour s’interroger sur ce qu’est la communauté nationale, on pourrait s’interroger sur ce qu’est cette communauté nationale !

Claire Gallon : Il y a des jeunes tellement « désinsérés » que leurs préoccupations sont ailleurs…

Charles Millon : C’est un autre problème : celui des jeunes marginalisés, déshérités, laissés pour compte, qui ont été abandonnés au bord du chemin. Et ceux-là, nous y avons pensé puisque nous voulons que le rendez-vous citoyen soit non seulement un événement dans le parcours civique, mais également un événement dans le parcours d’insertion sociale. C’est la raison pour laquelle, au cours du rendez-vous citoyen, le jeune marginalisé se verra offrir une nouvelle chance.

Richard Figuera : En quoi le rendez-vous citoyen sera-t-il différent des trois jours actuels ?

Charles Millon : Les « trois jours » ne durent en réalité qu’une journée. Tandis que là, pendant ces cinq journées nous aurons le temps de faire un véritable bilan général, à travers des batteries de tests et des rencontres avec les adultes. Il faut que, au terme de ce bilan, le jeune ait pu faire une évaluation sur son parcours passé et avoir vu ce qu’il doit faire pour le rectifier ou le prolonger. La première phase du rendez-vous citoyen sera un bilan médical, culturel, professionnel. On va pouvoir, par exemple, détecter de jeunes illettrés, à qui on offrira la possibilité d’acquérir une instruction minimale pour se réinsérer dans la société. Ou bien on détectera ceux qui ont un handicap physique ou des maladies non repérées précédemment, que l’on dirigera vers les établissements de soins ou les hôpitaux nécessaires. Ceux qui sont mal orientés professionnellement pourront recevoir une information sur les formations afin de mieux s’insérer dans la vie professionnelle.

Enfin, pour le jeune véritablement marginalisé, nous proposons qu’il soit pris en charge par un « médiateur citoyen ». Ce sera un volontaire, issu d’une association, qui accompagnera le jeune avant et pendant le rendez-vous citoyen. Il continuera à le suivre ensuite dans sa réinsertion professionnelle ou sociale.

Claire Gallon : Quel sera le profil du « médiateur citoyen » ? Pour moi qui m’occupe de SDF, je vous le dis franchement, ce parcours d’insertion à travers le rendez-vous citoyen le paraît complètement utopique !

Charles Millon : Aujourd’hui, nous en sommes au niveau des principes. Il y aura un débat parlementaire qui précisera les modalités. Puisque vous êtes assistante sociale, vous connaissez un mouvement comme ADT Quart-Monde… Maintenant, si vous affirmez qu’il n’est pas possible de réinsérer les gens, on peut commencer à se faire du souci. En tout cas, vous ne pouvez pas dire cela à un homme politique qui a pour mission de créer les conditions favorables à l’épanouissement de ses concitoyens. Sinon, on ne s’en sortira pas…

Sonia Jareno : Le rendez-vous citoyen ne devrait-il pas être animé par des civils ?

Charles Millon : L’encadrement sera assuré à 70 % par des militaires et à 30 % par des civils. Le ministère de l’Education a déjà prévu de mettre à disposition un certain nombre de personnels. Et d’autres ministères y apporteront leur contribution afin de répondre à tous les objectifs de ce rendez-vous. Lors de la deuxième phase, celle de l’instruction civique, des informations seront dispensées sur les institutions de la République, sur l’outil et l’esprit de défense, sur les droits et les devoirs du citoyen. De « grands témoins » viendront y participer, des personnes engagées dans la vie sociale et civique viendront faire part de leur expérience : des maires, des responsables d’association sociale… Dans la troisième partie, il y aura une présentation du volontariat par les organismes, les associations et les administrations d’accueil. C’est l’autre grande innovation du projet. Elle sera proposée aux jeunes qui – soit par générosité, soit pour bénéficier d’une expérience professionnelle – voudront participer à des volontariats dans le domaine de la défense, de la cohésion sociale ou de la coopération…

Sonia Jareno : Ne croyez-vous pas que, si le rendez-vous citoyen était tenu majoritairement par des civils, cela inciterait plus facilement les jeunes à y participer ?

Charles Millon : Toutes les études d’opinion démontrent que la grande majorité des jeunes souhaite que l’encadrement soit en partie militaire.

Philippe Créhange : Cette sensibilisation au problème de citoyenneté, n’est-ce pas plutôt le rôle de l’école ?

Charles Millon : Tout à fait ! C’est pourquoi le rendez-vous citoyen sera l’aboutissement d’un parcours civique qui commencera à l’école, à partir du recensement, soit dès l’âge de seize ans. Le rendez-vous citoyen intervenant, lui, à partir de dix-huit ans.

Philippe Créhange : On va développer l’instruction civique à l’école.

Charles Millon : Cela a recommencé en sixième et en cinquième cette année, et cela remontera jusqu’au bac. Nous allons harmoniser l’instruction civique dispensée au cours du rendez-vous citoyen avec celle enseignée à l’école.

Benjamin Hébert : Pour éviter que ce rendez-vous citoyen soit une corvée pour certains, ne pourrait-on pas créer des rendez-vous citoyens thématiques, en fonction des attentes de chacun ?

Charles Millon : Ce que vous proposez là, c’est l’inverse du rendez-vous citoyen, qui n’a pas pour objectif de différencier, mais de rassembler. Nous voulons réunir une même classe d’âge pendant cinq jours, quels que soient le milieu social, les origines, le parcours de formation, afin qu’ils puissent se rencontrer.

Sonia Jareno : Pensez-vous que cette période soit suffisante pour être utiles, et utiles à qui ?

Charles Millon : Nous souhaitons qu’elle soit utile aux jeunes. Qu’ils ne regrettent pas leurs cinq jours. Que cela reste pour eux un moment fort de la citoyenneté. Si on voulait rallonger la durée du rendez-vous citoyen, on en arriverait vite aux camps de jeunesse. Ou alors à une sorte de service militaire au rabais, dont les armées n’ont pas besoin.

Alexandre Vallat : Quel sera le coût du rendez-vous citoyen ?

Charles Millon : 1,6 milliard de francs, sans compter le traitement des personnels détachés par les autres ministères. Aujourd’hui, la direction du service national consacre 1,1 milliard à l’organisation du service national, et le service coûte, globalement, environ 9,4 milliards tout compris. Le rendez-vous citoyen et les volontariats représenteront, pour la Défense, environ 3 milliards. C’est une réduction des deux tiers.

Sonia Jareno : Et si cela ne marche pas, que ferez-vous ? C’est quand même un grand changement…

Charles Millon : Tout d’abord, le rendez-vous citoyen sera expérimenté dans trois centres en 1997, après le vote de la loi. Ensuite, il sera généralisé en 1998 et, en fonction des réactions, des critiques, des observations, nous pourrons être amenés à en modifier les modalités.

Quant aux volontariats, ils existent déjà aujourd’hui. Une récente étude effectuée par le ministère montre que 19 % des jeunes seront certainement volontaires si on le leur propose, et que 24 % s’interrogent. Notre société peut offrir d’autres horizons que l’individualisme, et permettre, grâce au volontariat, de donner une dimension « communauté nationale », une dimension « partage d’un destin commun », à une jeunesse qui espérait avant le trouver dans le service militaire. C’est un défi. J’espère que les Français le relèveront ensemble.

Sonia Jareno : Quels seront les critères de sélection pour les volontaires ?

Charles Millon : Ils seront définis avec précision afin de déterminer si un jeune peut occuper tel ou tel volontariat, militaire ou civil. Par exemple, si un jeune veut faire son volontariat, dans le cadre de la coopération internationale, dans une entreprise au Japon, il lui faudra un minimum de connaissances de cette langue. L’application de ces critères se fera sous le contrôle de l’Etat et du haut conseil du service national pour éviter qu’il y ait détournement de procédure. Le volontariat sera un droit pour tous les jeunes Françaises et Français, mais ils n’auront pas droit automatiquement au volontariat dont ils rêvent. Il faudra que leur profil corresponde aux critères de sélection. Il y aura des volontaires pour la défense et la sécurité. Le volontariat de « solidarité et de cohésion sociale » comprendra, lui, deux types d’actions : des actions « pour donner » (au profit des plus déshérités, des plus marginaux, des plus faibles), ou pour « recevoir » : ce sera, cette fois, le parcours d’insertion sociale. Enfin, le volontariat « coopération internationale et humanitaire » s’effectuera à travers des ONG ou des entreprises à l’étranger.

Philippe Créhange : Comment l’armée va-t-elle sensibiliser les jeunes et les recruter pour un volontariat dans la Défense ?

Charles Million : Actuellement, il y a déjà un certain nombre d’informations à travers les forums sur les professions dans les collèges, les lycées, les universités. On y présentera aussi les volontariats. Cette information passera également à travers les campagnes des organismes d’accueil.

Benjamin Hébert : Comment seront payés les volontaires, et qui paiera ? La Défense ou les ministères de tutelle ?

Charles Millon : Les volontaires seront indemnisés, et non payés. Car jamais un volontaire n’occupera un emploi salarié ou de la fonction publique. Il assumera une activité, ce qui est totalement différent. Cette indemnité sera de l’ordre de 2 000 à 2 500 F, égale pour tous et partout, aussi bien pour un jeune partant en coopération économique à l’étranger que pour celui qui Œuvre dans une association de la banlieue de Paris. Ces indemnités, éventuellement complétées par des frais de logement, transport, ou nourriture, seront prises en charge par les organismes d’accueil : l’armée ou les organismes agréés pour ces volontariats.

Claire Gallon : J’ai très peur que ce soit encore une fois de la main-d’œuvre à bon marché. On ne fait pas « fonction » d’éducateur, d’assistante sociale, d’infirmière. J’ai rencontré récemment un jeune appelé qui travaillait comme infirmier au Samu 92 : il avait une maîtrise de philo… C’est exactement comme les contrats emploi solidarité qui remplacent des fonctionnaires !

Charles Millon : Ce ne seront pas des CES. Il y aura des contrôles sur le terrain. Il y aura un agrément des entreprises et un contrôle des activités de l’organisme d’accueil. De plus, le haut conseil du service national sera chargé de vérifier si l’éthique a bien été respectée. N’importe qui ne fera pas n’importe quoi. Je tiens à faire une distinction entre emploi et activité. Par exemple, une assistante sociale, c’est un emploi. Vous en êtes une. Mais l’accompagnement social ne correspond pas à une activité salariée. Dans la réinsertion par le sport, un volontaire peut pendant neuf mois accompagner des jeunes dans un club sportif : ce n’est pas un emploi.

Claire Gallon : Mais cela peut basculer très facilement…

Charles Millon : C’est pourquoi l’Etat assurera un contrôle empêchant toute utilisation abusive du volontariat. Et les syndicats de salariés sont assez vigilants !

Alexandre Vallat : On a parlé de reconnaissance pour ces volontaires, mais jusqu’à présent, il s’agit surtout d’avantage d’annuités ou de promotions dans la fonction publique. Qu’en sera-t-il pour ceux qui s’orientent vers le privé ?

Charles Millon : Le débat parlementaire clarifiera ce point. Il convient de réfléchir sur cette reconnaissance qui pourrait être mise en œuvre soit par l’Etat, soit par les collectivités locales, soit par les entreprises. Je suggère qu’une bourse d’études puisse être attribuée dans certains cas à celles et à ceux qui auront accepté de donner du temps à la collectivité nationale.

Alexandre Vallat : Concrètement, il y aura une reconnaissance dans le secteur public comme dans le secteur privé…

Charles Millon : Bien sûr.

Sonia Jareno : Comment allez-vous gérer la période de transition puisqu’il y a 1,2 million de sursitaires et que les armées auront seulement besoin de 570 000 appelés pendant les six ans à venir ?

Charles Millon : On va réduire progressivement les effectifs du service national classique et, à partir de 1997, le rendez-vous citoyen va être mis en place pour ceux qui sont nés après le 1er janvier 1979. Parallèlement, l’armée va embaucher des engagés qui prendront la place des appelés. Les sursitaires vont voir leur nombre baisser jusqu’à leur extinction mécanique en 2002. D’autre part, pendant la période de transition, on augmentera les possibilités de dispense et de report pour ceux qui ont une situation familiale, professionnelle ou sociale difficile ou délicate.

Benjamin Hébert : La réduction progressive du service national de dix à cinq mois, évoquée par le président Chirac, va-t-elle être effective ?

Charles Millon : Non, c’est ingérable. Cela désorganiserait totalement les armées. On préfère opter pour un aménagement justifié de certaines dispenses plutôt que de réduire la durée du service national. Nous avons une contrainte : garder une armée opérationnelle.

Claire Gallon : Quelles sont les raisons profondes de cette réforme ? Des économies à réaliser ou une armée plus performante ?

Charles Millon : Nous avons deux raisons d’agir. D’abord, retrouver les chemins d’une affirmation de la citoyenneté et d’un attachement à la communauté nationale. Ensuite, bâtir une armée apte à faire face aux nouvelles menaces : dissuasion, prévention, projection, protection. L’armée devra pouvoir, le cas échéant, utiliser des réserves. Un projet de loi sur les réserves sera d’ailleurs proposé dans quelques mois, qui permettra à ces dernières, selon les besoins, de se substituer à certaines unités de l’armée, ou de les renforcer.

Claire Gallon : Ces réserves seront constituées d’anciens militaires ?

Charles Millon : Oui, en partie.

Sonia Jareno : Vous êtes « le » ministre de la Défense qui a enterré le service militaire. C’est une lourde responsabilité historique. Est-ce que le fait de ne pas avoir accompli votre service militaire ne vous a pas gêné pour prendre une telle décision ?

Charles Millon : Je suis un citoyen comme les autres. J’ai respecté les lois de la République. J’ai été exempté parce que je fais partie d’une classe d’âge très nombreuse : celle du baby-boom. A l’époque, on exemptait relativement facilement. Ce qui ne m’empêche pas d’en être convaincu : en tant que citoyen je peux participer, d’une part, à la définition de la défense de mon pays, d’autre part, à la revitalisation de la citoyenneté.