Débat entre MM. François Hollande, premier secrétaire du PS, et Nicolas Sarkozy, secrétaire général et porte-parole du RPR, à France 2 le 12 février 1998, sur la politique de l'immigration, de la famille, de l'emploi et de la réduction du temps de travail.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission Mots croisés - France 2 - Télévision

Texte intégral

Alain DUHAMEL : Alors François HOLLANDE.

François HOLLANDE, premier secrétaire du PS : C’est une proposition de bon sens, il faut que des élus soient proches des Français, il faut qu’ils soient disponibles, il faut que le Parlement vive, on sait très bien qu’il y a effectivement du cumul, cumul d’un mandat d’exécutif local, villes très importantes, président de conseil général, président de conseil régional, avec un mandat de parlementaire, ce qui fait que les parlementaires ne sont pas suffisamment présents pour voter les lois et lorsqu’ils sont dans leurs circonscriptions, eh bien on le voit parce que ça donne des hémicycles déserts. Alors je crois qu’il fallait en tenir le plus grand compte, c’était une volonté des Français, c’est une réforme qui je crois s’inscrit dans le sens de toutes les démocraties occidentales, ça va se faire, ça a été annoncé aujourd’hui, ça aurait pu être annoncé hier ou demain, le principal à mon avis est de le faire. Alors bien sûr qu’il y aura des oppositions, je les entends, d’abord c’est ceux qui sont concernés, qu’ils soient de gauche, quelquefois de droite, le plus souvent de droite mais ça peut arriver de gauche…

Nicolas SARKOZY : On ne peut quand même pas s’excuser d’avoir été élu.

François HOLLANDE : Non mais…

Nicolas SARKOZY : Jusqu’à preuve du contraire c’est quand même pas un drame d’être élu, d’avoir la confiance de ses concitoyens.

François HOLLANDE : Non mais c’est peut-être un problème d’être candidat à tout et de ne pas faire ce que pourquoi les électeurs ont voulu que l’on soit élu… Alors si ça peut être un progrès.

Nicolas SARKOZY : … Vous avez raison mais on ne peut pas être candidat à tout puisqu’on ne peut être candidat qu’à deux.

François HOLLANDE : Si ça peut être un progrès à mon avis c’est bien, et l’argument selon lequel on serait plus proche du terrain, détaché de la vie locale, n’a pas de sens puisqu’on pourra garder un mandat local, conseiller municipal, conseiller général, conseiller régional, on pourra même être vice-président, maire-adjoint, mais on ne pourra plus être maire, président du conseil général, président du conseil régional et député ou sénateur et je crois que c’est un bien. Alors par ailleurs, sur l’argument du proche du terrain, je me souviens d’une personnalité qui était connue pour les cumuls, il avait été du président du RPR, il était Premier ministre, il était maire d’une grande ville, je n’ai pas eu le sentiment qu’il était très proche du terrain.

Alain DUHAMEL : Nicolas SARKOZY, le gouvernement JOSPIN est en place depuis presque neuf mois, les Français vont voter pour la première fois de façon significative dans un mois, alors sur quels clivages principaux est-ce que vous avez envie que ceux qui vous écoutent se déterminent ?

Nicolas SARKOZY : Bien je crois qu’évidemment c’est une question où il faut essayer de répondre le plus précisément possible, nous ne sommes pas d’accord, dans une démocratie, c’est plutôt d’ailleurs réjouissant qu’il y ait une alternative pour nos concitoyens. Moi je dirais très simplement que depuis huit ou neuf mois que vous êtes au pouvoir, à quatre reprises me semble-t-il vous avez eu à prendre des décisions importantes, à d’autres reprises, mais quatre choix me semble-t-il importants, et à chaque fois de mon point de vue, je respecte bien sûr vos convictions, mais de point de vue vous n’avez pas fait le choix du bon sens puisque c’est un choix idéologique et surtout vous avez entraîné la France dans une direction strictement inverse à celle des grandes démocraties, notamment européennes. Très rapidement, l’immigration, tous les pays modernes et toutes les démocraties ont tendance aujourd’hui à resserrer leur législation pour éviter les flux migratoires. Nous desserrons et nous ouvrons les possibilités, c’est le fameux code de la nationalité, on supprime la déclaration de volonté. Deuxième élément, tous les pays sont confrontés à un problème de natalité, nous sommes la France avec une politique familiale depuis 1945 qui nous permet de tous les pays européens d’avoir le taux de natalité le moins mauvais, on démantèle totalement la politique familiale, notamment ce qui est tout à fait inadmissible, en posant des graves difficultés aux femmes qui veulent à la fois élever leurs enfants et avoir une vie professionnelle. Troisième élément c’est les emplois AUBRY, de tous les grands pays européens nous sommes celui qui a le plus d’emplois publics, le poids des dépenses publiques le plus lourd, et qu’est-ce que nous faisons, on envoie contre toute évidence et contre tout bon sens 350 000 jeunes dans des emplois de sous-fonctionnaires. Et enfin dernier point mais j’imagine qu’on aura l’occasion d’en reparler, je ne veux naturellement pas mobiliser le débat, au moment où une compétition internationale formidable se présente, on veut faire croire aux Français cette idée, j’espère qu’ils ne sont pas dupes, qu’en travaillant moins ça ira mieux, qu’on gagnera plus et qu’en plus il y aura des emplois pour leurs enfants. Quatre choix contraires au bon sens.

Alain DUHAMEL : François HOLLANDE, immigration d’abord.

François HOLLANDE : Non mais alors peut être avant juste un mot sur ce qu’on fait depuis huit mois, monsieur SARKOZY a résumé à quatre points j’y reviendrai. Ce qu’on fait quand même depuis huit mois c’est de remettre le pays sur un sentier de croissance, eh bien la croissance est repartie, on a les chiffres qui sont connus aujourd’hui, une croissance de près de 3 %. Consommation…

Nicolas SARKOZY : C’est grâce à vous que la croissance depuis huit mois…

François HOLLANDE : Écoutez en tout cas elle n’était pas là avant, elle est là maintenant et si vous avez dissous, pas vous, mais en tout cas le président de la République qui est votre responsable principal, si on a dissous l’Assemblée nationale c’est parce qu’on pensait que ça n’irait pas forcément beaucoup mieux après sinon on ne l’aurait pas ou sinon ça n’aurait pas beaucoup de sens…

Nicolas SARKOZY : Franchement dire qu’en huit mois on crée les conditions de la croissance c’est peut-être un peu exagéré.

François HOLLANDE : Eh bien écoutez la croissance elle repart et si elle repart c’est parce qu’on a soutenu la consommation, ce que vous ne faisiez pas. Deuxièmement on a bouclé les exercices budgétaires qu’on nous annonçait extrêmement difficiles à terminer et notamment par rapport à la préparation de rendez-vous européen. Et puis troisièmement on a repris une mécanique de créations d’emplois, la meilleure preuve c’est que le chômage pour le mois de décembre en tout cas a fléchi heureusement, même si ce n’est qu’un signe et qu’il faut en attendre beaucoup d’autres pour en être certains. Alors maintenant je reprends les quatre points.

Alain DUHAMEL : L’immigration.
 
François HOLLANDE : L’immigration, nous avons voulu retrouver l’équilibre, il y avait eu des textes apparemment durs, en fait inappliqués, inapplicables, c’est ce qu’on avait appelé les lois PASQUA qui avaient profondément désorganisé le système administratif que l’on connaissait, jeter dans l’illégalité des personnes qu’on n’arrivait même pas à expulser, il fallait trouver une règle, elle a été trouvée, c’est une règle simple, c’est-à-dire dure à l’égard de l’immigration clandestine et en même temps d’intégration pour ceux qui sont sur notre sol de façon régulière.

Nicolas SARKOZY : … Poser une question…

François HOLLANDE : … Non parce que sinon, je vais prendre les quatre points et après…

Nicolas SARKOZY : C’est pas un débat entre François HOLLANDE et Alain DUHAMEL…

Alain DUHAMEL : Non si vous êtes d’accord, ça serait très intéressant aussi mais ce n’est pas le problème. Non mais immigration là…

Arlette CHABOT : Question.

Nicolas SARKOZY : Toute petite question, vous avez demandé sous la pression des sans-papiers et des Verts à ce que l’ensemble des immigrés en situation irrégulière se déclarent, d’après les chiffres de Jean-Pierre CHEVENEMENT il y a aux environs de 120 000 irréguliers qui se sont déclarés, vous en avez régularisé, enfin pas vous le ministère de l’Intérieur, vingt mille, la question qui se pose, ceux que vous ne régulariserez pas, est-ce que vous leur demanderez de quitter le territoire national et est-ce que vous vérifierez que cela se fera ?

François HOLLANDE : Mais bien sûr, nous nous avons voulu une régularisation sur la base de critères, quels étaient les critères, je ne vais pas être trop long, des critères familiaux, est-ce qu’ils étaient mariés ou en compagnie d’une personne qui était de nationalité française, est-ce qu’ils avaient des enfants en France, est-ce qu’ils avaient un travail, est-ce qu’ils étaient présents sur le territoire depuis plusieurs années ? Si les critères sont remplis ces personnes ont vocation à être régularisées et d’ailleurs il y avait des régularisations bien avant ce dispositif.

Nicolas SARKOZY : S’ils ne sont pas remplis ils seront expulsés.

François HOLLANDE : Deuxièmement s’ils ne sont pas régularisables, eh bien ils seront reconduits à la frontière par les mécanismes que l’on connait, sans brutalité, sans violence, mais avec le respect de la loi parce que c’est la règle dans ce pays, l’État de droit.

Nicolas SARKOZY : Sur les 120 000 vous pourriez nous dire combien vous en expulserez à peu près ?

François HOLLANDE : Selon le nombre de régularisés vous aurez le nombre de personnes qui seront reconduites à la frontière. Mais la différence entre ce que l’on fait et ce que vous avez fait, c’est que vous faisiez des lois pour, j’allais dire l’incantation, parce que c’était des lois apparemment sévères, mais en fait très tolérantes à l’égard de l’immigration clandestine parce que les sanctions n’étaient pas fortes, nous avons renforcé les sanctions contre l’immigration clandestine et nous avons une politique humaine. Alors je passe au deuxième point…

Nicolas SARKOZY : Sur ce point juste un élément…

François HOLLANDE : On passe si vous voulez, ne tournons pas sur ce seul sujet car nous n’avons pas fait que cela…

Nicolas SARKOZY : Naturellement, juste un élément, vous savez qu’en matière d’immigration…

François HOLLANDE : Tout le débat si vous voulez… c’est un peu la tonalité qui est la vôtre depuis huit mois.

Nicolas SARKOZY : Absolument pas, si vous me laissez terminer j’en termine. Sur l’immigration vous savez très bien que les mots ont un sens, il faut respecter la dignité des hommes et des femmes, mais tout laxisme se paye immédiatement par un gigantesque appel d’air. Les socialistes, avec monsieur MAUROY, vous nous l’avez fait en 1982, je regrette de mon point de vue, y compris pour l’intérêt des immigrés en situation régulière que nous devons respecter, que vous recommenciez les mêmes erreurs car les mêmes causes produiront les mêmes effets.

François HOLLANDE : Oui mais enfin écoutez sur le laxisme je ne crois pas qu’on ait de leçon à recevoir. Vous avez, tout le monde l’a à l’esprit, sur l’église de Saint-Bernard, il fallait à tout prix rentrer dans cette église, fracasser la porte, renvoyer les gens, combien y a-t-il eu d’expulsés très peu parce que même votre législation n’était pas applicable, alors s’il vous plaît sur ce point…

Nicolas SARKOZY : Combien y a-t-il eu de régularisés ? Aucun.

François HOLLANDE : Revenons plutôt à des textes qui sont humains, qui évitent ce type de manifestation douteuse et qui en même temps qui permettent des reconduites.

Nicolas SARKOZY : … Laxisme…

François HOLLANDE : Alors je passe sur le second point, la famille, là aussi évitons ce type d’incantation sur la famille, je crois que nous avons, nous, augmenté l’allocation de rentrée scolaire, nous avons permis une amélioration de la situation de beaucoup d’enfants dans les cantines, nous avons permis là encore tout récemment que les aides soient versées directement aux collèges et pas aux personnes. Nous avons augmenté d’une manière générale les prestations familiales, alors c’est vrai nous avons mis sous conditions de ressources les allocations familiales, parce qu’il ne nous paraissait pas logique, mais je comprends que vous ayez un avis différent, d’ailleurs ça correspond aussi à votre électorat, je comprends que vous ne puissiez pas admettre qu’au-delà de 30 000 francs et même quelquefois d’avantage lorsqu’on a plusieurs enfants, il ne soit pas utile de continuer à verser des allocations familiales. De ce point de vue nous avons un débat philosophique et nous pouvons revendiquer chacun notre part de vérité.

Nicolas SARKOZY : Puisque je…

François HOLLANDE : Non, non, non… Je me contente de poser des questions mais il y a aussi qui… Alain DUHAMEL peut le faire.

Nicolas SARKOZY : … Vous affirmez moi je me contente de poser modestement des questions.

François HOLLANDE : Et je ne parle pas d’Arlette CHABOT, vous avez remarqué.

Nicolas SARKOZY : Sur cette affaire de politique familiale, je veux dire deux choses très simples. Dans un pays qui a plus de trois millions de chômeurs, empêcher les familles…

François HOLLANDE : De quelles familles parlez-vous ? De quelles familles ?

Nicolas SARKOZY : Si vous acceptez que je prononce trois phrases, ça vous permettra de les critiquer ensuite.

François HOLLANDE : Oui.

Nicolas SARKOZY : Dans un pays qui a plus de trois millions de chômeurs, empêcher les familles de créer des emplois qui bénéficieront à des gens qui sont loin d’être privilégiés eh bien c’est une erreur monumentale, car les emplois familiaux c’est un formidable gisement d’emplois outre le fait que ça permet à des tas de familles de classe moyenne de pouvoir avoir les femmes qui choisissent une carrière professionnelle et qui, en même temps, peuvent s’occuper de leurs enfants. Deuxième élément, mais qu’est-ce qui vous est passé par la tête ? Il y a un million deux cent mille femmes, veuves, ou femmes seules qui ont élevé un enfant, à qui vous avez supprimé la demi part, vous ne pouvez quand même pas dire que c’est un million deux cent mille personnes c’étaient des possédants qu’il fallait absolument traiter de la façon dont elles ont été traitées.

François HOLLANDE : Là vous avez changé de sujet…

Nicolas SARKOZY : Non mais c’est la même chose parce que des femmes ayant élevé seules des enfants c’est aussi de la politique familiale.

François HOLLANDE : Si vous voulez que je vous réponde…

Alain DUHAMEL : On souhaite que vous répondiez.

François HOLLANDE : Donc d’abord pour les femmes qui travaillent, rien n’est fait pour les dissuader, vous aviez créé un système notamment de déductions fiscales qui était profondément choquantes, c’est d’ailleurs vous qui l’avez créé.

Nicolas SARKOZY : C’est moi oui, c’est faux c’était un bon système.

François HOLLANDE : Attendez, vous voulez que je réponde.

Nicolas SARKOZY : Qui permettait de ne pas payer un impôt sur les salaires.

François HOLLANDE : Ne m’interrompez pas puisque vous prétendiez que vous ne le faisiez jamais, donc vous aviez introduit un système qui permettait une réduction du montant d’impôt de 45 000 francs, ce qui aboutissait…

Nicolas SARKOZY : On déduisait de son impôt le salaire que l’on versait.

François HOLLANDE : Attendez, je vais vous expliquer ce que vous avez fait.

Nicolas SARKOZY : En fait est-il normal de payer des impôts sur le salaire qu’on verse ?

François HOLLANDE : Si je peux aussi répondre à vos questions ça serait quand même mieux.

Nicolas SARKOZY : C’est une précision.

François HOLLANDE : Mais je vais la donner la précision… ce qui permettait…

Nicolas SARKOZY : Chaque fois que la technique peut vous aider je vous aiderai.

François HOLLANDE : Non mais je n’ai pas besoin de vos conseils techniques, ce qui permettait à des foyers fiscaux de déduire de leurs impôts 45 000 francs, ce qui aboutissait à ce paradoxe extraordinaire c’est que l’employeur de personnel de maison pouvait se retrouver non imposable dès lors qu’il payait un peu moins de 45 000 francs d’impôts sur le revenu, alors que l’employé de maison, elle ou lui, se retrouvait redevable de l’impôt sur le revenu, alors s’il vous plaît je pense que nous n’avons pas envie de retrouver des mécanismes fiscaux aussi contradictoires par rapport… Votre disposition était profondément choquante, elle a été supprimée, plus exactement elle a été réduite de moitié.

Nicolas SARKOZY : Je la revendique, elle a permis de créer des dizaines de milliers d’emplois et pardon de le dire, je ne vois pas au nom de quoi lorsqu’une entreprise verse un salaire, elle ne paye pas d’impôt sur le salaire qu’elle verse à ses salariés et lorsqu’une famille verse un salaire, il devrait payer un impôt. Il y a des dizaines de milliers de personnes qui ont eu un salaire, ce qui a permis de faire des cotisations pour la Sécurité sociale…

François HOLLANDE : Et ceux qui ne payent pas d’impôt sur le revenu, ils n’ont aucun droit dans cette politique familiale.

Nicolas SARKOZY : Ce qui a permis de donner de l’emploi, de donner du pouvoir d’achat, car voyez-vous moi je trouve qu’il est beaucoup plus intelligent que ceux qui le peuvent créent des emplois plutôt qu’on utilise des impôts pour créer de faux emplois…

François HOLLANDE : …Enrichir les plus riches pour créer des emplois, c’est peut-être ça qui nous distingue, c’est que vous vous encouragez les plus favorisés… Je vais prendre un exemple puisque vous avez cité…

Nicolas SARKOZY : Vous valez mieux que ça, honnêtement vous valez mieux que ça.

François HOLLANDE : Mais tant mieux, les emplois jeunes puisque vous les avez évoqués. Nous, nous préférons financer des emplois jeunes qui vont effectivement travailler dans des tâches d’utilité collective plutôt que de continuer à subventionner comme le faisiez des emplois qui pouvaient être solvabilisés comme on dit par le marché. Alors oui nous préférons créer 350 000 emplois jeunes et moi je suis plutôt fier qu’on ait pu donner à des jeunes qui aujourd’hui attendent un emploi, eh bien cette perspective de s’insérer dans la société. Vous pouvez être contre, je ne sais pas si, à Neuilly, vous n’avez pas créé d’emplois jeunes, je suppose, puisque vous en contestez le principe, je suppose que vous n’en n’avez pas créés, vous en avez créés ?

Nicolas SARKOZY : Ne critiquez pas la ville où vous avez fait vos études.

François HOLLANDE
Non mais ce n’est pas le problème, je vous ai posé la question est-ce que vous avez créé des emplois jeunes à Neuilly ?

Nicolas SARKOZY : Je vais vous répondre très simplement. S’agissant des emplois jeunes c’est une erreur monumentale.

François HOLLANDE : Donc vous n’en n’avez pas créé.

Nicolas SARKOZY : C’est une erreur monumentale pourquoi.

François HOLLANDE : Parce que vous en avez créé ?

Nicolas SARKOZY : Je vais vous le dire, je vais faire mon raisonnement, parce qu’on fait croire aux jeunes que leur avenir est dans l’administration. Le problème c’est que nous avons des poids de dépenses publiques trop lourds, trop d’emplois publics, nous avons 7 % d’emplois publics… Tous les autres…

François HOLLANDE : On peut imaginer créer des emplois dans ce système-là.

Nicolas SARKOZY : Et je crois aux emplois d’utilité sociale monsieur HOLLANDE, mais permettez-moi de vous le dire ces emplois devraient être réservés à ceux de nos compatriotes qui sont au chômage depuis trois ans, quatre ans…

François HOLLANDE : Donc vous n’avez pas créé d’emplois jeunes.

Nicolas SARKOZY : Cinq ans, et certainement pas pour des jeunes à BAC+2 ou à BAC+3 qui seraient beaucoup mieux dans l’entreprise.

François HOLLANDE : Donc vous avez préféré créer des CES que des emplois jeunes.

Nicolas SARKOZY : En ce qui me concerne…

Alain DUHAMEL : À Neuilly…

Nicolas SARKOZY : J’en ai créé cinq.

François HOLLANDE : Pourquoi avoir participé à ce système aussi… ?

Nicolas SARKOZY : Non mais, attendez…

François HOLLANDE : Aussi nuisible…

Nicolas SARKOZY : Mais vous êtes tellement impatient de connaître…

François HOLLANDE : Oui mais vous êtes un peu long à la donner.

Nicolas SARKOZY : Je vais vous envoyer ma plaquette, tout simplement parce que moi je considère que cette loi n’est pas une bonne loi.

François HOLLANDE : Pourquoi l’avez-vous appliquée ?

Nicolas SARKOZY : Mais à partir du moment où c’est la loi de mon pays, il ne m’apparaît pas que je ne doive pas l’appliquer.

François HOLLANDE : Bon d’accord tout le monde comprendra l’incohérence de votre propos.

Nicolas SARKOZY : Parce que quand nous étions au pouvoir vous appliquiez des lois parce que la loi est la loi pour tout le monde, je ne vois pas pourquoi pour moi elle ne serait pas la même.

François HOLLANDE : Si je pensais qu’un système, comme vous l’avez décrit, aussi pervers, aussi dangereux, aussi fatal pour les jeunes, je n’aurais pas créé ce dispositif, mais donc nous nous considérons que nous avons un vrai clivage…

Nicolas SARKOZY : L’avenir des jeunes n’est pas d’être sous-fonctionnaires, l’avenir des jeunes est en entreprises et pour autant… un emploi d’utilité sociale pour un homme ou une femme qui n’a pas travaillé depuis quatre ans c’est parfaitement nécessaire parce que personne ne pourra lui trouver une place dans une entreprise. Un emploi dans l’administration de sous-fonctionnaire pour un jeune c’est une erreur monumentale, d’ailleurs nous sommes le seul pays à le faire.

François HOLLANDE : Je ne comprends pas comment vous avez pu laisser cette illusion se propager à Neuilly, mais visiblement vous avez certaines raisons…

Alain DUHAMEL : Dernier point, les 35 heures.

François HOLLANDE : Alors la réduction du temps de travail et les 35 heures. Les 35 heures, ce qu’on veut c’est qu’il y ait plus d’emplois, nous avons soutenu la croissance, elle repart, nous avons soutenu les emplois jeunes et nous en sommes fiers et tant mieux si monsieur SARKOZY en a créé six à Neuilly, nous voulons aussi qu’il y ait un système de réduction du temps de travail qui permette de créer des emplois. Non pas autoritairement, il y a une loi, cette loi va être votée je l’espère, elle a déjà été approuvée par l’Assemblée nationale et elle va ouvrir pendant deux ans la négociation. Sur cette négociation il y aura des accords et je constate déjà que beaucoup d’entreprises veulent conclure des accords pour créer des emplois. Alors on nous dit mais vous allez demander à travailler moins aux Français, mais aujourd’hui il y a trois millions cinq cent mille, à peu près, selon les statistiques disons qui servent de référence depuis des années, personnes qui sont demandeurs d’emploi. Ceux-là on ne leur demande pas de travailler plus ou de travailler moins, ils ne travaillent pas du tout. Et puis il y a aussi toute cette population qui travaille à temps partiel, car vous avez beaucoup encouragé le temps partiel et ce temps partiel est souvent rémunéré, c’est normal puisque c’est du temps partiel, inférieur au SMIC. Alors oui nous préférons créer un système qui réduise le temps de travail de façon intelligente, avec une organisation différente du travail, avec des aides très importantes de la part de l’État, car nous préférons, nous, verser des exonérations de charges sociales aux employeurs qui créent des emplois plutôt que sans contrepartie, nous voulons lancer un processus de négociations qui permette de créer des emplois. Et j’espère bien que la croissance, les emplois jeunes, la réduction du temps de travail, aboutiront à faire que ce pays ait moins de chômage, depuis quinze ans il y a toujours plus de chômage, toutes majorités confondues, eh bien moi je suis mandaté aujourd’hui par mes électeurs, par les électeurs de la majorité pour qu’il y ait moins de chômage demain.

Arlette CHABOT : Alors Nicolas SARKOZY, décrue du chômage… Lionel JOSPIN pour la fin de l’année.

Nicolas SARKOZY : Sur les 35 heures c’est une triple erreur, la preuve c’est que les pays qui étaient très avancé sur nous, sur les 35 heures, viennent d’y renoncer, c’est le cas de l’Allemagne, c’est sans doute un autre débat, c’est une triple erreur. Premier élément ceux qui nous regardent et nous écoutent doivent savoir que le partage du temps de travail qui sera imposé par les socialistes ils vont le payer par un partage des salaires. Je suis persuadé que l’objectif de nos compatriotes c’est l’augmentation du pouvoir d’achat et non pas la réduction du temps de travail.

François HOLLANDE : … Pendant plusieurs années, parce qu’ils ont la pose salariale sans les créations d’emplois.

Nicolas SARKOZY : Premier élément c’est une erreur sociale, vous allez le payer d’une réduction de salaires alors que tous les pays développés, la France est celui qui a les salaires les plus bas. C’est ensuite une erreur économique majeure, tous les pays qui réussissent dans la lutte contre le chômage, réussissent avec cette volonté de créer des richesses et non pas cette frénésie de partager la pénurie. Partager le temps de travail n’a marché nulle part ailleurs dans le monde. Pourquoi voudriez-vous que ça marche chez nous ? Et enfin c’est un contresens complet sur les valeurs dont… notre société, pourquoi ? Parce que le travail c’est une émancipation et ce n’est pas une aliénation.

François HOLLANDE : Il y a beaucoup de gens qui en veulent du travail, c’est ça la différence.

Nicolas SARKOZY : Je voudrais juste terminer, parce que le travail c’est ce qui rend sa dignité à l’homme, et c’est par le travail qu’on fait le progrès de notre société.

François HOLLANDE : Mais bien sûr, c’est pour ça qu’on veut créer des emplois.

Nicolas SARKOZY : Laisser à penser qu’en travaillant 35 heures, vous vous dites 35 heures, madame VOYNET vous savez c’est le ministre qui passe son temps à faire des manifestations, est d’abord pour les 32 heures, puis bientôt l’année prochaine pour les 28 heures, c’est un contresens total. Et laisser à penser à nos compatriotes qu’en travaillant moins on pourra gagner plus et créer des emplois pour leurs enfants, c’est un mensonge, je pèse mes mots, d’ailleurs je voudrais dire à ceux qui regardent pourquoi voudriez-vous que nous fassions nous pour la France ce que vous ne faites pas pour votre famille. Et j’ajoute qu’il est plaisant de voir Martine AUBRY, grande prêtresse des 35 heures, faire faire sur elles des portraits complaisants, où on la montre à la tête de 18 heures de travail quotidiens, si c’était si bien la réduction du temps de travail pourquoi madame AUBRY se fait faire des portraits extraordinaires montrant combien elle est acharnée au travail.

Alain DUHAMEL : Alors réponse François HOLLANDE.

François HOLLANDE : Je ne répondrais pas à ce type de critiques sur madame VOYNET, madame AUBRY, je pense que vraiment, que des ministres travaillent…

Nicolas SARKOZY : Madame VOYNET manifeste.

François HOLLANDE : Non s’il vous plaît, que des ministres travaillent c’est plutôt rassurant pour les Français, si on est mandaté les uns les autres pour servir notre pays c’est pour travailler…

Nicolas SARKOZY : Pourquoi nous, on pourrait travailler plus que les autres et que les Français devraient aujourd’hui… que ceux qui font des heures supplémentaires se dénoncent, mais enfin qu’est-ce que c’est…

Alain DUHAMEL : C’est François HOLLANDE qui répond là.

François HOLLANDE : On ne va pas partager le temps de travail pour qu’il y ait à la fois la majorité et l’opposition qui soient dans le même gouvernement…

Nicolas SARKOZY : Cette idée est folle.

François HOLLANDE : Attendez laissez-moi parler, ce que je veux vous dire, c’est que vous ne pouvez pas utiliser de tels arguments, ce qui compte dans ce pays ce sont les personnes qui veulent travailler et ne le peuvent pas et quand ils vous entendent monsieur SARKOZY leur dire, mais il faut travailler plus, il faut vraiment travailler, parce que dans notre société c’est le travail qui compte, ils ont envie de vous dire mais si c’est le travail qui compte pourquoi vous ne nous en donnez pas, pourquoi vous n’en n’avez pas donné quand…

Nicolas SARKOZY : Mais pourquoi la France est le seul pays du monde qui voit le chômage progresser ?

François HOLLANDE : Attendez…

Nicolas SARKOZY : Tous les autres pays ont un autre système, il faut baisser les impôts, baisser les dépenses, alléger les cotisations et créer des richesses.

François HOLLANDE : Pendant les années où vous étiez aux responsabilités le chômage a augmenté, vous ne pouvez pas le nier parce que…

Nicolas SARKOZY : Ça n’a pas augmenté, en 94, 250 000 chômeurs…

François HOLLANDE : S’il n’avait pas augmenté monsieur BALLADUR serait président de la République et monsieur CHIRAC aurait réussi la dissolution parce que nous sommes jugés sur ce résultat-là. Pendant quatre ans, la droite a considéré qu’il fallait attendre la croissance, qu’elle allait revenir, que la reprise était au bout du chemin, elle a versé des exonérations, des cotisations sociales très importantes, de 50 à 70 milliards aux entreprises, parce qu’elle pensait que la baisse du coût du travail était une solution.

Nicolas SARKOZY : C’est bien pour ça que la croissance française aujourd’hui…

François HOLLANDE : Eh bien nous avons eu une augmentation du chômage, aujourd’hui il y a des solutions nouvelles, alors vous ne les partagez pas c’est bien votre droit, mais laissez ce Gouvernement au moins poursuivre dans sa logique parce que je crois que les emplois jeunes, plus de croissance, ça ça s’appelle la création de richesses et ça repart, et une négociation utile, habile, intelligente, sur le travail permettront de créer les emplois que vous n’avez pas créés.

Arlette CHABOT : Alors Nicolas SARKOZY avant la conclusion de François HOLLANDE.

Nicolas SARKOZY : Oui bien écoutez, moi je souhaite bien évidemment que pour le pays ça réussisse, simplement le petit problème c’est qu’en même temps qu’on nous dit qu’on va faire l’euro, la construction européenne, Amsterdam, on fait le contraire de ce que font tous les autres. Le chômage n’est pas une fatalité pour une raison simple c’est que partout ailleurs dans le monde le chômage recule profondément. D’aucune façon, d’aucune manière et dans aucun pays on a fait reculer le chômage en créant des emplois des fonctionnaires, en imposant la réduction de la durée du temps de travail, en matraquant les familles et en augmentant les impôts, donc malheureusement cette politique sera conduite à l’échec. Les Français auront l’occasion de le dire, j’espère de tout cœur qu’ils le feront lors des prochaines élections régionales.

Alain DUHAMEL : François HOLLANDE.

François HOLLANDE : Monsieur SARKOZY et les représentants de l’opposition ne croient pas à l’utilité de soutenir la consommation, c’est leur droit. Ils ne croient pas aux emplois jeunes, ils en ont parfaitement la liberté. Ils pensent que la réduction du temps de travail n’est pas utile au pays, parfais, c’est leur droit, mais en même temps nous nous voulons utiliser des formules nouvelles parce que les anciennes, celles qu’a expliquées monsieur SARKOZY, celles que nous avons pu nous aussi à une autre époque appliquer n’ont pas marché, et pour autant nous faisons l’Europe, nous respectons nos engagements européens à la date prévue et avec des meilleurs résultats financiers. En définitive ce qui nous distingue c’est que nous, nous respectons nos engagements électoraux et nos engagements européens.

Arlette CHABOT : Merci à tous les deux.