Texte intégral
Date : vendredi 22 novembre 1996
Source : RTL
N. Notat : Nous avons à l’égard de cette action un soutien sans faille, nous souhaitons que les négociations, dans lesquelles les pouvoirs publics doivent s’engager, débouchent positivement.
RTL : S’ils décident de bloquer Paris, quelle sera votre position ?
N. Notat : S’ils décident de monter à Paris, lundi par exemple, ce sera le signe que la négociation, une fois de plus aura échoué, nous serons donc déçus. Mais nous pensons qu’il sera logique que les salariés franchissent une étape dans leur action, continuent à montrer que leurs revendications sont légitimes et justes. Elles doivent donc être écoutées et entendues. À ce moment-là, nous serons à leur côté, lundi à Paris. Il est temps maintenant que les pouvoirs publics – tant pis ce n’est pas notre manière de voir habituellement – s’ingèrent mais de manière beaucoup plus nette dans les conditions de travail et d’emploi de ce secteur.
Date : vendredi 22 novembre 1996
Source : Europe 1
N. Notat : C’est dans tous les combats qui sont utiles et justes que la CFDT s’engage aux côtés des salariés. C’est le cas pour les salariés des transports routiers. Je viens de les rencontrer, c’est vrai que j’ai trouvé des gens qui sont lassés de voir leurs revendications en permanence insatisfaites ou en tout cas non appliquées, même quand il y a des accords après des conflits, parce que ce n’est pas le premier conflit sur les mêmes revendications. Donc, je les ai trouvés effectivement un peu lassés, sereins, parce que leur cause est juste, et très déterminés à voir cette fois les choses changer pour de bon. Donc je crois que, quand j’entends que le temps de travail de certains peut aller jusqu’à 300 heures par mois, évidemment ce ne sont pas 300 heures payées, je me dis quand même qu’on n’est pas dans des conditions de travail dignes du XXe siècle.
Europe 1 : La nouveauté dans cette affaire, c’est que le gouvernement va participer aux négociations. Est-ce là, d’après vous, la clé du problème ? C’est de là que peut venir la solution ?
N. Notat : J’ai demandé ce matin au gouvernement de s’impliquer dans la recherche d’un débouché positif aux revendications, car, dans ce secteur, jamais les négociations n’ont pu s’opérer sans l’implication du gouvernement.
Europe 1 : Ce qu’a priori Alain Juppé ne souhaitait pas ce matin encore.
N. Notat : Oui, on ne le souhaite jamais car normalement de bonnes relations sociales, ce sont des relations qui se passent entre les représentants des salariés et des employeurs. Dans ce secteur, malheureusement, les employeurs en sont à un tel niveau d’archaïsme et de résistance qu’il faut l’État. L’État joue un peu le rôle de médiateur, de « facilitateur » pour arriver sur des résultats. Je pense qu’il y a maintenant 24 heures, 48 heures, pour qu’il sorte quelque chose et que les salariés n’aient pas le sentiment d’avoir agi pour rien, car, je le redis, je les sens déterminés, et je ne les vois pas rentrer au travail sans savoir obtenu – ou considéré – qu’ils ont véritablement obtenu quelque chose.
Europe 1 : Sinon, que se passera-t-il ?
N. Notat : Je les ai entendu parler d’une volonté de – s’il fallait faire un nouveau constat d’échec, ce que bien évidemment nous ne souhaitons pas – parler d’une éventuelle montée sur Paris. Donc je crois qu’il faut leur éviter ça, je crois qu’il faut que les négociations aboutissent, que les résultats soient suffisamment patents pour qu’ils considèrent que ce qu’ils ont déjà mené comme action soit suffisant.
Europe 1 : Si la décision était prise par les routiers de monter sur Paris, dimanche soir ou lundi, vous les soutiendrez ?
N. Notat : S’ils le décidaient, ce serait le signe d’un échec de la négociation, donc je ne souhaite pas, pour ma part, cet échec, donc j’espère que cette montée sur Paris pourra être évitée, car je les ai beaucoup entendu parler de cela, mais je crois que la balle est maintenant dans le camp du patronat, un peu du gouvernement aussi, pour que justement nous évitions cette nouvelle épreuve de force.
Europe 1 : Vous seriez à leurs côtés ?
N. Notat : La CFDT serait à leurs côtés.
Europe 1 : Vous mesurez les conséquences économiques de ce conflit ?
N. Notat : Bien sûr. Je leur ai dit d’ailleurs qu’un conflit comme celui-là n’est pas sans répercussions pour d’autres secteurs de l’économie, pour d’autres salariés. C’est la raison pour laquelle aussi nous avons envie qu’il puisse se conclure un accord. Pour qu’ils puissent arrêter, il faut la satisfaction de leurs revendications. C’est pourquoi j’en appelle encore solennellement – vraiment – à la raison des patrons, à la raison du Gouvernement, pour déboucher, le plus rapidement possible, sur des résultats satisfaisants.
Date : lundi 25 novembre 1996
Source : France 2
D. Bilalian : Qu’est-ce qui pourrait débloquer ce conflit ?
N. Notat : Quelque chose de tout simple : qu’enfin les négociations qui sont en cours débouchent sur de vrais compromis, sur de vraies solutions, aux revendications que ces salariés portent et qu’ils portent – je peux vous le dire, j’en ai rencontrés vendredi – avec beaucoup de légitimité ! C’est incroyable de voir leurs conditions de travail, les conditions dans lesquelles règne encore un climat social que l’on croie celui du XIXe siècle.
D. Bilalian : Vous avez parlé de « conditions sociales du Moyen Âge », vendredi à Rouen ?
N. Notat : Je n’en croyais pas mes oreilles ! J’ai entendu quelqu’un me dire qu’il sortait d’un mois de travail où il avait fait 300 heures. J’ai entendu quelqu’un me dire qu’il s’était fait licencier, pour aller de Pau à Caen, en ayant respecté les règles de sécurité, c’est-à-dire en ayant fait des pauses pendant son trajet de nuit. Il est arrivé en retard, il s’est fait licencier. Avouez franchement que c’est quand même assez étonnant à l’aube du XXIe siècle !
D. Bilalian : Il y a des conditions très différentes dans ce secteur. Il y a des entreprises performantes, et puis 60 % des effectifs sont dans de très petites entreprises.
N. Notat : C’est vrai, il faut respecter la spécificité de chaque entreprise. Mais ce n’est pas parce qu’on est une petite ou une moyenne entreprise qu’il ne faut pas respecter les conditions de travail correctes, et surtout le minimum de règles de sécurité. Je crois qu’aujourd’hui c’est un dernier appel à la raison, en particulier à la raison des responsables patronaux pour que le médiateur parvienne à un bon compromis. Un compromis équilibré, comme il dit, et je crois qu’il a raison. C’est ce que les routiers attendent. Ils ne mènent pas ce combat pour le plaisir de gêner les gens.
D. Bilalian : M. Blondel a vu M. Pons. Il propose une extension du conflit, notamment à tous les autres secteurs du transport, comme la SNCF, si les négociations achoppent. Jusqu’où va votre soutien à ce mouvement ?
N. Notat : Mon soutien, comme celui de la CFDT, va jusqu’à ce que les routiers obtiennent satisfaction sur les revendications qui sont les leurs. Par ailleurs, il existe un mouvement de grève qui est envisagé le 27, mercredi prochain, dans l’aviation au niveau des personnels navigants. Mais ça, c’est une revendication propre au transport aérien. Faire l’amalgame ce serait le plus mauvais service à rendre aux routiers. Globaliser cette action, et ce serait eux les dindons de la farce. Que chacun mène son action sur les problèmes qui sont les siens pour être sûr d’obtenir satisfaction, et de bonnes solutions à leurs revendications.