Interviews de M. Alain Richard, ministre de la défense, dans "UAE Air force magazine" de novembre 1997, la lettre "Monde arabe" "TTU" du 14 et "Al Ittihad" du 15, et parues dans "Propos sur la défense" de novembre 1997, sur la coopération militaire avec les pays du Golfe persique, sur les crises et les accords de défense au Proche-Orient et au Moyen-Orient.

Prononcé le 1er novembre 1997

Intervenant(s) : 

Média : Al Ittihad - LE MONDE ARABE ECONOMIQUE - Monde arabe - Propos sur la défense - TTU - UAE Air force magazine

Texte intégral

Entretien  à la revue militaire Émirienne « UAE Air Force Magazine » Novembre 1997

Relations militaires franco-arabes (pays du Golfe persique)

Question : Les relations entre les EAU et la France sont plutôt bonnes. Quels sont vos projets pour développer ces relations dans les domaines militaires et la défense ?

Réponse : Notre pays entretient avec les EAU des liens traditionnels privilégiés. Nous souhaitons aller de l’avant et mettre en œuvre avec votre pays une réelle relation de partenariat, non limitée aux seules ventes d’armes mais étendue à un dialogue politico-stratégique de haut niveau permettant d’aborder ensemble les questions de sécurité régionale. La France s’engage ainsi à développer une coopération approfondie avec les Émirats, ce qui implique, certes, la réalisation de contrats d’armements, mais aussi et surtout des consultations bilatérales étroites et régulières sur l’analyse mutuelle de la sécurité et de la stabilité dans le Golfe et au Moyen-Orient.

Question : Pouvez-vous mettre l’accent sur les relations bilatérales entre la France et le CCEAG ?

Réponse : La France s’est toujours montrée favorable à la mise en place d’une structure de sécurité globale dans la région pouvant permettre, à terme, d’assurer la stabilité de la zone. Depuis la signature en 1983 de l’accord de sécurité unifiée, le CCEAG s’est progressivement renforcé. Ainsi, s’agissant des îles Abou Mousa et Tombs, il a encouragé la reprise des discussions avec l’Iran dans l’intérêt de la région toute entière. Il a d’autre part souligné que l’Irak devait revenir sur ses décisions d’expulsion des experts américains. La France ne peut que soutenir toutes ces initiatives visant à conforter la sécurité régionale et se plaît à souligner le rôle très actif du CCEAG.

Salons d’armement à Abou-Dhabi et Dubaï (participation française)

Question : La France participe toujours beaucoup aux expositions internationales d’armement. Quels sont vos projets de participation pour le « Dubaï Air Show » de 1997 ?

Réponse : La France est traditionnellement très présente lors des salons d’armement. Elle organise elle-même, tous les deux ans, le salon aéronautique au Bourget en alternance avec le salon des armements terrestres Eurosatory. Les industries françaises d’armement se sont rendues à l’exposition d’armement naval et terrestre (IDEX) à Abou Dhabi, en mars de cette année. Connaissant l’importance du « Dubaï Air Show », le GIFAS prépare activement la représentation des entreprises françaises qui se rendront à ce salon. La participation française sera très importante avec le déploiement de plus d’une vingtaine d’avions de combat, de transport et ravitaillement, qui seront présentés. Un Rafale et un Mirage 2000-5, l’avion le plus moderne de l’armée de l’air française feront notamment une démonstration de leurs capacités en vol. Le général d’armée aérienne Rannou, chef d’état-major de l’armée de l’air, sera mon représentant personnel au « Dubaï Air Show ».

Question : Pourriez-vous définir le développement de la défense en Europe et la coopération en matière de défense avec l’OTAN ?

Réponse : Le traité d’Amsterdam permet d’engager dès à présent la définition progressive d’une politique européenne de défense commune. Elle s’appuie sur le développement des relations institutionnelles entre l’Union européenne et l’UEO. Les travaux entrepris dans ce sens ont déjà permis d’enregistrer des progrès. Le Conseil européen des chefs d’États et de gouvernement a désormais une compétence reconnu pour définir les grandes orientations en matière de sécurité et de défense, notamment en matière de gestion de crise. La France est un membre de l’Alliance atlantique au même titre que les quinze autres alliés. Elle participe pleinement à toute les enceintes multilatérales de l’OTAN. Elle témoigne sa solidarité vis-à-vis de la défense collective dans le cadre de l’article 5 du traité de l’Atlantique nord. Elle participe à la gestion des crises intéressant l’Alliance ainsi qu’en témoigne sa présence en ex-Yougoslavie. La France s’investit pleinement dans les nouveaux mécanismes de coopération instaurés par l’Acte fondateur OTAN-Russie et ceux du partenariat pour la paix.

Moyen-Orient (coopération franco-militaire)

Question : Comment évaluer la participation française aux arrangements de sécurité dans le Golfe ?

Réponse : La France est soucieuse de participer à l’équilibre et à la stabilité d’une région avec laquelle elle entretient des relations privilégiées. Elle s’est engagée à la protection, éventuellement militaire, de cette stabilité. Sa participation à la défense de l’intégrité territoriale et de la souveraineté du Koweït au sein des forces alliées pendant la guerre du Golfe en est la preuve. Le rôle de la coalition alliée dans la protection de cette zone s’est poursuivi bien après la fin du conflit. Ainsi, la France, qui se sent très concernée par la sécurité et la stabilité dans le Golfe, a signé des accords de sécurité bilatéraux avec plusieurs États de la région. Elle estime que la sécurité du Golfe s’inscrit dans un contexte régional plus large. Nous participons activement, aux côtés de nos partenaires et alliés, aux exercices militaires conjoints témoignant dans cette région d’une relation de confiance et de compréhension mutuelle entre les armées.

Crises au Moyen-Orient (vigilance française et règlements pacifiques)

Question : La France joue un grand rôle dans la préservation de la paix et la stabilité dans le Golfe. Pouvez-vous évaluer la situation actuelle dans la région du Golfe ?

Réponse : Des problèmes qui fragilisent cette zone demeurent en suspens. La question irakienne reste à l’ordre du jour. Si l’Irak a reconnu la souveraineté et l’indépendance du Koweït, Bagdad doit appliquer l’ensemble des résolutions du Conseil de sécurité, notamment en matière de désarmement. L’attitude adoptée ces derniers temps par l’Irak envers l’autorité de l’UNSCOM et de ses missions est inacceptable. Une fois encore, le régime irakien adopte une position intransigeante préjudiciable à sa population et à la stabilité de l’ensemble de la région. Soucieuse de la sécurité des États du Golfe et fermement attachée à la cohésion du Conseil de sécurité et à la solidarité au sein de la coalition, la France milite en faveur d’un règlement négocié de la crise.

Question : Comment envisagez-vous la crise entre les Emirats et l’Iran sur les trois îles émiraties ?

Réponse : Les évolutions de la situation politique en Iran attirent notre attention. Le président délivre des signes laissant croire à une amélioration possible des relations de la République islamique avec les mondes arabe et occidental. Une grande vigilance s’impose cependant, en attendant de voir cette évolution confirmée dans les faits. Le différend entre l’Iran et les EAU sur les îles Tomb et Abou Moussa en est un exemple. La saisine de la Cour internationale de justice constitue, à nos yeux, l’un des moyens de règlement pacifique des contentieux. La France est favorable à un règlement négocié de cette question dans le respect du droit international et conformément à la charte des Nations unies.


Entretien à la lettre « Monde Arabe » « TTU » 14 novembre 1997

Prolifération des armes de destruction massive (politique française)

Question : Certains pays se dotent de capacités balistiques et de technologies pouvant amener à l’élaboration d’armes de destruction massive. La France entend-elle prendre des mesures particulières contre une telle prolifération ?

Réponse : La prolifération fait peser une menace croissante sur la stabilité internationale, ainsi que sur les intérêts de la défense de la France, de ses alliés et de ses amis. Les responsabilités de la France, en tant que puissance nucléaire, reconnue par le TNP et membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, lui imposent d’être un acteur dynamique dans l’action internationale entreprise depuis 1990 pour renforcer le système de lutte contre la prolifération. Nous conduisons ainsi une action à plusieurs niveaux :

- au plan du droit international d’abord, en encourageant l’adhésion des États aux régimes internationaux qui interdisent les armes chimiques et biologiques, et en contrôlant les transferts de technologie balistique ;
- au niveau des organisations internationales ensuite, par notre contribution aux activités d’organismes comme l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique) dans le domaine nucléaire, ou la Commission spéciale des Nations Unies sur l’Irak. La France apporte là le concours de ses experts, de ses laboratoires et de ses moyens techniques ;
- en outre, nous développons des instruments de prévention, notamment par le renseignement, et, en cas de nécessité, réfléchissons aux moyens de réaction pour nos forces militaires. Notre stratégie de lutte contre la prolifération constitue une priorité politique. Il faut tenter, à tous les niveaux, de convaincre les acteurs éventuels de prolifération d’y renoncer. Le relais de l’Union Européenne est un cadre de choix pour tenir ce discours. J’observe enfin, que la France applique scrupuleusement les embargos décidés par le Conseil de sécurité de l’ONU et contribue à en assurer la surveillance.

Moyen Orient (accords français de défense)

Question : Quel est l’état de la coopération stratégique et des accords de défense passés avec certains pays de la zone ?

Réponse : La France est engagée dans la sécurité et la stabilité aux Proche et Moyen-Orient au service de la paix. Cet engagement s’est traduit par le développement de liens très étroits avec plusieurs pays de la région. Avec certains d’entre eux, ayant requis une telle garantie (Koweït, Qatar, EAU), des accords de coopération et de défense expriment la solidarité de notre pays.

Coopération franco-saoudienne

Avec ses amis, notamment le royaume d’Arabie Saoudite, la France développe un véritable partenariat stratégique qui assoit sa coopération de défense – entraînements conjoints, aide à la formation des hommes, coopération industrielle et technologique – sur un dialogue politico-militaire régulier de haut niveau, impliquant les principales autorités civiles et militaires du ministère de la défense.

Djibouti (dispositif français à l’étude)

Question : Comment s’articulera le futur dispositif militaire français à Djibouti avec le rôle que la France joue et compte jouer dans le Golfe ?

Réponse : S’agissant des moyens militaires que la France serait prête à mettre en oeuvre, en appui de ses engagements, une place particulière pourrait en effet être confiée au dispositif pré-positionné à Djibouti, dans la corne de l’Afrique. Les études se poursuivent, en liaison avec le gouvernement de la République de Djibouti, sur la nature et le format de ces forces.

Question : Existe-t-il des perspectives de nouveaux accords avec d’autres pays de la zone ?

Réponse : Nous sommes toujours heureux d’envisager de nouvelles perspectives. Nous travaillons par exemple à la signature d’un accord de coopération en matière de défense avec l’Emirat de Bahreïn, dont le rôle et l’influence régionale, en particulier au sein du CCEAG, sont tout à fait déterminants.

Pays du Golfe persique (CCEAG) – coopération militaire française

Question : On parle de coopération stratégique avec certains États de la région, mais il s’agit exclusivement d’une coopération militaire et sécuritaire. Y aurait-il des perspectives de coopérations industrielles (cofinancement de certains programmes, transferts de technologie) ?

Réponse : Il serait erroné d’adopter une présentation réductrice de ces coopérations qui ont un fort contenu politique. Dans le domaine de la défense, la coopération industrielle avec certains États de la région est ancienne, elle se diversifie actuellement grâce aux contrats de compensation que souscrivent les industriels fournisseurs de ces matériels achetés. Les réalisations industrielles sont, à ce jour, particulièrement intéressantes aux EAU et en Arabie Saoudite. De nouvelles perspectives peuvent également s’ouvrir dans le cadre de partenariats de développement et de conduite des programmes d’armement en commun, sur des projets définis en concertation.

Manœuvres communes franco-égyptiennes

Question : La France est-elle prête à engager de telles coopérations ?

Réponse : La France souhaite de telles coopérations avec les pays de la région. C’est même l’un de nos thèmes de discussion les plus importants avec des partenaires majeurs tels que l’Egypte. En effet, l’orientation résolument technologique, prise aujourd’hui par les affaires militaires, fait que les coopérations et les partenariats industriels offrent un appui naturel et indispensable aux coopérations stratégiques déjà engagées par la France.

Question : La France participe encore aux opérations d’interdiction de l’espace aérien irakien. Face aux nouveaux éléments (action turque, incursions iraniennes), sans parler d’une révision de l’embargo (du ressort des affaires étrangères), ne faut-il pas revoir le dispositif, voire les modalités de cette interdiction ?

Réponse : Les événements mentionnés dans votre question sont survenus au Nord et non dans la zone d’opérations « Southern Watch », auxquelles nos avions continuent de participer. Ainsi que le montre la toute récente actualité, il convient d’abord de veiller à ce que l’Irak se conforme sans réserve aux résolutions du Conseil de sécurité. Cette exigence constitue un élément fondamental de garantie de sécurité, apportée à tous dans la région. Le contrôle de l’Irak passe donc par une surveillance de certains programmes de désarmement, dont l’Irak reconnaissait jusqu’ici le bien-fondé, sinon les modalités. La surveillance de l’espace aérien résulte de comportements passés, agressifs. Elle demeure justifiée, dans les situations de tensions que l’on connaît.

Liban (participation de la France à la Finul)

Question : La France fait partie des premiers États pourvoyeurs de contingents pour le maintien et le rétablissement de la paix. Au regard de l’évolution au Sud-Liban, ne faudrait-il pas engager une révision de la FINUL, voire créer une nouvelle force prenant en compte les dernières évolutions ?

Réponse : La question se pose en fait depuis qu’Israël a refusé d’appliquer la résolution 425 du Conseil de sécurité. Mais, il ne faut pas minimiser le rôle stabilisateur de la FINUL, hors des situations de paroxysme qu’a connue la région depuis vingt ans. Aujourd’hui le gel du processus de paix ne favorise guère des évolutions du dispositif multinational au Sud-Liban. Seules des avancées simultanées, sur les volets syro-israélien et libano-israélien, de ce processus pourraient permettre de lancer de telles réflexions. La France ne peut que répéter sa conviction que l’approche de la sécurité d’Israël et de ses voisins se doit d’être globale.


Entretien au quotidien Emirati « Al Ittihad » 15 novembre 1997

Relations militaires franco-arabes (pays du Golfe persique)

Question : Quels sont les points forts des relations franco-arabes en général, et avec le Golfe en particulier ?

Réponse : Les relations de confiance et d’amitié entre la France et le Monde arabe sont, vous le savez, très antérieures à la guerre du Golfe. Il est exact qu’à l’occasion de ce conflit, la France a pu manifester concrètement, dès le premier instant, la réalité de son engagement et la fidélité de son amitié. De plus, la France a employé depuis de longues années son crédit et ses efforts diplomatiques à démontrer la convergence d’intérêts entre pays européens et pays arabes. Elle est ainsi bien placée pour jouer un rôle moteur pour permettre à l’Europe de contribuer à la stabilité du Golfe, comme elle le fait déjà pour la consolidation du processus de paix.

Coopération militaire franco-arabe

Question : Quels sont les projets en commun en matière d’armement et de défense ?

Réponse : Notre pays a noué avec un certain nombre de pays arabes des relations suffisamment fortes pour que se développe une coopération de défense ainsi qu’une coopération dans le domaine des armements. Si la coopération sur les armements relève directement des industriels, le Gouvernement français, pour sa part, s’attache à l’accompagnement de cette coopération en promouvant les échanges de cadres militaires et techniques, la formation des personnels appelés à servir sur des matériels français, et plus généralement le développement des manœuvres et exercices communs permettant de consolider les relations de confiance entre militaires. En ce qui concerne les armements, j’insiste sur le fait que la France ne se limite pas à une approche commerciale mais qu’elle choisit, parmi les clients potentiels, ceux des pays avec qui elle a développé des relations de confiance. Cela explique que, de plus en plus, la France propose non pas des matériels mais des systèmes d’armes, avec leur environnement et pouvant aller jusqu’à associer les pays arabes intéressés au développement des équipements de dernière génération.

Question : Croyez-vous que le climat politique international actuel est favorable pour des relations très étroites entre la France et les Pays arabes du Golfe, où la période d’après-guerre du Golfe pèse toujours sur la décision des pays arabes ?

Réponse : Si la France est aujourd’hui considérée comme un partenaire important de la plupart des Pays arabes du Golfe, c’est certainement parce qu’elle a su manifester autant de détermination dans ses engagements que d’esprit de modération vis-à-vis des tensions régionales, comme elle le fait encore aujourd’hui à propos de l’Irak.

Partenariat stratégique franco-arabe

Question : Pouvez-vous éclairer un peu sur les projets à venir avec les pays arabes ?

Réponse : Comme je vous l’ai dit, le souci de bâtir des relations de confiance durables dépasse les relations diplomatiques traditionnelles. Notre pays s’efforce donc de créer des partenariats stratégiques, militaires et technologiques pour inscrire nos échanges dans une perspective à long terme. J’insiste sur le fait que la France aborde le sujet des ventes d’armes en termes de coopération : ces pays sont des partenaires beaucoup plus que des clients. Il est plus responsable de nouer des partenariats stratégiques que de laisser les industriels livrer des matériels en n’apportant aucune contribution politique à la manière dont ces armes pourront être utilisées. Ce changement, justement, a été rendu possible par la manière dont notre pays a abordé la guerre du Golfe.

Moyen-Orient (accords de défense)

Question : La sécurité du Golfe est un enjeu stratégique pour la région et pour les relations internationales ; croyez-vous à un rôle plus déterminant de la France dans la région ?

Réponse : Dans le prolongement de son engagement au sein de la coalition multinationale, constituée, pour libérer le Koweït, la France a, précisément, consolidé des accords de coopération militaire et de défense. Nous avons développé avec l’Arabie Saoudite un véritable partenariat stratégique tous ces efforts marquent bien la solidarité de notre pays avec le CCEAG.

Liban (participation de la France à la Finul) – Processus de paix

Question : Comment voyez-vous le rôle militaire de la France au sud du Liban dans le cadre d’application de la résolution 425 du Conseil de sécurité ?

Réponse : Le rôle de la France dans cette partie de la région ne peut pas se limiter à un rôle militaire. Certes, elle a maintenu sans discontinuer son engagement au sein de la FINUL, force dont il ne faut pas minimiser le rôle stabilisateur. Mais les efforts de notre pays sont tout autant politiques et diplomatiques, avec la conviction que seul un déblocage de la dynamique du processus de paix pourra dégager des solutions durables. La France considère en tous cas, et s’efforce de faire partager ce point de vue, que l’approche de la sécurité d’Israël et de ses voisins se doit d’être globale.

Politique de la France en Afrique

Question : Comment voyez-vous le redéploiement des forces françaises en Afrique et quels sont les aspects stratégiques surtout en Mer rouge, où les conflits sont considérables ?

Réponse : Je viens d’effectuer une deuxième série de visites en Afrique pour évoquer avec nos alliés les perspectives d’évolution du dispositif militaire français. J’ai été fin juillet au Gabon, en République Centrafricaine et au Tchad, puis en octobre en Côte d’Ivoire et au Sénégal. Mes interlocuteurs ont parfaitement compris que la réduction des effectifs pré-positionnés (de 8 100 à 6 000 hommes), résultant de la grande réforme de la professionnalisation des années françaises, sera plus que compensée par le renforcement des moyens de mobilité de ces forces pré-positionnées, notamment les moyens aériens. Le succès de l’opération d’évacuation d’une petite centaine de ressortissants menacés par l’instabilité de la situation au Congo, fin octobre, a été une bonne illustration de l’efficacité conférée par la dimension aéromobile : cette opération a été entièrement menée par des hélicoptères bénéficiant d’un soutien aérien.

Plus généralement, ma visite à Dakar a coïncidé avec l’inauguration d’un colloque sur le maintien de la paix en Afrique. L’un des axes prioritaires de la nouvelle politique française est précisément d’encourager et d’aider la création de structures interafricaines de maintien de la paix, comme elle le fait déjà avec la MISAB (Mission de surveillance des accords de Bangui) qui, de l’avis général, est une réussite. Cela sera également illustré en mars prochain par un exercice interafricain associant des pays africains francophones et anglophones, avec le soutien notamment de la France, de la Grande-Bretagne et des États-Unis.

Djibouti

En ce qui concerne enfin la Mer rouge, où la France est présente par ses accords avec Djibouti, il n’y a pas véritablement de conflits mais des risques de crise, et la France a activement contribué, par ses efforts diplomatiques, à atténuer la tension à propos des îles Hanish entre le Yémen et l’Eythrée, préalable au retour d’un climat de confiance dans cette région.

Question : Dans l’ex-Yougoslavie, la France joue toujours un rôle déterminant pour assurer la stabilité politique et sécuritaire ; comment voyez-vous le futur de cette région et quelles sont les bases de stabilité de cette région ? Croyez-vous que la paix est définitive ?

Opération « Alba »

Réponse : Immédiatement à côté de l’ex-Yougoslavie, la participation française à l’opération multinationale « Alba » en Albanie, qui a réussi en quelques mois à ramener le calme dans ce pays menacé par une guerre civile, et qui a également permis le déroulement d’élections générales, est un exemple encourageant de l’efficacité de ce type d’opérations.

Ex-Yougoslavie

Dans le cas de l’ex-Yougoslavie, la France a été l’un des premiers pays à s’engager, en Croatie d’abord, puis en Bosnie, pour éviter un embrasement général. Non seulement la crise est aujourd’hui limitée à la Bosnie, mais un processus de stabilisation est largement engagé. Le règlement politique définitif de cette crise qui a été une tragédie européenne, appartient évidemment aux populations concernées elles-mêmes, mais on peut légitimement affirmer que le maintien d’une forte présence militaire internationale a permis de rendre durables les accords de cessez-le-feu, et laisse au moins espérer que la paix s’installe durablement.