Interview de M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères, dans "Business in Russia" du 1er novembre 1996, sur les relations franco-russes et le développement de la coopération économique et industrielle, Paris le 1er novembre 1996.

Prononcé le 1er novembre 1996

Intervenant(s) : 

Média : Business in Russia - Presse étrangère

Texte intégral

Q. : La France et la Russie ont toujours eu une relation particulière. Au temps des Tsars, Paris cherchait une alliance de revers pour contrer l'Allemagne ; pendant la période soviétique, le général de Gaulle fut le premier responsable occidental à prôner la coexistence pacifique. Dix-huit mois après rejection de Jacques Chirac à la présidence, comment définiriez-vous la vision russe de la France ?

R. : Vous avez raison de citer l'élection de Jacques Chirac, elle a été un jalon, fondamental : car le Président de la République a une vraie vision de la Russie, de son rôle dans le monde, de ce que doit être la relation franco-russe. Cette vision est positive et forte. Il ne s'agit évidemment pas de revenir à je ne sais quelle stratégie, de revers ou de contrepoids. La volonté de la France, aujourd'hui et je crois celle de la Russie, le sens du partenariat privilégié que j'ai évoqué avec Evgueni Primakov, c'est de dessiner ensemble l'architecture européenne de demain, celle qui, au-delà de l’an 2000, assurera à nos nations, sécurité, stabilité et, je l'espère, prospérité. C'est pour cela qu'il vous faut une relation bilatérale très intense, et pas seulement au plan politique mais aussi en matière économique et culturelle.

Q. : Cette vision est-elle liée à Boris Eltsine ? Ou bien, au-delà de la personne du Président, y a-t-il un intérêt d'État entre la France et la Russie ?

R. : Après l'élection du Président Chirac, la première rencontre entre les deux Présidents a eu lieu en octobre 1995, à Rambouillet, près de Paris. Le courant, comme l'on dit, est très bien passé. Depuis M. Chirac et M. Eltsine se sont rencontrés à plusieurs reprises, chaque fois dans une ambiance chaleureuse. Ce sont deux amis. C'est important pour la relation entre la France et la Russie.

Mais les affinités vont au-delà des personnes. Quand nous parlons de l'amitié traditionnelle entre la France et la Russie, l ne s'agit pas seulement des contacts établis de longue date entre diplomates, entre experts ou entre jeunes chercheurs ou étudiants des deux pays. Il y a aussi une formidable curiosité intellectuelle de part et d'autre. Nos cultures se sont croisées très tôt. Elles continuent à le faire, dans une sorte de fascination réciproque entre deux pays situés chacun à une extrémité de l'Europe. Mettons à profit cette amitié ancienne, cette curiosité toujours vivace, pour œuvrer ensemble à la nouvelle Europe à laquelle nous aspirons tous.

Q. : La maladie de Boris Eltsine et la course à la succession qui semble déjà engagée pourraient-elles changer cette analyse ? Autrement dit, craignez-vous une déstabilisation qui pourrait remettre en cause la transition démocratique ?

R. : Permettez-moi d'abord de saluer le courage et la détermination du Président Eltsine. Il a travaillé d'arrache-pied, depuis 5 ans, pour conduire la Russie sur la voie des réformes, faire obstacle aux forces du passé, moderniser son pays. Il l'a fait sans ménager ses forces. Je lui souhaite de recouvrer rapidement toute sa santé et son énergie.

Parler de course à la succession, n'est-ce pas aller un peu vite en besogne ? Le Président vient d'être réélu pour un second mandat. Son indisponibilité actuelle n'y change lien. Le gouvernement désigné en août travaille et poursuit son œuvre de réforme. J'ai confiance que le Président réélu et son Premier ministre, M. Tchernomyrdine, maintiendront fermement le cap de la transition vers la démocratie et l'économie de marché. J'ai aussi la conviction que c'est la volonté d'une majorité du peuple russe, qui l'a clairement confirmée lors de l'élection présidentielle. Je suis serein et confiant dans l'avenir de la Russie.

Q. : La Russie est-elle désormais un partenaire comme un autre ? Ou bien, sera-t-elle toujours perçue par la France comme un pays à part du fait de son étendue et de sa nature hybride, à la fois européenne et asiatique ?

R. : Que la Russie soit un partenaire comme un autre, c'est ce que nous souhaitons, si vous entendez par là un pays avec lequel nous voulons entretenir des relations, amicales et même chaleureuses, fondées sur la conscience du partage de valeurs et de principes communs. Cela n'exclut pas qu’il puisse y avoir des divergences d'intérêts, comme d'ailleurs avec d'autres. Elles sont naturelles et ce serait faire preuve de beaucoup de naïveté que de tenter de les masquer. Ce qui importe, c'est que les problèmes puissent être « mis à plat », que l'on parle la même langue, que l'on ait la même conception « civilisée », comme disent les journaux russes, des rapports entre États. En France, nous comprenons parfaitement que la Russie, puissance européenne mais aussi asiatique et mondiale, ait à définir et à défendre ses intérêts.

La Russie est et restera un grand pays. La géographie parle d'elle-même. Mais que signifie de nos jours l'étendue territoriale ? Je ne crois pas qu'elle continue encore l'attribut principal de la puissance. La Russie a perdu son empire, mais elle ne doit pas en avoir la nostalgie. Elle occupe une place de premier plan sur la scène internationale et dispose de ressources naturelles mais aussi humaines, car le peuple russe possède une culture et une énergie formidables. Son poids futur reposera sur sa capacité à se moderniser, à développer les immenses potentialités qui sont les siennes, bien plus que sur l'étendue de son territoire.

Q. : La Russie pourrait-elle redevenir un adversaire ?

R. : Pour quelle raison le redeviendrait-elle ? Ce ne serait de l'intérêt de personne. Alors évitons la science-fiction ou les scénarios-catastrophe.

Q. : Quelles formules préconise la France pour que l’élargissement de l'OTAN ne soit pas compris à Moscou comme une alliance occidentale contre la Russie ?

R. : Il ne faut pas se focaliser sur cette seule question de l'élargissement de l'OTAN. Nous sommes également en train de travailler, en étroite concertation avec la Russie, au renforcement de l'organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. Cette organisation, qui rassemble sur un pied d'égalité tous les pays d'Europe, est en quelque sorte le « socle » de l'architecture de sécurité en Europe. La Russie n'est donc en aucun cas exclue de l'organisation de sécurité de notre continent. Bien au contraire, elle est appelée à en définir elle-même, en accord avec les autres pays européens, les futurs contours.

Cette nouvelle organisation devra apporter des réponses aux besoins de sécurité de tous les pays européens, sans exception, qu'ils soient membres ou futurs membres de l'Alliance ou n'aient pas la perspective d'y adhérer.

C’est dans ce contexte que doit être vue la transformation de l'OTAN. Nous sommes convaincus que l'Alliance doit être rénovée pour s'adapter au nouveau contexte stratégique en Europe, et définir de façon claire et stable ses relations avec la Russie.

Si l'Alliance, comme je l'espère, réussit son adaptation, il n'y a pas de raison pour que son image en Russie reste aussi négative que vous le dites.

Q. : Comment se fait-il que, du côté de la France, l'intendance ne suive pas ? Les entreprises françaises, notamment les PME, donnent l'impression de reculer devant les risques du marché russe. Pourtant d'autres pays, que l'instabilité de la Russie pourrait aussi inquiéter, relèvent le défi : notamment l'Allemagne.

R. : Dans ce domaine – fondamental pour le resserrement des liens entre nos deux pays – il faut éviter les idées fausses. Il convient de distinguer entre investissements et échanges commerciaux.

Certes, sur le terrain des échanges, notre performance est en retrait sur celle de nos partenaires et, en tout état de cause, très en dessous de la relation politique franco-russe. Mais ce n’est pas une fatalité : depuis le début de l’année les exportations françaises vers la Russie ont progressé de plus de 30 %. 1996 marquera certainement une amélioration très sensible de notre part de marche en Russie. Après plusieurs années de stagnation, voire de régression, les entreprises françaises sont désormais beaucoup plus dynamiques sur le marché russe.

Et de fait, nos entreprises sont présentes en Russie : quatre fois plus aujourd'hui qu'il y a 5 ans. Si l'on inclut les investissements financiers, notamment bancaires, la France se classe au troisième rang des investisseurs en Russie, derrière les États-Unis et la Grande-Bretagne, mais devant l'Allemagne. Ces implantations commencent à produire leurs effets et participent sans conteste au développement des ventes françaises en Russie.
Q. : Quels aménagements préconisez-vous, quelles réformes envisagez-vous, qui encourageraient les entreprises françaises à se montrer plus déterminées ?

R. : Les entreprises ont besoin de confiance. C'est à la Russie qu'il revient d'en créer les conditions. Nous l'avons déjà dit à nos partenaires russes : si vous voulez attirer les investissements en Russie, il faut créer l'environnement juridique – notamment fiscal – stable dont les entreprises étrangères ont besoin. Cette stabilité juridique est fondamentale. Elle implique que des lois soient adoptées, qu'elles soient respectées et que leur violation soit sanctionnée par la justice. Même si de grands progrès ont déjà été faits en Russie, la tâche qui reste est encore lourde. Il faut persévérer. Nous encourageons le législateur russe à se conformer aux standards de l'OCDE.

Q. : Faudrait-il modifier le système COFACE d'aide à l'exportation ? En quoi, par exemple, la France devrait-elle s'inspirer du système allemand Hermès ?

R. : La COFACE vient de réviser cette année son système de primes. Désormais, le système de classification des taux de prime permet aux exportateurs français de bénéficier de conditions qui ne diffèrent pas sensiblement de celles offertes par les systèmes d'assurance-crédit de nos partenaires. Naturellement, une baisse très significative des taux de prime concernant la Russie reste dépendante du cadre juridique russe que nous venons d'évoquer.

Q. : Alors que l'Allemagne a créé un secrétariat d'État à l'Europe orientale et centrale, la France ne devrait-elle pas mieux coordonner ses actions vis-à-vis de la Russie et de l'ex-URSS ? Chaque ministère paraissant avoir sa propre politique, les entreprises françaises ne savent pas toujours à qui s'adresser.

R. : À chacun ses structures. Au sein de mon ministère un nombre non négligeable de mes collaborateurs travaille aux relations avec l'Europe centrale et orientale, et avec l'Est de l'Europe. La coordination, y compris avec les autres ministères, existe. Comme ministre des affaires étrangères, l'une des principales tâches qui m'incombe est précisément de coordonner l'action extérieure de la France. Et je peux vous dire que mes services s'y emploient. De fait, ils ont été les initiateurs, en étroite relation avec les services du Premier ministre et du ministre de l'économie et des finances, de la commission pour les questions de coopération bilatérale, dite « Commission Juppé/Tchemomyrdine », installée le 15 février dernier. Vis-à-vis de la Russie, cette instance nouvelle, aux structures légères, est un organe d'impulsion et d'appel de nos coopérations économiques ; au niveau français, elle contribue à la coordination de nos actions. Elle doit tenir sa deuxième réunion en France d'ici la fin de l'année.

Q. : Pensez-vous qu'il est plus facile pour les grandes entreprises de s'engager sur le marché russe tandis que les PME devraient se concentrer sur l’Europe centrale ?

R. : Il est vrai que les grandes entreprises françaises ont connu en Russie de brillants succès : pour ne prendre que les plus récents, citons les investissements décidés par Total et Elf, respectivement dans les Républiques des Nénets et des Komis, la création par l'Aérospatiale et Arianespace, en association avec la TSSKB Samara, de la société Starsem pour l'adaptation et l'exploitation du prestigieux lanceur Soyouz.

Mais les grandes entreprises françaises ne sont pas seules en Russie et il faut évoquer ici des entreprises de taille moyenne comme Arbel, qui produit en Russie des wagons pour l'ensemble de l'Est de l'Europe, ou encore comme Sucden qui, appuyée sur un solide ensemble de PME françaises, contribue à l'augmentation des rendements agricoles dans plusieurs régions de Russie (au Tatarstan, dans le Kouban).

Mais vous avez en effet raison : nous devons mieux encourager nos PME à l'étranger, et pas seulement d'ailleurs en Russie. J’ai engagé à cet effet une nouvelle initiative qui engagera tous nos ambassadeurs.

Q. : Les entrepreneurs français n'ont-ils pas aussi tendance à ignorer ce que l'Union européenne pourrait faire pour eux ? Se rendent-ils compte de l'aide qu'ils pourraient trouver auprès de programmes comme Phare et Tacis ? Connaissent-ils l'existence de la BERD ?

R. : Là encore, il faut battre en brèche quelques idées revues ; cela me conduit à être un peu technique : le taux de retour de la France sur sa participation aux programmes multilatéraux de l'Union européenne, de la BERD ou encore du PNUD, est satisfaisant, même s'il pourrait être meilleur dans certains secteurs. Quoiqu'il en soit, nous avons la volonté très ferme d'aider toujours davantage nos entreprises à se placer sur les appels d'offres des programmes multilatéraux. C'est l'une des missions essentielles que j'ai confiées à notre nouvel ambassadeur en Russie ; en outre, nos postes d'expansion économique dans ce pays, de même que la cellule « entreprises » que nous avons mise en place auprès de notre représentation permanente à Bruxelles, offrent à nos entrepreneurs des soutiens logistiques concrets.

Q. : L'un des grands défauts des entreprises françaises n'est-il pas de chercher des contrats surtout à Moscou, ou la concurrence est la plus vive ? Vos postes diplomatiques ne pourraient-ils pas les convaincre qu'il y a de nombreux marchés à remporter dans la province russe et dans les États de l'ex-URSS ?

R. : Nos entreprises sont naturellement présentes dans les provinces de la Fédération de Russie. J'ai déjà évoqué Total et Elf, actives dans les républiques polaires ; si je retiens maintenant, à titre d'exemple, la seule République du Tatarstan, il faut citer outre Sucden, Eurocopter pour la fabrication d'hélicoptères lourds, Thomson pour le contrôle du trafic aérien, Total pour le raffinage du pétrole ou encore Alcatel pour l'installation de plusieurs centaines de milliers de lignes téléphoniques. Je pourrais multiplier les exemples de la floraison des entreprises françaises dans les métropoles dynamiques de la Fédération de Russie.

Il est vrai qu'il est parfois difficile d'aller dans des provinces éloignées, avec lesquelles les communications ne sont pas toujours faciles. Mais croyez bien que ni nos entreprises, ni nos administrations n'ignorent la province, ou plus exactement les « sujets » de la Fédération. Et notre ambassade, a été l'une des premières à déployer son action, notamment culturelle, dans les grands centres régionaux de Russie.

Quant aux États de l'ex-URSS, nous avons été parmi les premiers à y ouvrir des ambassades. Nous avons immédiatement développé avec les nouveaux pays indépendants des relations dans tous les domaines. Je peux vous dire que nos ambassadeurs déploient une énergie considérable pour aider nos entreprises à être présentes sur ces nouveaux marchés.

Q. : Face à la concurrence américaine de plus en plus nette sur le marché russe, verriez-
vous d'un bon œil des formules d'associations entre entreprises européennes ? Par exemple, comment encourager des accords entre sociétés françaises et sociétés allemandes ?

R. : Nous considérons naturellement très favorablement le développement de complémentarités entre entreprises européennes pour appréhender le très prometteur marché russe. La pénétration du marché russe par Airbus est la meilleure illustration de ces complémentarités, même si les gouvernements parties à ce consortium doivent sans cesse renforcer leur cohésion dans le soutien qu'ils lui apportent face à une concurrence étrangère faisant feu de tout bois. Quant aux accords entre sociétés françaises et allemandes, il en existe déjà : pour preuve, la construction conjointe par des sociétés françaises, allemandes et russes, de la raffinerie la plus moderne d'Europe à Leuna, en Allemagne orientale.

Q. : Quelles réformes attendez-vous des autorités russes pour que les entreprises françaises soient plus nombreuses à venir ?

R. : Cette question renvoie au principe de confiance que nous avons déjà évoqué. En résumé, la satisfaction de ce principe est inséparable aujourd'hui, en Russie, de la réalisation de trois exigences fondamentales : l'existence d'un cadre réglementaire clair, stable et respecté, et en tout état de cause non rétroactif ; le développement d'un appareil judiciaire répondant aux mêmes critères ; la consolidation d'un système bancaire moderne.

Q. : La sécurité des contrats vous paraît-elle désormais assurée en Russie ?

R. : La sécurité des contrats semble assurée en Russie. Naturellement, cela ne dispense pas nos entrepreneurs du recours aux services de conseils juridiques ; il en va en Russie comme partout ailleurs.

Q. : Les problèmes fiscaux sont-ils un obstacle au développement des relations d'affaires entre la France et la Russie ?

R. : Il est évident que les entreprises françaises sont très attentives à l'évolution de la fiscalité en Fédération de Russie ; et à juste titre. Toute prise de risque se fonde sur des calculs prévisionnels souvent serrés ; en outre, elle mérite d'être récompensée. Nos interlocuteurs russes le savent aujourd'hui mieux que personne ; ils sont conscients que le drainage en quantité plus importante d'investissements directs étrangers appelle à la fois stabilité et transparence du système financier au niveau fédéral comme au niveau des « sujets » de la Fédération.

J'ajoute que devrait être signée, à l'occasion de la prochaine session, à Paris, de la Commission Juppé/Tchernomyrdine, une convention fiscale de non-double imposition.

Q. : De son côté, la France ne devrait-elle pas réformer sa procédure des visas ? Un certain nombre d'hommes d'affaires russes se plaignent des difficultés à surmonter pour être autorisés à venir en France. Ces obstacles sont certes justifiés pas la nécessité d'empêcher la mafia russe de pénétrer le marché français. Mais les trafiquants se moquent des postes frontières alors que les hommes d'affaires authentiques ne savent entrer dans un pays que légalement ?

R. : Je ne crois pas que les échanges économiques entre la France et la Russie souffrent de la procédure française pour la délivrance des visas. Le fort accroissement de demandes de visas qui nous ont été adressées depuis cinq ans a, un temps il est vrai, provoqué un engorgement de nos consulats. Cette difficulté est en passe d'être surmontée. La section consulaire de notre ambassade à Moscou a été érigée, au début de cette année, en consulat de plein exercice. J'ajoute que les visas sollicités pour des motifs professionnels peuvent être délivrés selon des procédures accélérées.

Q. : En Russie, la France dispose par rapport à ses concurrents d'un avantage unique : la francophilie de la population. La politique étrangère de la France et son action culturelle ne sont-ils pas alors les meilleurs moyens d'ouvrir la voie aux investisseurs et aux commerçants ? Mais, concrètement, que doit faire le gouvernement français pour transformer cette préférence sentimentale en atout commercial ?

R. : La politique culturelle de la France en Russie, ce n'est pas seulement le soutien à la francophonie quelle que soit, par ailleurs, son importance, et l'atout, vous avez raison, qu'il nous donne dans ce pays qui aime tant la langue et la culture française. Le principal vecteur de notre politique culturelle – au sens large – en Russie, c'est notre coopération scientifique et technique ; cette coopération, tournée d'abord vers la formation des hommes est un travail de fond que nous avons entrepris des 1992. Depuis cette date, près de 8 000 cadres russes ont été formés, plusieurs centaines de programmes menés à bien et dix filières universitaires francophones utilisant la langue française fonctionnent maintenant sur l’ensemble du territoire russe.

Parmi celles-ci, il faut mentionner le Haut Collège économique, dont M. Lassine, ministre de l'économie et de la Fédération de Russie, est demeuré le directeur scientifique ; il permet la formation d'économistes de haut niveau, maîtrisant parfaitement les techniques d'analyse et de prévision les plus sophistiquées. En matière de management, le mastère franco-russe installé à l'Académie du commerce extérieur, constitue depuis six ans une pépinière de jeunes talents russes qui se trouvent, à l'issue de leur formation, absorbés par des entreprises russes ou françaises travaillant en Russie.

Au-delà de Moscou, d'autres initiatives françaises ont vu le jour dans les métropoles régionales russes. À Saint-Pétersbourg bien sûr, où s'est développé, à côté du collège universitaire français, un vaste centre de formation à l'économie. À Nijni-Novgorod, où les universités de Paris VIII et de Grenoble œuvrent dans le domaine de la reconversion industrielle. À Ekaterinbourg enfin, ou le Centre Diderot s'attache à former plusieurs centaines de jeunes spécialistes russes à la gestion d'entreprises.

J'ajoute que nous développons également une assistance spécifique consistant en la prise en charge totale ou partielle du volet formation de programmes industriels initiés par des opérateurs français comme EDF, Gaz de France, France-Télécom, Sofrerail ou le Campus-Thomson.

Voilà notre travail de fond, dimension très concrète de notre politique culturelle en Russie ; cette politique constitue, je le crois, un relais fondamental et puissant de l'action de nos entrepreneurs en Russie.