Interview de M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances, dans "Le Point" le 22 février 1997 sur la bataille stratégique de l'intelligence économique et la mobilisation de tous les acteurs économiques.

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Le Point : Comment qualifiez-vous la compétition économique internationale ?

Jean Arthuis : Certains pays ont des stratégies de conquête des marchés, des cerveaux et d'une partie du potentiel de leurs concurrents. On petit parler de « guerre économique ». A nous de jouer jeu égal. L'Etat doit être le catalyseur de la prise de conscience et de la mobilisation.

Le Point : En France, celle-ci reste très limitée.

J. Arthuis : Elle existe, mais nous avons du mal à mettre nos ressources en commun.

Le Point : Les entreprises reprochent à l'État de détenir quantité d'informations qui ne circulent pas. Continent améliorer la situation ?

J. Arthuis : Par une prise en compte accrue des besoins des entreprises et l'utilisation des nouvelles technologies de communication. Ainsi, mon ministère est sur Internet, avec un rythme actuel de 600 000 connexions par mois. L'objectif est de collecter, de traiter et d'organiser le maximum d'Informations utiles et de les rendre accessibles aux acteurs économiques. Leurs chances d'obtenir un marché seront fortement améliorées par l'intégration accrue de l'information dans la prise de décision.

Le Point : Tout le monde peut accéder à ces informations...

J. Arthuis : Cela ne me dérange pas : elles ne relèvent pas du secret. Dans l'avalanche Informationnelle, l'entreprise a du mal à trouver celle qui lui est utile. Notre travail aujourd'hui, c'est de l'y aider. J'aimerais que des entreprises privées françaises s'en chargent Qui sera, demain, le véhicule de l’information ? Observez le développement des agences de presse ou des producteurs d'informations anglo-saxons et l'évolution des Français… Voilà un vrai problème.

Le Point : Le CCSE a adressé au Premier ministre, en décembre, un rapport, toujours non public. Que contient-il ?

J. Arthuis : Autour de trois thèmes - information, innovation et organisation de L'État, il s'agit tout à la fois d'un code de bonne conduite et de treize propositions concrètes pour faire vivre collectivement ce concept d'intelligence économique.

Le Point : Qui en sera le fédérateur ?

J. Arthuis : Ce doit être le Premier ministre, dès lors qu'est engagée l'action gouvernementale. Le patriotisme économique est porté par le président de la République. Il nous faut maintenant donner l'impulsion, en finir avec l'isolement des uns et des autres, créer et animer les réseaux.

Le Point : Dans notre pays, l'information, c'est le pouvoir…

J. Arthuis : Si l'on parvient à la libérer, on décuple le potentiel de chacun et notre performance collective. Que les grandes écoles, les consultants d'entreprise multiplient les actions pour sensibiliser largement à l'intelligence économique ! Les chambres de commerce ont aussi un rôle majeur à jouer. Il n'y a pas de monopole sur ce sujet.

Le Point : Les Américains ont créé une war room pour les grands contrats afin de concentrer les efforts et les coordonner. Et la France ?

J. Arthuis : Notre culture administrative implique d'agir différemment. Outre la création à la DREF. (Direction des relations économiques extérieures) d'une sous-direction intelligence économique, qui doit veiller à ce que l'information soit mise à la disposition des PME, le système gouvernemental d'information qui se met en place va permettre de nous donner une meilleure visibilité sur les contrats stratégiques. Pour les informations plus confidentielles, à nous de savoir à qui nous adresser pour en faire profiter la communauté. Mais nous sortons ici de l'intelligence économique !