Texte intégral
Q - On croyait que le RPR était une grande famille, mais on en entend des vertes et des pas mûres. Le camp d'en face, celui de Michèle Alliot-Marie accuse le vôtre de tripatouillage électoral, de faire disparaître des listes, cela vous fait sourire !
- « Oui, soyons sérieux ! Essayons d'aller un peu à l'essentiel. J'étais le candidat qui a demandé le premier à ce que les opérations électorales se déroulent dans la plus grande transparence. Vous savez qu'au départ les règles étaient de voter sur deux jours, d'accepter les votes par correspondance. J'ai pu obtenir que cela se déroule sur une journée et que les votes par correspondance ne soient limités qu'aux départements et territoires d'Outre-mer et aux Français de l'étranger. De plus, nous avons pu obtenir que chaque candidat soit représenté par un mandataire qui surveille dans chaque bureau de vote le déroulement des votes. Donc, de grâce ! Les mandataires faisant bien leur travail, ces opérations se déroulent d'une façon tout à fait correcte. »
Q - Alors vous, de votre côté, vous avez appelé les militants à la révolte contre, disons, quoi… les combinaisons d'appareils ?
- « Non, j'ai été très surpris des commentaires qui faisaient que, inconnu il y a quelques mois, terminant premier, immédiatement les commentaires, c'est que j'étais battu. Deuxièmement, la messe était dite et comme j'ai repris la phrase de Philippe Séguin, de « bon dit », en disant : ne vous laissez pas voler votre vote. Les militants ont montré très clairement qu'au premier tour ils ne voulaient pas être des militants godillots, ils ne le seront pas non plus au second tour. Et, aujourd'hui, ce qui est en cause, c'est un projet pour le RPR, un projet de société et ils n'acceptent en aucun cas les consignes de vote qui sont responsables. »
Q - Alors quand vous dites, comme cela a été le cas, hier soir : « je ne suis ni une potiche, ni un objet d'ornement », qu'est-ce que vous voulez dire par-là ? Vous trouvez qu'on s'est moqué de vous durant cette campagne ?
- « Non, pas du tout. On a, un moment donné, laisser croire que forcément nous allions être totalement dépendants de l'Élysée, d'autres pouvoirs, etc. Le mouvement, aujourd'hui, doit être un mouvement indépendant, clairement opposé au gouvernement socialiste et ancré sur les projets de société. Et, en ce qui me concerne, et pour ceux qui me connaissent, ils savent bien que j'ai mon caractère, mes convictions et que personne ne me démentira. »
Q - Oui, alors justement Renaud Muselier, qui est un de vos plus chauds partisans, disait hier soir : « Il n'est pas si mou qu'on l'imagine. »
- « Eh bien, ce sera le plaisir de la découverte. »
Q - Alors pourquoi vous choisir vous, pour les militants, plutôt que Michèle Alliot-Marie ?
- « C'est aux militants d'y répondre. En tout cas, j'ai clairement orienté ma campagne, aujourd'hui, sur la nécessité de dépasser les querelles de personnes. Quand on regarde les militants, ce qu'ils expriment depuis quelques semaines, ils sont fatigués des ambitions personnelles, fatigués des querelles des personnes et ils expriment ce que nos concitoyens attendent. Ils ne veulent plus d'hommes politiques de séduction, ils veulent des hommes politiques de conviction. Et ils veulent surtout s'approprier et réfléchir avec nous à l'élaboration du projet de société défendu par le RPR. Et donc, c'est tout ce programme qui, aujourd'hui, est proposé aux militants pour faire en sorte de pouvoir choisir une présidence libre, indépendante, capable de rassembler. »
Q - Donc, homme de convictions, mais quelles sont les convictions que vous avez et qu'elle n'a pas ?
- « Cessons ce jeu des différences. C'est à chacun des militants de se prononcer. »
Q - Non, mais sur le fond, en quoi votre projet est-il différent du sien ?
- « Écoutez ! Ça, c'est à elle de s'exprimer ou aux militants de choisir. Moi, ce que je propose aux militants, c'est un : que nous retrouvions aujourd'hui un certain nombre de convictions qui ne sont pas suffisamment défendues. Nous avons aujourd'hui un vrai problème de l'autorité de l'État. Nous parlions tout à l'heure de la Corse et, à chaque fois que l'autorité de l'État est faible, c'est le plus fragile des citoyens qui en subit les conséquences. Nous avons un vrai problème en matière de sécurité. Nous avons un drame sur l'éducation, si nous sommes convaincus, parce que le gaullisme c'est de l'anticipation, que demain la clé de l'indépendance des individus ou de leurs responsabilités passera par leur savoir. Quand on s'aperçoit qu'aujourd'hui un certain nombre d'élèves dans les classes n'ont plus la maîtrise des savoirs et la maîtrise même du parler, cela veut dire que nous acceptons, par nos institutions républicaines, de ne plus assurer l'égalité des chances et de piéger un certain nombre de nos concitoyens dans l'exclusion. C'est dramatique. Troisièmement, je ne crois pas qu'une société stable puisse se construire sur des cellules familiales instables. Et donc, nous avons aujourd'hui à retrouver le sens de la famille, le sens de la responsabilité, le sens de l'entreprise. Et puis, quand on se félicite aujourd'hui de récolter les fruits d'Airbus et d'Ariane, c'est parce qu'à l'époque il y avait des politiques visionnaires qui avaient compris que l'indépendance de l'Europe passerait par la maîtrise de l'espace. Aujourd'hui, notre indépendance européenne passera par notre recherche, notre technologie, nos découvertes. Et, aujourd'hui, nous sommes en train de prendre un retard considérable, et d'ailleurs, à l'Organisation mondiale du commerce, on voit bien qu'une des inquiétudes des pays en voie de développement et d'autres, c'est de dépendre des technologies, notamment du continent américain. »
Q - Alors être président d'un parti politique, c'est aussi accepter de mettre les mains dans le cambouis. Le problème de la candidature à Paris sera réglé quand, si vous êtes élu ?
- « Ce n'est pas la main dans le cambouis. C'est une responsabilité qu'on assumera comme les autres. Il est évident que, dès l'élection du président, l'équipe de direction sera mise en place dans les huit jours. La coordination, notamment pour la préparation des élections sera mise en place très rapidement et, dans les trois mois qui suivent, un certain nombre de décisions seront prises notamment sur les stratégies et le choix des candidatures. »
Q - Donc, on connaîtra le nom du candidat à Paris.
- « On connaîtra en tout cas les stratégies qui seront proposées. »
Q - Et quand vous dites : « je ne veux pas de candidat qui pourrait être synonyme de défaite », vous pensez que Jean Tibéri entre dans cette catégorie ?
- « Les principes s'appliquent à tous. »
Q - Oui, mais est-ce que cela veut dire que lui, d'ores et déjà…
- « Laissez-moi le temps de l'analyse des différentes stratégies proposées. »
Q - Bien, et avec C. Pasqua, vous avez envie de le rencontrer pour essayer de faire la réconciliation ?
- « Il ne s'agit pas de réconciliation. Il s'agit d'élaborer ensemble des stratégies de l'opposition pour gagner les échéances électorales. Et bien évidemment, Charles Pasqua fait partie des partenaires pour combattre le socialisme. »
Q - Le Journal du Dimanche vous a demandé, comme à Michèle Alliot-Marie, qui vous détestiez le plus. Vous avez répondu : « Ceausescu ». Elle a répondu : « Jospin ». Elle est plus oppositionnelle que vous ?
- « Je pratique la politique sans haine des personnes. Le combat des idées ne nécessite pas de haïr les personnes et je respecte même toutes celles et ceux qui s'engagent en politique, de même que les élus locaux ou ceux qui s'engagent dans les associations. Vous savez la politique est un métier difficile, et consacrer une partie de sa vie privée ou de sa vie professionnelle aux autres mérite d'être salué. Et donc, je ne cultive à l'égard des politiques aucun mépris. Je méprise simplement les politiques qui n'hésitent pas à se servir d'étiquette ou de changement de conviction pour asseoir pour leurs ambitions personnelles. Ceux-là sont méprisables. Ceux qui se battent pour leurs idées… »
Q - Vous pensez à qui là ?
- « Non, non mais attendez ! Vous savez qu'il y en a, un peu comme dans toutes les recherches de pouvoir… Par contre je hais profondément celles et ceux qui utilisent leur pouvoir pour détruire des vies humaines, ce qui était le cas des tyrans, comme Ceausescu. »
Q - Lionel Jospin a raison de recevoir les élus corses à Matignon ?
- « Non. Je crois qu'aujourd'hui nous assistons à une hésitation permanente avec la Corse. Je condamne, que les choses soient claires, je condamne quelle que soit leur étiquette politique, tous les élus qui cultivent la duplicité, de pouvoir, à Paris, tenir un discours du maintien de la République et, sur l'île, de vouloir, pour garder leur pouvoir, être un peu complaisants avec celles et ceux qui le rejettent. Deuxièmement, qu'on m'explique comment, il y a quelque temps, on accepte qu'un préfet, malgré les avertissements, mette en place des services parallèles parce qu'on est un peu inquiet et qu'aujourd'hui on est en train de « squeezer » le préfet en recevant directement les Corses, non pas pour établir un plan de développement, pour les écouter. Si les services de l'État ne sont pas, sur place, capables de les écouter, qu'on m'explique. Et enfin, on dit, on met un préalable à toute discussion de la condamnation de la violence et, aujourd'hui, on reçoit des élus qui refusent de condamner la violence qui a amené à la mort du préfet Érignac ? Je crois que là nous assistons à un affaiblissement de l'autorité de l'État qui est tout à fait préjudiciable.